Chapitre 4 ~ Loup-garou

J'étais si faible. Mon corps marqué par le feu et les fleurs d'aubépine le prouvait. Pourquoi avait-il fallu que je survive à cette torture ? pourquoi refusait-on de me laisser mourir ? j'entendais encore le rire sadique de l'Ambassadrice lorsque, n'en pouvant plus, je hurlais de douleur.

Pourquoi ?

POURQUOI ??

Ils ne pouvaient pas me laisser là ? me laisser devenir aussi froide que la glace pour finir par m'endormir ?

Je n'avais même plus la force de crier. Si ma condition me l'avait permis, je crois que je pleurerais à chaudes larmes et ce, plusieurs jours d'affilés.

Et j'allais passer le reste de ma vie ici. A alterner entre les carnages et la faim. A connaître la liberté sans pouvoir la vivre.

Soudain, la porte s'ouvrit. Un lycanthrope entra dans la salle suivit par deux autres qui tenaient chacun un bras d'un garçon inanimé. Ils l'emmenèrent dans une des cellules en face de la mienne. Sans doute pour me narguer. L'isolement était l'une des formes de torture que je supportais le moins. Le besoin de parler à quelqu'un d'autre se faisait sentir lorsque des pensées suicidaires naissaient dans mon esprit. Mais la plupart du temps, j'entendais la respiration des autres vampires. Même si nous n'en avions pas réellement besoin, cela faisait du bien d'entendre quelque chose qui provenait d'un être vivant. Et cela faisait du bien de savoir que je n'étais pas seule.

Lorsque les gardes s'en allèrent sans me jeter un regard, un bruit me fit m'approcher de mes barreaux. Je les agrippais sans savoir d'où ce son, régulier, provenait.

Je ne sais pas combien de temps je restais là, à fixer ce garçon aux cheveux bruns et à la peau claire, sans pourtant être blanche. Mais, il finit par ouvrir les yeux et par s'asseoir en regardant partout autour de lui. Il n'avait pas les réactions que j'attendais. Pas de cri, pas de sursaut apeuré. Il ne se jetait pas sur les barreaux en gémissant. Non, il se contenta d'examiner les lieux du regard et lorsqu'il me vit, il pencha la tête sur le côté.

Mes yeux s'écarquillèrent lorsque je compris. Ce bruit que j'entendais n'était autre que les battements de son cœur.

Je reculais de surprise et de frayeur. Ce garçon n'était pas un vampire, c'était un lycanthrope. Mais depuis quand les loups-garous se capturaient-t-ils entre eux ? peut-être qu'il s'était rebellé. Mais pourquoi l'aurait-il fait ? les loups-garous ne se souciaient pas des vampires et inversement. Les vampires haïssaient les loups-garous. Il était inconcevable pour moi de les aimer. Pas après tout ça. Pas après tout ce que j'ai dû faire et tout ce qu'ils m'ont fait subir.

— Ça fait combien de temps que tu es ici ? demanda-t-il d'une voix tranquille.

Son calme me surprenait. La plupart des personnes nouvellement enfermées avaient tendance à crier, gémir, se plaindre. Ce n'était pas leur faute, nous passions tous par là. C'était une phase nécessaire avant la résignation. C'était tellement étrange que j'oubliais toute prudence. Avoir de la compagnie sans qu'elle ne soit désespérée ou terrifiée me faisait du bien.

Je m'assis en tailleur sur le sol, face aux barreaux.

— Quinze ans, répondis-je d'une voix rauque.

La faim me rongeait et son cœur battant ravivait ma douleur. Mais, n'était-ce pas préférable à la solitude ?

Finalement, je lui tournais le dos. Peut-être que c'était une autre de ses manigances. Elle enfermait un de ses loups pour que l'arôme de son sang me rende folle pour que ma prochaine chasse soit plus fructueuse que la dernière mission que je n'ai même pas pu terminer.

— Attend ! me lança-t-il en me voyant me renfoncer dans ma cellule, c'est quoi ton nom ?

J'écarquillais les yeux. Aucun de ses lycanthropes ne se donneraient la peine d'apprendre mon nom. Pour eux, je n'étais qu'un esclave et ce, depuis de nombreuses années.

Il me fallut un bon moment avant de pouvoir m'en souvenir.

— Phoenix, murmurais-je.

Il eut un petit sourire :

— Enchanté Phoenix, je m'appelle Loukas

*                *

*

Je sursautais lorsque la porte s'ouvrit dans un fracas tonitruant. Deux gardes, équipés d'une armure légère, entrèrent dans la prison et se dirigèrent vers la cage du lycanthrope.

— L'Ambassadrice veut voir le traître ! déclara froidement l'un d'eux.

Loukas recula :

— Je ne suis pas un traître ! se défendit-il.

Ils ricanèrent.

— Tous ceux qui ne sont pas dans nos rangs sont des traîtres. Heureusement pour toi, tu ne vas plus le rester très longtemps...

Le captif écarquilla les yeux, horrifiés.

— No...non...

Ils ouvrirent la cage et l'attrapèrent par les bras. Il tenta de se défendre mais un coup bien placé à l'arrière du crâne le fit vaciller et il tituba tandis que les deux gardes le trainaient hors de la prison.

Que redoutait donc ce lycanthrope ? Il ne risquait rien. La plupart d'entre eux était bien traité et s'il correspondait à leur critère, il pourrait diriger sa propre meute et avoir sa propre escouade de loup. Alors ? pourquoi était-il aussi terrifié à l'idée d'intégrer leur rang ? A moins que ce ne fut un piège pour me torturer. Me faire croire que je pouvais encore faire confiance à quelqu'un. Mais sa réaction spontanée et son rythme cardiaque trop rapide me firent comprendre qu'il restait encore des loups libres à l'extérieur. Malheureusement, je ne pouvais pas l'aider et il se fit emmener de force par les deux lycanthropes.

Je restais seule pendant de nombreuses heures jusqu'à ce que deux vampires me rejoignent, escorté par deux gardes. L'un d'eux se fit enfermer dans la cellule en face de la mienne, l'autre, à ma droite. Ils avaient tout les deux le regard vide et la peau diaphane. Des marques de torture dépassaient de leurs vêtements sales. Lorsque les gardes furent partis, je m'approchais des barreaux de ma cage. J'ouvris la bouche pour dire quelque chose mais leur air sombre m'en dissuada. Le vampire tourna la tête et plongea ses yeux dans les miens.

— Si tu as quelque chose à dire, dis-le, siffla-t-il, c'est insupportable de sentir tes yeux emplis de curiosité sur moi.

J'eus un mouvement de recul. Cette voix me rappelait vaguement quelqu'un sans que je ne puisse dire qui. Je me souvenais l'avoir vu quelques fois mais sans plus.

— Je, commençais-je avec hésitation, je voulais savoir si vous aviez remarqué quelque chose.

Il haussa un sourcil.

— Comme quoi ? Je ne peux pas lire dans tes pensées alors précise.

— Un lycanthrope était là, son odeur flotte toujours dans l'air, mais...

— Mais ?

Je pris une grande inspiration :

— Il ne faisait pas partie de Son armée.

Le vampire soupira :

— Et alors ?

— Et bien peut-être que...

Il s'esclaffa méchamment.

— Alors tu penses que sa meute va venir le délivrer et nous avec ? Je pensais que tu le savais, nous ne sortirons jamais d'ici. Abandonne cet espoir avant que la déception et la colère ne te fasse basculer de l'autre côté. Je préfèrerais que tu restes maître de toi-même.

— Julius ! s'exclame le deuxième vampire, allons ! l'espoir est mort pour nous mais elle...

Julius se leva et grogna :

— Tais-toi Hakan !

— Julius, ajouta ce dernier plus doucement, toi, plus que quiconque tu le sais bien, l'espoir est tout ce qui lui reste alors... ne le lui prend pas !

Il avait fini sur un ton suppliant.

Je comprenais à peine de quoi ils parlaient. Mes souvenirs étaient confus. Une image apparut alors : Hakan et Julius, armés d'une hallebarde accrochée dans leur dos et vêtus d'une cape noire et rouge avec, cousu d'un fil doré, un croissant de lune entouré d'une rose, marchaient avec d'autres habillés comme eux. Puis je clignais des yeux et l'image, le souvenir ? disparut.

Julius feula doucement en fermant les yeux. S'accrochant aux barreaux, il appuya son front contre ces derniers en jurant.

— Hakan, je te promets au nom du Roi que... si on sort un jour... je dépècerai tous ces vils lycanthropes un par un !

— Julius, murmura-t-il d'une voix très douce.

Mais un sourire naquit sur les lèvres de ce dernier.

— N'abandonnons pas ! nous encouragea-t-il, une occasion se présentera forcément.

Je ne comprenais pas comment il réussissait à penser de façon positive et surtout, à nous emmener avec lui. Je ressentais l'ambiance se réchauffer peu à peu.

Puis je compris que la chaleur n'avait rien à voir avec un ressenti quelconque. Le bâtiment brûlait. Soudain, une explosion retentit dans la nuit, des pierres tombèrent du plafond et m'ensevelirent tandis que j'entendais les deux autres crier.

*         *

*

— Mais on ne sait même pas où elle est ! Allez viens !

— On peut pas la laisser ! qui sait ce qui lui arrivera après !

— Si on bouge pas maintenant, les lycanthropes vont nous tuer ! Viens Hakan !

Hakan regarda les débris de pierre qu'étaient autrefois le plafond. Il balaya le reste du regard et vit deux autres vampires sortirent des décombres avant de décamper le plus rapidement possible. Il sentit l'odeur des loups-garous et la peur lui tenailla le ventre. Il fit un pas en arrière, buta sur une pierre et chuta en arrière. Julius le releva rapidement.

— Viens Hakan, si ça se trouve elle est déjà partie...

Il n'y croyait pas un mot mais il devait rassurer son ami. Il savait que, après ce jour, jamais plus il ne pourrait se regarder dans un miroir. Laisser un des siens à la merci de leur géôlière complètement folle le rendait malade mais... il avait peur. Attrapant le bras d'Hakan, il se mit à courir dans la forêt pour s'éloigner le plus possible de cet endroit maudit.

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