❝ à l'amour comme à la guerre. ❞

nda - le jour que j'ai affectueusement surnommé "jour du démon" est là !
(très affectueusement oui)
(j'ai pas du tout cru que je n'en viendrais jamais à bout)

à la base, ce jour ne m'inspirait pas du touut. je ne trouvais aucune bonne idée sur ce thème et ce pairing que j'adore mais sur lequel j'écris très peu-
et puis, mon cerveau a fait des raccourcis-
et c'est comme ça que je me suis retrouvée sur ce texte qui fait le double des autres-
(et encore, je me suis limitée hum)

petite précision avant lecture : c'est un UA Fire Emblem, plus précisément sur Three Houses, le dernier opus à ce jour (j'adore beaucoup trop l'univers de 3H et c'est tellement plus facile d'adapter celui-là). il n'y a aucun spoil, vous pouvez très bien lire ce texte même si vous n'avez pas joué à celui-là et même si vous n'avez jamais joué à un FE de votre vie- il y a peut-être quelques formulations qui vous sembleront étranges si vous n'êtes pas familier avec le concept, mais rien de problématique pour le sens je pense :)

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« the core of conquest is love. »
univers alternatif.

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Les sonneries des trompettes résonnaient en fond, recouvertes presque entièrement par les cris de rage et de douleur qui avaient envahi la plaine encore paisible quelques minutes plus tôt. Les coups et le sang fusaient au rythme des attaques effrénées des soldats des deux camps, qui ne perdaient pas de vue la raison pour laquelle ils déchaînaient leurs coups malgré la confusion du champ de bataille.

Tintements de lames qui en rencontraient d'autres, crépitement des sortilèges qui fusaient des paumes blessées, hurlements de douleur des soldats à l'agonie, tous ces sons formaient une formidable cacophonie humaine tandis que de part et d'autre de la plaine, le sang teintait le ruisseau et les larmes abreuvaient le sol.

Au milieu de ce chaos, Akiko essayait de ne pas se laisser submerger par les ennemis qui voyaient en elle une proie facile, et répondait à chaque coup de lance ou d'épée par le puissant Aura qu'elle avait mis des mois à maîtriser, sous l'œil exigeant du professeur Fukuzawa qui ne laissait passer aucune erreur. Elle avait cru ne jamais atteindre le niveau nécessaire à une maîtrise parfaite du sort, mais aujourd'hui elle ne jurait que par lui et sa puissance suffisamment dévastatrice pour mettre n'importe quel soldat hors d'état de nuire après un ou deux coups bien sentis. Elle n'était peut-être « que » une évêque, mais elle était redoutable et elle en faisait la démonstration en ce jour.

Le plus dur était de ne pas se laisser absorber par la frénésie du combat et de ne pas oublier de prêter attention à ses compagnons et aux ordres de leur stratège. En tant qu'évêque, elle avait la responsabilité de veiller sur ses camarades et de s'assurer qu'ils ne reçoivent pas de blessure mortelle ou handicapante sur ce champ de bataille où la pitié et l'humanité n'avaient plus leur place. Entre deux sortilèges offensifs, elle plaçait des sorts de soin moins travaillés et puissants – elle devait faire attention à ne pas trop épuiser la quantité de magie dans ses veines – mais efficaces pour permettre aux plus touchés de se retirer sans problème.

Et puis, elle n'était pas le seul soutien de leur armée. Au loin, elle apercevait Atsushi, l'une des plus jeunes recrues fraîchement diplômée de Garreg Mach, qui alternait coups d'épée et magie blanche. Le jeune homme venait à peine d'obtenir sa qualification d'élite et il manquait encore d'assurance, mais ses attaques précises faisaient du mal à la formation adverse. Le jeune bretteur semblait faible, avec sa petite carrure et son air enfantin, mais ceux qui essayeraient s'en prendre à lui sur ce constat le regrettaient.

« Yosano ! »

Le cri de Ranpo, perché sur une wyverne au-dessus des combats, lui fit lever la tête dans sa direction. Elle s'inquiétait toujours de le voir participer à ce genre de batailles car il était souvent tête en l'air et insouciant, mais il esquivait promptement les flèches qui pleuvaient sur lui et répliquait par des piques assassines – en théorie, ce petit génie excellait dans le maniement de toutes les armes, mais son statut de stratège de leur armée lui interdisait de se mêler aux combats si ce n'était pas nécessaire.

« Couvre Tanizaki, il va essayer d'atteindre le général Hirotsu là-bas ! » La jeune femme balaya le champ de bataille à la recherche du jeune archer, qui détalait en effet en direction du général ennemi, juché sur son cheval et présentement occupé à donner des ordres aux soldats sous ses ordres. Le tuer mettrait sans doute fin à la bataille, et garantirait à leur armée la victoire sur cette plaine.

« Atsushi ! héla-t-elle le jeune homme qui s'était rapprochée d'elle. Suis-moi ! »

Le bretteur hocha la tête, donna un coup d'épée pour mettre son ennemi actuel hors d'état de nuire et suivit la jeune femme qui slalomait entre les corps, d'amis comme d'ennemis, pour se rapprocher de l'archer d'élite qui faisait face aux soldats les plus aguerris chargés de défendre leur général. Ses flèches précises brisaient la formation de leurs adversaires, mais il était submergé par leur nombre. Leur stratégie n'avait rien de secret, et les autres étaient bien déterminés à les empêcher de la mener à bien, car ils savaient tout aussi bien qu'eux que la perte de leur commandant signerait leur fin.

Ils se jetèrent sur les cavaliers les plus proches, et firent ainsi signe à Tanizaki de continuer sa progression. Ils géreraient les cinq cavaliers – et ceux qui se rapprochaient – comme ils le pourraient, à deux. Fort heureusement, une partie des soldats qui essayaient de rejoindre leur général était interceptée par le reste de l'armée dirigée par Ranpo, et qui était bien déterminée à empocher la victoire également. Entre deux sortilèges, Yosano aperçut Kunikida, un paladin, qui assénait des coups de lance si puissants à son ennemi qu'il reculait un peu plus à chaque pas, et se retrouva ainsi acculé par l'escouade dirigée par le soldat monté.

Il lui semblait que la bataille ne prendrait jamais fin. Elle se sentait de plus en plus épuisée – enchaîner autant de sortilèges épuisait sa magie et ses esquives étaient de plus en plus pitoyables car sa condition physique se dégradait. Mais elle continua de garder un œil sur les ennemis, et sur Tanizaki qui se trouvait désormais face au général Hirotsu. De temps à autre, elle lui lançait des sorts de soin puissants pour le soutenir, mais l'archer devait majoritairement se débrouiller seul face au vétéran de l'Empire.

Après plusieurs minutes de duel qui lui semblèrent durer une éternité, elle entendit un cri d'agonie, et aperçut le corps du général qui tombait à terre dans un bruit sourd. Le temps parut se figer, et le silence s'installa pour la première fois depuis le début du combat. Les soldats ennemis semblaient complètement désemparés après la perte de leur général – et Yosano songea qu'il en serait de même pour eux s'ils avaient perdu Ranpo – et laissèrent peu à peu tomber leurs armes. Ceux qui tentèrent de s'enfuir furent promptement rattrapés par les vainqueurs de cette bataille, qui se mirent à échanger des cris triomphants.

Yosano observa les soldats encore debout qui manifestait leur joie. Ils avaient gagné, songea-t-elle. Le Royaume avait gagné cette bataille face à l'Empire, et ils étaient prêts à en faire de même pour les suivantes. Elle doutait que l'homme sanguinaire qui gouvernait l'Empire laisse passer la perte de l'un de ses meilleurs généraux sans réagir, mais il serait bien accueilli par des soldats dont le moral était au plus haut. Le Royaume avait juré de ne pas se laisser faire, et ils tenaient leur promesse sans faiblir depuis la mort du roi Natsume.

« Yosano ! » La wyverne de Ranpo effectua quelques tours avant de se poser non loin d'elle. Elle remarqua lorsqu'il descendit qu'une légère estafilade lui barrait le bras gauche.

« Tu es blessé ? s'exclama-t-elle en se dirigeant vers lui, prête à lancer un sort de soin mineur, mais il l'interrompit en levant les bras :

« Ce n'est rien de grave, ne t'inquiète pas. Tu as déjà beaucoup trop utilisé ta magie, ne t'en fais pas pour moi.

Je t'ai déjà dit de ne pas me ménager, bougonna l'évêque. Je suis largement capable de te soigner.

Bien sûr que tu l'es ~ Ma petite amie est forcément formidable ~ »

La susnommée secoua la tête avec consternation, même si un petit sourire était apparu sur ses lèvres. Elle l'entraîna sans plus discuter vers le campement où se regroupaient les soldats, pour qu'il soit au moins soigné par quelqu'un d'autre de compétent en foi. Elle en profita pour essayer de compter le nombre de soldats qui se rassemblait, afin d'évaluer leurs pertes. Évidemment, Ranpo l'avait prise de vitesse, puisqu'elle l'entendait marmonner qu'il y avait eu trop de pertes par rapport à ce qu'il avait prévu. Une chose qui était rare ; Ranpo était leur stratège essentiellement car il prédisait très bien ce qui se passait sur le champ de bataille.

« Ils s'y attendaient, finit-il par marmonner un peu plus fort. Ils avaient prévu cette attaque.

Mais nous avons gagné.

Dazai m'énerve, continua de bougonner Ranpo comme si elle n'avait rien dit, il est trop perspicace.

Tu l'as dit toi-même : tant qu'il ne vient pas directement sur le champ de bataille, on pourra s'en sortir malgré tout. »

Tous deux craignaient ce qui se passerait si le stratège de génie de l'Empire, celui qu'on surnommait le prodige de la guerre, se décidait à donner ses ordres directement lors des combats plutôt que de rester soigneusement retranché dans la capitale impériale. Dans ce cas-là, la victoire leur deviendrait plus inaccessible, car le jeune homme était presque plus perspicace que Ranpo. Cela coûtait au stratège du Royaume de l'admettre, mais il ne pouvait pas faire autrement devant le palmarès de l'Empire.

Ils atteignirent le campement dans les bons derniers, à tel point que certains semblèrent soulagés de voir qu'ils n'étaient pas tombés au combat. Ranpo fut directement soigné par Atsushi qui avait encore de la magie en réserve, pendant qu'Akiko se faisait elle-même soigner par Naomi Tanizaki, la petite sœur de Junichirô, le héros du jour. La jeune femme était encore une élève de l'Académie des Officiers, mais, comme les autres futurs diplômés, elle venait parfois prêter main-forte après les combats. Elle aspirait au certificat d'élite d'enchanteur avant de quitter le monastère dans quelques mois, et elle semblait en bonne voie pour le réaliser, même si sa participation à la guerre se résumait plus à une utilisation de foi que de science.

« Yosano ! » Tanizaki l'interpella joyeusement. « Merci pour toute à l'heure. Ces cavaliers m'auraient tué sans toi et Atsushi.

C'est normal, déclara-t-elle, que ferait-on sans notre meilleur archer ? » Le rouquin rougit devant le compliment avant de reprendre :

« On se réunit dans la tente de Kunikida ce soir. Tu seras de la partie ?

Amenez de quoi boire et comptez sur moi. » répondit-elle avec un clin d'œil.

Le « On » se référait à leur promotion de Garreg Mach, leur petite classe qui avait été envoyée sur le front dès leur diplôme en poche. Certains d'entre eux avaient péri – le souvenir d'Haruno, leur gentille camarade décédée lors d'un combat quelques semaines plus tôt, restait douloureux pour eux – mais ils étaient attachés à l'habitude de se retrouver après chaque combat pour simplement passer du temps les uns avec les autres. La mort planait au-dessus d'eux à chaque instant, alors ils célébraient le fait d'être en vie dès qu'ils en avaient l'occasion.

Le soleil n'était pas encore couché, mais elle se sentait plus épuisée que jamais. Malgré ce qu'elle avait dit, elle avait grandement épuisé la quantité de magie dont elle disposait et la magie blanche ne permettait pas d'effacer la fatigue et les douleurs musculaires. Elle prit donc la décision d'aller se reposer dans la tente qu'elle partageait avec Ranpo, afin de ne pas dormir debout le soir-même. Le stratège n'était pas encore installé – sans doute effectuait-il un débriefing aux autres généraux du Royaume – alors elle en profita pour lui voler sa place sans une once de culpabilité. Premier arrivé, premier servi, c'était à son tour de se tenir loin des courants d'airs, bien au chaud sous les couvertures.

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Lorsqu'Akiko se réveilla et passa la tête à l'extérieur de la tente, la lune était déjà haute dans le ciel, et elle pesta intérieurement contre elle-même. Elle avait l'intention de se reposer quelques heures, pas de dormir tout son soûl... Elle arrangea rapidement ses cheveux, enfila des vêtements propres et non déchirés beaucoup plus confortables que ceux qu'elle portait pour combattre et se hâta vers la tente de Kunikida en espérant ne pas avoir manqué leur rendez-vous. Heureusement, lorsqu'elle arriva, elle entendit les rires un peu éméchés de ses compagnons de combat, et constata en entrant qu'ils étaient encore occupés à boire. L'occupant de la tente avait installé une table en son milieu, et ils s'étaient tous installés autour : Kunikida et Tanizaki à chaque extrémité, tandis que Ango et Ranpo se faisaient face.

« Ah, enfin ! s'exclama Kunikida en fronçant les sourcils. On pensait que tu avais oublié notre rendez-vous. » Le paladin avait beau avoir quitté son armure imposante, son regard faisait le travail pour intimider les autres. Le jeune homme blond était très à cheval sur la ponctualité, et détestait les retards, surtout pour ces événements auxquels il attachait une importance capitale.

« Désolée, je me suis endormie, s'excusa l'évêque en s'installant entre Ranpo et Tanizaki.

Tu as volé ma place, se plaignit le premier sur un ton enfantin.

Sans le moindre regret. » Le jeune homme fit la moue, ce qui amusa grandement les autres – de toute manière habitués à leurs scènes de ménages quotidiennes.

« J'ai les épaules en compote, soupira Tanizaki, dont les joues rosées indiquaient qu'il avait déjà bu plus que de raison.

Tu es le héros de tous, prends sur toi, se moqua Akiko.

Justement, j'ai le droit de souffrir ! J'ai cru que le général Hirotsu allait m'empaler vivant tant de fois...

Mais, fit observer Ango, resté silencieux depuis son arrivée, nous avons marqué une avancée importante. Hirotsu était un des piliers de l'armée empirique.

L'empereur sanguinaire ne va pas apprécier ce retournement, soupira Kunikida. Je pense que nous avons intérêt à rester sur nos gardes dans les jours à venir.

Le professeur Fukuzawa m'a dit qu'il allait doubler la garde, les informa Ranpo en prenant une gorgée de bière – mauvaise idée songea en son for intérieur Akiko, mais elle ne fit rien pour l'en empêcher.

Il est ici ? » demanda-t-elle à la place. À sa connaissance, leur professeur avait décidé de rester au monastère pour continuer d'enseigner à l'Académie des Officiers.

« Le monastère n'est plus une place sûre, répondit le noiraud en secouant la tête négativement. Le professeur Fitzgerald a failli être assassiné. » Plusieurs exclamations lui répondirent.

« Fitzgerald ? Mais l'Alliance n'a pris aucun parti ! souligna Kunikida. Ils sont en dehors de cette guerre.

Justement, cela ne plaît pas à l'Empire. Ils sont en train de perdre du terrain et des hommes. Ils doivent se renforcer, et ils comptent bien mettre la main sur les forces armées de l'Alliance.

Si la tentative a échoué, cela nous est favorable, fit remarquer Tanizaki. Et nous pourrons peut-être mettre la main sur les forces de l'Alliance pendant que l'Empire est affaibli.

Mais, ils n'ont pas joué leur dernière carte, fit remarquer lugubrement Ango. L'Empire fricote avec les Rats depuis des années. »

Le jeune évêque sombre – expert dans le maniement de la magie obscure, contrairement à Yosano qui était une experte de la magie blanche – avait passé plusieurs années à espionner l'Empire, à l'époque où la guerre couvait seulement. Il avait fini par rentrer au Royaume après que sa couverture n'ait été révélée, avant que tout ne commence, mais était encore le mieux placé pour les informer des faits et gestes de leurs adversaires. Il s'inquiétait particulièrement des liens forts qui s'étaient tissés entre l'Empire et le groupe indépendant des Rats des Ténèbres ces dernières années.

« Quand même, les coupa soudainement Ranpo, vous réalisez que tout ça a commencé à cause d'une histoire d'amour ? » Il y eut un petit silence, puis tout le monde se tourna vers lui, curieux de savoir ce qu'il voulait dire et pourquoi il faisait cette réflexion maintenant, alors qu'ils étaient plongés dans une discussion des plus sérieuses.

« Une histoire d'amour ? répéta Tanizaki. Tu parles de la rumeur selon laquelle la guerre aurait débuté à cause d'une liaison entre le professeur Fukuzawa et le professeur Mori ?

– Ce n'est pas une rumeur, Fukuzawa me l'a dit ~ » Il y eut un nouveau silence, avant que l'entièreté des personnes présentes dans la tente ne laisse échapper un cri de surprise.

« Quoi ?! »

Le noiraud semblait très satisfait de son petit effet, et il laissa passer quelques secondes avant de leur expliquer que les rumeurs étaient vraies et que c'était parce que Fukuzawa et Mori avaient commis « l'erreur » de se fréquenter – et surtout parce que leur relation avait été dévoilée – que la déclaration de guerre avait été signée. Pour être exact, la guerre couvait bien avant, depuis le jour où l'empereur avait sommairement assassiné le roi lors d'une visite diplomatique. Tout le monde savait que l'empereur était à moitié fou, et ce geste avait bien failli être la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Heureusement, les deux gouvernements avaient par la suite trouvé une alliance plutôt bénéfique pour les deux parties, et la paix avait été prolongée de quelques années – sauf que la découverte d'une liaison entre les deux instigateurs du traité de paix avait tout remis en question, et provoqué une chute irrémédiable dans la violence et la guerre.

« D'un autre côté, finit par déclarer Akiko, la plupart des guerres commencent par amour. C'est le cœur des conquêtes militaires.

En effet, appuya Kunikida. La Triple Croisade du siècle dernier, qui a opposé les trois nations, avait aussi été déclenchée à cause d'une histoire d'amour.

Ranpo, Yosano, déclara Tanizaki avec un petit sourire, promettez-nous de ne jamais en faire de même. » La jeune femme lui asséna un coup de poing dans l'épaule, mais son petit ami répondit à la moquerie avec un grand sourire amusé.

« J'ai déjà failli démarrer une guerre pour Akiko~ »

Et c'est parti, songea avec consternation la concernée en secouant la tête avec désespoir. Elle était sûre qu'il n'attendait qu'une occasion pour raconter cette histoire qu'il considérait comme légendaire pour leur relation. Légendaire, elle ne savait pas si elle l'était, mais terriblement ridicule, c'était certain. Elle mourait d'envie de dire à son petit ami de se taire, mais elle voyait dans les yeux avides de détails de ses compagnons d'armes qu'elle ne s'en tirerait pas ainsi.

« Pardon ? répéta Kunikida, stupéfait. C'est une plaisanterie ?

Je ne suis tout à fait sérieux, pas vrai Akiko ? » La susnommé leva les yeux au ciel mais opina.

« Comment se fait-il qu'on ne connaisse pas cette histoire alors qu'on était à Garreg Mach ensemble ? s'étonna Tanizaki.

Parce qu'elle est totalement ridicule ? essaya de s'en sortir la jeune évêque.

Parce qu'elle remonte à avant notre arrivée à l'Académie, répondit Ranpo sans prêter attention à sa remarque. Et que j'attends toujours la meilleure occasion pour la raconter ~ »

Il ponctua sa déclaration d'un grand sourire innocent – en apparence en tout cas – adressé à la jeune femme à ses côtés, qui soupira avant d'écouter son ami d'enfance raconter la fameuse guerre qu'il avait commencée pour elle. Même si elle protestait souvent quand il l'amenait sur la table, elle aimait bien l'entendre la raconter car il y avait une forme de fierté dans sa voix qui l'amusait. Edogawa considérait cette histoire comme un souvenir très cher de sa relation avec sa petite amie, et dire qu'il n'en était pas de même pour elle aurait été mentir.

« Donc, vous savez que nos parents étaient amis de longue date n'est-ce pas ? ~ »

Akiko était la fille cadette du marquis Yosano et de son épouse, tous deux des proches du roi défunt. Puisqu'elle avait hérité de l'emblème familial qui lui conférait une plus grande affinité avec la magie blanche, elle était leur héritière et les accompagnait souvent aux dîners d'affaires qu'ils organisaient avec les autres hauts placés du royaume. Ranpo, lui, était le fils adoptif du professeur Fukuzawa, enseignant à l'Académie des Officiers qui formait les nobles des trois parties de Fódlan et conseiller personnel du roi. Il avait également un emblème, qui lui permettait parfois d'augmenter sa vitesse et d'esquiver ainsi plus facilement les attaques. Leurs deux familles étaient très amies, même si certains peinaient à le croire lorsqu'ils se souvenaient que les Yosano étaient autrefois une famille de l'Empire.

Ils s'étaient vite rencontrés tous les deux, malgré leurs deux ans d'écart, et il n'avait jamais été exclu des conversations qu'ils se marient une fois adultes. Mais leurs parents ne voulaient pas se fermer d'éventuelles opportunités, alors aucune déclaration officielle n'avait été faite ; c'était pour le mieux, songeait souvent Akiko, car jamais elle n'aurait accepté un tel accord. Elle n'était pas faite pour être « vendue » à un homme et ainsi redorer le blason de sa famille.

« Il est souvent arrivé qu'on dise au professeur Fukuzawa de cesser de fréquenter la famille d'Akiko, poursuivit le jeune homme, et, même si mon père n'en tenait pas rigueur, cela m'agaçait quelque peu.

C'est parce qu'ils sont originaires de l'Empire non ? fit remarquer Ango. Les tensions étaient déjà là.

Les préjugés étaient déjà là tu veux dire, se moqua Akiko. J'ai parfois l'impression que l'animosité entre l'Empire et le Royaume, qui dure soi-disant depuis toujours, est plus un mythe véhiculé par les mentalités qu'un véritable fait. » Son interlocuteur fit la moue mais eut la décence de ne pas la contredire.

« Peu importe, cela m'agaçait, reprit Ranpo. Donc, j'ai proposé à Akiko qu'on fasse en sorte de leur donner une bonne leçon.

Si mes souvenirs ne me font pas défaut, tu m'as pratiquement forcé la main. »

À ce moment-là, ils avaient respectivement douze et quatorze ans, et, s'ils s'appréciaient, ils n'étaient pas non plus les meilleurs amis du monde. Le jour où elle était arrivée au manoir des Fukuzawa et qu'Edogawa lui avait pratiquement sauté dessus pour lui parler de son « plan de génie », elle n'avait pas vraiment compris quelle mouche le piquait. Et il n'avait pas vraiment écouté ses protestations quant au fait qu'ils risquaient de juste mettre leurs familles dans l'embarras.

« C'était pour toi, protesta Ranpo.

Pas du tout, c'était pour faire étalage de tes talents de stratège, répliqua d'un ton sans appel la brunette.

J'imagine tellement bien la scène, commenta Tanizaki, un Ranpo miniature qui se prend déjà pour un stratège de génie. » Sa déclaration déclencha le rire d'Akiko, et fit bouder ledit stratège. « Quoi ? ajouta le rouquin, un peu déstabilisé devant leurs réactions.

Tu ne crois pas si bien dire, pouffa la jeune femme, il était plus petit que moi malgré nos deux ans d'écart.

J'ai grandi tardivement ! bougonna Ranpo. Aujourd'hui, je te dépasse.

De deux centimètres, murmura sa petite amie en réponse.

Et au final, reprit Kunikida pour recentrer la conversation, qu'est-ce que vous avez fait ?

J'ai dit que je comptais l'épouser à toute la table des hauts dirigeants du Royaume.

Y compris les Hô, à qui mes parents venaient juste de promettre ma main. » ajouta Akiko.

Pendant que ses camarades en perdaient leur mâchoire de surprise, elle repensa à la réaction de tous les adultes attablés après cette déclaration soudaine mais très sérieuse. Elle était similaire à celle qu'elle observait aujourd'hui – le seul à avoir laissé échapper un rire, c'était le professeur Fukuzawa, visiblement habitué aux fantaisies de son protégé. Ses parents, en revanche, avaient trouvé cela beaucoup moins amusant, et elle se souvenait encore du savon qu'ils lui avaient passé une fois rentrés. Mais, au final, si les Yosano avaient présenté des excuses officielles aux Hô, la troisième famille la plus importante du Royaume après la famille royale et les Fukuzawa, personne n'avait démenti la possible union des deux enfants.

Donc, malgré tout, la rumeur avait circulé partout, tant et si bien que de nombreuses personnalités avaient quand même cru à leur union future – mais ils avaient fini par la démentir, parce que les sous-entendus graveleux des hauts placés avaient eu raison de leur patience, et qu'ils préféraient assumer l'amitié profonde qui était née entre eux au fil des années après cette vaste plaisanterie.

« Vous avez frôlé l'incident diplomatique avec les Hô ? s'étouffa Kunikida une fois remis de sa surprise. Une des familles les plus influentes ? Vous êtes inconscients ?

Je ne savais pas pour ces fiançailles, se défendit Akiko. Mes parents ne m'en avaient pas parlé une seule seconde. Et puis, je ne crois pas que cela aurait stoppé Ranpo, ajouta-t-elle en adressant un regard amusé à son petit ami.

En effet. Les Hô se prennent pour plus importants qu'ils ne le sont vraiment. Une petite leçon ne leur a pas fait de mal ~

Tu es si insouciant, soupira le blond avec consternation. Je ne comprends pas comment tu peux te comporter avec si peu de préoccupation pour les conséquences de tes actes. Tu risques de causer des problèmes au professeur Fukuzawa un jour !

Détends-toi, Kunikida. Les Hô ont failli prendre ça pour un affront personnel, mais nos excuses ont tout rétabli ~ »

Ils avaient frôlé le conflit civil avec la troisième famille la plus importante de Yokohama, et le pire était que ce n'était pas le crime le plus grave qu'ils aient failli commettre. Ranpo entraînait toujours sa compagne dans les coups les plus foireux, et elle ne savait même pas elle-même pourquoi cela la dérangeait si peu. Sans doute parce que l'amusement n'avait pas cédé la place à la lassitude mais plutôt à l'amour.

« Heureusement que rien n'a eu lieu quand même, soupira Tanizaki. On n'avait pas besoin d'une guerre supplémentaire...

Oh ? Je comptais pourtant en commencer une pour offrir une portion de territoire à Akiko pour notre anniversaire. » se moqua Ranpo.

Il y eut encore un silence, et Akiko observa le visage de ses camarades un par un : Tanizaki essayait de comprendre si c'était une blague, Kunikida semblait à deux doigts d'imploser tant son visage s'était empourpré, Ango cherchait visiblement une excuse par s'éclipser avant que la veine du front de Kunikida ne lâche, et Ranpo, lui, était fier et heureux de lui. C'était évidemment une blague de mauvais goût – encore que, elle-même avait des doutes devant la lueur satisfaite qui brillait dans les yeux verts de son petit ami.

On disait bien que le cœur de la conquête était l'amour, mais elle préférait voir cette conquête d'un point de vue romantique que territorial pour être honnête... 

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