C H A P I T R E 2 3
« Tu es nerveux ? Je demandai à Mitch, en ajustant sa cravate minutieusement.
- Quelle question, s'amusa-t-il entre deux respirations contrôlées. Je n'ai jamais eu aussi peur de toute ma vie. C'était pareil, pour toi ?
- Oui, rassure-toi. J'étais stressé comme pas possible, j'avais l'impression que j'allais m'évanouir. Mais malgré ça, j'étais sûr de ce que je faisais. Tu l'es, toi ?
- Oui, à 100%. Mais, eh, mec, c'est pas rassurant de savoir qu'on a ressenti tout pareil alors que toi t'es divorcé. »
Je m'amusai et haussai les épaules.
« Nos histoires n'ont pas un seul point commun, à part le fait qu'on fait tous de la musique et qu'on se connaît. Tant mieux, ça va durer. Ne te pose pas mille questions existentielles.
- Ok, ouais, il souffla encore. Tu as bien répété, hein ? Pour notre première danse, il faut que tout soit parfait –
- Mitch, je le pris par les épaules. Arrête de t'en faire. J'ai répété, les invités sont ravis d'être là, la nourriture sera aussi bonne que les trois derniers jours, si ce n'est même meilleure. Et nous allons passer une journée, une soirée et une nuit magiques parce que c'est votre mariage et même s'il y aura forcément des imprévus, ça va être parfait, et quand vous regarderez le film de ce jour, vous pleurerez comme pas possible. »
J'eus son regard dans le mien quelques secondes avant qu'il me prenne dans ses bras, fermement. Mitch et moi avions toujours été comme ça, très démonstratifs, très tactiles, sans aucune masculinité fragile, et je savourai son étreinte tout comme notre amitié au quotidien.
Je le serrai en retour, tapotant même son dos.
Nous furent interrompus par Louis qui entra dans la pièce.
« Salut les gars, dit-il. Vous êtes super élégants.
- Merci, je rétorquai. Toi aussi. »
Je reconnus instantanément le costume ; nul autre que celui qu'il avait porté le jour de notre union. Noir, classique, bien taillé sur ses épaules. Ce fut perturbant, l'espace d'une seconde – et peut-être les suivantes aussi, mais je le cachai.
« Je vous laisse, parla Mitch. Je vais aller voir mes parents – en faisant bien gaffe à ne pas croiser la mariée. Je sais que vous vous étiez vus avant, vous. »
Sans un mot de plus, la boule de stress humaine quitta la pièce, avec un Louis surpris et un moi amusé.
« Ne fais pas attention, dis-je. Je crois que faire des blagues sur notre mariage qui a foiré ça le détend aujourd'hui.
- Ouais, si ça lui fait plaisir, il rigola. C'est juste bizarre d'entendre ça venant de quelqu'un d'autre que nous. Je veux dire, on est les seuls à pouvoir rigoler de notre divorce, normalement.
- On lui laisse le droit pour aujourd'hui », je fis un clin d'œil et Louis acquiesça.
Il concentra son regard sur moi, sur ma tenue et quelque chose l'interpella automatiquement. Sans même qu'on ait besoin à parler, je devinai. Nous nous connaissions par cœur, après tout. Nous étions si domestiques.
« Je peux ? Demanda t-il.
- Bien-sûr. Merci. »
Le châtain fit plusieurs pas pour combler la distance entre nous. Nous nous retrouvâmes face à face, à quelques centimètres seulement - seule la légère différence de taille nous empêchait de nous fixer dans les yeux. J'avais les yeux rivés devant moi, et lui, sur mon cou.
« Tu n'as jamais su faire ça, il parla. Toujours à savoir le faire aux autres, mais pas à toi-même dans un miroir.
- C'est inversé en même temps. C'est perturbant.
- Et toujours à t'appuyer sur l'excuse du miroir. »
Il avait son sourire, et ce petit rire discret qui l'accompagnait – automatiquement, je me mis à sourire aussi. Retrouvant petit à petit une mine plus sérieuse, Louis prit tout son temps pour fixer mon nœud de cravate. Au bout d'un silence de cinq secondes tout au plus, il parla à nouveau.
« C'était le seul costume que j'avais, tu sais. »
Je n'osai pas tellement le regarder dans les yeux, alors qu'il y avait si peu de distance entre nous et que cela pouvait être bizarre, ou même dangereux. Mais là, je le fis.
« Quoi ? Je demandai.
- Le seul costume noir, qui va avec les mariages. Je n'ai pas voulu le mettre pour te faire du mal ou je ne sais quoi.
- Et le bleu que tu avais au mariage de ta mère ?
- Il est mort. Erreur de pressing. »
Hésitant, il leva finalement les yeux vers moi, et ils me firent le même effet qu'au premier jour. À nouveau, dans cette pièce blanche et parfaitement dans l'ambiance d'un mariage, j'étais à nouveau ce gosse de 16 ans qui tombe amoureux pour la première fois.
Malgré cela, mes lèvres s'étirèrent en un sourire, pour rire.
« C'est fou, nous sommes obligés de finir par parler sérieusement quand on se retrouve dans la même pièce. Pourquoi on est si sinistres ?
- C'est vrai ça... Il nota à son tour. Je suppose qu'on a eu trop de non-dits, trop longtemps. Et maintenant on se dit tellement tout. Il haussa les épaules. Qu'est-ce que tu en penses ?
- Je pense que tu as raison. Malgré tout, il y a encore des tas de choses que je me dis, que j'ai envie de te dire.
- On fera tout ça dans la soirée, quand j'aurais un coup dans le nez », il rigola.
Je rejoignis son rire. Mieux valait en rire que d'en pleurer, car les sujets que nous désirions tous deux aborder étaient sensibles. Mais il le fallait – pour avancer, chacun de notre côté.
Ou finalement, ensemble.
« Et voilà, il essuya mes épaules et sourit face à son œuvre. Ton nœud de cravate est fait.
- Merci, Louis. »
À ce moment-là, une nouvelle tête passa l'encadré de porte – et c'était Luke. Je le saluai poliment, et il me rendit l'acte. Peut-être que d'un point de vue extérieur cela avait un côté étrange et gênant, mais je ne le ressentis pas spécialement. Oui, nous avions été potes avant, quand c'était moi le compagnon de Louis, et lui l'ami. Mais maintenant, ces rôles étaient inversés. Et il avait mérité sa place.
Je m'excusai auprès des deux hommes pour aller rejoindre mon amie, qui allait se marier dans une heure seulement. Et à peine entré dans la pièce, mon visage changea et un seul mot quitta mes lèvres entrouvertes :
« Wow. »
Sarah se retourna, plus belle que jamais. Je sentis immédiatement de l'émotion, fier d'être là avec mes amis, et fier de leur avoir permis de se rencontrer, de s'aimer, de se marier. C'est comme si j'avais fait quelque chose de bien malgré tout, dans les trois dernières années et demi de ma vie.
« Tu trouves ? Elle demanda, se mordant la lèvre de nervosité.
- Oui. Tu es magnifique, Sarah.
- Merci Harry.
- Non – non non ! Ne pleure pas ! »
Je m'agitai et elle rigola en hochant la tête, gardant celle-ci tournée vers le plafond pendant quelques secondes. Il ne fallait surtout pas ruiner ce si beau maquillage.
« Tu as réussi à rentrer dans ta robe finalement, je notai.
- Oh ouais, ça a été trois jours intenses Harry. J'ai failli frapper les deux serveurs qui me proposaient sans cesse des petits fours.
- C'est pour ça que je ne t'ai pas aperçue des derniers jours.
- Clairement. Trop occupée à enchaîner les mental breakdowns en voulant grignoter, mais à me retenir. Elle soupira. Je suis tellement stressée Harry, si tu savais. S'il te plaît, raconte-moi quelque chose pour me changer les idées. »
Le problème était que j'avais passé les dernières années à travailler avec elle dans le monde, et les derniers mois à quasiment vivre avec elle, alors tout concernant cette période lui était familier. Par élimination, seuls les trois jours en question, de mon point de vue, pouvaient lui changer les idées.
Et la seule chose intéressante, croustillante et qui en valait la peine, c'était Louis.
Alors je lui racontai ça. Nos conversations, notre sorte d'amitié saine, notre danse – et plus globalement, nos rendez-vous nocturnes. Pouvais-je les qualifier d'habitude ? Au bout de trois jours seulement, je suis quasiment sûr que non – mais j'utilisai tout de même ce terme, aimant ce qu'il sous-entendait. Une habitude, c'est durable.
« Harry ! Couina-t-elle. Tu m'avais promis de ne pas me voler la vedette en te remettant avec Louis à mon mariage.
- Sarah, il n'est pas question de ça, je rigolai. Nous n'allons pas nous remettre ensemble, il est là avec Luke, son fiancé.
- Comme si ce genre de conneries vous arrêtait.
- Il n'est pas question de ça, je maintins. C'est juste agréable, tu sais. De ne plus se sentir mal, de se parler, de bien s'entendre, comme ça. On a des conversations qu'on a jamais eues, et ça va vraiment nous aider je pense.
- Mais vous aider à quoi ? A être potes ? Tu te vois garder ses gosses dans dix ans ? »
J'imaginai la scène et grimaçai. Ok, ça avait peut-être un côté un peu bizarre.
« Peut-être qu'il n'aura pas d'enfants, je répondis.
- Évidemment qu'il en aura, il adore ça. Et qu'est-ce que vous allez faire dans quatre jours, quand la semaine sera terminée et qu'on rentrera tous chez nous ? »
À nouveau, je grimaçai. Oui, nous avions pris une habitude, de rendez-vous secrets nocturnes. Mais cette semaine avait un terme – ce n'était pas une habitude. Une semaine, ce n'est que sept jours. Sept nuits. Sept rendez-vous.
Malgré tout, je gardai le sourire. Une chose était sûre : je n'étais plus cet homme perdu, triste, bancal et complexe que j'étais il y a encore un an de ça. Tel un reptile, j'avais mué, définitivement.
« Tu as raison, et je note tes mots, dis-je à mon amie. J'en parlerai à Louis plus tard parce que c'est ce que je fais maintenant – je communique. Tu peux être fière de moi là-dessus.
- Je suis fière de toi.
- Bien, merci. Maintenant, fais-moi confiance. Aujourd'hui, c'est ton jour. Et je ne veux me concentrer que sur rien d'autre que ton mariage. »
Sarah m'offrit un sourire, et j'embrassai son front. C'était son grand jour – pas le mien.
▬
Il y avait une décoration tellement légère et tellement douce, je trouve. Et je ne pensais pas cela parce que j'avais en partie choisi celle-ci. Sincèrement, je trouve que toutes ces couleurs pâles, tel que la blanc, le lilas, le gris clair ou encore le bleu pastel allaient très bien. Dans l'atmosphère pouvait alors flotter quelque chose de très tendre. L'amour, sûrement.
Me tenant debout aux côtés du marié, je les vis s'échanger des mots d'amour dignes des plus grandes scènes romantiques. De mon côté, je fus ému ; de savoir que j'avais permis à ces âmes de se rencontrer puis s'unir, puis t'entendre de si belles choses. Même si je ne regrettais aucunement être passé par là, je me mis à penser à énormément de choses difficiles.
« Pour l'aimer fidèlement... »
Et si nous avions tenu le coup ?
« ...Dans le bonheur comme dans les épreuves... »
Et si nous nous étions directement dit les choses ?
« ...Dans la santé comme dans la maladie... »
Et si nous avions accepté la complexité de la situation, au lieu de sans cesse nous en détourner, jusqu'à blesser l'autre ?
« Tout au long de votre vie. »
Et si, nous pouvions tout recommencer ? Correctement ?
Je me reconcentrai sur l'échange de vœux de mes amis, qui se passèrent la bague au doigt avant de s'embrasser pour finaliser le moment. Je commençai la vague d'applaudissement, rapidement suivi par tous les autres invités. Et comme dit, Mitch sourit aux larmes.
L'étape du dîner fut tout autant sympathique. Le menu présenté était super – et encore une fois, je le pensais sincèrement, pas simplement parce que j'avais aidé à le choisir. Etant témoin, j'avais la chance d'être assis à la table des mariés, et c'était aussi super que cela me rendait nostalgique.
« La cérémonie est parfaite, chuchotai-je à Sarah.
- Merci Harry. C'est grâce à toi. »
Elle m'embrassa la joue et je souris. Je tournai la tête vers Louis, et je rencontrai ses yeux immédiatement. Il détourna le regard assez rapidement, se concentrant sur Luke, à sa droite. L'espace d'un instant, je regrettai de ne pas avoir mis Camille à leur table, pour provoquer une sorte de différend là-bas. Aussitôt, je chassai ces pensées. Ce n'était clairement plus le moment de réagir ainsi.
Je pus facilement m'en détourner car je dus aller rejoindre la petite scène mise en place, afin que je chante pour la première danse du couple de jeunes mariés. A peine la mélodie commença, qu'ils étaient dans les bras l'un de l'autre, effectuant la douce danse qu'ils avaient appris pendant des semaines. Je me souvins à ce moment-là de toutes les plaintes et jurons sortis par Sarah pendant les entraînements, et je ravalai mon sourire amusé.
Cette chanson était parfaite, pour eux. Cette chanson était parfaite pour tous les amoureux du monde entier.
Sweet creature
Had another talk about where it's going wrong
But we're still young
We don't know where we're going
But we know where we belong
Je m'efforçai de garder les yeux rives sur le couple en face de moi – ou sur mes pieds, mais à tout prix, pas sur Louis. Sur tout, sauf sur lui, l'inspiration même de cette chanson.
And oh we started
Two hearts in one home
It's hard when we argue
We're both stubborn
I know, but...
Peu importe à quel point cela fut cliché sur le moment, je fus comme attiré par ses pupilles bleues. Alors, je fis l'erreur de lever les yeux vers lui. Et à ce moment-là, mes iris rencontrèrent les siens.
Sweet creature, sweet creature
Wherever I go, you bring me home
Sweet creature, sweet creature
When I run out of road, you bring me home
Sweet creature
We're running through the garden
Oh, where nothing bothered us
But we're still young
I always think about you and how we don't speak enough
Non, ça c'est clair, nous ne parlions pas suffisamment – et peut-être que c'était normal, après tout ? Les ex peuvent-ils être amis ? Peut-être que cela existe. Mais les âmes-soeurs, elles, ne peuvent pas.
And oh we started
Two hearts in one home
I know, it's hard when we argue
We're both stubborn
I know, but...
Je marquai une pause d'une seconde, ne changeant pas de point de repère pour mon regard. Puis, je terminai :
Sweet creature, sweet creature
Wherever I go, you bring me home
Le foyer est là où le cœur est, après tout. Le mien était aux bras d'un autre homme – mais à ce moment-là, plus pour longtemps du tout. Nous arrivions au bout du chemin.
▬
La fête battait son plein et je rigolai et m'amusai, sincèrement. Je n'avais pas besoin d'être avec quelqu'un pour vivre à fond – je le fis seul, totalement. Seulement, au bout de plusieurs heures, au début de la nuit, je quittai la grande salle de réception où tout le monde se donnait sur les meilleures musiques de nos générations vécues.
Je sortis à l'extérieur, m'éloignant plus de la musique à chaque pas. Je finis sur le haut de la falaise, respirant l'air frais, un petit sourire aux lèvres. Je profitai de la solitude, indispensable par moments. Mais je crois qu'au fond, j'attendis Louis. Et j'eus raison. Car un moment plus tard, il arriva à mes côtés, dans son beau costume, avec ses beaux cheveux mis à l'épreuve par le souffle terrestre.
Je tournai la tête vers lui, et lui vers moi. Dans mon faible sourire, je lui fis plusieurs compliments. Puis, je reconcentrai mes yeux sur l'eau à perte de vue.
« Il nous reste quatre jours ici, je parlai.
- En effet.
- J'ai peur, Louis. »
Plus de secrets, plus de problèmes à ce niveau-là – juste de la communication. Peu importe notre statut, peu importe nos pensées – communiquer.
Je sentis son regard sur moi, mais je choisis de continuer à fixer devant moi.
« De quoi tu as peur ?
- D'arriver au bout de cette semaine. De ne jamais t'oublier, je crois. Je veux dire – je respecte que tu sois avec Luke, et je suis heureux pour toi. Tu es fiancé et putain, c'est incroyable. »
C'est ça le sentiment ultime, non ? Se sentir en paix avec une histoire passée, et être tellement éternellement dévoué à une personne, que seul son bonheur importe. Même si celui-ci doit être avec autrui.
« Mais tu sais, tout ce qu'on a entendu toute à l'heure... Je repris. Le discours de mariage – de s'aimer pour toujours, dans la santé comme dans la maladie, de se jurer fidélité et d'être là jusqu'à ce que la mort nous sépare. J'avais oublié la puissance de ces promesses, qu'on a rompues.
- Que j'ai rompu, me corrigea-t-il.
- Non. Nous étions dans des situations beaucoup trop compliquées, nous étions beaucoup trop jeunes. Tu ne m'as pas trompé, Louis. On s'est quittés avant ça. On était des désastres, j'ai mes torts. Ne te blâme pas. »
Il baissa les yeux, sachant que j'avais raison. Louis avait toujours été comme ça, de toute manière. Il avait toujours préféré porter le poids des choses sur ses épaules pour m'éviter d'être touché. Il l'avait fait des années, jusqu'à exploser.
« Nous n'étions pas prêts à exposer au monde entier notre sexualité, ce n'est pas ta faute, j'insistai. Nous avions nos torts, et la célébrité nous a mangée. Mais c'est juste... je crois qu'on aurait été capables de s'en sortir, d'une certaine manière. Et je ne regrette rien – et je suis bien dans ma vie, comme toi tu l'es, et je suis heureux qu'on puisse juste se tenir là, se parler et aller bien. Mais je crois qu'au fond, j'aurais toujours ces regrets. Je crois qu'au fond, j'aurais toujours cet amour – et je sais que si je le pense, c'est que j'ai pas totalement tourné la page. On est tellement différents, que depuis la dernière fois qu'on s'est vus... Comme deux nouvelles personnes, saines, douces et qui pourtant semblent déjà se connaître depuis une éternité. Est-ce que je suis fou de penser qu'entre ces deux personnes, ça donnerait quelque chose de durable ? »
Louis demeura silencieux, et face à son manque de réponse, je tournai la tête vers lui. C'était à son tour de fixer l'étendue bleue devant nous, mais je remarquai de la lumière humide dans ses yeux. Il avait des larmes qu'il retenait.
« Merde, je suis désolé, je dis aussitôt. Je n'ai pas envie de ça – que ça devienne super bizarre entre nous, que ça fasse mal à nouveau. Je pensais simplement que, tu sais, à se dire les choses... Ce que je ressens... Louis, excuse-moi –
- Harry, il tourna la tête vers moi, Luke est parti. »
Putain.
« Quoi ?
- Il est parti.
- Je suis désolé – je suis désolé Louis. Ne pleure pas – je suis désolé...
- Non, Harry – Il a eu une urgence au travail, simplement, et a compris que je veuille rester pour mes amis. Mais surtout pour toi - parce que je lui ai dit. Alors, ça a pété, il est parti. Mais le pire dans tout ça, c'est que je ne pleure pas pour ça. Si mes yeux réagissent comme ça, c'est parce que je suis soulagé qu'il soit parti. Et que tu me dises tout ça. »
Il fallut bien cinq secondes pour que mon cerveau fasse toutes les connexions, mais une fois fait, je sentis une réaction plus bas dans mon corps – au niveau de mon cœur. Celui-ci eut une réaction de souffle instantané.
« Tu as raison, il nous reste quatre jours ici, dit-il. Dans cette bulle qui met le reste du monde en pause. Il faut qu'ils comptent.
- Et après ?
- Après ? Il me demanda.
- Oui, après. Tu ne vas pas partir le rejoindre, malgré tout ? »
La peur d'une réponse ne me convenant pas m'envahit, ou d'une absence de réponse tout court. Les secondes me parurent bien longues, même si j'étais prêt à accepter ce qu'il en découlerait. Et alors, lorsqu'il ouvrit la bouche à nouveau, j'étais sûr d'entendre quelque chose me disant de définitivement tourner la page. Probablement de ne jamais le revoir. Car j'avais conscience qu'à chaque fois que mes yeux auraient l'occasion de se poser sur son être, cela renaîtrait, d'une certaine manière.
Mais sa réponse fut différente de ce que je pensais recevoir. Elle fut à la hauteur de mes espérances. Ou du moins, elle offrait une chance à celles-ci. Car tous les deux, sainement, nous étions sur la même longueur d'onde.
« Non, dit-il. Je ne le rejoindrai pas. »
Et juste comme ça, Louis avait quitté Luke simplement parce que nos yeux s'étaient rencontrés un instant sur une chanson d'amour. Au moins, nous ne répétions pas les erreurs du passé, à base d'infidélité et de rupture tardive. Non, nous reprenions tout.
Dans cette optique, Louis se contenta de changer drastiquement d'expression faciale, me tendant alors sa main et abordant un sourire poli radieux. Comme au premier jour. Et c'était le but.
« Enchanté, moi, c'est Louis. Je crois que dans une autre vie, on s'aimait, ou quelque chose comme ça. Peut-être qu'on devrait apprendre à se connaître. »
Je demeurai hésitant quelques instants, regardant un coup sa main tendue, un coup son visage si courtois. Et finalement, j'abordai moi-même un petit sourire, et je lui serrai la main.
« Enchanté. Harry. Ouais, je crois aussi. »
▬
Nous commençâmes alors notre délire de renouveau par une visite du manoir que je fis à Louis, tandis que tout le monde dansait dans la salle de réception. Deux âmes s'était unies peu avant dans ces lieux, et deux autres se retrouvaient enfin, à travers des rires et des mots échangés.
Puis, il fallut retourner auprès des autres. Je constatai que la salle était déjà plus vide qu'à l'accoutumée, des personnes étant probablement parties se coucher. Il restait tout de même des gens, dansant, ou assis à leurs tables, à discuter et à profiter de ce moment unique. On ne voit pas souvent un de ses enfants, ou un de ses ami proche s'unir à vie.
« L'ambiance était plus sympa toute à l'heure, rigola Louis.
- J'aime bien, j'haussai les épaules.
- On sent que c'est la fin de soirée. Seuls les vieux sont sur la piste.
- Alors tu devrais y aller. »
Louis se tourna vers moi, abordant une expression choquée. Mais il était impossible pour lui de cacher ce petit sourire en coin lui enlevant tout côté dramatique.
« Pour une première rencontre, je trouve que tu n'es pas très sympathique, il s'amusa.
- Alors on ne se reverra pas une deuxième fois ?
- Oh, je suppose. C'est comme si j'avais le chic pour te retrouver à plein d'endroits.
- Peut-être que c'est... J'haussai les épaules. Le destin, un alignement des étoiles, ces conneries là. »
Louis acquiesça, puis rigola à son tour il me tendit sa main, mais cette fois, paume vers le ciel.
« On danse ?
- Ce n'est pas un peu, précipité ? Je demandai, souriant.
- Je crois que ça veut rien dire le temps, pas vrai ? »
Je rigolai alors qu'une nouvelle chanson commença, plus douce cette fois-ci. J'hésitai quelques instants, car peut-être qu'au fond, ce n'était pas qu'une danse. Peut-être que cela avait une signification plus importante, dans le tournant de notre histoire.
Ayant vécu tellement de choses au sein de celle-ci, j'analysai chaque situation, y trouvant une importance. Je savourai chaque instant avec Louis, tout simplement. Car c'est que tous, nous devrions faire. Savourer chaque instant offert avec celles et ceux que nous aimons. S'il y a bien une chose qui ne dure pas en ce monde, c'est ça ; le temps.
Je saisis la main de Louis, nous retrouvant à danser cet espèce de slow, concentrés et passionnés.
Est-ce que cela faisait de nous des mauvaises personnes, de danser à deux si vite après le départ de son fiancé ?
Est-ce que cela faisait de nous des mauvaises personnes, d'avoir passé du temps sur la falaise alors que celui-ci dormait ?
Est-ce que cela faisait de nous des mauvaises personnes, de nous sentir finalement à notre place, nos corps collés alors que nous bougions au rythme lent de la musique ?
Est-ce que cela faisait de nous des mauvaises personnes, de nous retrouver ?
Je savourai ces trois minutes de bulle spéciale. Malgré les gens autour, nous dansions cette lente danse, uniquement portés sur l'un et sur l'autre. Nous primes même le risque d'avoir un contact visuel, mais cela n'alla pas plus loin. Même si nos cœurs étaient à l'autre, nous prenions notre temps. Ou du moins, nous essayions de bien faire les choses ; cette fois. La bonne fois.
Après cette danse, ce fut le moment pour moi d'aller me coucher. Louis me suivit pour faire la même chose. Arrivés devant ma porte, qui était légèrement avant celle de Louis dans le couloir, j'ouvris la porte, mettant déjà un pied dans ma pièce pour la semaine.
« Merci pour cette soirée, dis-je.
- On sonne vraiment comme des mecs qui sortent de rencard », il s'amusa.
Je rejoignis son léger rire, haussant les épaules.
« Bonne nuit Louis, parlai-je.
- Bonne nuit Harry. »
Étant légèrement plus petit que moi, Louis s'hissa sur la pointe des pieds afin de déposer un baiser sur mon front. Un acte très tendre, très symbolique, tellement protecteur. Je lui rendis un sourire et il sortit de mon champ de vision.
Je fermai la porte, souriant, et en même temps, me mordillant la lèvre inférieure. A ce moment précis, je ressemblais à un adolescent avec un gros crush, ou quelque chose comme ça. Cela obsèda mes pensées du moment où je fermai la porte à celui où je me retrouvai sous la couette, les yeux fermés, prêt à dormir, et surtout, ne sachant pas de quoi demain serait fait, à part de Louis.
Jusqu'à ce que cela toque à la porte.
———
J'espère que vous allez bien ! Le confinement n'est pas trop compliqué pour vous ?
Je viens rappeler qu'il ne reste que 3 parties (dont celle-là) à cette histoire.❤️
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