8- " Ma première mission officielle pour Riven'th ! " 2/2
À mesure que les jours s'écoulaient, l'ambiance dans l'arène devenait plus électrique. Les résistants étaient de plus en plus nerveux et des altercations éclataient fréquemment dans leurs rangs. Tous sentaient que l'échéance approchait, la confrontation à laquelle ils se préparaient depuis de si longs mois ne serait bientôt plus seulement une vague utopie.
Comme pour confirmer aux yeux de tous que le décompte était lancé, le jour du départ en mission de Saï fut choisi. Elle devrait voler jusqu'aux terres de chacun des seigneurs alliés de la Résistance. Elle les informerait de la date et de l'endroit où leurs armées se rejoindraient avant de marcher sur la colonie qui avait été choisie pour cible. Celle-ci était située au sud de Riven, dans une région qui avait été si souvent la proie des Ravageurs que les habitants l'avaient peu à peu désertée. Les Sulnites, dans leur orgueil, pensaient faire d'une pierre deux coups en valorisant ces terres abandonnées tout en faisant comprendre aux Rivenz qu'ils pouvaient les protéger de la menace des Ravageurs.
À l'aube du jour dit, Saï se tenait sur l'esplanade aux côtés de Tempête. Elle avait eu le plus grand mal à fermer l'œil la nuit précédente, mais l'excitation et l'adrénaline repoussaient pour l'instant le besoin de sommeil. Elle avait revêtu son épaisse veste de cuir et les gants assortis, puis elle avait tressé ses cheveux pour ne pas être gênée en plein vol. Le casque sous le bras, elle avait inconsciemment adopté l'attitude des Cavaliers Célestes lorsqu'ils déambulaient en ville. Ses amis l'entouraient, empilant les recommandations soucieuses.
– Vous devez rester en altitude pour ne pas attirer l'attention, disait Eliz. Pas trop haut quand même, pour pouvoir te repérer. Méfie-toi des Ravageurs, certains peuvent voler et il y en a souvent davantage dans les régions montagneuses. Ne prends aucun risque, surtout !
– Rappelle-toi bien les points de repère dont nous avons parlé, renchérissait Hermeline. Ce serait dramatique si tu atterrissais au beau milieu d'une garnison sulnite au lieu d'un village allié.
– Si c'est trop dangereux, tu reviens, intervint même Kaolan.
Saï acquiesçait à tout. Son excitation se muait peu à peu en panique. Cette fois-ci, elle serait vraiment seule, livrée à elle-même.
Pas complètement seule, s'empressa-t-elle de rectifier en sentant le doux reproche de Tempête dans son esprit. Elle ne pourrait pas se cacher derrière Eliz ou attendre d'être tirée d'affaire par les pouvoirs de Yerón.
Tempête s'impatientait et Saï décida de couper court à ces adieux qui la rendaient nerveuse. Elle serra ses amis dans ses bras et enfila son casque. Enfin, elle grimpa sur le dos de Tempête et s'installa confortablement sur sa nouvelle selle.
– Ne vous inquiétez pas, tout se passera bien, dit-elle avec une assurance qu'elle était loin de ressentir.
Elle agita la main à l'adresse du capitaine Johann et des résistants qui s'étaient rassemblés pour la voir partir puis Tempête prit son envol. Alors que le vent sifflait à ses oreilles, Saï eut le temps de regretter fugitivement ne pas avoir donné de consignes à Hermeline concernant la surveillance du capitaine et la distance autour de Razilda qu'il fallait lui faire respecter. Toutefois, devant la beauté du paysage qui s'étalait sous ses yeux, elle oublia vite ces trivialités. Elle ne pourrait jamais se lasser de voir les formes miroitantes des cours d'eau qui sinuaient, les troupeaux d'arbres serrés les uns contre les autres, comme des moutons, les étendues vertes des prairies à perte de vue soudain brisées par des camaïeux brun et jaune lorsque survenaient les champs. Elle s'abîma dans une contemplation hypnotique.
Sa première étape devait être la baronne Walderling, leur plus proche alliée. Saï s'émerveilla de voir défiler si rapidement sous eux le paysage qu'ils avaient mis si longtemps à traverser dans l'autre sens. Tempête lui confirma que pour des créatures terrestres, ils étaient affreusement lents et qu'il était contraint de passer son temps à les attendre. Aussi était-il ravi de pouvoir enfin déployer toute sa vitesse et montrer sa puissance.
Au bout d'une heure, ils survolaient déjà la masse sombre de Laudengen. Il ne leur fallut que quelques coups d'aile pour que la ville ne fût plus qu'un souvenir derrière eux. Un souvenir très mitigé, dut convenir Saï pour qui l'émouvante prestation de Saphir ne suffisait pas à effacer totalement la tension qui avait suivi.
Il n'aurait sans doute besoin que d'une heure de plus pour atteindre le domaine de la baronne. À mesure qu'ils s'approchaient, Saï scrutait le sol de plus en plus nerveusement. La zone était moins peuplée et elle craignait de rater un point de repère. L'assurance de Tempête qu'il serait capable d'y retourner sans peine la tranquillisa à peine. Elle ne voulait pas se reposer totalement sur lui et ignorer leur trajectoire. Un vent insidieux se leva tandis qu'elle examinait ainsi chaque pouce du terrain au-dessous d'eux. Elle n'y prêta tout d'abord aucune attention. Pourtant, alors que Tempête commençait à perdre de l'altitude, elle constata que les nuages qui s'amassaient devant eux, en direction de la Grande Barrière, prenaient une teinte sombre des plus inquiétantes. Cependant, ils étaient encore loin, et elle espéra que le vent les disperserait d'ici la fin de la journée. Pour l'instant, sa préoccupation la plus immédiate se focalisa sur les formalités de l'atterrissage.
Elle avait enfin reconnu le manoir de la baronne Walderling, petite forme carrée au milieu des champs vers laquelle Tempête était en train de piquer. Elle craignait toutefois d'en effrayer les occupants avec une approche trop agressive et demanda au griffon de ralentir l'allure. Avec une logique différente, celui-ci fit valoir que plus ils iraient lentement, et plus ils auraient de chance d'être pris pour cible. Saï hésita, troublée par l'argument. Pendant ce temps, Tempête fonçait toujours et la cour du manoir se rapprochait à une vitesse folle. Saï prit peur, cette fois-ci, pour sa sécurité.
– Ralentis, ralentis ! cria-t-elle.
Les minuscules silhouettes qui s'affairaient dans l'enceinte du manoir se mirent soudain à courir en tous sens. Il lui sembla même entendre des exclamations.
– Au nom de Lilan, ralentis ! s'époumona-t-elle encore.
Tempête ouvrit largement ses ailes pour freiner la descente. Une flèche siffla à l'oreille de Saï, puis une autre. Elle se dressa sur ses étriers et agita les bras, pas un seul instant elle n'avait envisagé qu'ils pourraient être pris pour un Ravageur.
– Ne tirez pas ! hurla-t-elle. Nous sommes des messagers !
Une autre flèche fusa tandis que Tempête décrivait des virages serrés. Les clameurs qui leur parvenaient commençaient à prendre un sens.
« Réfugiez-vous à l'intérieur ! » « Sonnez l'alerte ! » « Attendez, je vois quelqu'un sur son dos. » « Malheur ! Le Roi-Brigand est de retour ! » « C'en est fini de nous ! »
Tempête se percha sur le toit d'ardoises de la plus haute tour du manoir. Saï continua de gesticuler, s'égosillant à en perdre la voix.
– Ah ! J'avais bien dit qu'il y avait un cavalier ! lança quelqu'un.
– Nous apportons un message à la baronne Walderling, cria Saï. Laissez-nous atterrir dans la cour !
Une dizaine de gardes s'étaient rassemblés sur l'esplanade. Voyant qu'ils avaient cessé de tirer, Saï demanda à Tempête de les rejoindre. Dès qu'il posa une patte sur le sol couvert de graviers, le griffon fut aussitôt encerclé. Les visages des soldats étaient effrayés, mais résolus alors qu'ils pointaient leur lance vers l'étonnant duo.
– J'amène un message pour la baronne Walderling, répéta Saï, les mains levées. Vous n'avez rien à craindre de nous.
Avec beaucoup d'à-propos, ce fut le moment que choisit la baronne pour émerger de sa demeure, suivie de son époux.
– Eh bien, que signifie ce remue-ménage ? commença-t-elle avant de rester muette de stupeur devant le curieux équipage qui occupait son parvis.
Toujours tenue en respect par une dizaine de lances, Saï mit pied à terre et ôta son casque, révélant sa jeunesse aux gardes ébahis.
– Il me semble que je connais cette demoiselle, dit alors la baronne. Laissez-la s'approcher, voyons !
Saï s'inclina poliment.
– Nous nous sommes effectivement déjà rencontrées, le jour du mariage de votre fils. Je faisais partie de... hum... la suite de la capitaine Drabenaugen.
La baronne hocha la tête d'un air entendu.
– Venez, suivez-moi, et commencez donc par me dire quelle est cette splendide créature que vous chevauchez.
« Et donnez-lui à boire, vous autres ! lança-t-elle encore vers les gardes dans la cour tandis que Tempête posait avec affectation.
Saï ne se fit pas prier pour parler des griffons de son île. Pendant qu'elle devisait, la baronne et son époux la conduisirent dans le bureau où ils avaient été reçus lors de leur première visite.
Là, la jeune fille leur transmit solennellement un des messages cachetés qu'Hermeline lui avait remis. À sa lecture, ses hôtes échangèrent un regard grave.
– Nous avons pu réunir huit cents combattants, annonça fièrement le baron. Hommes et femmes, tous volontaires. Vous pouvez dire à Son Altesse Hermeline que nous allons tout de suite engager les préparatifs pour nous mettre en route et être au lieu de rendez-vous en temps et en heure.
– Fort bien, elle en sera ravie, commenta Saï solennellement, essayant de jouer son rôle au mieux. Je serai chargée de survoler régulièrement l'île pour faire un point sur l'avancée des troupes de chacun. Je pourrais ainsi vous mettre en garde en cas d'obstacle, ou de mouvements sulnites imprévus. Prévenez vos officiers de ne pas hésiter à me faire signe si besoin. En agitant un étendard, par exemple.
– C'est tout bonnement extraordinaire de vous avoir à nos côtés, se réjouit la baronne. Il sera très rassurant pour nos troupes de savoir que vous veillez sur eux depuis les hauteurs. Pensez-vous ! Quelle surprise que les fameux griffons de Derusto'th existent réellement ! Et qu'ils soient de notre côté !
Saï sourit poliment, songeant à la tête que feraient les officiers des Cavaliers Célestes s'ils apprenaient que leurs voisins rivenz les considéraient comme des alliés. La jeune fille joignit les mains dans son dos pour cacher sa nervosité. Maintenant qu'elle avait accompli sa mission, elle se demandait de quelle façon prendre congé. Hermeline avait fait du bon travail en lui enseignant la géographie de l'île, mais elle avait omis d'ajouter à ses cours une couche de protocole. Même si ses hôtes semblaient simples et directs, et ne se formaliseraient probablement pas d'un manquement à l'étiquette, ce ne serait peut-être pas le cas de tous les seigneurs partisans de la Résistance. Elle ne devait surtout pas commettre d'impairs qui risqueraient de leur aliéner des alliés.
– Nous manquons à tous les devoirs de l'hospitalité, se récria soudain le baron. Souhaitez-vous manger ou vous rafraîchir ? Nous pouvons faire préparer une chambre à votre intention.
– Je vous remercie, mais j'ai encore beaucoup de route à faire, répondit Saï, soulagée qu'il lui offrît l'occasion qu'elle attendait. Je ne peux m'attarder trop longtemps.
– Bien sûr, nous ne devons pas vous retarder davantage, ajouta la baronne. Je vais tout de même vous faire un présent qui devrait faciliter vos futurs atterrissages. Très cher, voudrais-tu bien ramener notre messagère à sa monture, je vous rejoins tout de suite.
Le baron raccompagna Saï dans la cour où Tempête s'abreuvait bruyamment dans une grande auge sous le regard choqué des chevaux auxquels elle était habituellement réservée. À distance respectueuse, gardes, serviteurs et autres habitants du manoir formaient un cercle curieux et chuchotaient entre eux avec excitation.
Alors que la jeune fille s'apprêtait à monter en selle, la baronne les rejoignit, tout essoufflée. Elle tenait une petite bannière aux couleurs des Soltanhart.
– Voici ! dit-elle en lui tendant l'objet. Si vous l'agitez avant d'atterrir, cela vous évitera peut-être d'être pris pour cible.
Saï apprécia l'attention et remercia chaleureusement. Elle enroula étroitement le tissu bleu et or autour de la hampe et glissa la bannière dans son bagage sanglé sur le dos de Tempête. Puis elle se hissa sur la selle.
– Ceci est également pour vous, pour vous remercier, continua la baronne en sortant d'une poche de sa robe une petite forme ronde entourée d'un tissu. C'est un pâté tout juste sorti du four, vous pourrez le grignoter en vol.
Le baron s'avança aux côtés de son épouse, la mine soucieuse.
– Le ciel se couvre, constata-t-il. Êtes-vous sûre de ne pas vouloir repousser votre départ ?
En levant le nez, Saï dut convenir qu'il avait malheureusement raison. Les quelques nuages gris qu'elle avait remarqués avant d'arriver sur le domaine s'étaient multipliés et assombrissaient désormais le ciel de leur masse menaçante. Elle hésita, mais Tempête balaya ses inquiétudes, en lui assurant que les griffons étaient faits pour voler par tous les temps. Saï se laissa tranquilliser bien qu'elle-même n'en fût pas un, et donna le signal du départ.
Alors que Tempête s'élevait lentement, la jeune fille songea brusquement qu'elle devait soigner son image. Elle salua donc de la main les Walderling et les occupants de la cour en se reprochant de ne pas avoir réfléchi à une phrase percutante à lancer du genre "Vers la victoire !" ou "Tous unis contre les Sulnites !". À moins qu'elle n'outrepassât ses attributions ? Elle devrait en parler à Hermeline dès son retour. Quelques cris joyeux s'élevèrent pour saluer son départ.
Le domaine des Walderling ne tarda pas à disparaître à l'horizon, et Saï déballa le petit pâté dans lequel elle mordit avec délice. Elle n'en était peut-être pas encore au niveau du prestige des Cavaliers Célestes, cependant les à-côtés avaient déjà du bon.
Sa destination suivante était la baronnie Hasselbach, là où vivait Annalena. Avant de remettre ses gants, elle se lécha les doigts avec gourmandise pour ne pas perdre une miette de son casse-croûte. La jeune fille se demanda comment la fugueuse avait géré son retour dans sa famille. Non pas qu'elle se projetât de quelques façons que ce fût à sa place. Cela n'avait absolument aucun rapport avec sa situation à elle. Pourtant, elle était tout de même curieuse.
Alors qu'ils se rapprochaient de la région des Dômes, le vent devenait plus violent. Des bourrasques malmenaient Saï qui devait s'accrocher énergiquement aux sangles de la selle pour ne pas être déséquilibrée. Pour l'instant, le vol de Tempête ne semblait pas en être perturbé. Le griffon changeait toutefois fréquemment d'altitude, espérant trouver des zones plus tranquilles pour épargner sa cavalière. Cependant, le temps n'était pas propice aux accalmies. De grosses gouttes de pluie s'écrasèrent sur l'encolure de Tempête, puis sur les mains et le casque de Saï.
– Ce ne sont pas quelques gouttes qui vont nous arrêter ! déclara Saï à haute voix, plus pour se persuader elle-même que Tempête. On peut continuer !
Le griffon acquiesça et ses grandes ailes blanches s'élevèrent gracieusement, contrastant avec le gris métallique des nuages. Malgré les espoirs de la jeune fille, la pluie forcit rapidement et elle fut bientôt trempée. Même si Saï était bien aise des lunettes de protection fixées sur ses yeux, celles-ci, dégoulinantes d'eau, ne lui permettaient désormais plus de distinguer grand-chose devant elle.
Un éclair blanc déchira le ciel. Elle tressaillit.
– On n'a plus le choix, il faut trouver un abri ! cria-t-elle avec inquiétude. C'est trop dangereux !
Tempête plongea vers le sol. Un coup de tonnerre retentissant éclata, arrachant à Saï un glapissement de panique. Elle ferma les yeux énergiquement et se cramponna à la selle. Le vent rugissait à ses oreilles, tandis que la pluie ruisselait sur son visage et dans son cou. À travers ses paupières closes, la lumière brusque des éclairs lui parvenait encore, comme un avertissement à se préparer au fracas du tonnerre. Murmurant une prière à Lilan, elle remit son sort entre les ailes de Tempête.
Le jeune griffon fonça à travers les trombes d'eau, son regard acéré braqué sur le relief qui apparaissait peu à peu sous lui, à mesure qu'il descendait. Il survola le ruban grisâtre du Reikstrom, ignora les forêts d'arbres squelettiques qui agitaient leurs bras sombres vers eux. Soudain, il vira sur la gauche en apercevant la forme d'une falaise qui se détachait sur les plaines environnantes. Il la suivit dans l'espoir d'y repérer une grotte, une faille, n'importe quelle anfractuosité dans laquelle ils pourraient trouver refuge. Hélas, aucun abri ne retint son attention.
Enfin, aiguillonné par l'urgence, il finit par remarquer un bâtiment, plus loin sur une colline. Il était rond et haut comme une petite tour, étendant de grands bras dont deux semblaient cassés. C'était un moulin en ruine, et Tempête redoubla de vitesse pour l'atteindre alors que l'orage s'en donnait à cœur joie. Le griffon atterrit lourdement dans l'herbe spongieuse, il s'approcha du moulin et ouvrit le battant de la porte mal ajusté d'un coup de tête énergique.
À ce changement de rythme, Saï ouvrit les yeux.
– Bien joué, Tempête, murmura-t-elle entre deux claquements de dents.
Elle glissa en bas de sa selle et ferma la porte, étouffant aussitôt le grondement de l'orage. Elle ôta son casque et ses gants et les posa dans un coin de la petite pièce ronde, à côté d'un bac de pierre. Collés contre le mur, des escaliers montaient vers l'étage supérieur où une poulie était fixée. Une fenêtre étroite s'ouvrait dans l'épaisseur des pierres, par laquelle les éclairs venaient brièvement illuminer la pénombre.
En grelottant, Saï entreprit de libérer Tempête de l'harnachement qui l'encombrait. Selle et bagage rejoignirent son casque à l'écart. Tandis que le jeune griffon s'ébrouait, elle se défit de sa veste de cuir et de ses bottes. Des frissons convulsifs l'agitaient. Elle ôta un par un ses vêtements qu'elle essora dans le bac de pierre avant de les étaler sur ses bords, espérant qu'ils pourraient sécher d'ici la fin du déluge. Elle frictionna ensuite ses tresses qui dégoulinaient en ruisseaux glacés le long de sa poitrine. La jeune fille éternua et comprit qu'elle devait impérativement chercher de quoi faire du feu. Elle s'engagea pieds nus dans l'escalier. À l'étage, elle découvrit une partie du mécanisme du moulin, cassé en de multiples morceaux qui jonchaient le sol. Elle les tira et les jeta dans les marches qu'ils dévalèrent avec fracas. Aidée de Tempête, Saï en brisa les plus gros en quelques bûches très acceptables. Elle fouilla ensuite dans son paquetage pour en sortir la petite pochette de tissu ciré qu'Eliz lui avait remis. Elle fut soulagée en constatant que le briquet à silex et l'amadou étaient restés bien au sec.
Bientôt, une maigre flamme naquit des efforts de Saï et se propagea le long des roues dentées et des axes brisés. Le feu ne durerait certainement pas très longtemps, mais sa chaleur serait salutaire. Tempête s'allongea devant les flammes crépitantes et Saï s'assit contre lui. Il referma délicatement son aile sur elle, comme une douce couverture. Les tremblements qui agitaient la jeune fille s'estompèrent peu à peu et elle sombra vite dans une somnolence bienvenue.
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