Chapitre 8
Je le dévisage. Pourquoi veut-il m'offrir une fleur ? Je ne le comprends pas. Est-ce bien lui ? A-t-il un frère jumeau ? Je reste stupéfaite et je le vois prendre les devants. Minutieusement, ce dernier observe les fleurs qui sont devant lui. À sa tête, aucune ne lui plait... D'accord, certaines fleurs manquent d'eau ou ont été cueillies trop tôt, mais elles sont quand même belles. Ses sourcils se froncent soudainement et il tend une main vers une fleur. Gentiment, il paie son dû et me la tend, une main derrière lui. Pourquoi m'offrir ce genre de fleur ?
— Un asphodèle, dis-je, soucieuse. Qu'avez-vous à regretter ?
Ce dernier reste visiblement surprit par ma question. Ceux qui connaissent un peu le langage des fleurs savent très bien que l'asphodèle est signe de nostalgie et regret du passé. On n'offre pas de fleur sans connaître leur signification.
— Je crois que j'ai bien des choses à regretter. L'une des premières choses est de vous avoir malmené. Je n'aurais jamais dû me comporter de la sorte.
— Au moins, vous avez le mérite de reconnaitre votre faute.
— J'ai cru à tort que vous étiez une autre personne...
— Et vous la détestiez ?
— C'est compliqué...
Il regarde autour de nous, comme hébété de la situation. Que cherche-t-il ?
— Allons marcher un peu, propose-t-il, il y a beaucoup trop d'oreilles ici.
Je fronce les sourcils et pour la première fois, je remarque que les gens ne me regardent pas, mais, l'observe-lui. Soulagée ? Non, simplement intriguée de ce qui se passe. Je finis tout de même par acquiescer de la tête et nous allons marcher dans le parc.
Son visage fermé, il n'ose engager la conversation. Je ne sais même pas pourquoi j'ai accepté de me promener avec lui. Habituellement, j'aurais détalé comme un lapin sans me retourner.
— En quoi est-ce compliqué ? Je le lui demande.
— Euh... Fronçant les sourcils. Nous étions trop différents. Nos engagements communs n'étaient pas les mêmes. Je l'aimais... Mais...
— Elle a pris la fuite.
— Si seulement. Elle a préféré mon plus jeune frère.
— Et vous avez commencé à les détester tous les deux.
— Mon amour pour mon frère est plus grand que tout, mais je croyais vraiment que nous pouvions construire un avenir ensemble. Je lui ai donné le choix.
— Je vois...
— Ma famille ne voulait pas de cette union.
— Pourquoi ? Vous vouliez vous unir avec cette personne...
— Disons que mon frère et moi sommes deux êtres très différents.
— La différence ne devrait pas être un frein à l'amour.
— Pour certaines personnes, oui. Est-ce le cas pour vous ?
— Oh non ! je ris. Je ne suis pas comme ça. J'aime être différente, même si parfois c'est difficile.
— Difficile comment ?
— Tous les regards qu'on pose sur moi, les moqueries, ceux qui nous pointent du doigt. À la longue, je préfère rester seule...
— Je comprends. Cependant, je ne vois rien en vous qui poussez agir de la sorte.
— Je suis sure du contraire. Les rumeurs courent très vite dans cette ville. Vous avez dû les entendre.
— Je me fie qu'à mon jugement.
Curieusement, je passe un agréable moment avec lui. Malgré un certain malaise, je me sens un peu attirer vers ce dernier. Je me demande si c'est par empathie ou par une soudaine amitié qui va peut-être naître entre les deux. Nous continuons de marcher et je me rends compte que j'ignore son prénom. Pourquoi ne lui ai-je pas demandé ?
— Nous discutons depuis tout à l'heure, mais je ne sais toujours pas votre nom.
— Angel.
Je m'esclaffe et ce dernier me regarde avec un air sévère.
— Sérieux ? Angel est vraiment votre prénom. Désolée, mais vous n'avez rien d'un ange et encore moins, ce soir-là dans mon jardin.
— Croyez-moi, je suis sérieux. Je suis aussi indigné de vous de croire que mes parents ont pu m'affubler d'un nom pareil.
— Pardonnez-moi, mais c'est plutôt ironique.
— Il n'y a rien à pardonner.
Je me prends soudainement, mon pied dans une racine et Angel a tout juste le temps de me rattraper avant que j'atterrisse au sol. Le contact avec mon bras me surprend. C'est tellement gelé. Un frisson parcourt mon corps, comme si je venais de sortir en plein hiver. Rapidement, il enlève sa main et je souffle, ébahit :
— Vous êtes froid.
— C'est seulement le stress.
— Le stress, je répète, vous êtes stressé pourquoi ?
— Par vous.
— Moi ?
— Je suis encore mal à l'aise de ce qui s'est passé dans votre jardin et la fois où j'ai manqué vous écrasez avec mon camion.
— Ah.
Soudainement, les images me reviennent en tête. Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va me sortir de la poitrine. J'ai chaud. Je regarde aux alentours. Fuir ? Courir ? Me rouler en petite boule ? Voilà mes trois options. Oui, j'avais cru devenir folle en éclatant de sanglots dans ma voiture ce jour-là. Je n'y repensais même plus. Je tente de me reprendre mes esprits. Me dire que cet homme ne l'a pas fait exprès. Que n'importe qui aurait pu se trouver dans cette rue-là. Je commence à me balancer sur mes pieds. Ça y est, ça remonte encore.
Tout à coup, je sens un contact froid contre ma peau. J'ai tellement chaud qu'on dirait que la personne ou la chose fond à mon toucher. On me force à regarder vers le haut. Une main sous mon menton et mon corps plaqué contre le sien, Angel tente de me calmer :
— Iris. Vous faites une crise de panique. Il faut vous calmer. Regardez-moi dans les yeux.
Mon regard croise le sien. Ses yeux sont si bleus. Je n'ai jamais vu ça chez personne. C'est une mer calme dans l'orage qui rôde.
— Respirez avec moi, Iris. Oui. Comme ça.
J'arrive tranquillement à saccader ma respiration avec la sienne. Nos respirations sont lentes, mais ça me fait du bien. Même le docteur Frost n'a jamais essayé quelque chose du genre lors de mes crises de panique. Il est du genre à me regarder sur son fauteuil et à prendre des notes. Ouais... Tout aider. Lorsque j'arrive à me sentir un peu mieux, Angel me demande :
— Ça va ?
— Oui.
— Vous faites souvent des crises de panique.
— Oui, souvent. Je n'en faisais pas avant, je lui avoue, depuis quelques années, il n'y a pas une semaine où je n'en fais pas.
— Qu'est-ce qui les déclenche ?
— À peu près tout, je ris, le son d'une voix, un souvenir, quelqu'un qui essaie de vous écrasez.
— Pardon.
Mes lèvres s'étirent pour laisser un sourire en coin. Plus d'une fois qu'il s'excuse, je dois fournir un effort. Je regarde l'heure et me rends compte que je dois rentrer à la maison. Rien d'exceptionnel ne m'y attend, mais je n'aime pas trop traîner en ville.
— Je crois que je vais bientôt entrer.
— Laissez-moi vous reconduire. J'aurais la conscience tranquille.
— Ce n'est pas la peine. Ma voiture est juste là-bas.
— D'accord. Mais accordez-moi un café un de ces jours.
— Non...
— Quoi ?
— Je ne bois pas de café, mais du thé. Dans cette ville, il est infect. Peut-être dans mon jardin, qui sait ?
Je le laisse comme ça. Sans attendre de réponse. Je préfère ne pas me faire de film, comme ça, je ne suis pas déçue. Je retourne vers ma voiture sans regarder derrière moi. Les mains tenant la fleur, je déambule dans les rues pour atteindre ma voiture. Malgré un début de journée cahoteux, l'après-midi n'est pas si mauvaise.
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