Chapitre 23 - Un Tsar
La piste sableuse serpente sous les pins de la forêt de Teneria, jusqu'à une cabane de bois quasiment introuvable par qui ignore son emplacement tant elle est dissimulée par les grands arbres. Andreï gare sa voiture devant la masure et sort avec ses acolytes.
Avec difficultés, Spyke et moi extirpons hors du pick-up le prisonnier qui refuse de se laisser faire. Malgré ses mains liées, il se débat à grand renfort de coups de pied et d'épaule et Tony doit nous aider à le maintenir. Mais il arrête soudain de bouger, semblant se liquéfier sur place, lorsqu'il aperçoit Andreï.
Miguel le fouille méthodiquement. Spyke lui a déjà ôté son pistolet et il ne trouve rien d'autre. D'un mouvement de tête, Andreï nous fait signe de l'amener dans la cabane. L'homme freine des quatre fers, mais Miguel l'attrape par le col pour le pousser avec nous à l'intérieur. La porte s'ouvre dans un craquement de bois sur une pièce aux rondins nus. Seuls une cheminée et un pilier central supportant une poutre rompent la monotonie anguleuse des murs sombres. Personne n'a dû venir ici depuis longtemps, une couche régulière de sable et d'épines de pin est agglutinée par la sève sur le plancher, et les trois fenêtres sont couvertes de suffisamment de poussière pour les rendre quasiment opaques, même la lumière du soleil semble crépusculaire.
Le prisonnier sursaute entre nos mains lorsqu'Andreï s'adresse à lui avec un simulacre de sourire :
- Bonjour Kozlov. Tu n'as pas l'air content de me voir. Pourtant, tu as dit à la police que nous étions de bons amis.
- Non ! Je n'ai pas parlé de vous, monsieur ! Je n'ai jamais parlé de vous !
Andreï laisse échapper un ricanement de mépris et lui répond avec un regard brillant, comme s'il lui confiait un secret :
- Les ennemis de mes amis sont mes ennemis.
Et il ajoute à mon intention :
- Détache-le, il n'ira pas loin.
Je tranche le collier plastique avec mon couteau et effectivement, le dénommé Kozlov ne bouge pas d'un poil, comme si Spyke et moi le retenions toujours. Miguel le pousse d'un coup sec entre les omoplates, le faisant trébucher jusqu'au centre de la pièce, devant Angelo qui l'accueille d'un rire moqueur. Il enlève ses lunettes noires, de toute manière inutiles dans la pénombre de la cabane, et fixe le prisonnier droit dans les yeux :
- Tu sais qui je suis ?
L'autre secoue la tête négativement avec frénésie. Angelo se rapproche de lui :
- Celui que tu n'as pas réussi à faire tuer.
Et de sa main baguée, il lui assène un puissant coup de poing dans l'estomac.
J'échange un regard avec Spyke. Leurs règlements de comptes ne me concernent pas, Andreï peut parfaitement se débrouiller tout seul. Nous avons un problème plus important à traiter : trouver une solution pour tirer Vitaly des griffes de la police de Teneria, alors je rappelle mes hommes vers la sortie. Mais Andreï nous arrête :
- Non, vous restez. Je pourrais avoir besoin de vous.
Son ton impératif ne souffre pas de refus. Pourtant, si je maintenais ma position, Andreï ne pourrait pas nous retenir, je ne pense même pas qu'il essaierait. Mais je me suis engagé à soutenir Andreï Tourgueniev, s'il me demande de rester, je reste. J'acquiesce donc simplement en silence et nous restons tous les trois les bras croisés, dos à la porte. Kozlov est toujours planté à l'endroit où Angelo l'a laissé, ses yeux paniqués roulant à toute allure entre la porte, les fenêtres, et chacun de nous qui lui bloquons tous les accès.
Andreï commence à le questionner comme s'il tenait une conversation banale, mais tout en parlant, il enroule méticuleusement une bande autour des doigts de sa main droite. Les yeux fixés sur ses gestes lents, le captif continue de nier son lien avec la police. Mais lorsqu'il termine d'attacher la bande, le regard glacé et déterminé d'Andreï qui foudroie Kozlov suffit à le faire reculer. Son dos vient buter contre les mains de Miguel, qui le renvoie froidement vers Andreï. Dès qu'il arrive à sa portée, Andreï le frappe violemment au visage, et l'homme repart en arrière comme un pantin, son regard affolé cherchant une sortie. Miguel le repousse une seconde fois, Angelo avance pour lui couper une issue, et par instinct de groupe, Spyke, Tony et moi resserrons le cercle, lui interdisant définitivement toute échappatoire.
Andreï frappe encore, et encore, augmentant l'intensité de ses coups au fur et à mesure que l'atmosphère s'échauffe. Le sang appelle le sang, les supplications pleurnichardes de Kozlov ne servent que d'incitation à le frapper plus fort, et Andreï obtient ce qu'il cherchait : il reconnaît avoir parlé à la police.
- Je n'ai pas donné vos noms, jamais ! J'ai juste parlé d'une cache d'armes, je ne savais même pas que c'était à vous !
Andreï demande l'identité des policiers concernés. Il ne se place pas contre l'institution tout entière, il cible des hommes, au cas par cas. Il considère que les forces du gouvernement ne sont qu'une milice concurrente, et pas une autorité supérieure. S'il est vrai que Kozlov n'a fourni aucun nom de l'Organisation à la police, c'est qu'il ne devait probablement pas les connaître, car face à nous, il dénonce tout le monde sans distinction. Ou peut-être craint-il davantage la justice d'Andreï que celle de l'État.
À force de le frapper, le prisonnier reste à terre recroquevillé sur lui-même. Andreï semble déçu de sa soumission si facile, comme d'un jouet trop fragile. Il ne questionne plus, il accuse :
- Tu m'as fait perdre de l'argent.
Kozlov ressort son visage de ses bras et lui répond le plus rapidement possible :
- Je vous rembourserai, monsieur, je le jure, je ferai tout ce que vous me demanderez.
- Tu m'as fait perdre trois hommes, continue Andreï comme s'il ne l'avait pas entendu.
Le chauve se décompose. On peut rembourser de l'argent, payer une dette jusqu'à sa mort, mais on ne peut pas rendre des vies.
- Je les connaissais tous par leur prénom, poursuit Andreï. Lorenzo, Leo, Dario, égrène-t-il lentement.
Il fait un moment de silence, en regardant Angelo qui ne rit plus.
- Contrairement à ce que pense mon oncle...
Il se met à vociférer, en ponctuant chaque rhèse de sa phrase par un coup de pied dans les côtes de son captif :
- Les hommes... ne sont pas... remplaçables !
Un cri de douleur du prisonnier accompagne sa dernière frappe, soutirant un sourire à Andreï. Il s'écarte quelque peu et tourne autour de lui, à l'intérieur du cercle :
- Chacun est unique, avec ses aptitudes et ses failles. Pour créer une société plus juste, il faut mettre chaque homme à sa juste place. La tienne est ici, à te traîner à mes pieds.
Il s'accroupit à côté de lui. Si Kozlov décidait soudain de réagir, Andreï ne pourrait pas esquiver le coup, mais il a bien trop peur pour tenter quoi que ce soit.
- Tu sais ce que le Grand Tsar faisait aux traîtres ?
- Non... fait l'homme, d'un ton qui ressemble plus à une supplication qu'à une réponse à la question.
- Tu veux que je te montre ? poursuit Andreï avec un large sourire carnassier.
- Non... répète l'homme plus faiblement.
- Je te laisse le choix, continue Andreï avec sadisme. Tu préfères ma méthode, ou celle du Tsar ?
- Pitié, monsieur.
- Bon, fait Andreï en se relevant.
Ses yeux translucides balayent notre cercle, et s'arrêtent sur moi.
- Jack, dis-moi, la méthode du Tsar, ou la mienne ?
Je déglutis. Le Grand Tsar était réputé pour récompenser le mérite et autoriser des secondes chances. Il l'était aussi pour sa cruauté sans pareille en cas de récidive de l'erreur.
- La tienne, dis-je à Andreï en gardant un ton égal.
- Ainsi soit-il, accorde-t-il avec une grimace presque déçue.
Et il renvoie un coup de pied au visage de l'homme qui reste allongé sur le sol poussiéreux, les bras couvrant sa tête.
- Lève-toi ! Bats-toi ! lui crie Andreï en tournant autour de lui comme un loup, une pointe de caprice outrepassant le ton habituellement contrôlé de sa voix.
Kozlov ne réagit pas. Ce manque d'obéissance est de trop pour Miguel. Il rompt le cercle et le saisit par le col pour le mettre sur ses pieds.
- Le Tsar t'a donné un ordre, gronde-t-il dans son oreille. Debout !
L'air terrorisé, il se redresse tant bien que mal, piégé dans notre cercle. Avec un éclair d'excitation dans le regard, Andreï sort de la poche de son jean un poing américain. L'autre recule face à la fatalité de son sort, mais il ne peut pas s'échapper. Alors Andreï se met à le frapper, avec une sauvagerie non retenue. L'homme ne tente même pas de se défendre, comme si sa situation pouvait encore empirer, il ne fait que supplier en cachant son visage autant qu'il le peut. Les hommes qui composent le cercle le repoussent chaque fois qu'il titube suffisamment près d'eux : Miguel comme un automate inexpressif, Angelo avec un plaisir manifeste, sans oublier de le gratifier d'un coup supplémentaire au passage, Spyke avec une lueur sadique dans les yeux.
Andreï, lui, a l'air de beaucoup s'amuser. Plus de costume ni de masque, voici le véritable Andreï Tourgueniev. Un roi au trône recouvert de sang, qui maintient la couronne sur sa tête par un intelligent équilibre entre les hommages et les exactions. Un Tsar.
Moi je choisis mon camp : celui des plus forts.
Encore un coup et l'homme chauve s'étale par terre devant moi, la pommette brisée en un flot de sang qui gicle jusque sur la jambe de mon jean.
- Désolé, Jack, me fait Andreï avec une grimace.
Je relève le type par son blouson. Il cherche à croiser mon regard, mais je l'évite soigneusement, en proie à un sentiment de malaise grandissant. Andreï ne frappe pas pour se venger ni pour lui soutirer des informations. Il frappe pour tuer. Je suis en train de participer à une exécution sordide.
- Pitié... me murmure-t-il avec douleur.
Je le rejette vers Andreï.
Tout à coup, un bruit distinct se fait entendre, comme si quelque chose venait de tomber sur les planches du toit. Andreï détourne fugitivement son attention du prisonnier et Angelo et Miguel échangent un regard. D'un geste de la tête, je désigne la porte.
- Oui, va voir, valide Andreï.
Je ne me le fais pas dire deux fois, et Tony m'emboîte le pas sans que je ne lui aie rien demandé. Arme à la main, j'ouvre rapidement la porte et je scrute la forêt en redoublant de précautions. Quelqu'un est peut-être là, tout près, caché, et il me verra avant que je ne le voie. Concentré sur chacun de mes pas, je me dirige du côté du bruit non identifié. Rien ne bouge dans le paysage, que le souffle calme du vent sur les aiguilles de pin, les seuls sons audibles proviennent de l'intérieur. Pourtant, quelque chose est tombé sur le toit, j'en suis persuadé.
Je braque nerveusement mon regard et mon pistolet vers les frondaisons. Une pomme de pin ? Je n'en vois aucune sur les branches épaisses qui surplombent la cabane. Un écureuil maladroit aurait pu en lâcher une. Je me penche pour chercher d'éventuelles traces dans le sol sableux jonché d'aiguilles mortes, mais je ne repère toujours rien.
Nous entreprenons de contourner la cabane pour vérifier tous les côtés, de plus en plus incertains sur l'origine de ce choc. Pendant un instant, j'ai eu le vague espoir qu'il mette un terme à la séance de torture, mais non. Pourquoi ai-je accepté de livrer cet homme dont je ne sais rien ? Pour l'argent, vraiment ? Par fierté ? Par peur d'Andreï ? Ou bien pour prouver quoi, et à qui ? J'inspire une grande bouffée d'air.
Tony m'interpelle à voix basse :
- Tu es au courant que ce qu'on est en train de faire là-dedans, c'est le mal absolu ?
- C'est un traître, je lui réponds mécaniquement, sans savoir si j'essaie de le convaincre lui ou moi-même.
- Ça, c'est Tourgueniev qui le dit. Mais moi, je ne le connais pas, ce mec, insiste Tony, il ne m'a rien fait. On est en train de tuer quelqu'un, juste parce que tu me dis que Tourgueniev t'a dit que c'était un traître.
Je vois parfaitement où il veut en venir, puisque c'est le même problème de conscience qui me retourne les entrailles depuis tout à l'heure. Mais il ne me le fera pas avouer. Je le regarde droit dans les yeux :
- Écoute-moi bien. Tu bosses pour moi, et moi je bosse avec Andreï. Donc s'il dit que c'est un traître, c'est un traître. De toute façon, maintenant, cet homme va mourir, quoi que tu fasses. Alors, garde la tête froide et joue le jeu, à moins que tu aies envie de te retrouver à sa place.
Il me fixe d'un air bizarre, mais au moins il se tait. Mon dernier argument, certes très dur, n'était pas une menace, seulement la stricte réalité. Nous achevons de faire le tour du bâtiment, mais il n'y a pas âme qui vive, je n'ai aucune idée de ce qui a pu provoquer le bruit que nous avons entendu.
Tout à coup, le froissement d'une fuite précipitée secoue les taillis de l'autre côté de la cabane, à l'endroit précis où nous nous trouvions tout à l'heure. Nous y fonçons au pas de course, juste à temps pour voir une ombre se perdre dans le sous-bois épineux. Tony esquisse un mouvement pour la prendre en chasse, mais je le retiens par le bras :
- Non, laisse ! Ça ne vaut pas le risque.
Et je ne tiens pas à fournir à Andreï une deuxième proie.
Nous écoutons quelques secondes le souffle du vent, mais le silence est retombé sur la forêt. À l'intérieur de la cabane aussi, d'ailleurs.
- C'était peut-être un animal, émet Tony sans conviction.
Mais dans le lointain, le bruit d'une voiture qu'on démarre puis qui s'éloigne lève le doute.
- OK, disons, un animal à moteur, alors, rectifie Tony, sarcastique.
Quand nous entrons de nouveau dans le bâtiment, le cercle s'est dispersé et Andreï est en train de s'essuyer les mains. L'homme chauve est mort, allongé sur le béton sablonneux, le visage couvert de plaies et de sang.
Le cœur au bord des lèvres, je détache mes yeux de son corps. Où est la gloire de tuer un homme qui n'a aucune chance, de torturer juste pour jouer ? Pourtant par le passé, j'ai vu et fait des choses sans broncher, la peur au ventre, certes, mais pas d'hésitation. De toute manière, cette peur familière, je la sens qui revient, qui se glisse sournoisement dans ma tête et qui influence mes choix. La Côte n'est pas différente d'avant, c'est moi qui ai changé. Suis-je devenu meilleur, ou seulement plus faible ?
- Qu'est-ce que tu as trouvé, dehors ? me demande Andreï d'un ton neutre.
En lisant le « ça va ? » interrogateur dans le haussement de sourcils de Spyke, je me rends compte que mon expression doit refléter le dégoût que je ressens. Pas tant un dégoût de la situation, que celui de mes propres actes. Je me force à retrouver un visage de marbre pour répondre à Andreï.
- Un homme s'est enfui en voiture, je n'ai pas pu le voir.
- Il était seul ?
- Oui.
Je sens le regard de Tony vissé sur moi et je me retourne vers lui pour vérifier dans quel état d'esprit il se trouve. Andreï ne fait aucun commentaire, il continue à distribuer ses ordres comme si de rien n'était :
- Miguel, Angelo, gardez la voiture et occupez-vous de régler les derniers détails. Jack, tu me ramènes, j'ai d'autres affaires à traiter.
Une fois sortis à l'air libre, Andreï passe un bras autour de mes épaules, comme tout à l'heure :
- Tu comprends pourquoi j'ai fait ça, n'est-ce pas ?
Sa main, posée sur moi d'un geste un peu trop écrasant pour être amical, vient de fracasser un crâne à coups de poing américain. Cette fois, je ne m'écarte pas. Bien sûr que j'ai compris. Il m'a demandé de rester non pas parce qu'il avait besoin de moi, mais pour me montrer ce qu'il fait aux hommes qui le défient.
- Oui.
Je reprends le volant du pick-up, avec Andreï sur le siège passager. Lui a quand même totalement confiance en moi pour partir seul avec nous. Il a beau être Andreï Tourgueniev, il ne s'en sortirait pas contre nous trois si nous décidions de nous retourner contre lui. Mais l'argent qu'il nous fait miroiter assure sa sécurité : même un chien ne mordrait pas la main qui le nourrit.
Tony s'est enfoncé autant qu'il le peut contre la portière arrière, le plus loin possible d'Andreï comme s'il s'agissait du Malin en personne. Moi, je préfère tirer un trait sur ses abominations et me focaliser sur mes camarades bien vivants plutôt que sur un mort inconnu. Et Andreï peut sûrement m'aider.
- Où est-ce qu'ils emmènent Vitaly ? je lui demande.
- À la maison d'arrêt de Teneria, je suppose.
Je mémorise l'information sans donner davantage de précisions.
- Je ne sais pas ce que tu as en tête, mais n'oublie pas la mission, d'abord.
Autant être honnête avec lui :
- Ta mission attendra, je dois retrouver Vitaly.
- Ah oui ? Et qu'est-ce que tu as l'intention de faire ? Tu vas prendre d'assaut une prison gouvernementale avec quatre hommes ? ironise-t-il avec un demi-sourire moqueur.
- Je n'en sais rien... suis-je bien obligé de reconnaître. Mais je ne l'abandonnerai pas.
- Personne ne te parle de l'abandonner, Jack. Mais laisse-le un peu à l'ombre, ça lui mettra du plomb dans la tête. Ce sera mieux pour nous, et ce sera mieux pour lui. Sois réaliste, il n'a pas sa place dans une opération commando.
Tout en parlant, Andreï plie et déplie ses doigts endoloris qui portent distinctement la marque des arêtes du poing américain malgré la protection des bandes. Au moins, Vitaly n'aura pas le sang de Kozlov sur les mains.
- Quand nous en aurons terminé, je le ferai sortir, poursuit-il. À ma manière, sans grenades, ajoute-t-il en se retournant pour transpercer Spyke de son regard de glace.
Celui-ci le fixe dans les yeux, mais reste silencieux. Vitaly doit être complètement paniqué. J'ai peur qu'il soit prêt à tout accepter pour être libéré, sans faire preuve de rationalité.
- Et s'il nous balance tous ?
Andreï hausse les épaules :
- S'il nous balance, il est mort.
Bien sûr, c'était une évidence. Voilà précisément le point auquel je ne veux surtout pas arriver. J'étais suffisamment éloigné de Radek pour ne pas avoir à envisager d'emblée les responsables de sa mort comme des ennemis, mais c'est différent pour Vitaly. Il s'est engagé à mes côtés, comme tous les autres, je ne peux pas laisser Andreï tuer un de mes hommes sans réagir. Mais me lancer dans une vengeance contre lui pourrait bien être la dernière chose que je tenterais de toute ma vie.
- Il faut que je lui parle, il a confiance en moi. Si je lui parle, je peux être sûr qu'il se taira.
- Il a hurlé ton prénom à tous les flics de la ville. Si tu veux mon avis, ce serait une très mauvaise idée d'essayer d'entrer en contact avec lui. Je lui ferai passer des messages en temps utile, je m'assurerai qu'il comprenne que les consignes viennent de toi. Ça te va ?
Je ne réponds rien, mon esprit trop accaparé par la vision d'Andreï frappant sauvagement son prisonnier pour avoir des pensées claires. Sa démonstration de force est réussie, je ne dois pas me laisser impressionner pour autant. Il continue son argumentaire :
- Je te promets que je ferai libérer Vitaly, si en échange, tu restes avec moi pour chasser Nikolaï. Tu as ma parole si j'ai la tienne.
Jusqu'ici, il a tenu toutes les promesses qu'il m'a faites. De toute manière, je ne sais pas quoi faire pour Vitaly.
- C'est d'accord.
Nous arrivons devant sa maison, Andreï descend de la voiture, mais avant qu'il ne s'éloigne, je ne peux m'empêcher de lui poser la question :
- Qu'est-ce qui fait que tu n'as pas tué Vitaly ?
- Il ne sait rien qui puisse être compromettant pour moi, répond-il du tac au tac.
- C'est tout, c'est la seule raison ?
Andreï me scrute un instant avec un regard indéchiffrable, et me dit :
- Oui, c'est tout.
Spyke intercepte la portière qu'Andreï allait refermer derrière lui. Les deux hommes se toisent pendant quelques secondes, leurs mains accrochées au montant. Andreï finit par lâcher la portière et Spyke reprend sa place à mes côtés à l'avant du pick-up.
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