C H A P I T R E 1
J'avais toujours aimé énormément de choses, simplement car je pensais être une de ces personnes, celles qui tombaient amoureuses de tout objet – au sens philosophique. Peut-être était-ce parce que j'étais trop niais, trop fragile et précieux, ou peut-être était-ce car j'aimais le fait que d'aimer, ou simplement parce que j'étais incapable de concentrer mon coeur sur un seul et même objet, me faisant alors dériver.
Mais s'il y a bien une chose que j'aimais plus que tout au monde, une chose dont je ne me lassais jamais et ne pensais jamais le faire, c'était bien les concerts.
Un concert. C'est tellement dingue. Tous ces gens, toutes ces personnes tellement différentes, réunies en un seul et même lieu pour partager une soirée se voulant magique et envoûtante. Des milliers de voix différentes, des voix qui chantaient mes chansons, des voix qui chantaient mon travail, travail que j'avais grâce à ces voix.
Harry Styles. Chanteur issu d'un boys-band récemment séparé. Mondialement connu. C'était moi. C'est moi. Mais j'avais bien conscience que sans mes fans, sans les meilleures personnes au monde, je n'en serais pas arrivé là.
Je veux dire – ouais. C'était juste dingue. Mais plus que tout...
Ce sentiment...
Le corps qui tremblait, non pas par peur, stress ou appréhension, mais par passion. Ces milliers de voix, ces milliers d'âmes, faisant bouger toute une salle, créant toute une atmosphère, une atmosphère me pénètrant en plein coeur, faisant trembler mon être et ressentir.
C'est ce que j'aimais le plus, je crois. Non, j'en suis sûr.
Et ce moment était l'un de ceux-là. Je me tenais debout sur la scène, face au micro, face à une mer de personnes, m'étant inconnues et pourtant si familières. Mes yeux étaient fermés, mes doigts grattaient les cordes de ma guitare, commençant à envahir l'arène d'une de mes chansons, une des plus douces.
Une des plus puissantes.
Une des plus personnelles.
Et il y avait le silence. Le silence, le plus complet, et pourtant ce tsunami de vibrations jusqu'au plus profond de mon être. Juste ma guitare, le retour son de celle-ci, et ma voix, faisant écho dans tout une arène – une arène complètement silencieuse. Ouais, les meilleurs fans du monde.
Woke up alone in this hotel room
Played with myself, where were you ?
Fell back to sleep, I got drunk by noon
I've never felt less cool
We haven't spoke since you went away
Comfortable silence is so -
Ma mâchoire se contracta dans la seconde. Un cri si aigu, si perturbant, si familier. Un silence brisé par la simple bêtise d'une fille que je ne connaissais que trop bien. Une fille que je n'aimais que pas assez. Une fille qui partageait mes nuits. Une fille qui ne connaissait pourtant rien à ma vie.
- overrated
Why won't you ever be the first one to break ?
Nouveau cri, plus long, suivi de rires. Elle riait avec ses amies, moquant mes fans et le silence qu'ils avaient mis en place, manquant de respect à cette chanson si importante. Cette chanson dont elle ignorait totalement la signification. Cette chanson dont j'avais renié la signification.
Even the phone misses your call, by the way
Maybe one day you'll call me and tell me that you're sorry too
But you, you never do
Il me fallait plus qu'un cri hystérique de la part de ma petite-amie pour me déconcentrer, mais quand il s'agissait de toucher à cette chanson, à tous mes sons à son sujet, il m'en fallait bien moins pour m'énerver.
▬
Je descendis les marches entre la scène et le couloir en direction des coulisses. J'avais encore cette euphorie physique, et cet état d'esprit dingue, suite à près de deux heures de spectacle magique ; mais j'avais également une seule et même chose en tête. C'est pourquoi je courais presque en direction de ma loge, où je savais que je la trouverais.
Les fans appelaient encore mon nom, désirant que je revienne sur scène. J'aurais aimé aussi, mais s'il y a bien une chose que j'avais appris les précédentes années, c'était que toutes les bonnes choses ont une fin.
J'ignorai les quelques personnes m'appelant dans les coulisses, me faisant un chemin vif et direct vers ma loge. Je ne comptais pas snober tout le monde et m'éclipser comme un voleur, mais j'avais d'abord quelque chose à faire. C'est pourquoi j'alla jusqu'à ma pièce personnelle, et une fois devant la porte, la poussa.
« Pourquoi tu as crié ? »
Désormais, j'étais celui qui faisait l'action reprochée.
« Pardon ? Répondit-elle, son expression adoptant le choc suite à mon ton.
- Pendant From The Dining Table. Pourquoi tu as crié ?
- Oh bébé... Tu as reconnu que c'était moi ? »
Elle approcha ses bras, prête à m'enlacer voire m'embrasser, mais je reculai d'un pas en poussant son avance avec ses mains. Puis je soupirai, et reprit, plus calmement.
« Camille... Pourquoi tu as crié ? Tout était si silencieux, si beau, je suis sûr que les fans avaient prévus ça pour moi. Pourquoi tu t'es sentie obligée de gâcher ça ?
- Elles crient toutes constamment quand elles te voient, et tu me dis aussi constamment à quel point tu les aimes ! Alors j'ai voulu allier les deux. »
Elle était réellement prête à tout pour se sentir aimée par ma personne. Pourtant, je l'aimais. Mais pas de la même manière, pas de la bonne manière – pas de la manière saine et durable.
« Mais pourquoi pendant cette chanson ?
- Pourquoi pas ? Je n'avais aucune idée qu'il fallait se taire ! Personne ne m'a mise au courant ! »
Ma raison de m'énerver était stupide, ou alors Camille l'était simplement ? Honnêtement, je ne trouvais pas de réponse à cette question. Cependant, il y en avait bien une, une bien précise.
« Et pourquoi tu t'énerves de toute manière ? Avait-elle ajouté. Cette chanson est juste une parmi tant d'autres, tu ne t'énerves pas quand les fans crient pendant Sign of the Times ! »
Elle m'aimait, je sais qu'elle m'aimait. Et je l'aimais aussi, à ma manière. Mais elle n'avait jamais été vraiment douée pour suivre ma carrière musicale. Je n'avais que sept ans de carrière derrière moi, dont seulement deux ans en tant qu'artiste solo, mais elle ne pouvait pas me sortir d'autres titres de mes chansons à part Sign of the Times, mon premier single. Camille ne m'aimait certainement pas pour ma musique, c'était une évidence.
« Cette chanson est importante pour moi, fut ma réponse.
- Elle ne parle même pas de toi, rétorqua Camille au quart de tour. Tu parles d'une ancienne histoire d'amour, et tu utilises "il" alors ça veut dire que c'est du point de vue d'une fille, donc pas toi. Puis c'est une histoire d'amour qui a duré des années, et tu n'as jamais eu d'ex comme ça. Tu te mets juste à la place de quelqu'un, tu inventes une histoire et la ressens. Je dis pas que c'est pas bien – non, c'est super, tu sais écrire sur tout et tu arrives à imaginer la situation des autres, mais je ne comprends juste pas pourquoi ça t'atteint autant que j'ai pu crier pendant cette chanson alors qu'elle ne te concerne pas directement ! »
Je l'embrassai simplement. C'était bien plus simple que de lui répondre, ou de penser à la véritable signification de cette chanson, dont Camille était très, très loin.
▬
« Alors, comment tu as trouvé le concert ? »
Ma mère haussa simplement les épaules, jouant l'indifférente, étant pourtant incapable d'adopter une expression sérieuse. En effet, un grand sourire tirait ses traits. J'avais toujours trouvé ma mère magnifique, depuis que j'étais petit garçon. J'avais toujours eu envie de casser la gueule à mes amis qui le soulignaient un peu trop.
« Oh, tu t'es débrouillé. »
Je roulai des yeux, un sourire étirant également mes lèvres. On m'avait toujours dit que j'avais hérité de son sourire et sa faculté à le faire en toutes circonstances – même si durant les précédentes années, les choses s'étaient compliquées pour moi, et mon sourire s'était fané.
« Je t'ai vue pleurer pendant Sweet Creature », soulignai-je.
Sweet Creature, une chanson douce, calme, parlant de cette personne, cette personne précise, constituant notre repère, un repère qui ne nous échappe jamais, à tel point que les deux coeurs fusionnent...
« Tu pleurais vraiment », j'ajoutai.
Il n'en fallut pas plus à ma mère pour se jeter à mon cou, serrant ses bras autour de ma nuque. Je la serrai en retour. Ma mère était une aide si précieuse pour moi, quelqu'un de si bon, de si humble. Elle avait toujours été mon modèle, et je respirais pour peu de choses si ce n'est elle et deux trois autres.
« Je suis tellement fière de toi Harry, murmura-t-elle dans mon oreille. Et je suis tellement désolée. »
J'essayai de la reculer légèrement afin de voir son visage et de la questionner, mais elle serra davantage mon cou, me faisant comprendre qu'elle voulait et avait besoin de cette étreinte. Alors je replaçai mes mains sur son dos, ne mettant pas fin à notre moment, mais je pris tout de même la parole.
« Désolée de quoi ?
- Désolée de ne pas avoir su te protéger. Le rôle d'un parent... C'est de protéger son enfant. Lorsque tout ça, toute cette folie, toute cette célébrité... Lorsque tout ça a commencé, tu étais si jeune. Tu n'avais que seize ans. Tu étais un enfant, Harry. Un enfant. Ça a été si dur de te laisser partir... Mais je l'ai fais. Et si je ne l'avais pas fais... Tu n'aurais pas autant souffert. Je suis tellement désolée. »
Cette fois, je réussis à nous séparer pour établir un contact visuel.
« Rien n'est de ta faute. Regarde où j'en suis maintenant – tout ça, la salle qu'il y avait ce soir, tout ça, c'est aussi grâce à ce que tu as fais lorsque j'avais seize ans. Tu m'as laissé partir. Ces vies, celle de ma naissance et celle de mon rêve, je te les dois. »
Ses yeux étaient de nouveau imbibés, et une culpabilité la rongeait sans aucun doute. Je n'aimais pas voir ma mère comme cela, mais à ce moment précis, je réalisai plus ou moins que c'était sûrement là depuis des années. Mes problèmes avaient rongés ma mère.
« Mais à quel prix ?
- Peu importe le prix, je l'ai payé maman.
- Et tu n'avais pas à le faire. Tu es encore un enfant, Harry. Tu ne devrais pas... Tu ne devrais pas – avoir fait tout ça. Tu ne devrais pas en être arrivé là.
- Je suis un homme.
- Oui, oui, bien-sûr que tu en es un... Et tu en es un depuis très longtemps. Ils t'ont fait grandir vite, tellement vite... Trop vite... Ça n'aurait jamais dû arriver.
- Et qu'est-ce qu'on fait, là ? Avais-je repris, touché par son inquiétude mais frustré par ses propos. On en est là aujourd'hui, j'en suis là aujourd'hui. On ne peut pas changer les évènements, alors autant les accepter.
- Harry...
- On sait tous les deux ce qu'il s'est passé. On sait tous les deux comment cela s'est passé. Mais ça ne veut pas dire que l'on peut y faire quelque chose. Le passé, par définition, n'est plus. Alors, je t'en supplie Maman, arrête de te blâmer pour ce qu'il m'est arrivé. Tu sais autant que moi que malgré tout, ces années, je ne les échangerais pour rien, »
Je posai mes mains sur ses épaules, insistant bien sur le contact visuel établi, même si elle avait du mal à le garder de par sa vision trouble. Je voulais simplement qu'elle comprenne, qu'elle accepte ; comme j'avais été contraint à le faire.
« , non, rien au monde. »
Suite à mes mots, ma mère resta sans réelle réaction, fixant simplement mon visage, ou peut-être seulement la forme de mon visage vu les larmes dans ses yeux. Puis elle hocha doucement, très doucement la tête, et murmura :
« Tu l'aimais vraiment plus que tout, n'est-ce pas ? »
Je sentis mon coeur se serrer légèrement, et je me redressai, enlevant mes mains de leur emplacement. J'hésitai à répondre, n'étant pas réellement sûr d'avoir envie d'en parler – ce n'était pas vraiment le moment, ni le lieu, puis j'évitais le sujet au maximum – mais finalement, j'acquiesçai en silence.
« Oui, j'ajoutai ensuite. Plus que tout au monde. »
Je tournai le regard pour poser mes yeux sur Camille, discutant avec mes musiciens au loin.
« Mais maintenant, continuai-je, je l'ai elle. Tu dois l'accepter. »
Ma mère acquiesça, puis répondit :
« Et toi aussi. »
Je partis sans rien ajouter ou entendre de plus.
Sweet Creature, une chanson douce, calme, parlant de cette personne, cette personne précise, constituant notre repère, un repère qui ne nous échappe jamais, à tel point que les deux coeurs fusionnent... Cette chanson ne parlant absolument pas de ma mère. Cette chanson écrite bien avant que je me mette avec Camille.
Cette chanson dédiée à l'amour de ma vie, qui depuis deux années et demi, ne faisait même plus partie de celle-ci.
▬
« On doit être à Amsterdam demain en début d'après-midi, m'informa Jeff, mon agent. Le vol est à 14h30, alors on part de l'hôtel à midi. »
J'acquiesçai simplement, ne voulant pas réellement discuter. Sur le coup, je rêvais simplement d'une bonne douche, et du lit confortable de l'hôtel. La scène était mon élément, mais ce n'était pas envisageable sans repos.
« Tu as aimé le concert ? Reprit Jeff.
- Ça n'est fini que depuis une demi-heure... Mais, comme d'habitude, les fans étaient magiques.
- Mais toi ? Tu as aimé ? »
J'haussai les épaules.
« Chanter pour eux est toujours un honneur.
- Mais toi, Harry, insista Jeff. Tu as aimé ? »
J'avais appris beaucoup de choses depuis que mon nom était mondialement connu : le fait d'avoir une page wikipédia ne veut pas dire que l'on peut faire la différence dans quoi que ce soit. Donner son avis, c'est un principe que l'on m'avait interdit dès que j'avais commencé à effleurer la lumière des projecteurs.
« Je vais aller prendre une douche. »
Il soupira et me laissa seul dans la petite pièce représentant ma loge. Je soufflai à mon tour, absolument ravi d'avoir rendu heureuses des milliers de personnes, et plutôt satisfait de me trouver en France car j'avais toujours aimé cet endroit. Mais il y avait les souvenirs... Beaucoup, beaucoup de souvenirs. Des années entières de souvenirs, donc beaucoup de nostalgie. Nostalgie que je traînais depuis deux ans et demi. Deux longues années, plus la moitié d'une autre.
Paris, la ville où l'on s'était fiancés six ans auparavant. Paris, la ville où, six ans plus tard, je me présentais seul.
Doucement, je fis glisser ma veste sur mes épaules, puis mes bras, la laissant s'échouer au sol. J'enlevai ensuite les quelques bagues que j'avais aux doigts, puis commençai à déboutonner ma chemise. À ce moment-là, Camille entra dans la pièce.
« Hey, dis-je doucement.
- Hey, je viens de voir ta mère avec les larmes aux yeux... Elle m'a dit que ce n'était rien, mais je sais qu'elle ne m'apprécie pas tant que ça alors elle ne va pas se confier à moi. C'est grave ? »
Tout en parlant, elle s'était approchée de moi pour me serrer dans ses bras, sa tête et sa chevelure blonde reposant sur mon torse légèrement exposé. J'enroulai délicatement mes bras autour d'elle, puis dit :
« Non, rien de grave. Une de mes ancienne connaissance lui manque simplement.
- C'était quelqu'un qu'elle appréciait ?
- Oui. Oui, beaucoup. Ils s'entendaient vraiment bien. »
Camille haussa légèrement les épaules, affectée par le fait que ma mère ne l'aimait pas vraiment. Elle avait du mal à l'accepter, mais je ne pouvais pas éternellement rester dans l'ombre d'une relation passée, peu importe à quel point elle avait été forte, intense, puissante, belle, vraie, et peu importe à quel point sa fin avait été tragique et abrupte. C'était ainsi, et l'accepter était la seule chose à faire.
« Et pourquoi ça la rend si triste ?
- Parce qu'ils ne se voient plus.
- Pourquoi ?
- Parce qu'on ne se voit plus. Nous ne sommes pas restés en très bons termes. »
Elle se blottit davantage, avant de murmurer :
« Comment on peut ne pas rester en bons termes avec toi ? »
Un léger rire quitta mes lèvres.
« C'est aussi de ma faute. On est devenus des fantômes l'un pour l'autre... C'est comme ça. Cela affecte simplement encore ma mère, ils s'appréciaient beaucoup. Mais tant pis. C'est la vie.
- Et toi ?
- Moi ?
- Et toi ? Reprit Camille, et elle releva la tête pour me regarder. Ça t'affecte encore? »
Un petite sourire triste prit place sur mon visage, et plus ou moins inconsciemment, j'hochai la tête.
« Oui. J'ai certains regrets. Mais j'apprends à vivre avec.
- Si ne plus lui parler te fait du mal, alors reprenez contact et expliquez-vous. Je suis sûre que ça peut s'arranger. Je ne veux pas que tu ailles mal. »
J'hochai doucement la tête et déposai un baiser sur son front.
« J'y réfléchirai », mentis-je.
Camille sourit, affichant son sourire blanc, puis se recula totalement.
« Alors, on la prend cette douche? »
Je me contentai de la suivre.
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