Round 3 : Résultats finaux !
Voici donc les résultats... Des 3eme, 2eme et 1ere place!
Place au classement !
Troisième place :
DrunkenGiraffeBleeds
Texte :
https://my.w.tt/tBdOPv8HfO
(Le texte est publié sur Wattpad, cliquez sur le lien pour le lire^^)
Note : 5 points sur l'originalité
1.5 points sur l'orthographe
3 points sur la syntaxe des phrases
4 points sur les idées
1.5 point bonus
15/20
Appréciation : Ton texte est super. Il répond au sujet (à part le fait que tu ai oublié de dire que ça se passait au Brésil) mais tu aurais peut-être pu t’attarder sur la vie des esclaves. On se rend pas trop compte de la difficulté du travail là bas.
Tu as bien parlé sur comment Riaasat s’est retrouvé là, mais je pense que c’est ça qui manque.
Sinon, bravo, et merci d’avoir participé !
Tu recevras ton prix très prochainement !
Deuxième place :
@onde-de-reve
Texte :
Il me semble que je suis fatigué. Pourtant, mon Maître dit que j’ai trop dormi. Voici la raison des trente coups de fouet. Et qu’est-ce que je peux dire ? Rien. Je dois subir en silence. Je dois rester courbé, en attendant que la ceinture de malheur vienne encore une fois déchirer mon dos déjà bien abîmé. Ensuite, je devrais me relever, malgré la douleur encore trop présente, et repartir au champ, travailler, et encore travailler, jusqu’à en devenir fou.
Et qu’est-ce que j’aimerais faire ? Fuir, m’enfuir, courir loin de là, retourner dans ma terre natale, être libéré de mes chaînes, et m’en aller loin de mes soucis, loin de tout ce qui est aujourd’hui ma vie.
Mais je ne pourrais jamais, je ne le mérite pas. C’est ce qu’Il me répète à chaque fois.
Le soleil tape, il fait chaud, et la poussière rend l’air trop épais. Mon corps est recouvert de sueur. Pourtant, je dois continuer de couper, et encore couper ces tiges maudites, qui me narguent en dansant au vent.
Moi et mes camarades, on chante. On chante jusqu’à s’en casser la voix. On chante jusqu’à ne plus pouvoir chanter… Pour survivre.
Notre Maître n’y voit pas d’inconvénient. On travaille plus ainsi, dit-il. Et l’espoir qui passe à travers les paroles n’est qu’illusoire, Il sait que nous ne pouvons pas nous échapper.
C’est l’heure de manger. J’ai soif. Mais pas de cette eau-là, recueillie au fond du puit, polluée par leurs idées racistes et injustes. Moi, j’ai soif de liberté.
Je suis rentré dans ma case, et je m’assieds par terre.
J’ai faim, aussi. Très faim. Faim dévorante, grognant son mécontentement et son envie de plus.
Les doigts tremblants, sans même prendre ma cuillère rouillée, je plonge mes doigts dans la bouillie de maïs, et les apporte à ma bouche. Peu m’importe le goût.
Un de mes camarades, Luís, entre. Il s’approche de moi. C’est une « grosse brute ». Il a plus d’une fois essayé de tenir tête au Maître. Voici pourquoi sa joue est balafrée, plaie causée par un couteau alors que lui se battait à main nue. Et son regard est flambant, flambant d’une haine envers et contre tout.
On dit qu’il est arrivé à cette plantation de canne à sucre à ses dix ans, mais que jamais il ne s’est « habitué ». Le Maître en est d’ailleurs mécontent, et grogne sans cesse qu’Il l’a acheté trop cher, et qu’à sa prochaine erreur il le tuait. Il a dix-neuf ans, maintenant. Il est dans la force de l’âge, et les coups de fouet ne l’arrêtent plus.
Derrière ses airs de « méchant », c’est juste une personne de plus cherchant la liberté. Et je crois que c’est quelqu’un de brisé, amené beaucoup trop tôt aux violences de la vie, qui essaie de se révolter pour ne pas éclater en morceau.
Le soir, il aime nous montrer sa fleur de lys, et son oreille coupée, car oui, il est parvenu à fuir pendant un mois. Il rit alors à gorge ployée en disant que ce n’était qu’un essai, et qu’avant de fuir, il va montrer à ces faces de rat ce qu’il vaut vraiment.
Il se dit fort. Tout le monde l’admire. Mais je sais que lorsqu’on lui a emprunté dans la chaire le symbole de la fuite, lorsqu’on lui a coupé l’oreille à l’aide d’un sabre aiguisé, il a fait comme chacun de nous face à la douleur. Il a hurlé, supplié.
Il a porté le masque « marron » pendant trois mois… avant que le Maître se rende compte de son inutilité, que Luís ne cherchera jamais à mettre fin à sa vie à cause de ses échecs.
N’empêche qu’il me fait peur. À chaque instant, j’ai l’impression qu’il veut me frapper. Et d’ailleurs, il s’approche de moi à pas lents, et voit le contenu de mon bol vide. Un éclair furieux passe dans son regard.
— Demain, tu me donnes ta nourriture ou je te défonce.
Il sait ce qu’il risque. Et je sens pourtant qu’il en est capable.
Il fait nuit. J’essaie de dormir, la face contre le sol. Je n’y arrive pas. J’entends la respiration à côté de moi de Luís, profondément endormi. Le sommeil a durci ses traits. On est toujours plus déterminé lorsque nos rêves sont devant nous… Alors que dans la réalité, il fait trop sombre pour les voir, et on se « résigne » plus ou moins à notre sort.
Alors, je réfléchie. Les yeux grands ouverts, pourtant incapables de distinguer quoi que ce soit dans le noir.
Je pense à tout ce que j’ai essayé de taire jusqu’alors. Je pense au Brésil, à cette terre qui m’a donné jour et dont je n’ai pourtant aucun souvenir… Et je pense à mon envie de liberté, inétanchable, si forte qu’être ici me détruit.
Oui, je suis esclave. Non seulement esclave de Maître mais esclave de mes cauchemars. Et j’ai décidé de fuir. De faire tout mon possible. Je suis trop jeune pour ne pas m’y essayer. Je ne resterais pas toute ma vie à obéir aux autres…
Mais je n’y arriverais pas.
Matin. Un peu après cinq heures. Les autres sont déjà sortis, mais je tarde à venir. Il faut pourtant que je me dépêche si je ne veux pas être fouetté !
Un objet parmi tant d’autres parvient à retenir mon attention. Proche du lit de Luís brille quelque chose sous un rayon de lune. Un esclave n’a rien le droit de posséder, mon camarade a donc réussi à cacher quelque chose au Maître ? Fasciné, j’approche lentement et vois un joli pendentif en or. Une photo à côté. Je m’accroupis devant pour mieux les observer.
L’image m’émerveille. Le paysage à l’arrière de la photo montre une maisonnette assez mignonne, qui respire la joie de vivre. Une belle femme sourit à la caméra, un air doux éclairant son visage, et il est incroyable d’avoir réussi en un seul cliché à capturer tant d’amour. Ses yeux eux-mêmes sont brillants de bonheur. Je suppose que c’est la mère de Luís, la ressemblance est frappante. Mêmes yeux noirs et incroyablement vivants. Même peau nuit, et si belle que les ténèbres devraient les envier. Mêmes cheveux tombants et légèrement frisés… La seule chose qui les diffère, c’est l’air dur qu’a pris le fils à cause de sa « captivité » en temps qu’esclave.
La chaîne est belle, elle aussi. Délicate. Elle doit avoir appartenu à une fille - sa mère justement ? - qui s’en est séparée pour que Luís la garde en souvenir.
Et soudain, un sentiment de jalousie étreint mon cœur. Violemment, je prends collier et portrait dans mes mains.
Je veux cette famille ! Je veux avoir quelqu’un pour moi, là pour me sourire de cet air si tendre quand tout va mal… L’on ne m’a jamais aimé ! Moi, je n’ai jamais eu personne !
Je déchire la photo, pour me venger de cet homme qui a pu connaître le visage de sa mère. Je déchire ses souvenirs pour que nous soyons égaux. Pour détruire ce sentiment « d’être attendu. Je veux que comme moi il souffre de la solitude. Je réduis en poussière cette feuille d’espoir, ce pour quoi Luís se bat sûrement.
Et la chaîne, je la prends. Je la garde. Je fais comme si elle est mienne, que cette femme me l’a vraiment donné. Qu’elle attend grâce à son cadeau que je me rappelle qu’elle pense à moi, et qu’elle ne veut pas que je l’oublie.
Voilà. Voilà l’horreur que j’ai faite. Et pourtant, je n’arrive pas à être dégoûté par mes actions égoïstes… Et c’est ça qui me détruit le plus…
Quelqu’un arrive dans mon dos. Je n’ai pas bougé de position, serrant le pendentif dans mon poing et les yeux figés sur le sourire déchiré de cette femme inconnue.
Derrière moi, les pas se sont arrêtés. Je me retourne. C’est Luís . Il ne prononce pas un mot. Son regard fixé sur le massacre que j’ai fait. Il n’y a rien à dire.
Le temps semble s’être arrêté. Et derrière son masque froid et impassible, je sens la tempête - colère et tristesse - se déchaîner en lui.
Je ne bouge pas. Mais moi aussi ce sentiment violent commence à me détruire.
Il s’approche de moi, me saisit brusquement et me pousse avec force. Je me relève brusquement, furieux. Il a eu une famille, lui ! Et pourquoi pas moi ? Hein ! Pourquoi j’y ai pas eu le droit ?
Et l’on se met à se battre, en connaissance de ce que nous risquons. Mais peu nous importe…
Je frappe mon adversaire, je frappe, je frappe, je frappe comme s’il était responsable du monde. Alors que finalement, lui et moi sommes dans la même situation. Mais nous avons besoin de nous battre, et si nous ne pouvons pas le faire contre notre Maître, la moindre excuse est bonne pour taper son camarade. Que je lui aie volé son collier ne change rien.
J’ai le nez en sang, et la douleur éclate dans mon arcade sourcilière fendue. Lui n’est pas en tellement meilleure position. Son œil commence à violacer et je lui ai fait une vilaine cicatrice au poignet.
Un groupe commence à se former. Pour se distraire devant une bagarre… Incapables de désobéir, ils préfèrent nous regarder défier les ordres.
Luís et moi continuions de nous battre. Tous deux, nous haïssons le monde, et nous passons la haine sur l’autre, alors que nous sommes pareils.
La loi du plus fort. Les règles sauvages que le Maître nous a imposées ont fini par nous rendre à notre tour inhumains. Privés de notre cœur et de notre liberté pour devenir des bêtes. Je me fais pitié.
Nous nous frappons, sans chercher à nous défendre, seulement à faire le plus possible de mal à l’autre. Et mes poings en souffrent, à se heurter à ceux de l’autre.
Je sens son pied s’abattre sur mon crâne. Le choc m’étourdit et répand une profonde douleur dans ma tête. Ma haine se décuple. Je veux lui faire payer. Payer pour notre Maître, payer pour ce monde d’injustice, payer pour l’amour qu’il a pu recevoir et qui m’a tant manqué, payer pour cette soif inétanchable de liberté.
Les autres esclaves crient pour nous encourager, grognent leur colère lorsque celui qu’ils soutiennent se prend un coup. Ils font tellement de bruit que notre Maître nous entend et arrive.
Un claquement, lanière en cuir qui heurte le sol. Pour nous prévenir de ce qui va arriver. Et il ordonne à un camarade de nous détacher, ce que ce lâche fait - et ce que j’aurais fait à sa place.
Il réfléchit à notre sanction. Ou plutôt il réfléchit à ma sanction. Car pour Luís, il s’est déjà décidé.
Une phrase traverse ses lèvres, une phrase qui m’emplit d’horreur. Moi, cinquante coups de fouet, et une ration de nourriture réduite, ce qui s’avère très rare, car Il sait que la faim affecte notre travail. Une si dure punition ! Luís, il va être abattu. Il a causé trop de soucis depuis le début.
Et dégoûté d’avoir dû payer tant d’argent pour un homme qu’Il doit finalement tuer, le Maître s’empresse d’effectuer l’acte.
Le coup part du fusil de traite. La balle s’est figée dans son crâne.
Il y a du sang. Beaucoup de sang. Rivière sanglante qui part de la plaie pour ensuite continuer sa course sur le visage devenu effrayant. Et des yeux vitreux. Puis le corps qui tombe lourdement au sol tandis que sa tête se fracasse par terre.
Le Maître essuie la poudre de son arme puis la range dans son étui.
Peut-être devrais-je me sentir coupable, satisfait, ou éprouver de la compassion pour mon camarade. C’est à cause de moi tout ça… Mais je ne peux pas. J’en suis incapable. Je garde un air froid et mesuré. Chacun pour sois.
À mon tour. Il sort son fouet. J’appréhende le coup, le cœur battant. Et il part, l’air siffle sous la corde qui vient ensuite heurter mon dos déjà plein de cicatrices. Je veux hurler. Fort, très fort. Hurler non seulement ma douleur mais ma haine.
Un deuxième coup.
Je dois en supporter cinquante. Cinquante déchirant ma chair, laissant de longues traces rouges qui ne s’en iront jamais. Cinquante qui me brûleront la peau, incendies ravageurs qui ne font qu’animer ma soif de vengeance. Cette fois, je crie.
Et mes camarades sont là, pour me regarder souffrir. Alors qu’ils savent bien qu’ils pourraient être à ma place. Je leur en veux ! Qu’ils fassent quelque chose ! Qu’ils me sortent de là ! Mais ils ne peuvent pas, et ils ne le feraient pas parce qu’ainsi vont les choses…
Je crois que cela doit déjà être la vingtième fois que la lanière de cuir s’abat sur moi. Dans ma tête, je hurle. Mais je n’ai même plus la force de rendre mon cri réel. Ma vue est brouillée par mes larmes. Et j’ai l’impression de sombrer, de me noyer dans de noires profondeurs, dans une mer infinie d’acide qui me brûle la peau.
Je suffoque, je ne vois plus rien… Ensuite, tout s’embrouille. Je crois que je me suis évanoui.
J’ai envie de tout casser, de tout détruire. J’ai faim, je suis à bout de force, incapable de marcher.
Je veux me révolter, détruire les vies de mon bourreau. Quelles sont ses excuses pour nous traiter ainsi ? Hein ! quelles sont leurs excuses ? Non, nous ne sommes pas des sous-hommes, des singes, des bêtes sauvages et craintives… Nous sommes noirs, et alors ? À qui ça pose un problème ?
Je veux le frapper, comme il nous a frappés. Merde ! Il est con, avec ses acolytes ! Ils veulent être les plus forts, et se convaincre de l’être ! Ils veulent soumettre les autres ! Mais n’est-ce pas eux les plus « sauvages » ? N’est-ce pas eux qui nous traitent de manière inhumaine ? Hey, la liberté, vous connaissez ? Vous en profitez, hein, sales égoïstes. Vous volez la part des autres pour vivre plus confortablement.
Qu’est-ce qui fait qu’on est si différent ? Notre couleur de peau ? C’est tout ? Pourquoi pas des blonds, des bruns, des roux, des personnes aux cheveux noirs ? Ça reviendrait au même ! Le physique ne change rien, comment des connards ont réussi avec leurs idées extrêmes à changer le monde ? Wôw ! Qu’ils ouvrent les yeux ! On est pareils !
J’ai décidé de m’enfuir. Quels qu’en soient les prix. Si j’échoue, l’on gravera sur ma peau la fleur de lys et l’on me coupera l’oreille. Mais si je gagne, je suis libre.
Voilà. C’est décidé. Je ne serais plus jamais esclave de qui que ce soit. Je ne serais plus jamais inhumain pour essayer de survivre.
La douleur de mes coups se fait toujours ressentir. Pourtant, je continue de travailler, heurtant inlassablement les tiges de mon outil, elles se fendent sous ma force et les femmes les ramassent.
Je suis robot, à continuellement effectuer les mêmes gestes, sans rien pouvoir dire… Mais cela ne va pas durer, je m’en vais. Je vais fuir.
Les autres ils chantent. Ils s’accrochent à la mélodie, frappant les plantes au rythme du chœur. Ils chantent parce qu’il n’y a rien d’autre à faire. Ils se sont résolus à leur vie enchaînée. Alors, je vais les laisser là. Je ne prendrais pas de risques en essayant de les emmener avec moi. Si l’un de nous peut être sauvé, qu’il en soit ainsi, chacun pour sa peau. Je m’en vais, c’est tout.
Le cœur battant, je continue mon travail. Mon dos mal cicatrisé me brûle. Mes plaies sont peut-être en train de s’infecter. Alors, ce serait fini pour moi. Le Maître sait que je suis trop faible pour lutter, et qu’une balle dans la tête ferait le travail plus proprement.
Mon outil me glisse des mains. Mes doigts n’ont plus la force de le tenir.
J’ai l’impression que mon front est bouillant. Pourtant, il faut que je me batte. Et non seulement contre la fièvre, mais pour la liberté.
Un des intendants du Maître se dirige déjà vers moi, le gourdin en main, bien décidé à me remettre au travail.
Non ! Je ne veux pas mourir ici ! Je ne veux pas ! Par pitié !
Aller. Je m’en vais. Avant qu’il ne soit trop tard. Il me faut juste du courage… Du… courage. Je vais partir, loin de là, m’inventer une famille et un passé.
Le bâton de bois heurte violemment mon dos, me faisant basculer vers l’avant. Menaçant, l’on s’avance vers moi.
Je m’efforce de me relever. Il va bientôt s'apercevoir de ma faiblesse, et demandera au Maître la permission de me tuer.
Les autres esclaves se sont arrêtés pour me regarder. L'intendant les remet au travail d’un ordre sec. Je suis seul.
Et prenant mon courage à deux mains… Un pas vers l’arrière tandis qu’il s’approche. Puis un autre. Et encore un autre. Je garde la distance entre nous.
Il me menace, et m’adresse un autre coup de gourdin.
Le visage contracté, de la sueur dégouline de mon front. La douleur est insupportable, me donne envie de tout abandonner, de me recroqueviller dans un coin pour hurler. Mais je ne le fais pas.
Je me mets à courir. Je fuis. De toutes mes forces. Tout ce qu’il me reste d’espoir, je le place dans mes foulées.
L’intendant ne me poursuit pas. Il sait que je ne survivrais pas, ou bien que l’on me retrouvera demain évanoui au bord d’une route, que je subirais le châtiment puis que je me remettrais au travail. Il sait que je ne connaîtrais jamais la liberté, qu’il a déjà réussi à briser mon existence.
Satisfait, il se tourne vers les autres noirs et leur aboie de continuer leur travail.
Les larmes aux yeux, je m’éloigne. Me voilà hors de son champ de vision.
Courir, courir, courir bien loin, toujours plus loin. À bout de souffle, incapable de respirer, épuisé. Le front brûlant, la gorge sèche, les pensées hachées par mon manque de forces. L’impression de devenir fou, de revivre encore et encore les coups de fouet, de sentir ma peau se déchirer et ma chaire brûler vive. Courir, courir, à bout de forces. Et enfin s’arrêter, alors que la liberté est si proche.
Je chancelle, je tombe. Mon front heurte le sol. Est-ce mes larmes ou mon sang qui coule de mon crâne ? Je sais plus, je sais… plus. Je suis fatigué. Fatigué de vivre… fatigué. Je ferme les yeux. Et le vent ? Et le bonheur ? Et le Brésil ? Et la… liberté ?
Il me suffirait de fuir. Fuir. Plus loin encore. Il faut que je me relève, que je m’en aille !
Mais non, je ne peux plus. J’en suis… incapable. Moi qui longtemps avais rêvé d’aller jusque-là…
Mon cœur se calme, mais mes larmes continuent de couler. Rivière amère qui noie mon visage. Je regrette beaucoup de choses. Comme la manière dont j’ai fait crever Luís, à cause d’une pulsion égoïste. Puis je regrette de ne pas avoir assez regretté.
Mes pensées s’emmêlent, et avec mon regard s’éteint l’espoir.
Puis je réfléchis… Peut-être finalement que ma liberté, celle que je désire tant, mon seule échappatoire… C’est la mort ?
Note: 5 points sur l'originalité
2 points sur l'orthographe
3 points sur la syntaxe des phrases
4 points sur les idées que vous présentez
2 point bonus,
16/20
Appréciation : Ce texte est superbe. Tu t'attardes bien sur les détails de la douleur, de la difficulté du travail. Mais une chose m’a dérangée. La photographie. Il s’avère que l’invention de la photographie a été en 1839. Et l’abolition de l’esclavage définitive, en 1848. Même si, supposant que la photographie ait été prise au tout début de son invention, la date ne collerait pas avec la fin de l'esclavage. Sinon, j’ai beaucoup apprécié ton texte, très élaboré.
Bravo! Et merci d’avoir participé !
Ton prix arrive bientôt !
PREMIÈRE PLACE :
aafrge
Texte :
« Manoël ! Reviens ici tout de suite ! Tu vas encore nous causer des ennuis ! »
Je soupire tristement et me redresse, quittant ma cachette derrière les buissons que je croyais introuvable. Mais apparemment ce n'est pas le cas, parce que Soisic est là, poings sur les hanches, lueur assassine dans le regard. Ce petit bout de femme est le plus téméraire, le plus craint, et le plus respecté de tout notre groupe. Du haut de son 1m46, elle peut vous détruire un homme d'un seul coup d'œil, ses iris noirs brillant comme des flammes furieuses.
J'enjambe les ronces avec maladresse pour retourner dans le champ de canne à sucre, dépité, marmonnant un semblant de désolé à Soisic, dont l'expression actuelle me rappelle brièvement l'image d'un pit-bull enragé. La journée est presque finie, le soleil décline à l'horizon, pourtant je sais que je ne serai pas libre avant que la lune soit haute. J'essuie la sueur qui recouvre ma peau noire et marche vers les longues plantes, là où s'activent les autres esclaves, l'odeur de l'effort et du malheur me faisant froncer le nez.
« Heureusement que Maître Alan est en train de surveiller l'autre champ », me morigène-t-elle. « Si c'est lui qui t'avait retrouvé, il t'aurait fouetté jusqu'à ce que tu le supplies de t'achever. »
« Jamais je ne le supplierai, » dis-je d'un ton sans appel en ramassant une serpe à terre. « Il ne mérite pas cet honneur. »
« Manoël, il faut que tu t'enlèves de la tête l'idée de maronner ! Les risques sont trop imposants ! Tu te feras rattraper et couper les oreilles pour tes sottises. Regarde comment est Jamie, depuis qu'il a tenté de s'échapper ; il ne peut plus entendre, et la fleur de lys sur son épaule est la risée de toute la bande. »
« Je me fiche des risques, » contre-je, dents serrées. « Je veux être libre. J'en ai assez d'être un vulgaire objet. Je suis un homme, pas une marchandise. Nous sommes moins bien traités que les bêtes, ici. »
« Ne dis pas ça aussi fort ! » siffle la petite femme en jetant des coups d'œil autour d'elle. « Manoël, écoute-moi, tu ne peux pas t'échapper. Tu... »
Clac !
« Vous n'êtes pas ici pour causer, sales nègres ! » crie un homme à cheval derrière nous, fouet à la main, tandis que Soisic se retient de toutes ses forces d'hurler de douleur. « Reprenez le travail ou je parlerai de vous à Maître Alan ! »
J'adresse un regard furieux et dégoûté au garde, mais tiens ma langue. Dès qu'il s'est suffisamment éloigné, je me penche vers Soisic dont le dos est maintenant barré d'une trace rouge sanglante qui suinte la souffrance.
« Soisic, je suis désolé, je... »
« Tais-toi ! » murmure-t-elle violemment, larmes aux yeux. « Tu ne penses qu'à toi et à ta liberté, et tes écarts de conduite se répercutent sur les autres. Quand est-ce que tu comprendras que tu n'es pas seul ? »
Je ne réponds rien et coupe les plants en silence. Elle a raison, c'est ma faute si elle a pris un coup de fouet. Mais pour rien au monde je ne cesserai de rêver de liberté. Je veux retourner dans mon pays natal, dans mon village au Congo, retrouver les miens, enlacer ma mère, embrasser mes fils. Mais ils m'ont enlevé. Ces hommes blancs, qui sont arrivés lors d'un jour comme les autres, qui promettaient une vie riche et prospère, qui nous ont tous manipulés et embobinés jusqu'à la moelle.
Je les hais. Je les hais du plus profond de mon cœur d'esclave. Je serai prêt à les tuer s'il le fallait. Je suis prêt à tout pour quitter cet asile, cet endroit de malheur.
Soisic m'ignore royalement pendant des heures jusqu'à ce qu'un homme blanc vienne nous annoncer que nous pouvons partir. Il s'amuse à fouetter quelques camarades innocents au passage, ses yeux verts animés d'une folie dangereuse.
« Eh, je te reconnais, toi ! » me dit-il lorsque je passe près de lui, suivant les autres qui font la queue. « T'es celui qui croit qu'il peut bavarder alors qu'il y a du travail à faire. Viens par là. »
Je concentre ma colère et viens me poster à côté de lui, écumant de rage. Je hais surtout cet homme-là. Il a fouetté Soisic. Et il va sûrement me fouetter aussi, pour satisfaire son sadisme raciste. Il me fixe, du haut de son cheval, comme si j'étais une merde sous sa botte cirée. Et je soutiens son regard. Il ne me fait pas peur. Rien ne me fait peur quand il s'agit de mon honneur et ma liberté.
« Tu mériterais que je te coupe les doigts, » susurre-t-il en caressant le cuir de son joujou. « Mais comme tu en as besoin pour tenir ta serpe, je vais plutôt dessiner un peu sur ton dos. Tourne-toi. »
NON ! hurle ma conscience. Mais je n'ai pas le choix. Je suis obligé d'obéir, où je risque de vraiment me faire couper les doigts. Et j'en ai besoin si je veux maronner. Alors je me tourne et baisse la tête en signe de soumission, présentant ma peau fraîchement remise de ma dernière punition, dont quelques cicatrices roses en attestent le souvenir.
« Je veux que tu comptes chaque coup et que tu me remercies. Je t'apprends le respect des règles, sois-en reconnaissant », dit l'homme blanc de son insupportables voix supérieure.
Le premier coup tombe. Brûlant, lancinant, je me mords les joues pour ne pas crier. Oh non, ce serait lui donner trop de pouvoir que d'exprimer ma souffrance.
« Un. Merci monsieur », je me force à dire.
« Deux. Merci, monsieur. »
« T-Trois. Merci, monsieur. »
Et ainsi de suite. Un goût de sang se répand dans ma bouche, je me suis mordu la langue. J'ai l'impression que mon dos est en feu, ma tête tourne, mais je ne crie toujours pas. Je ne crierai jamais.
« V-Vingt. Merci, m-monsieur », m'étrangle-je en sentant les larmes s'insinuer dans mon nez, ma bouche, envahir mon visage.
Encore un coup. Un hoquet m'échappe, et je me maudis intérieurement. Je me donnerais des baffes si je n'avais pas déjà aussi mal.
« Vingt-et-un... m-merci, monsieur. »
« Ça ira pour aujourd'hui. Il n'y a plus vraiment d'endroit à blesser, maintenant. Et que je ne te reprenne pas à désobéir, ou je me ferai un plaisir à repasser sur tes plaies. »
Je ne demande pas mon reste et court – enfin, je titube – jusqu'au campement des esclaves en gémissant à chaque pas. Mon dieu, ça m'apprendra à sous-estimer les gardiens. Mais pour autant, l'idée de m'enfuir ne m'est pas sortie de l'esprit. Au contraire. Plus vite j'échapperai cet endroit, moins je me ferai battre.
Les autres me regardent passer en silence entre les huttes, et personne ne vient m'aider. C'est toujours comme ça. Personne ne s'aide, ici. C'est chacun pour soi. Essaye de survivre si tu le peux – et si tu le veux. Je ne compte plus les esclaves qui se sont laissé mourir de faim ou qui se sont enfoncé leur serpe dans la gorge.
Je partage ma hutte avec Soisic, Jamie, et un autre garçon plus jeune que nous, d'à peine quinze ans, Hamel. Ce dernier est d'ailleurs assis au seuil de la misérable habitation, dont le toit est bourré de trou et le sol infesté d'insectes. Quand il me voit, il se dépêche de se lever et me prêter main-forte. Il est comme ça, Hamel : trop généreux et spontané. Mais j'avoue que là, maintenant, je suis bien content qu'il m'aide à franchir les derniers mètres, et qu'il se hâte de m'apporter ma ration de nourriture avec un peu d'eau.
Soisic est là, elle aussi, secouant la tête en voyant mon état. Jamie dort déjà ; sa santé commence à se détériorer de plus en plus au fil des jours.
« C'était pour quoi, cette fois ? » me demande Hamel en observant mon dos sûrement transformé en une bouillie de chair.
« J'ai parlé avec Soisic. »
« Le nouveau garde est fou-furieux. Il mérite de se faire manger par les lions », décrète le petit homme.
« Et ben c'est pas aujourd'hui que ça arrivera. Aïe ! Touche pas ! » proteste-je tandis qu'il retire précipitamment sa main de mes plaies.
« Pardon. Comment tu comptes faire pour travailler, demain ? Tu peux pas laisser ton dos comme ça. »
« Parce que tu crois que j'ai le choix ? »
« On a toujours le choix », murmure Hamel avec une lueur bien trop mature dans les yeux.
Je le dévisage sans rien dire. Il sait que je veux m'échapper, il m'a entendu en parler avec Soisic, quelques fois. Serait-ce un encouragement ? Une mise en garde ? Un sous-entendu ?
Cette nuit, mon court sommeil aura été peuplé de fouets, d'yeux verts et de garçons qui fuient. Prémonition ou hasard, je n'en sais rien, mais lorsque je me réveille je suis sûr d'une chose : aujourd'hui, je m'en vais.
Personne n'est encore levé dans la hutte. En fait, tout le monde dort. L'aube n'est même pas encore arrivée. Je n'ai aucune idée de l'heure, du comment, et du pourquoi, mais ça y est. Je vais me libérer. Je vais maronner.
Je me glisse silencieusement dehors, vérifiant les alentours. Mes pieds nus sont silencieux sur la terre dure, et je suis à l'affût du moindre bruit, du moindre mouvement, des moindres yeux inquisiteurs.
Je ne croise personne, fort heureusement. Étrangement, je ne suis pas fatigué ; l'adrénaline qui galope dans mon corps compense mes trois ou quatre heures de repos, et me fait même presque oublier la brûlure des coups de fouet. Tout ce qui importe, c'est partir. Et un seul mot résonne dans ma tête : libre, libre, libre. Bientôt je serai libre. Bientôt je serai un homme légal. Un homme noir de retour parmi les siens. Un homme plein d'espoirs.
J'attend la limite du campement, et face à moi se dresse désormais un grillage deux fois plus haut qu'auteur d'homme. Je considère un instant les possibilités, puis me rend à l'évidence ; si je ne peux pas passer par-dessus, je vais devoir passer dessous.
Je m'accroupis et commence à creuser, les ongles écorchés par la terre, la sueur perlant et gouttant de mon front. Petit à petit, au bout d'une heure peut-être, je commence à voir un passage. Une possibilité. Une échappatoire. Je redouble d'efforts, la nuit devient de moins en moins sombre, et bientôt les blancs viendront nous réveiller pour aller travailler à leur service. Je dois fuir avant ; quand ils se rendront compte de ma disparition, ils se lanceront à mes trousses, trop heureux d'avoir l'occasion de me couper les oreilles.
Je ne veux pas leur faire cet honneur. Ils ne me trouveront jamais. Jamais.
Enfin, mes mains arrivent de l'autre côté. J'espace encore un peu le trou, pour être sûr de passer, et m'allonge à plat ventre.
Alors que je commence à passer le grillage, dans l'euphorie de la réussite, ma chair à vif dans mon dos m'élance douloureusement. J'essaye de bouger, mais mes gestes ne font qu'accentuer la souffrance.
Puis je comprends : le fer racle sur mes meutrissures.
Je serre les dents. Je n'ai pas le choix. C'est ma seule chance, ma seule liberté. J'étouffe un grognement et pousse sur mes avant-bras pour avancer, le grillage tailladant mes plaies déjà ouvertes. Ma tête tourne, mes pensées s’emmêlent, mais je garde espoir et je répète ce même mot : libre, libre, libre.
Quand mon corps est enfin libéré de cet étau de terre et de fer, je lâche un soupir de soulagement tout en me redressant. Pas de temps à perdre – je m’impose un rythme soutenu de trot, courant vers la forêt humide qui borde les plantations.
J’ai peine à y croire lorsque j’attends la lisière la forêt. J’ai réussi ! J’ai réussi ! Je me suis échappé ! Et c’était tellement simple que je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt. Manoël, l’homme noir aux rêves fous, est libre. Loin des fouets, loin des yeux verts, loin des serpes et du travail incessant. Juste moi et ma liber–
Schlac !
Un coup dans mon dos me fait tituber. D’abord, je ne ressens rien, à par le sang qui se met à couler abondamment sur mon ventre. Quand je baisse les yeux, je découvre une pointe aiguisée qui me traverse l’abdomen, et qui me perfore d’entre mes omoplates juqu’à la poitrine. Puis, au moment où je prends conscience que je suis en train de mourir, je murmure :
« Je suis mort en homme libre. »
Et c’est avec le sourire que je m’éteins, avec une dernière pensée pour Soisic, Hamel et Jamie, et mon dos qui ne sera plus jamais maltraîté, débarassé de ses maux par la flèche qui me débarasse de mon souffle.
Note : 6 points sur l'originalité
2 points sur l'orthographe
3 points sur la syntaxe des phrases
4 points sur les idées que vous présentez
2 point bonus,
17/20
Appréciation : C’est superbe! Ton texte est vraiment bien. Tu t’exprimais comme un esclave, utilisant le bon vocabulaire et ça se voit que tu as fait des recherches (ou que tu t’y connais). La fin est plutôt inattendue, mais elle met quelque chose en plus dans ce texte qui aurait été moins bien avec une fin joyeuse.
Bravo! Et merci de ta participation !
Tu recevras ton prix dans très peu de temps!
Merci !
Merci à tous d'avoir participé. Vous écrivez tous tellement bien, vous êtes tous uniques. Même si vous vous êtes fait éliminer dès le début, vous m'avez impressionée.
Et puis j'ai pu faire la connaissance de merveilleuses personnes. J'espère que vous participerez à un prochain thème !
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