Chapitre 21 - Soirée à Teneria


Pas de mission qui se profile à l'horizon, seulement l'attente une nuit de plus. La visite chez Olga semble avoir motivé Spyke à découvrir plus avant la vie animée de la Côte.

- On bouge un peu, ce soir ? nous propose-t-il à tous.

Toujours partant pour sortir, je secoue l'enveloppe d'argent qu'Andreï m'a laissée après l'achat des armes en annonçant :

- OK, on va sur Teneria.

Vitaly nous suit, évidemment, mais je suis plus surpris lorsque le Trappeur nous informe qu'il sera également de la partie. Je me tourne vers Katia d'un air hésitant :

- Tu...

- Garde le camp, chef, me répond-elle avec un sourire complice. Aucun problème.

Si la sensuelle Ludmia est la favorite de ceux qui recherchent le luxe et le calme, la volubile Teneria regroupe le restant hétéroclite des oiseaux de nuit.

Une fois le pick-up garé dans une ruelle, nous traversons le pont qui enjambe le fleuve. Direction le centre-ville, pour prendre la température du quartier nocturne. L'eau noire file sous nos pieds d'un débit fluide, portant les bateaux de commerce vers le port de l'ouest.

À l'époque où je vivais ici, le Grand Tsar possédait ou contrôlait un certain nombre d'établissements. Aujourd'hui, j'ignore comment les cartes ont été redistribuées, lesquels sont sous la coupe de Nikolaï, ou bien d'Andreï, ou bien indépendants. Moi je me rappelle surtout des bars de nuits illégaux à la limite du glauque, bien cachés au fond des impasses dans lesquelles les touristes n'entrent pas. Humer l'air sulfureux de la nuit de Teneria, mêlé à la fumée de cigarette, sans savoir de quoi sera fait demain, a la saveur enivrante de la liberté.

Notre premier choix se porte sur un bar rempli de monde à l'angle de deux rues très passantes. Accoudés contre le comptoir, au vu du nombre de personnes devant nous, notre occupation est toute trouvée : commenter les filles qui passent. Au début, Greg fait semblant de ne pas les voir, mais après quelques verres, ses yeux s'attardent plus volontiers sur les décolletés.

Mais depuis une poignée de minutes, Vitaly est distrait, accaparé par quelque chose à l'autre bout de la salle.

- Qu'est-ce que tu regardes ? lui lance Spyke en tendant le cou dans la direction concernée sans aucune discrétion.

- La blonde, là-bas, répond Vitaly, pas gêné pour un sou.

Le Trappeur et moi nous retournons simultanément pour juger de l'intérêt de ladite fille. D'une vingtaine d'années, elle est assise à une table avec quatre copines. Lorsqu'elles remarquent qu'elles sont observées, le groupe entier se met à pouffer, tout émoustillé d'être subitement le centre de notre attention non dissimulée.

- Non ? interroge Vitaly avec une pointe d'appréhension, en attente de notre validation.

- Si, répondons Spyke et moi d'une même voix.

- Pas mon style, fait Greg.

- Pourquoi pas ton style ? questionne Vitaly avec des yeux ronds.

- Trop jeune.

Évidemment, les blagues de Spyke ne le loupent pas sur cette réponse.

La conversation dévie sur d'autres sujets, mais Vitaly continue d'épier à la dérobée, en se tortillant à cause de la densité de la foule, provoquant à chaque fois une nuée de gloussements inaudibles jusqu'ici. Je me penche vers lui :

- Tu sais, à un moment, il va falloir que tu y ailles.

- N'importe quoi, marmonne-t-il en rougissant. Qu'est-ce que tu veux que je lui dise ?

Je hausse les épaules :

- Demande juste un numéro, et tu verras après.

- Tu parles, elle ne me le donnera jamais, fait-il d'un ton défaitiste.

- Qui ne risque rien...

- Oui, ben, j'ai pas envie qu'elle m'envoie chier devant tout le monde !

Je liquide la fin de mon verre, et je lui dis avec un clin d'œil :

- Moi j'ai l'habitude. Alors, observe et prends des notes.

Et je traverse le bar plein à craquer en direction de la table des filles.

Dix minutes plus tard, je reviens vers eux avec un sourire de victoire, et du plat de la main, je leur claque un petit papier sur le comptoir. Vitaly et Greg me regardent d'un air médusé, limite impressionné. Spyke, lui, pressent l'entourloupe :

- C'est un faux numéro ?

- Je t'assure que non.

- Et comment t'as fait ?

- Je lui ai dit qu'elle était la plus belle fille que j'aie jamais vue, et elle m'a filé son numéro.

- Tu te fous de ma gueule ?

- Oui, complètement, je lui réponds sans pouvoir me retenir de rire.

Comme tous les trois sont toujours suspendus à mes lèvres pour connaître ma technique, je me décide à donner une explication :

- Tu vois la moins jolie du groupe, sur la gauche ? dis-je à Spyke en la montrant discrètement du doigt. Elle te regarde avec des yeux qui crient « baise-moi » depuis tout à l'heure. Alors je lui ai échangé le numéro de la blonde contre le tien.

- T'as pas fait ça ! réplique-t-il scandalisé, ne sachant manifestement pas s'il veut me traiter de génie ou de connard.

- Bon, j'ai peut-être changé un chiffre.

Son regard m'apparaît trop soulagé, j'ai envie de le faire enrager un peu plus que ça :

- Ou peut-être pas, j'ajoute en partant en fou rire, devant sa tête qui se décompose de nouveau.

- Et comment tu sais qu'elle n'a pas changé un chiffre, elle aussi ? intervient Vitaly, intéressé quoi qu'il en dise.

- On va vite le savoir, dis-je en attrapant mon téléphone pour éclaircir la question.

- Non ! m'interrompt précipitamment Vitaly, arrachant un sourire au Trappeur, et faisant littéralement s'écrouler Spyke de rire sur le comptoir.

Pour m'empêcher de composer le numéro, il saisit vivement le petit papier et le fourre au fond de sa poche.

- T'as raison, lui dis-je d'un air goguenard, attends qu'elle ait bu un peu plus.

Le bar était déjà plein quand nous sommes arrivés, mais plus la nuit avance, plus de personnes affluent encore à l'intérieur, si bien qu'il devient difficile de ne pas se marcher dessus. Nous nous rabattons alors sur un pub moins fréquenté pour y poursuivre la soirée avec une place assise. Au milieu des pintes de bière, je sors un jeu de cartes :

- Poker ?

- Pour de l'argent ? questionne Vitaly

- Toujours, je lui réponds sur le ton de l'évidence.

En battant les cartes, je jette un coup d'œil au Trappeur qui me regarde sans rien dire. En me suivant au Ceagrande, il a choisi l'effort volontaire de repousser ses propres limites morales, mais je me demande jusqu'où je peux l'entraîner avant que nos visions du monde diamétralement opposées ne l'emportent sur notre amitié.

Les parties s'enchaînent, et la chance sourit à Spyke. Vitaly en revanche, malgré toute sa concentration, perd de l'argent à vue d'œil.

- Heureux au jeu... insinue-t-il pour provoquer Spyke.

- Ta gueule, puceau, rétorque ce dernier du tac au tac. Tape-toi la blonde, on en reparle après.

Plutôt que de poursuivre le sarcasme sur ce terrain, Vitaly préfère changer de sujet :

- Qu'est-ce que vous ferez avec tout le fric qu'on va gagner ? demande-t-il pendant que c'est son tour de donner les cartes. Moi je construirai une maison pour ma mère, et une pour moi.

- Oui, une maison, une grande maison, lui répond Spyke en se prenant au jeu.

- Avec une piscine ! surenchérit Vitaly.

- Une piscine à Faucon ? Tu vas te les geler, c'est pas le même climat qu'ici ! réplique Spyke en rigolant.

- Eh ben je reviendrai vivre sur la Côte. Et j'aurai aussi un yacht !

- Ah oui, carrément, s'esclaffe Spyke. Tu ne veux pas un jet privé pendant que tu y es ? Moi, je préférerais une grosse voiture ! Hein, Jack ?

La question apparemment inoffensive de Vitaly me reprojette en plein cœur des dettes que j'ai laissées à Faucon, un problème que j'ai soigneusement écarté depuis notre départ de l'Union Fédérale.

- J'ai pas mal de projets en attente de financement, dis-je en posant ma mise au centre de la table. Alors pour la villa avec piscine, on verra après.

- Surtout que tu dois un pick-up à Sydney, s'amuse Spyke.

- Et toi ? demande Vitaly à Greg, tout en relançant une mise qu'il n'a pas les moyens de perdre.

- Moi ? lui répond le Trappeur en terminant sa bière. Je ne crois que ce que je vois. Je te dirai ce que je ferai avec ce fric une fois que je l'aurai entre les mains.

- Allez, charrie Spyke, on a le droit de rêver, quand même ! T'as pas de rêve, toi ? Tu voudrais quoi si tu étais riche ?

- Une plus grande cabane, dans une plus grande forêt, encore plus loin des emmerdeurs.

Spyke lève les yeux au ciel et renonce à sa folie des grandeurs imaginaire.

- Putain, fais chier ! jure Vitaly en claquant sa double paire sur la table.

Il n'y avait plus que lui et moi en jeu, la révélation des cartes ne lui a laissé aucun espoir. Il pousse vers moi tout ce qu'il avait misé d'un geste énervé.

- Je vais prendre l'air ! annonce-t-il en terminant son verre et en se levant aussi sec.

Je rassemble l'argent et je lui emboîte le pas. Dans le fief des Tsars, il est prudent de rester groupés. Il a déjà allumé une cigarette en traînant des pieds sur le bitume ; Spyke et Greg nous rejoignent également.

Sur le trottoir d'en face, debout au milieu des tables d'un autre bar, je remarque quelqu'un qui parle toujours aussi fort, en agitant ses mains aux bagues clinquantes. Quelqu'un que je ne suis pas ravi de croiser. J'appelle Spyke :

- Regarde. C'est lui, Angelo Martini.

Spyke l'analyse un instant en silence. C'est Vitaly qui me répond :

- Je le connais. Et le type qui est assis devant lui aussi. Je les ai déjà vus chez mon père, et il ne les aimait pas beaucoup.

À force de l'observer de façon plus ou moins indiscrète, Angelo finit par tourner la tête dans notre direction. L'étonnement dans ses yeux se mue progressivement en une expression de défi. Je soutiens son regard tout en proposant prudemment aux autres :

- Ça vous dit de retourner boire une bière à l'intérieur ?

**********************

Quand nous ressortons du pub, Angelo a quitté sa place en terrasse. Mais en arrivant dans la rue où la voiture est garée, je comprends que nous n'éviterons pas le face-à-face.

Angelo nous attend, adossé nonchalamment contre le pick-up de Spyke, les bras croisés sur son blouson noir. Et il n'est pas seul. L'individu que Vitaly a identifié au bar n'est pas là, mais trois autres hommes au teint brun se tiennent près de lui.

Plus question d'espérer se soustraire à la confrontation, je marche vers eux d'un pas décidé, Spyke à côté de moi, Greg et Vitaly suivant derrière. En approchant, un détail me saute aux yeux : un tatouage en forme de soleil sur la main d'un des collègues d'Angelo. C'est Ricardo, celui qui nous a vendu les pistolets. Force est de constater que le portrait - robot de Spyke est plutôt ressemblant.

Angelo tapote des deux mains sur le capot de la voiture, un sourire réjoui inscrit sur son visage, savourant la perspective de l'affrontement.

- Ça se promène ? lance-t-il dès que nous sommes à portée de voix. Ça se croit en territoire conquis ? Comme quand ça traîne dans mon quartier ?

Je jette un coup d'œil rapide vers Ricardo. Qu'a-t-il dit à Angelo ? Et qu'Angelo en a-t-il dit à Andreï ? Je ne sais plus qui croire, ni qui est de mon côté. Je veux seulement calmer le jeu :

- J'ai suivi les ordres d'Andreï. Ici, on n'est pas dans ton quartier, et on ne cherche pas les embrouilles.

- Que t'es mignon, répond-il avec un rictus méprisant. Supplie-moi encore de vous laisser partir, j'adore ça.

Tout ce qu'il attend, c'est que je réagisse à ses provocations en déclenchant la bagarre, je ne lui ferai pas ce plaisir. Je serre les mâchoires en me forçant à me contenir, et Spyke prend le relais d'un ton ferme :

- Écarte-toi de ma caisse.

- On se connaît, blondinet ? lui fait Angelo, en laissant balancer sa clef de voiture à deux centimètres de la carrosserie.

Vitaly n'est pas dans une optique aussi pacifique que moi. Sans aucune considération de prudence, il passe devant moi et met les pieds dans le plat :

- Moi, tu me connais.

Au début, Angelo plisse les paupières sans comprendre, puis son visage s'éclaire d'un air de sadisme ravi :

- Mais bien sûr ! Le rejeton Ivanov !

- C'était qui le mec avec toi devant le bar ? l'interroge Vitaly sans préambule.

- Qu'est-ce que ça peut te foutre ? lui renvoie son interlocuteur.

- Ça peut me foutre qu'il connaissait mon père.

À ces mots, Angelo se rapproche de Vitaly, et son visage à dix centimètres du sien, il lui dit entre ses dents serrées :

- Écoute-moi bien, Ivanov. Tu ferais mieux de fermer ta gueule, parce que tu ne sais rien. Rien du tout. Je pourrais te raconter des trucs sur Radek qui te feraient gerber. Je suis très surpris qu'Andreï t'accepte ici, le fils d'une pourriture de traître...

- N'insulte pas mon père ! crie Vitaly en le repoussant en arrière.

J'ignore à quel moment il trouvé cette idée judicieuse, mais il se jette sur Angelo, qui l'esquive facilement, et l'expédie à terre d'un coup de poing bien tapé. Vitaly se relève, toujours motivé à en découdre, mais le Trappeur maintient la manche de son blouson pour le retenir.

Angelo avance sans hésitation, prêt à le frapper à nouveau. Spyke et moi faisons aussitôt barrage devant lui. Je tends mon bras et pose une main tranquille contre l'épaule d'Angelo pour éviter que cela dégénère en affrontement général :

- Reste où tu es.

Mais avant que j'aie eu le temps de comprendre, il écarte ma main, agrippe le col de mon sweat et me plaque violemment dos contre le mur de la ruelle, son avant-bras écrasant ma gorge, et le canon de son pistolet appuyé contre ma joue.

- Toi tu ne me touches pas ! siffle-t-il.

Réaction en chaîne, Spyke et le Trappeur pointent immédiatement leur arme vers Angelo.

- Dis à tes potes de ranger leur flingue, m'ordonne-t-il sans même se retourner pour vérifier ce qui se passe derrière lui.

Derrière lui, la situation n'est pas bonne pour moi. Ricardo et les deux autres braquent à leur tour Spyke et Greg. Et le doigt nerveux d'Angelo posé sur la détente me déplaît considérablement. Je fais un geste approximatif de la main, un mélange d'ultime tentative d'apaisement et de fébrilité, en direction de Spyke. À mon grand soulagement, il exécute pour une fois mon ordre sans tergiverser et abaisse son pistolet.

À ce moment, des passants apparaissent à l'angle de la petite rue, sur le trottoir d'en face, deux jeunes couples qui plaisantent avec insouciance, chacun tenant leur moitié par la main, venant rejoindre leur véhicule après une soirée sympathique. Ce n'est qu'une question de secondes avant qu'ils ne parviennent à notre hauteur.

Les deux basanés camouflent immédiatement leur arme, par souci de discrétion, mais pas Angelo qui continue à enfoncer le canon de son pistolet sous ma pommette. Pas Ricardo non plus qui a bien identifié le danger et garde Spyke en joue.

Une des femmes nous aperçoit la première et elle se fige sur place en poussant un hurlement perçant, les mains plaquées sur sa bouche comme si cela pouvait étouffer son cri. Ses amis suivent son regard et voient à leur tour Angelo qui me maintient contre le mur, son arme sur mon visage, Ricardo également armé, et les autres menaçants autour de nous, tous autant que nous sommes à visage découvert sous la lumière des lampadaires. Affolés, les quatre jeunes gens font demi-tour et se mettent à courir en sens inverse pour quitter la ruelle au plus vite.

Angelo jette un rapide coup d'œil par-dessus son épaule et se reconcentre sur mon cas.

- Tu n'es qu'un putain d'opportuniste, continue-t-il. Tu débarques ici, et tu crois que tu peux faire la loi. Ici, c'est chez moi. Et la loi chez moi, c'est jusqu'à la mort.

- Garde tes mains en l'air, toi, crache Ricardo à Spyke. Contre le mur, tous les trois.

Greg et Vitaly s'alignent contre les briques. Spyke les rejoint en gratifiant Ricardo d'un regard mauvais.

- Un conseil, me dit encore Angelo, ne vous mêlez plus de mes affaires, reprenez votre putain de voiture et rentrez chez vous.

- Je suis chez moi ! lui répond Vitaly qui ne peut pas s'empêcher de l'ouvrir.

Angelo desserre un peu sa prise sur ma gorge pour poser ses yeux sur lui, me permettant de retrouver un peu d'air.

- C'est vrai, ça, Ivanov ! réplique-t-il avec un rire sardonique. Il y a déjà une place à ton nom au cimetière !

Vitaly esquisse un mouvement, mais Ricardo dissuade immédiatement toute tentative en le menaçant de son arme.

Angelo me fixe de nouveau droit dans les yeux :

- Si tu remets les pieds dans mon quartier, je te tue. Tu as compris ?

- Oui, je lui réponds d'une voix étouffée par la pression de son bras.

- Angelo, l'appelle un de ses acolytes qui a déjà reculé de plusieurs pas dans la direction de leur voiture, il faut partir, les flics vont finir par se pointer.

- Non, bute-le, Angelo, bute-le ! s'écrie Ricardo en tournant son pistolet vers mon visage. Il va nous foutre dans la merde !

Pris entre les injonctions contradictoires de ses amis, Angelo hésite. Il est venu pour m'intimider, pas pour abattre un homme en pleine rue devant témoins. Une sirène de police retentit plus loin dans la ville.

Ce bref instant de flottement suffit à Spyke. D'un bond en avant, il bloque le poignet de Ricardo, s'empare de son arme, et lui presse le canon sur la tempe tout en le maintenant solidement devant lui d'un bras autour du cou.

- Relâche Jack ! crie-t-il à Angelo. Ou je lui fais sauter la tête !

Angelo fait volte-face, prêt à défendre Ricardo. Enfin libre de mes mouvements, je reprends une grande inspiration et je me précipite à côté de Spyke :

- Lâche-le ! je lui crie en le tirant vers l'arrière. Lâche-le !

Spyke obéit, mais Ricardo même sans son arme que Spyke tient toujours à la main, continue à proférer des menaces à notre encontre, tandis que le bruit des sirènes se rapproche.

- Laisse tomber, Fab ! lui dit Angelo en l'attrapant par le bras. Il faut se tirer !

Ricardo abandonne à regret et s'enfuit au pas de course avec Angelo et leurs collègues.

- Dans la voiture ! j'ordonne aux miens.

Vitaly et le Trappeur sautent sur la banquette, Spyke prend le volant et je m'installe à côté de lui, massant instinctivement ma joue gauche meurtrie par le pistolet d'Angelo. Il démarre en trombe, direction la sortie de la ville.

Spyke suit le GPS pour rejoindre les grandes routes et se fondre ainsi dans le trafic, et Vitaly lance le sujet tabou, d'une voix tremblotante :

- Pourquoi il a dit ça sur mon père ? De quoi il parlait ?

Je serais bien en peine de lui donner une réponse cohérente, j'essaie de mettre bout à bout tous les éléments dont je dispose, mais ça ne colle pas.

- Je ne sais pas, Vitaly. Je connaissais très peu Radek.

- Mon père n'était pas un traître ! s'emporte-t-il. C'est Angelo, le traître !

Je secoue la tête et je répète :

- Je ne sais pas. Je crois qu'il vaudrait mieux que tu arrêtes de chercher des explications.

Un éclair de rage traverse les yeux bleus de Vitaly et il explose :

- Mon père a été assassiné ! Il te faisait confiance, et toi, tu ne veux pas le venger, tu ne veux même pas savoir qui est le responsable. Tu m'as accueilli pour te donner bonne conscience, mais tu t'en fous de lui, et tu t'en fous de moi. Tu es prêt à pactiser avec les mecs qui l'ont tué pourvu que ça te profite ! Tu es un lâche !

- Surveille ton langage ! aboie Spyke en se retournant brièvement vers lui.

Je plante mes yeux noirs dans son regard rempli de colère :

- Il n'y a même pas cinq minutes, j'ai failli prendre une balle dans la tête à cause de toi, alors réfléchis à ce que tu viens de dire. Si tu t'obstines à chercher qui a tué Radek, tu finiras comme lui.


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