3

Il est immobile et me toise impassible. La peau mate de son visage, assombrie par les jeux des lumières, se cache derrière les ombres. Ses prunelles noires brillent et ne cessent de me fixer. Puis contre toute attente un sourire charmeur illumine ses traits et il fait un pas sur le côté sans me lâcher du regard. Il m'attire incontestablement. Je ne peux le quitter des yeux, car j'ai trop peur qu'il s'évapore de nouveau.

Je sens que mon corps veut que je le retrouve. Je me lève sans réfléchir afin de le rejoindre parce-que je veux savoir à quoi il joue. Parce-que quelque part au fond de moi, je sais. Je sais qu'il est là pour moi. Ce qui fait bondir mon cœur d'une joie incommensurable. Et je sais que je m'emballe un peu vite. Wilan reste Wilan. Un homme à femmes qui ne veut aucune attache. Je suis certes sa voisine et amie depuis quelques années déjà. Mais nous avions assez d'affinités pour changer notre relation. J'en suis certaine.

Décidée à retrouver Wilan de l'autre côté de la piste de danse, je me glisse parmi les couples amoureux. La musique rythme ma motivation et sans quitter de vue mon objectif, je pousse les couples qui me séparent de Wilan.

En réalité, je m'assoie depuis des années sur le fait que le prince charmant viendra sonner à ma porte. Mais s'il l'avait déjà fait ? Et que pour le reste, c'est à moi d'entreprendre ? Une nouvelle détermination vient s'emparer de moi. Cela s'ajoute au stress qui fait palpiter mon cœur depuis quelques minutes déjà et trembler mes membres.

Tout autour de moi les couples enlacés dansent, chantent et s'embrassent sur la musique. Ils me bousculent quand j'essaie de passer entre eux. Je déteste de plus en plus être parmi eux. Moi, je veux Wilan qui attend à l'autre bout de la piste. Je veux connaître ses intentions, ce qu'il cherche à faire en se cachant ainsi de moi.

Je m'écarte d'un couple qui fait de grands gestes en dansant et les contourne. Je cherche Wilan des yeux et je m'aperçois qu'il n'est plus à son poste d'observation. Je n'irais pas dire que la panique s'est emparée de moi, mais cela s'en approche beaucoup. Je me mets sur la pointes de pieds, sautille et me tord le cou pour distinguer la silhouette de Wilan quelque part, mais rien. Ma respiration s'accélère et la déception me tombe dessus d'un coup. Je l'ai perdu de vu et je ne vais pas pouvoir lui parler, lui dire, résolue que j'ai des sentiments pour lui. Ou du moins tenter de le lui faire comprendre.

La foule s'épaissit autour de moi et je me sens bousculée, poussée en avant, sur le côté puis en arrière. Quand soudain, je crois entendre mon prénom. Je me retourne et fais face à Wilan. Il recule d'un pas. Mon cœur alors explose dans ma poitrine. Il bat si fort en moi, qu'il couvre presque la musique du groupe qui s'en donne à cœur joie sur scène.

Wilan se tient là devant moi, immobile, les bras le long de son corps. Il ne bronche pas un seul instant lorsqu'un homme le bouscule en faisant valser sa partenaire. Ses iris brillent et j'ai du mal à avaler ma salive. Mes mains deviennent moites et je ne sais vraiment pas du tout où les mettre. Elles m'encombrent et j'ai d'autres problèmes à gérer. Comme ma respiration suffocante et une pression artérielle partie au grand galop.

Ma résolution de lui parler s'est évaporée aussi vite qu'elle est apparue et ses yeux m'enveloppent d'une sorte d'aura hypnotique qui m'empêche de réfléchir correctement. Je crois bien que mon cerveau est aux abonnés absents.

Je ne sais que penser de la situation. Habituellement nous étions si promptes à nous parler. Nous avions toujours des tas de choses à nous raconter. Et là, maintenant c'est comme si nous nous rencontrions pour la première fois.

Finalement qu'est-ce qui a changé de son coté ?

La cadence de la musique s'accélère, on nous bouscule encore et la foule vient me jeter dans les bras de Wilan. Je plaque mes mains sur son torse et il me retient contre lui alors que je lève les yeux vers son visage. Les lumières resserrent les ombres autour de ses prunelles cachées derrière ses longs cils noirs. Son regard se fait si mystérieux, si envoûtant. Quelque chose bouge en moi. Et je ne parle pas de mon cœur qui bat la chamade si fort, que Wilan doit le sentir contre sa poitrine. Non. Au creux de mon ventre, cela envoie des ondes de plaisir régulièrement le long de mon échine pour s'échouer sur ma nuque. Je contracte mon ventre et serre les cuisse. Voila ce qui anime tout à coup le fond de mon être. La peur et... le désir.

Un désir comme je ne l'ai jamais ressenti. Un désir qui me fait perdre mes moyens, ma langue et contre toute attente toute résistance face à lui.

Les bras de Wilan se referment autour de moi et me serre contre son torse. Nos nez se touchent et je sens son souffle saccadé contre mes lèvres. Il commence à danser au rythme de la musique et je le suis parce que je ne veux en aucun cas quitter ses bras. Même si notre cadence est moins soutenue que le reste de la salle, nous dansons l'un contre l'autre et rien d'autre n'a d'importance.

Il n'a pas encore prononcé un seul mot et je n'ai pas envie d'être celle qui va briser le silence de cet instant magique. Non, je veux rester dans cette bulle ou nous sommes tous les deux. La musique me parvient mais je l'entends à peine. Mon attention toute entière est focalisée sur Wilan, sa bouche près de la mienne, ses yeux sombres dans les miens et ses bras qui me serrent contre lui.

Je glisse mes mains sur sa poitrine et sous ma paume palpite le cœur de Wilan. Il cogne si fort et si vite ! Je ne saisis pas ce que je sens sous ma main. Et je ne m'attarde pas dessus et continue la progression de mes doigts sur le torse de l'homme de mes rêves, en descendant sur ses flancs afin de m'accrocher dans son dos à son t-shirt à manches longues. Mon cœur bat dans tous les sens, mon souffle est difficile à garder serein et j'ai trop chaud.

Mon visage en feu, et le corps tout moite, je cherche la raison pour laquelle je suis dans les bras de Wilan. Je ne sais plus.

La foule autour de nous se fait plus dense et nous sommes ballottés doucement quelques instants. Puis tout à coup me voila les lèvres plaquées sur celles de Wilan. Il émet un gémissement qui me serre le bas de mon ventre et fait exploser de joie tout mon être. Ce gémissement veut dire tellement de choses en même temps. Ces choses que j'espère tant de l'homme qui me tient entre ses bras. Comme le feu vert pour progresser vers un véritable baiser.

Nous cessons de danser et Wilan me rapproche encore plus de lui, sa bouche s'ouvre pour glisser sa langue entre mes lèvres. Je fonds, je tremble, je gémis... je suis perdue. Je pars à sa rencontre et m'accroche encore plus à son vêtement. J'ai peur de tomber et de me réveiller. Je ne veux pas que cela se termine, alors je mets du cœur à l'ouvrage et participe plus que grandement à prouver que ce baiser, je le veux et bien plus encore.

Une des mains de Wilan remonte dans mon dos dans une douce caresse et vient se fourrer dans mes cheveux relâchés pour la soirée. Il gémit de nouveau et je me serre encore plus contre lui. Je perd mon souffle, manque d'air tout comme lui et je finis par quitter ses lèvres contre cœur. Il ne faut pas que je fasse une syncope.

Il resserre sa poigne dans mes cheveux et colle son front contre le mien. Je ferme les yeux à bout de souffle et aspire son odeur, ce parfum que j'aime tant.

— Élie..., murmure-t-il contre mon front avant d'y déposer un baiser. Il prend ma main et m'entraîne parmi la foule pour nous sortir de la salle.

Mais je me retrouve coincée entre deux couples et ma main glisse de celle de Wilan. Les danseurs me repoussent et j'appelle Wilan, mais j'ai peur qu'il ne m'entende pas avec la musique. Il tourne la tête vers moi, écarte les danseurs et me plaque contre lui. Son visage impassible, il caresse ma joue et laisse la foule nous emporter avec elle au milieu des corps échauffés par la fête.

Nous ne bougeons plus et il me retient fermement contre lui. Je ne sais que dire. J'ai peur. Est-ce que tout va s'arrêter maintenant et qu'il va s'excuser d'avoir été un peu trop loin? Ou bien allons nous commencer quelque chose? Wilan racle sa gorge. Je panique et bafouille très inquiète:

— Tu regrettes c'est ça?

Il parait surpris au début puis un immense sourire s'affiche sur son visage.

— Ce que je regrette c'est de ne pas avoir été plus rapide à comprendre que ce qui me plaisait en toi, je ne le trouverais jamais chez une autre femme. Que courir les femmes du monde entier ne me donnera jamais la satisfaction d'un baiser comme celui que nous venons d'avoir... Élie...ce soir est l'occasion parfaite pour répondre à tes sentiments... Je ne suis pas doué pour dire ce que je ressens et... je n'ai jamais eu autant la trouille de dire à quelqu'un que je l'aime.

Est-ce que je suis en plein rêve ? Est-ce que je vais me réveiller et découvrir que j'avais imaginé toute cette soirée?

— Élie ?

Wilan relève délicatement mon visage de ses doigts chauds vers le sien et dans ses yeux il semble inquiet.

— Tu m'aimes ? demandé-je pas sûre de comprendre ce que je venais d'entendre.

Il me sourie, je vois ses joues s'empourprer et sur ma joue ses doigts qui tremblent.

— Oui...Oui je t'aime tellement. Et je suis tellement bête de ne pas avoir vu tous les signaux que tu me lance depuis des mois. Tellement idiot de ne pas avoir vu les changements en toi quand nous étions ensemble. Jusqu'à ce que j'apprenne que tu avais des rendez-vous avec des hommes... je ne supporte pas qu'un autre s'approche de toi. Et je ne supporterais pas qu'un autre accapare toute ton attention.

Je rougis devant ses aveux et sa déclaration. Je baisse les yeux et viens coller mon visage contre sa joue pour lui dire à l'oreille.

— Je suis désolée d'avoir été si peu explicite dans mes sentiments.

Il me serre dans ses bras et nous entamons un pas lent de danse. Je l'entoure de mes bras et profite de respirer son parfum entêtant. Celui que j'aime tant.

Je fourre mon nez dans son cou et soupire de bien-être et de bonheur.

— Je t'aime Wilan, je glisse tremblante.

Car même si je suis sûre maintenant de ses sentiments à mon égard, notre relation est changée à jamais à partir de maintenant. Et j'ai une trouille bleue de ne pas être à la hauteur de ses attentes.

— Nous devrions rentrer, me dit-il contre ma tête avant d'y déposer un baiser. Nous avons des tas de choses à nous dire et... nous serons plus au calme pour parler.

Moi j'ai bien une autre idée en tête tout à coup, mais je ne suis pas si téméraire. Peu importe finalement Wilan m'aime.

Nous nous séparons et il m'entraîne vers notre table où nos amis font une pause en avalant des rafraîchissements. Quand ils nous voient arriver mains dans la main,des sourires de satisfaction illuminent leurs visages. Jeff et Tom se cognent les poings et les filles frappent leurs mains trop contentes. J'ai comme l'impression que tout cela était préparé. Je rougie et Wilan resserre son bras autour de ma taille.

— Nous sommes contents qu'enfin vous cessiez de vous tourner autour, lance Audrey satisfaite et aussi heureuse que moi.

Je rougie de nouveau et m'accroche plus fort au t-shirt de Wilan. Je lève les yeux vers son visage et ses prunelles brillent. Ses cheveux noir de jais savamment coiffés le rendent encore plus beau qu'il ne l'est. Il m'a choisi. Il m'aime et je n'arrive toujours pas à y croire.

Il pose ses iris sur moi et m'offre un magnifique sourire qui me fait fondre. Ce sourire qu'il ne fait qu'à moi.

— Nous allons vous laisser, je dis sans les regarder.

— Il n'y a aucune raison que vous restiez, ajoute Audrey d'un ton complice.

Elle se penche prend mon manteau et mon sac qu'elle me tend.

— Déguerpissez ! ordonne-t-elle quand je prends mes affaires avec un sourire gêné.

Nous ne nous faisons pas prier.

Vingt-quatre mois plus tard...

J'ouvre les yeux et papillonne des paupières quelques secondes. Je m'étire et je sens une main se glisser sur mon ventre.

— Tu es réveillée ? me demande la voix rauque de Wilan.

Je tourne la tête vers lui et lui offre mon plus sourire matinal.

— Cela fait longtemps que toi, tu es éveillé ?

— Juste assez pour avoir le loisir de te contempler. Et c'est un ravissement à chaque fois.

— Comme tu parles bien dis donc ! je m'exclame en gloussant.

La grande main de Wilan caresse longuement mon ventre tout rond et vient m'embrasser. Je me délecte de sa douceur puis tout à coup je sursaute.

— Tu as senti ?

Il se décolle de moi, et repousse le drap de nos corps. Je m'allonge sur le dos et laisse Wilan profiter de mon ventre arrondi pour suivre les bosse que notre bébé fait avec ses petits pieds. J'aime l'observer s'émerveiller de notre bonheur à venir. Ce bonheur que nous avions concrétisé deux ans plus tôt, lors de cette fameuse fête de la Saint-valentin. S'il ne s'était pas enfin rendu compte des sentiments qu'il éprouvait pour moi et qu'il n'avait pas manigancé une approche m'obligeant à sortir de mes retranchements, nous n'en serions pas là. Et aujourd'hui, ma vie est parfaite.

Finalement j'aime bien la Saint-valentin.



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top