Pourtant, tu n'étais qu'un rêve

Les premières fois où c'était arrivé, Jimin n'y avait pas vraiment fait attention. Des clés retrouvées, tomber sur le dernier exemplaire d'un jeu vidéo qu'il peinait à trouver, etc. Il pensait juste, une fois n'était pas coutume, que sa chance s'était décuplée en cette fin d'année. De simples coups de chance qu'il ne boudait pas mais ne remettait pas non plus en question.

Il lui fallut une bonne dizaine de jours pour faire le lien entre ces événements chanceux et les rêves étranges qu'il faisait chaque nuit. Parce qu'il n'y avait rien d'étrange à rêver d'un lieu où l'on se sentait bien. Mais lorsqu'il finit par se rendre compte que ces rêves se répétaient et qu'à chaque fois un seul détail changeait, il se posa des questions. Et lorsqu'il comprit que ces fameux détails étaient à chaque fois liés à ce qu'il lui arrivait le lendemain, il sut que quelque chose était bizarre.

Il avait rêvé de ses clés juste avant d'enfin les retrouver.

Il avait rêvé jouer à ce fameux jeu qui était en rupture de stock, la nuit juste avant d'en trouver un exemplaire.

Il avait même rêvé de neige, la nuit où les premières neiges de l'année étaient tombées.

C'était comme s'il avait en sa possession la lampe d'Aladdin et que chaque nuit, sans en avoir conscience, il faisait appel au génie et utilisait un de ses vœux. A moins qu'il ne soit tout simplement devin et que ses rêves soient prémonitoires.

Bien entendu, cela paraissait peu probable, qu'il s'agissait des rêves prémonitoires ou du génie d'Aladdin. Il pouvait parfois se montrer un peu crédule, mais pas au point de penser qu'il avait le sommeil magique Si c'était le cas, il pourrait sûrement contrôler le moindre de ses faits et gestes et chacune de ses pensées une fois dans les bras de Morphée.

— Ca doit être bien de faire un rêve lucide. J'aimerais essayer un jour.

— Ce n'est pas déjà ce que tu es en train de faire ?

Il sursauta et se tourna vers la voix qui avait percé le silence. Il tomba alors avec un jeune homme, peut-être son âge, un peu plus jeune, ou un peu plus vieux. Il paraissait assez irréel et fascina le temps d'un instant Jimin avant que ses mots ne fassent leur chemin jusqu'à son cerveau. Il regarda autour de lui et se rendit compte qu'il était là-bas. Cet endroit qu'il voyait chaque nuit en rêve et dans lequel il se sentait si bien. Il alla se pincer mais l'autre jeune homme l'arrêta.

— Je ne le ferais pas si j'étais toi.

— Alors c'est vrai ? Se pincer suffit à savoir si l'on est dans un rêve ou non ?

— Non. Mais ça fait mal, même endormi.

Il lui adressa un sourire un coin avant de s'approcher de lui et tendre une de ses mains.

— Je m'appelle Jungkook ... mais en fait, tu peux m'appeler comme tu veux. Après tout, c'est un de tes rêves.

— Va pour Jungkook, répondit doucement Jimin, perplexe quant à la simple non-existence du jeune homme face à lui. Je suis Jimin ... mais je suppose que tu le sais, puisque c'est mon rêve, ajouta-t-il en serrant sa main.

Il le détailla rapidement du regard. C'était ... étrange. Beaucoup trop de choses se mélangeaient dans sa tête. Il ne savait pas quoi penser de la présence de ce fameux Jungkook. Il ne savait pas quoi penser non plus de sa simple existence.

Ils étaient bien tous les deux dans un de ses rêves. Il ne pouvait assurément pas être réveillé, sinon il allait falloir lui expliquer pourquoi les tournesols faisaient au moins deux fois leur taille. Pourtant, quelque chose clochait.

Avait-il vraiment les capacités pour inventer quelqu'un ressemblant physiquement à Jungkook ? Il se doutait que le monde onirique devait offrir une infinité de possibilités, mais de là à créer de toute pièce une personne aussi ... et tellement ... bref, une personne telle que celui qui lui faisait face à l'heure actuelle ? Il doutait quand même de ses capacités à le faire.

— Tu réfléchis trop Park Jimin. C'est ton rêve, tout est possible non ? De quoi as-tu envie là tout de suite ?

— Là maintenant ? Comprendre ce qu'il se passe et d'un grand café.

Le rire de Jungkook l'enveloppa d'une chaleur apaisante.

— Pour le premier, ne t'inquiète pas, les réponses arriveront un jour. Quant au café ..., continua-t-il en faisant mine de réfléchir, Désolé, ton réveil sonne. Mais va voir dans ta cuisine, on ne sait jamais.

Il lui fit un clin d'œil avant de lui tourner le dos. Jimin ouvrit la bouche pour lui répondre quand il se sentit happé par une sensation étrange. Comme si on le tenait et qu'on essayait de le tirer hors de son corps. Et pourtant, ce fut l'inverse qui arriva.

Il ouvrit difficilement les yeux, le cerveau martelé par un bruit assourdissant. Il mit quelques secondes avant que son esprit émerge et qu'il se rende compte qu'il était dans son lit et que l'horrible son était la sonnerie de son réveil.

Il fallut quelques minutes supplémentaires pour que son rêve lui revienne en mémoire. Il bondit du lit et courut dans la cuisine où un café fumant l'attendait.

— Je deviens fou ... ou somnambule.

Il attrapa la tasse et inspira longuement avant de soupirer. Devait-il boire ce café ? Il ne savait pas d'où il venait. Il l'avait simplement rêvé mais était-ce suffisant pour tenter le diable ? Peut-être avait-il été drogué dans la soirée ? Peut-être que ce breuvage n'était qu'un puissant poison ?

— Ouais ... on va pas tenter le diable, dit-il alors en vidant la tasse dans l'évier.

La journée se passa sans encombre.

Enfin ... physiquement.

Parce que dans sa tête, avaient tourné des milliers de pensées et de questions convergeant toutes vers la même idée obsessionnelle. Celle de retourner là-bas, de revoir Jungkook et d'avoir des réponses à ses questions.

Alors le soir venu, il prit à peine le temps de dîner qu'il se prépara pour la nuit. Mais les choses auraient été trop simples s'il lui avait juste fallu fermer les yeux pour rejoindre sa self place onirique. Il se tourna et se retourna dans son lit, son esprit tournant à plein régime. Puis sans qu'il ne s'en rende compte, il y était.

— Tu n'as pas bu le café ? entendit-il près de lui.

Jimin se retourna et vit le sourire insolent de Jungkook, assis à une table qui n'était pas présente la nuit dernière. Il l'y rejoignit sans plus attendre.

— Comment il est arrivé sur ma table ? demanda Jimin sans perdre de temps.

— Et comment je le saurais ? répondit Jungkook. Aux dernières nouvelles, j'étais ici avec toi avant que tu ne te réveilles.

Il marquait un point et pourtant, quelque chose semblait étrange. Mais il n'eut pas le temps de s'appesantir sur le sujet que Jungkook coupa le cours de ses pensées.

— Tu as travaillé aujourd'hui ?

— Pourquoi tu demandes ? Tu n'es pas censé le savoir déjà ?

— Ok, passons un marché. Quand tu es là, fais simplement comme si j'étais un ami que tu retrouvais.

— Si on fait comme si tu n'étais pas issu de mon esprit ... désolé mais par conséquent on ne se connait pas.

— Ok, soupira l'autre jeune homme. Alors bonjour je m'appelle Jungkook, je vis ici. Enchanté Jimin qui ne vit pas ici. Ami ? déblatéra-t-il en lui tendant la main.

Jimin ne put s'empêcher de pouffer de rire. Il avait plutôt une bonne imagination. Et après tout, que risquait-il à accepter la proposition ? Alors il tendit à son tour la main et serra la sienne. Pendant quelques secondes, il s'étonna de la trouver aussi chaude. Il pensait que dans les rêves, les sensations comme le chaud ou le froid n'existait pas. Il s'était presque attendu à ce que la main de Jungkook ait la même matière que la chaise sous lui. Mais au contraire, elle était chaude et douce.

— Tu comptes me rendre ma main ?

Jimin leva la tête et croisa le regard de Jungkook. Il ouvrit la bouche, prêt à répondre quelque chose quand une lueur mutine scintilla au fond des yeux du jeune homme, le rendant un peu plus réel dans ce monde de rêve.

S'il devait être sincère avec lui même, il sentit à ce moment là son coeur faire une embardée. Il retira sa main et l'essuya même sur son pantalon, grimaçant pour se donner contenance en espérant fortement qu'aucune rougeur traîtresse ne se soit installé sur son visage.

— Et donc, reprit Jungkook comme si de rien n'était, puisque nous sommes désormais ami, tu vas répondre à ma question ? Tu as travaillé aujourd'hui ? Comment ça s'est passé ? Et d'ailleurs, dans quoi travailles-tu ?

Jimin leva les yeux au ciel face au nombre de questions dont l'assommait Jungkook mais pourtant, il y répondit quand même avec un certain entrain. Il n'avait pas souvent l'occasion de parler avec des gens en dehors de son travail qui lui prenait déjà beaucoup de temps. Sans compter que sa vie sociale ne valait pas un centime.

Alors il parla de son poste dans cette entreprise dans laquelle il avait longtemps rêvé de travailler, des premières désillusions qu'il avait eu avant de finalement se faire une vraie place dans ce milieu qu'il aimait.

— Donc ta passion, c'est le numérique ?

— En partie oui. J'aime les possibilités qu'offrent les nouvelles technologies et j'essaye de les exploiter dans des projets dont le but est d'améliorer la qualité de vie de certaines personnes, comme les personnes handicapées, les personnes âgées ... D'ailleurs, on teste certains de nos produits dans des hôpitaux.

— Intéressants. Et sinon les amours ?

— T'aimes marcher dans la bouillasse toi ... Pourquoi tu demandes ? Soit t'es mon ami, soit tu es issu de mon imagination, mais dans les deux cas, tu es parfaitement au courant que mon mec m'a quitté en début d'année parce que finalement, une relation était mieux pour son image et que depuis, je me noie dans un travail où j'espère un jour avoir une promotion.

Jungkook lui adressa un regard contrit. Il passa une main dans ses cheveux, comme s'il ne savait plus où se mettre et qu'il cherchait les bons mots à dire après ça.

— Désolé ... j'aurais pas dû ...

— Effectivement. Tu n'aurais pas dû.

— Mais on peut peut-être faire un truc pour la promotion.

Jimin le fixa du regard, incrédule, avant de laisser échapper un éclat de rire.

— Ok, si j'arrive à l'avoir, je te pardonnerai. Mais d'ici là que mon patron daigne enfin m'attribuer le mérite de mon propre travail, on a le temps !

— On verra ... bonne journée à toi en tout cas.

— Comment ça ? Tu t'en vas ?

— Moi non, mais toi oui. Bon réveil.

Et les yeux ouverts, Jimin se retrouva à observer les rayons du soleil qui passaient à travers ses stores, son réveil l'ayant à nouveau sorti de son rêve. Il traina un peu des pieds pour aller au travail. Ses rêves lucides étaient plutôt intéressants, mais finalement, se reposait-il vraiment ? Il avait parfois l'impression d'être plus fatigué au réveil que lorsqu'il s'était couché. Peut-être devrait-il passer quelques nuits sans aller là-bas, ou en tout cas, pas de manière aussi lucide. Avait-il le moyen de contrôler ses allées et venues? Il essaierait.

Mais pas cette nuit, parce qu'il avait tant de choses à raconter à Jungkook. A commencer par le changement de manager qu'il y avait eu dans l'entreprise où il travaillait. A priori, celui-ci avait été viré après que de multiples plaintes soient déposées à la direction contre lui pour avoir volé des projets et s'en être attribué tout le mérite. Il s'attendait alors à ce qu'on leur annonce la venue d'un nouveau manager.

Sauf qu'il était le nouveau manager.

La promotion qu'il avait tant attendue était là.

Il fallait qu'il le dise à Jungkook.

Alors le soir même, lorsqu'il arriva dans sa safe place, il raconta toute sa journée sans laisser le jeune homme en placer une. Mais Jungkook ne semblait pas s'en accommoder. Si Jimin l'avait un peu mieux observé pendant qu'il parlait, il aurait même pu déceler dans ses expressions de l'attendrissement. Est-ce qu'un rêve pouvait s'attendrir de son rêveur ?

Il semblerait.

Et Jimin pardonna alors Jungkook pour sa question de la veille.

Et Jimin devint même réellement ami avec ce dernier, oubliant la plupart du temps que celui-ci n'était pas réel. Mais il n'en avait rien à faire, il aimait venir ici, parler avec lui jusqu'à son réveil.

Le temps ici ne s'écoulait pas de la même manière que dans le monde éveillé. Parfois ses passages semblaient express, d'autres fois il avait l'impression qu'il passait des journées _ ou plutôt des nuits _ entières à parler avec Jungkook. C'était même comme si ces moments duraient bien plus longtemps que ceux où il était éveillé.

Ce qui n'était pas pour lui déplaire.

Les jours et surtout les nuits passèrent. Le mois de décembre faisait son petit bout de chemin et avec lui fanait doucement l'humeur de Jimin.

— T'as pas l'air dans ton assiette, fit remarquer Jungkook alors qu'ils étaient assis à cette même table comme tous les jours.

— Dans quelques jours c'est Noël.

— Et ... c'est plutôt une bonne chose non ?

Jimin soupira et se laissa tomber contre le dossier de sa chaise. Ce n'était pas qu'il n'aimait pas Noël, mais cette période de l'année provoquait toujours une sorte de blues chez lui.

— Les jours qui raccourcissent. L'humidité qui s'installe de plus en plus à la place d'un froid sec et neigeux que l'on espère à chaque fois. La solitude qui prend une place bien plus importante. Les années passent et les Noël se ressemblent. Sans saveur, sans amour, sans fête.

Jungkook l'observa parler. Cette déprime avant les fêtes semblait profondément ancrée en Jimin. Il l'obligea alors à se lever et à le suivre.

— Tu m'emmènes où là ?

— Tu verras ! J'attendais que tu sois là pour l'essayer !

Jimin se laissa porter par l'enthousiasme de Jungkook avant de découvrir au détour d'un buisson nuage _ chaque jour avait son lot de surprises _ une énorme grande roue. Il écarquilla les yeux, se demandant comment il avait fait pour ne pas la voir plus tôt. Il tourna la tête dans tous les sens, se demandant si son esprit lui jouait des tours avant de laisser passer un petit rire moqueur.

Bien sûr que son esprit lui jouait des tours ! Il était dans un de ses nombreux rêves lucides. Où voulait-il trouver de la logique lorsque tout ce qui l'entourait était simplement issu de son imagination ? Même celui qui le traînait par la main était bien trop parfait et irréel pour être vrai.

— Merci.

Jimin sursauta et grimaça de gêne. Bien sûr que Jungkook connaissait la moindre de ses pensées. Il était une de ses créations ! Le contraire aurait peu de sens.

Il se retrouva alors embarqué à bord de cette grande roue dont ils étaient forcément les seuls passagers. Une chanson de Noël les accompagnait dans leur ascension et plus ils montaient, plus les flocons de neige semblaient danser autour d'eux.

— C'est magnifique, dit un Jimin émerveillé par ce qu'il voyait.

Le paysage s'étendait à perte de vue. Il se demandait même comment son esprit pouvait imaginer quelque chose d'aussi immense. Il tendit la main et laissa un flocon s'y poser.

— Il ne fond même pas ! s'exclama-t-il. Comment c'est possible ?

— Tu devrais plutôt te demander ce qui ne l'est pas, tu ne crois pas ?

— C'est vrai ... rien n'est réel ici, marmonna Jimin. Ni cette neige, ni cette grande roue, ni même toi.

— Certaines choses peuvent l'être, lui répondit Jungkook. Ferme les yeux et tu verras.

— Je ne veux pas déjà partir.

Jungkook posa sa main sur une des siennes et la caressa délicatement.

— Tu n'as pourtant pas le choix. C'est l'heure de se réveiller. On se reverra vite.

Jungkook regarda Jimin s'effacer avant de pousser un long soupir en se couvrant le visage d'une de ses mains.

— Tu sais qu'il ne va pas être content s'il le découvre ? entendit-il alors.

— De qui parles-tu Hoseok ? De Jimin ou de Lui ?

— Les deux.

Jungkook rouvrit les yeux pour regarder ceux de son meilleur ami, assis face à lui dans la nacelle de la grande roue où Jimin l'avait laissé. Il savait qu'il prenait des risques, mais ils en valaient la peine même si pour l'instant, l'issu n'était que peu prévisible.

— Alors tu lui offres quoi aujourd'hui ? demanda Hoseok.

Ah, ça ... ce n'était qu'entre lui et Jimin.

Jimin qui au même moment ouvrit les yeux sur le plafond de sa chambre. Il posa une main sur son cœur et reprit doucement son souffle. Il avait beau simplement se réveiller, il avait plutôt l'impression d'être arraché à cet endroit et ça en devenait même de plus en plus douloureux. Pourtant, il se demandait de plus en plus si c'était quitter cet endroit qui était aussi douloureux ou autre chose.

Comme quitter une personne.

Il se leva péniblement. Cela avait beau être douloureux, il fallait quand même qu'il aille travailler. Il n'avait pas espéré cette promotion pour se tourner les pouces quelques semaines plus tard. Alors il se prépara, attrapa ses clés, son téléphone et son parapluie puis sortit de chez lui.

Un pied dehors, il commença à ouvrir le parapluie quand un sourire naquit sur ses lèvres lorsqu'il reçut un flocon gelé sur sa joue, comme une caresse d'un autre monde. Elle était là sa surprise du jour. Son souhait de la nuit. Et forcément, il pensa à Jungkook qu'il avait laissé là-bas.

Il ouvrit le parapluie, son sourire disparu, et partit travailler.

La nuit suivante, Jimin était un peu plus morose que la veille. Il avait un mauvais pressentiment. A sa table habituelle, face à Jungkook, il tournait la cuillère dans un café froid qu'il n'avait pas pris la peine de boire depuis son arrivée.

— Au fait, tu n'as pas fait ton souhait pour cette nuit, lui fit remarquer Jungkook, le sortant de sa rêverie.

— Je ne pense pas en faire un cette nuit.

— Dommage, tu pourrais demander n'importe quoi !

— Sauf ce que je veux.

Ils ancrèrent chacun leur regard dans celui de l'autre et le temps d'une minute, on n'entendit plus que le son du vent qui dansait entre les arbres.

— C'est impossible.

— Pourtant, tu m'as dit que rien ne l'était.

— Rien sauf ça.

— Pourquoi je t'ai créé alors ? Est-ce que je me sentais tellement désespéré dans le monde réel que j'ai décidé de créer mon homme idéal dans mes rêves ? A quoi bon si je ne peux ni rester ici ni te faire venir ? A quoi ça sert si ce n'est de me faire souffrir en fait ?

— C'est compliqué.

— Comment ça compliqué ? Je t'ai créé ! Comment peux-tu savoir des choses que je ne pourrais pas comprendre ? Parce que je t'ai créé, non ?

— C'est ...

— Quoi ? Compliqué ? Est-ce que je t'ai créé oui ou non.

— En fait ...

— Oui ou non !

Jimin se sentait bouillir de l'intérieur. Il ne parvenait pas à contrôler ses émotions et pour la première fois depuis qu'il était dans ce monde, il ressentit une chaleur immense prendre possession de son corps.

— Non.

La réponse le frappa comme une massue. Il posa sa main sur le dos de son autre main et se pinça aussi fort qu'il le put.

— Alors pour ça aussi, il a menti, chuchota Jimin désormais réveillé.

Il se leva, machinalement, s'habilla et partit dans la cuisine où un café l'attendait. Il attrapa la tasse, la vida dans l'évier et s'en fit un autre. Quelques minutes plus tard, la tasse fumante entre les mains, il s'installa dans le salon, dont la seule source lumineuse provenait de la lumière d'un lampadaire extérieur. Il jeta un œil à l'horloge murale. Quatre heure du matin. Il pourrait très facilement se rendormir, mais il n'en avait aucune envie.

Il ne voulait pas le voir.

Plus pour l'instant en tout cas.

La nuit suivante, Jimin profita de ne pas travailler le lendemain pour ne pas fermer l'œil. Il se sentait parfois piquer du nez mais refusait à tout prix de prendre le risque d'aller là-bas. Alors il buvait café sur café dans l'espoir de rester éveillé encore un peu. Il ne voulait pas confronter Jungkook. Il avait peur de savoir qui il était vraiment.

Ce qu'il voulait vraiment.

Mais les heures passaient et il devenait de plus en plus compliqué de tenir. Il avait tenu la première nuit, mais lorsque la seconde arriva, il s'endormit devant la télé sans qu'il n'en ait conscience.

— Tu es là ! entendit-il derrière lui.

Jimin soupira en se rendant compte qu'il avait rejoint le lieu de ses rêves. D'ailleurs, il mettait sa main à couper, cet endroit n'était pas, lui non plus, issu de son imagination. Il posa sa main contre son bras, prêt à se pincer pour sortir d'ici.

— Non attends ! Ne fais pas ça !

— Pourquoi ? Ça risque juste de me faire mal non ? C'est pas ce que tu m'avais dit ?

— Ok je t'ai menti. Mais c'est parce que je ne voulais pas que tu t'en ailles aussi vite lors de notre première vraie rencontre.

Jimin se retourna et planta son regard dans celui de Jungkook qui était bien plus près qu'il ne l'avait pensé.

— Comment ça "vraie" rencontre ? Parce qu'on s'est déjà vu avant ? Depuis combien de temps tu m'observes ? Tu es un psychopathe ? Un scientifique ? Un gourou ?

— C'est pas ça. Je ... je ne suis pas sûr d'avoir le temps de tout te raconter, mais tu dois me croire. Je ne t'ai jamais voulu de mal. Je voulais juste ... me rapprocher de toi et ... Te faire plaisir chaque jour. Sauf que ... Argh !

Sans prévenir, Jungkook se plia en deux, un gémissement de douleur passant ses lèvres. Jimin se précipita sur lui pour le maintenir.

— Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

— C'est rien ... c'est ...

— Ne me mens pas ! Je vois bien que ce n'est pas rien ! Sinon je doute que tu aurais aussi mal. Alors explique moi ! Dis moi enfin la vérité !

— C'est trop tard de toute façon ... Ca ne sert plus à rien, chuchota Jungkook.

Il releva doucement la tête et posa sa main sur le joue de Jimin.

— Je n'ai jamais joué avec toi. J'ai enfreint des lois pour te parler. Mais maintenant, j'en paie le prix. Alors pardonne moi et sois heureux. Merci de m'avoir laissé tomber amoureux de toi.

Il se suréleva suffisamment pour poser ses lèvres sur celles de Jimin avant de disparaître dans une espèce de nuage de poussière dorée. Au même moment, une onde violente passa et enveloppa Jimin qui se réveilla instantanément. Ses yeux s'écarquillèrent et s'emplirent peu à peu de larmes qui continuèrent leur chemin le long de ses joues.

Il ne comprenait pas.

Jungkook était là. Il l'avait même embrassé. Puis, il avait disparu. Comme un souvenir. Comme s'il n'était réellement qu'un simple rêve. Il y avait forcément une explication. Jungkook ne pouvait pas avoir juste disparu, il y avait forcément une raison qui lui échappait. Il avait parlé d'une règle, peut-être qu'il était juste puni pour quelques heures et c'était tout. Le meilleur moyen de savoir était d'y retourner. Alors sans plus attendre, il essuya ses larmes et se réinstalla confortablement. Il ferma les yeux et s'endormit.

Lorsqu'il ouvrit les yeux, il ne vit que le plafond de sa chambre. Et à ses oreilles parvenait l'alarme de son réveil. Il attrapa vivement l'appareil et ne voulut pas croire que le matin était déjà là. Il avait dormi. Simplement dormi. Il n'y était pas retourné et ne pourrait pas réessayer avant le soir puisqu'il devait aller travailler. Cette journée allait donc être un enfer.

Et cette journée fut un enfer.

Il n'était arrivé à rien. Les gens parlaient mais il ne les écoutait pas. Les fichiers défilaient sur son écran d'ordinateur mais il n'en regardait vraiment aucun. Son esprit était obsédé par une seule chose. Jungkook.

Jungkook qui lui avait menti mais lui avait fait passer les meilleurs moment de sa vie.

Jungkook dont il était tombé amoureux mais en sachant que leur histoire serait impossible.

Jungkook qui l'avait embrassé en lui disant qu'il l'aimait.

Il hoqueta avant de s'effondrer en larmes une fois la porte de son appartement fermée derrière lui. S'il avait laissé Jungkook parler, peut-être que rien de tout cela ne serait arrivé. Il s'en voulait tellement et maintenant il était trop tard.

Alors le soir, quand il se coucha, il ne chercha pas le sommeil. Il ne chercha pas le rêve non plus. Mais ça, malheureusement, il ne pouvait pas le contrôler. Alors quand il ouvrit les yeux et vit autour de lui ce monde inventé de toute pièce, il soupira. Juste ça.

— Alors c'est toi Jimin ?

Le susnommé sursauta et chercha qui avait prononcé son nom. Il tomba sur un jeune homme qu'il n'avait jamais vu de sa vie et qui se tenait sur la chaise où s'installait toujours Jungkook lorsqu'ils se retrouvaient.

— Vous êtes qui ?

— Hoseok, le meilleur ami de Jungkook.

— Donc vous le connaissez ? Il est où ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Du calme. Viens, installe toi, je n'ai pas beaucoup de temps. Un café ? Il me disait que ça t'aidait à te détendre.

Jimin attrapa la tasse que Hoseok lui tendait et ne put s'empêcher de sourire. Jungkook avait donc parlé de lui à son meilleur ami ?

— Donc, commença Hoseok. Jungkook n'est pas mort, si c'est ce qui t'inquiétait. Mais ce n'est pas forcément mieux. Il a sûrement été enfermé dans le monde des cauchemars par notre chef, une des pires punitions qui puissent exister pour un Oneiroi.

— Un quoi ? Et votre chef ? Le monde des cauchemars ?

— Très bien, je vais tout t'expliquer. Bienvenu dans le monde des rêves, le royaume de Morphée, notre patron. Nous sommes des Oneiroi. Nous ne savons pas de quelle manière nous le devenons ni pour combien de temps, mais voilà qu'un jour, nous voilà au service du Dieu des rêves à devoir exaucer les rêves des personnes venant dans ce royaume. Et bien entendu tout ceci dans le plus grand des secrets, sans que ces personnes ne nous voient.

— Mais, Jungkook ...

— A enfreint la règle en venant te parler. Mais c'était plus fort que lui, il devait adresser la parole au "jeune homme dont il exauçait chaque nuit les rêves et qui envahirait sûrement les siens s'il devait dormir".

— Mais s'il savait que c'était interdit, pourquoi il l'a quand même fait ?

— L'amour, que veux-tu d'autre ?

— C'est insensé ! Comment l'en sortir ? Je vais aller voir votre chef et ...

— C'est impossible Jimin. Si je te dis tout ça, c'est parce que dès ton réveil, tu ne pourras plus venir ici et surtout, tu seras incapable de parler de tout cela à quiconque n'étant pas au courant de cette histoire. C'est le seul moyen pour que tu gardes tes souvenirs. A moins que ...

— Nan ... laissez les moi ... je veux me souvenir de lui ... Et donc, je ne reverrai jamais cet endroit ?

— Si ... sûrement lors de certains de tes rêves ... mais tu n'en seras plus que spectateur. Alors Adieu Park Jimin, j'ai été heureux de te rencontrer. J'aurais aimé t'apporter de meilleures nouvelles.

Hoseok se leva et tendit une main vers Jimin qui avait les yeux remplis de larmes contenues. Malgré cela, il essaya de reprendre contenance et serra la main qu'on lui tendait. Lorsqu'il la relâcha, il se réveilla dans son lit, plus seul que jamais. Il ferma ses yeux humides, regrettant en cet instant qu'on ne lui accorde pas un dernier vœu.

Les jours s'écoulèrent lentement jusqu'à Noël.

Depuis son réveil, il n'avait plus neigé sur la ville.

Jimin, lui, buvait toujours son café en pensant à Lui.

C'était Noël, mais il avait encore moins le cœur à faire la fête. Il avait même accepté de remplacer un de ses collègues de travail ce jour-là pour avoir l'esprit occupé. Il avait travaillé toute la matinée sur de nouveaux projets qui avaient germé dans son esprit ces derniers jours et concernant bien entendu le sommeil. Il avait sauté le déjeuner pour se diriger vers un hôpital avec lequel ils travaillaient en partenariat et qui testaient leurs prototypes.

— Monsieur Park, l'accueillit un chef de service. C'est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui. Sachez qu'un grand nombre de patients vous sont reconnaissants pour tout le travail que vous faîtes avec votre équipe.

— C'est un honneur Docteur Min. Je suis heureux de voir que notre travail trouve un réel intérêt. Mon directeur s'excuse de ne pas s'être déplacé lui même mais vous souhaite malgré tout de bonnes fêtes.

Il fit le tour du service, écoutant attentivement les explications du chef de service qui lui expliquait pour chaque patient laquelle de leur invention était utilisée et dans quel but. Il y avait les apprentissages, les inventions aidant principalement les personnes ayant fait un AVC et ayant développé des troubles du langages. Il y avait aussi celles qui condensaient les informations du monde entier pour en faire une synthèse efficace.

— Sûrement l'invention qui a laissé le plus de personnes perplexes, je dois vous l'avouer. Mais lorsque notre patient, Monsieur Jeon, s'est réveillé miraculeusement après deux ans de coma, votre invention a été des plus utiles. Il a pu rattraper la majorité de l'information mondiale en peu de temps et limiter le fossé qu'il s'est créé entre lui et le reste de la population. Il apprécie d'avoir à la fois des informations sur la politique, la société mais aussi les tendances, le divertissement ...

Jimin regarda par l'entrebâillement de la porte et crut, le temps d'une seconde, reconnaître le profil du jeune homme dans la chambre. Une main se posa alors sur son dos pour lui intimer à continuer leur visite.

Il ne porta pas grande attention à la suite, son esprit étant accaparé par la vision qu'il avait eu plus tôt. Il profita alors que le chef de service soit appelé ailleurs pour revenir vers la chambre de monsieur Jeon. La porte était entrouverte. Mû par un espoir fou, il la poussa légèrement et entra dans la pièce.

Il y avait un jeune homme, devant un écran sur lequel défilaient des images. Il était presque dos à Jimin et pourtant, il n'eut aucun doute sur son identité.

— Jungkook.

Le susnommé se retourna et plongea son regard dans le sien. Ils restèrent immobile pendant quelques secondes et devant le manque de réaction du jeune homme, Jimin sentit un pincement au cœur.

Peut-être qu'il lui ressemblait, c'était tout.

Ou peut-être qu'il l'avait oublié.

— Jimin ... tu m'as trouvé ... Je suis désolé d'avoir disparu comme ça. C'est incroyable ce qu'il s'est passé ! Et je voulais te retrouver ! Une fois sortie de là, je serai venu te voir et ...

Il fut coupé par l'étreinte de Jimin qui s'était précipité sur lui. Ce dernier avait éclaté en sanglots. Des larmes de soulagement se déversaient sur ses joues. Il s'écarta suffisamment pour attraper le visage de Jungkook entre ses mains et l'observer sous toutes les coutures, peinant à croire qu'il était vraiment face à lui.

— Comment ...

— Je n'ai rien compris en me réveillant. Mais ...

— Désolé, mais d'abord ...

Jimin l'embrassa. Il en rêvait depuis si longtemps et celui que Jungkook lui avait donné avant de disparaître avait toujours cette saveur de trop peu et de tristesse. Il ne voulait pas continuer ces retrouvailles sans avoir pu graver en lui un vrai premier baiser.

— C'est bon, reprit-il essoufflé. Explique moi.

— Je, tenta de continuer Jungkook qui avait été pris par surprise. Oui ! Morphée ! Il m'a rendu visite à mon réveil. Il n'était pas très content de perdre un Oneiroi ... attend, tu ne sais pas que ...

— Je sais, le coupa Jimin. Hoseok m'a expliqué. Je sais ce que tu es.

— Ce que j'étais ! Mes sentiments pour toi et surtout les tiens pour moi m'ont sauvé ! J'étais dans le coma et ai été choisi pour être un Oneiroi. J'avais oublié ma vraie vie et surtout, j'avais oublié que j'étais toujours vivant. Sauf qu'il n'y a que deux moyens d'arrêter d'être un Oneiroi. Il faut soit finir au royaume des cauchemars pour fautes graves. Soit, il faut qu'un mortel venant dans le monde de Morphée tombe amoureux de soi, que ce soit réciproque. C'est notre baiser qui m'a réveillé. Comme dans un conte de fée.

Comme dans leur propre conte de fée.

— Donc, on va pouvoir être ensemble maintenant ?

— Oui. Et je saurai me faire pardonner pour t'avoir menti. Je ...

— C'est rien. C'est pardonné. Tant que tu restes avec moi.

— Je reste si tu veux de moi.

— Je veux de toi depuis que je t'ai rencontré. Et pourtant, tu n'étais qu'un rêve.

— Et je serai désormais ta réalité.

Et quelle belle réalité.

Ils avaient désormais la vie devant eux. Une vie bien réelle qui leur semblait déjà bien plus belle que leurs rêves. Et si à cet instant, entre deux baisers, les deux jeunes hommes avaient regardé par la fenêtre de la chambre d'hôpital, ils auraient pu alors voir que dehors, des flocons dansaient dans le ciel, comme pour fêter les retrouvailles de deux cœurs amoureux.

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Note de Hermès : J'espère que cette petite histoire pour Noël vous aura plu. Je vous souhaite à tout.e.s de très jolies fêtes, en espérant que l'on se retrouve très vite pour de nouvelles histoire.

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