C H A P I T R E 2 5


Je n'ai pas retrouvé Louis. J'ai essayé, moi-même, de forcer le destin - afin que nous nous retrouvions dans le même endroit, que nous nous croisions, que cette fois soit la bonne, que je le ressente dans mes tripes.

Je ne l'ai pas trouvé. Il est si difficile, malgré les apparences, de savoir où se trouve une célébrité mondialement connue. Au fil des jours, des semaines, puis des mois - Louis a continué son chemin, et moi de même.

Mais, j'ai pu régler les choses bancales dans ma vie, le peu qu'il restait. J'ai même fait une liste des personnes à qui j'ai fait du mal, de ma naissance à mon présent, pour m'excuser, et essayer de devenir la meilleure version de moi-même possible.

Car avant d'aimer correctement quelqu'un d'autre, il faut avant tout savoir savourer sa propre valeur - aimer l'image que l'on donne, la vraie personne que l'on est, hors du physique.

Je n'ai que fait me répéter des mots, comme lui : quelque part, un jour, retrouve-moi ; retrouvons-nous.

Mais même avec ça et tout le reste, en sept mois, je n'ai pas recroisé la route de Louis. Peut-être nous sommes-nous manqués de quelques minutes, secondes, kilomètres ou même mètres ; je n'en ai aucune idée.

La dernière image que j'ai de lui à ce jour est sa voiture quittant l'allée du manoir sept mois auparavant, mes yeux étant brouillés par les larmes.

« Et maintenant... Je suis là, dis-je.

- Wow. »

Je regarde Camille, qui porte sur son visage diverses expression : mais principalement de l'étonnement.

« Je sais que tu m'avais dit qu'un jour tu me raconterais tout mais... Je ne m'attendais pas à tout ça. À ce que ce soit si long, si passionné. Et je ne m'attendais certainement pas à autant de détails », rajoute-t-elle.

J'hausse les épaules. Oui, c'était long.

« Je pense que j'en avais besoin, dis-je.

- Sûrement oui. Mais... Il y a quelque chose que je ne comprends pas Harry. Pourquoi tant de présent ? Pourquoi spoiler quelque chose comme ça alors que... ce n'est pas encore arrivé ?

- Parce que je sais que ça arriver. C'est peut-être stupide, mais je le sais Camille. Et je sais que Louis, peu importe où il est, le sait aussi. »

Mon amie me regarde, hoche lentement la tête et semble comprendre. Ou plutôt, j'ose espérer qu'elle comprenne un tant soit peu. Parce que finalement, je crois que personne ne peut réellement saisir.

Finalement, elle pose l'ultime question :

« Et maintenant ? Qu'est-ce que tu vas faire ? Ça fait des mois déjà qu'on a quitté le manoir. Et s'il a commencé à reprendre une vie normale ? Sans toi, je veux dire.

- Peu importe ce qu'il se passe dans la vie de l'un et l'autre, on se retrouvera toujours. Parce qu'on est faits comme ça. On est des aimants. »

Camille se contente d'acquiescer avec un hochement de tête. Je crois que malgré tout, elle a besoin de digérer tout ce qu'elle vient d'entendre - des semaines entières où je lui ai raconté bribes par bribes, avant de poser le point final. Et même si elle est devenue d'une amitié et d'une compréhension géniale à mon égard, à elle-même rire du mal que je lui ai fait par le passé, je pense que cela reste complexe pour un être humain d'entendre tout ça.

Je n'oublie pas que j'ai brisé le coeur de Camille un jour. Que même si elle est compréhensive aujourd'hui, je n'oublie pas les bêtises que j'ai faites, pour ne jamais les reproduire. Il faut toujours conserver ses erreurs dans un coin de sa tête.

« Alors maintenant, je lui réponds finalement, je vais attendre de le retrouver.

- Et si ça n'arrive jamais ? Je suis inquiète, Harry... Parfois, il faut forcer le destin.

- J'ai essayé. Mais Camille... Un petit sourire se dessine sur mes lèvres. Nous n'avons pas besoin de ça. On se retrouvera, fais-moi confiance. »

La blonde me regarde, sérieuse et concernée, puis d'un coup, elle se met à rire. Ayant un rire doux et communicatif, je la rejoins dans son geste.

« Quoi ? Pourquoi tu te moques ?

- Je ne me moque pas, excuse-moi. J'espère que vous vous retrouverez, sincèrement... Et je crois si tu es sûr que ça va arriver. Maintenant, tu voudrais bien aller acheter à boire à Tesco ? Je t'ai déjà vu faire tes courses là-bas - il y avait cette photo de toi qui circulait sur Internet, quand tu avais encore tes cheveux longs, qui faisait tes courses à Tesco... »

Je roule des yeux, légèrement vexé.

« Je viens de te raconter une longue histoire d'amour et tu me demandes d'aller acheter à boire ? Je soupire, puis me lève. Ok, ok. Je serai de retour dans quelques minutes. »

Et alors que je quitte l'appartement de Camille, je me dis que oui, peu importe la manière dont on raconte son histoire, ou une histoire - aussi passionnée, véridique et belle soit-elle, les gens ne comprendront pas. Car nos histoires nous appartiennent - car chacune sont différentes.

Notre histoire, à Louis et moi, n'appartient qu'à nous. Je ne m'attends pas à ce que quiconque d'autre puisse essayer de la comprendre.

Marchant dans les rues anglaises, j'enfonce mes mains dans mes poches et ma capuche sur ma tête. Les giboulées de mars sont bel et bien au rendez-vous cette année. Heureusement, je n'ai pas une grande distance à parcourir jusqu'au magasin.

Y arrivant, je me dirige directement vers le rayon boisson, et prends ce que Camille m'a demandé.

Stupidement, pendant les premiers mois j'avais l'impression que j'avais une chance de croiser Louis à chaque seconde, dans tout ce que je faisais, dans tout ce que je voyais.

Cela n'est pas arrivé. Il ne sert à rien de forcer le hasard et tout ce qui va avec.

Tout vient à point à qui sait attendre, il paraît.

Qui sait, je pourrais peut-être le croiser dans cette supérette ?

Ce n'est pas le cas. Je passe en caisse avec mes articles, et tranquillement, peux sortir sans avoir été reconnu ni rien.

Qui sait, je pourrais peut-être le croiser sur le chemin retour jusqu'à chez Camille ?

Encore une fois, ce n'est pas le cas. Je retourne auprès de la blonde et nous passons notre soirée  à rigoler comme les vrais amis que nous sommes.





Ces derniers mois, j'en ai surtout profité pour passer du temps avec les personnes que j'aime le plus - ma famille de sang, et ma famille de choix.

J'ai toujours été plutôt proche de ma mère, et encore plus depuis la disparition de Robin, mon beau-père. Mais avec un métier comme le mien, il n'est jamais facile d'être sédentaire. Il est difficile de se sentir quelque part à la maison.

Mais ici, chez ma mère, cela reste ma maison éternelle.

« Harry, on passe à table », me dit ma mère en venant m'embrasser les cheveux par derrière, tandis que je suis assis sur le sofa.

Oui, je suis resté cet adolescent parti trop tôt, mélangé avec ce garçon qui a grandi trop vite et est désormais un adulte accompli. Ou du moins j'aime le penser.

« J'arrive, je dis, puis me lève. Je la rejoins à la cuisine et commence à l'aider à tout apporter.

- Tu étais concentré sur ton téléphone. Encore des rendez-vous professionnels?

- Oui, ça n'arrête pas. C'est toujours les stress peu avant qu'une nouvelle tournée commence. »

J'ai mis la musique de côté, un temps. Le temps de me remettre de certaines choses, d'avancer et d'être absolument ce que je voulais être, auprès des gens avec qui je veux être.

Mais même si être triste nous permet à nous, créateurs de contenus, d'avoir plein d'inspiration - être joyeux et en harmonie avec soi-même est un très bon remède également. J'ai pu écrire, composer, et constituer un album mélangé de peine de coeur, d'ascension personnelle et de bonheur.

Et m'y voilà. A l'approche de ma troisième tournée mondiale en chanteur solitaire.

« C'est super, mais ça va arriver vite, dit-elle en apportant les plats.

- Oui, ça arrive toujours vite. Et puis, une fois dedans, ça passe vite. »

Finissant ma phrase, nous nous installons à table, rien que tous les deux. Comme quand nous étions encore une famille banale, que j'étais un adolescent lambda, que Gemma avait déjà quitté la maison et que c'était ma mère et moi, et notre quotidien tranquille.

Ma vie a été chamboulée. Celle de ma mère aussi. Laisser partir son enfant si tôt - encore mineur. En plus de cela, pour aménager avec un joli garçon aux yeux bleus, dans le quartier Princess Park de Londres.

J'ai été courageux d'affronter tout ça - mais cette femme a été plus que brave aussi. Je remarque qu'elle aborde un sourire triste et ne commence pas à dîner, alors j'apporte ma main sur la sienne.

« Maman, ne t'en fais pas, je la rassure tout de suite.

- C'est juste que je ne me suis toujours pas faite à l'idée, elle avoue. Tu es grand, tu es responsable et je suis si fière de toi Harry. Mais... »

Elle marque une pause en soufflant un peu.

« Tu pars, encore. Et je te reverrai probablement dans... Je ne sais pas, six mois. C'est ce que les parents normaux ont, et c'est normal - ils ne voient pas leurs enfants souvent. Mais moi, j'ai fait partir un enfant. Alors j'ai l'impression qu'on a tant de jours à rattraper. Et là, la boucle se répète. Tu pars en tournée, encore. Et ensuite, tu referas un album. Et tu repartiras. On passera encore Noël ensemble, et des jours par-ci par-là. Mais ça me fait bizarre. »

Je sais qu'elle est avant tout très fière de ce que je fais, qu'elle veut absolument que je continue et que tant que je suis épanoui, elle l'est. Mais cela a ses aspects pesants sur elle aussi.

Tendrement, je souris. Je suis sûr de moi, et je la regarde droit dans les yeux.

« Non Maman, ça ne sera pas comme ça cette fois.

- Et pourquoi ?

- Parce que les choses ont changées. Parce que je passerai plus de temps avec toi, parce que quelque chose me dit que tu me verras plus dans les journaux aussi. Parce que je ne suis plus le Harry que j'étais il y a 10 ans, comme je ne suis plus le Harry que j'étais il y a deux ans. »

Je serre légèrement sa main, lui montrant ainsi que ça va aller, que je suis là ; que son bébé n'a jamais réellement quitté le cocon.

« La boucle ne se répètera pas de la même manière cette fois Maman, je te le promets, je termine. Cette fois, c'est la bonne. »





Je roule longuement, la fenêtre de ma voiture entrouverte, de la musique berçant mes oreilles et faisant passer le temps.

Dehors, il fait beau ; il y a ce soleil éclatant pour une fin de mois de mars, qui me force à mettre mes lunettes sombres. Heureusement, lorsque j'arrive, celui-ci a commencé à se retirer pour laisser place à sa jumelle de la nuit. Et même si je ne vois pas le temps de la route passer, une fois arrivé, je m'étire longuement.

Mon pied se pose sur la pelouse entretenue, et je regarde autour de moi. J'aborde un air dramatique sur le visage, comme si les lieux avaient changés en si peu de temps - mais au fond, je suis heureux d'être là. C'est si beau. Si doux. Le ciel est partagé entre de pâles couleurs que je retiens.

Lentement, je m'avance jusqu'au point. Et je suis peut-être fou de faire ça - peut-être qu'actuellement, les lieux sont loués, et que je vais être chassé à coups de balais parce que ma présence n'est pas la bienvenue.

Malgré tout, je continue à avancer, jusqu'à y être. Jusqu'à me tenir droit debout sur la falaise.

Je ne sais pas réellement pourquoi je suis là. Pourquoi j'ai eu ce sentiment qu'il fallait impérativement que je m'y rende avant de partir faire un énième tour du monde pendant longtemps. Personne ne m'a donné de rendez-vous ici, si ce n'est moi-même. Et m'y voilà.

Quelque part,

Je regarde l'eau, je la regarde à perte de vue. Je suis si concentré, comme si le paysage allait bouger sous mon regard - mais il n'en est rien. Longuement, j'écoute chaque bruit de la nature, ne prêtant même pas attention à celui de voiture venant se garer sur le gravier.

Ni même des pas arrivant derrière moi.

« Harry ? »

Pendant quelques secondes, même si j'ai entendu, je ne bouge pas d'un millimètre. Puis, lentement, je me retourne ; jusqu'à le voir.

Louis est là. Evidemment qu'il est là.

« Tu es venu », je murmure, sentant l'émotion monter.

Un jour,

Je le regarde se tenir là, devant moi, ses yeux s'humidifiant. Et alors qu'aucun de nous ne bouge, finalement Louis accourt et me prend dans ses bras fort,

Si fort, que c'est définitif, cette fois, nous recollons les dernières parties brisées de l'un et l'autre.

Je sens ses larmes humidifier mon cou et le col de mon t-shirt. A ce niveau-là, je ne suis pas mieux. Je pleure, je pleure tellement - c'est donc ça le bonheur ?

« Évidemment que je suis venu, il répond finalement. Chaque jour, je suis venu. J'ai forcé le destin - je suis venu.

- Tu m'as retrouvé. »

Retrouve-moi,

Il se recule pour me regarder quelques instants. Il détaille mon visage dans tous ses recoins, comme s'il devait mémoriser cette peinture afin de ne jamais l'oublier.

« Bien-sûr que je t'ai retrouvé - et je le referai des milliers de fois s'il le faut, à le crier au monde entier s'il le faut, tu m'entends ? »

Il se tourne vers l'étendue bleue, sur le haut de la falaise, notre falaise, et crie de toutes ses forces :

« Tu m'entends ? Je le crierai ici et ailleurs s'il le faut !

- Mais pourquoi ? Je pleure. Pourquoi avoir forcé le destin pour me retrouver ?

- Parce que parfois, il se tourne vers moi, il faut bousculer le destin pour avoir ce qu'on veut. Parce que, je t'aime, pas parfaitement mais comme je le peux - et comme je l'avais promis. Ou peut-être pour tes yeux seulement. »

Mais il n'aura pas besoin de me retrouver encore plusieurs fois, ou de se souvenir de mon visage afin de le visualiser dans ses rêves.

Car vu le tsunami d'émotions qui me submerge lorsque Louis m'embrasse, jusqu'à totalement tordre mes tripes,

Je comprends que Jeff avait raison.

Que lorsque la bonne fois arrive, avec la bonne personne, on le sent. Et pour nous, c'est celle-ci. Ca ne sera pas simple - une histoire d'amour n'est jamais simple. Chaque jour, il faut devenir une meilleure version de soi-même, pour soi, et pour l'autre. Il y a des obstacles, des problèmes - mais pour nous, c'est la bonne fois. On ne se lâchera plus - on ne se cachera plus - on ne se perturbera plus.

Retrouvons-nous.










FIN

———

Voilà le point final de Pour tes yeux seulement. Un court épilogue arrivera dans les jours à venir mais, le gros de leur histoire s'est terminée.
Bien. ❤️

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