C H A P I T R E 1 5


Je réussis à être dans les temps pour ce concert, et honnêtement, c'était un miracle. Les plannings de journée de concert étaient très serrés et nous n'avions qu'environ une heure pour dîner, voir avec les stylistes pour la tenue, les maquilleuses pour le maquillage et les coiffeurs pour la coiffure. Oui, tout cela en une heure. Et pendant que tout le reste de mon équipe était en train de manger et que j'étais totalement sensé le faire avec eux, j'étais en train de suer sur une table de ping-pong et en train de la faire couiner. C'était carrément risqué et il y avait la notion de l'interdit, alors c'en était que davantage excitant.

Malgré le fait que finalement je n'eus que 40 minutes pour faire les actions énoncées ci-dessus et que Louis et moi l'avions échappé belle parce que clairement, l'équipe de préparation était à ma recherche et aurait pu rentrer dans la pièce de tennis de table à tout moment, j'avais réussi et j'étais bien sur scène avant 21 heures, nourri, habillé, maquillé et coiffé. (Le maquillage n'arrivait pas à totalement cacher mes joues encore un peu rouges et le fait que mon corps ressentait encore quelques frissons, mais ce n'était qu'un détail).

Comme d'habitude, il y avait toutes cette folie qui me possédait lorsque j'étais sur scène, mais je crois qu'il est inutile que je me répète sur ce point, que j'ai déjà beaucoup évoqué. Je sentais chaque vibration, les cris et applaudissements venaient m'hérisser les poils, je vivais le moment, j'étais dans une bulle et c'était beau. C'était, à mes yeux, vraiment le meilleur métier du monde.

Je me souviens que Barcelone avait été un public merveilleux. Enfin, en réalité, peut-être que je ne suis pas réellement objectif et que le public était aussi fou que tous les autres soirs, aussi merveilleux, mais que je le voyais d'une manière encore plus féerique car j'étais moi-même dans une euphorie post-sex et que j'avais l'impression de vivre une histoire interdite et excitante.

Les minutes passèrent, et elles passèrent si vite, c'était comme si le temps s'écoulait différemment quand j'étais sur scène et que ces milliers de merveilleuses personnes étaient en fosse, ou dans les gradins. Je dansai (très mal, certes, car la danse et moi, cela faisait vraiment deux ; mais j'étais en train de vivre le moment), je chantai évidemment, je discutai et par moment, j'osai dire mes pires blagues. Je me sentais comme à la maison.

J'attrapai finalement ma guitare lorsque ce fut le tour d'une des chansons que j'avais fait découvrir au public pendant cette première tournée mondiale en solitaire, Anna. La mélodie était entraînante, les paroles facilement identifiables. J'étais fier de mon travail sur ce son ; j'étais fier de mes chansons en général, sinon je ne les sortais pas. Je ne voyais pas l'utilité de sortir un morceau pas top à ses propres yeux. On fait de la musique pour soi avant d'en faire pour les autres.

Don't know where you laying,
Just know it's not with me

Don't know what I'd tell you
If I passed you on the street

Je chantai le premier couplet en regardant les fans déjà s'agiter au rythme de la mélodie. Cela me flattai tellement, de savoir qu'ils n'avaient aucune version studio de cette chanson et pourtant ils la connaissaient par coeur et criaient les paroles jusqu'à s'en brûler les poumons.

Puis, le refrain vint.

I don't want your sympathy
But you don't know what you do to me
Oh, Anna

Every time I see your face
There's only so much I can take
Oh, Anna

Je bougeai, une guirlande arc-en-ciel autour du cou, et grattai fort les cordes de ma guitare tout en chantant ces paroles pouvant être interprétées comme chaudes, ou tristes, alors que je me laissai emporter par la mélodie à mon tour.

Mon management m'avait forcé pendant des années à changer certaines paroles et pronoms dans mes textes de chansons, pour qu'au moment où je les chante, elles ne reflètent pas trop ma bisexualité et mettent les fans sur la piste de celle-ci (comme s'ils ne le savaient pas déjà). Cette chanson, Anna, en était un exemple. Parce que, clairement, ce n'était pas une certaine Anna qui me rendait fou au moment où j'avais écrit les paroles ou même celui où je chantai la chanson éponyme sur la scène à Barcelone. Oh, non ; ce n'était certainement pas elle. Mais bel et bien Louis.

Et je prenais cette situation trop à cœur... Ce qui n'a fait qu'empirer.





Le temps a juste passé. Pas des années, non, juste quelques semaines, quelques mois. Nous étions désormais au début de l'été, et j'étais toujours cette sorte de situation loufoque, excitante, malsaine, dingue, littéralement incroyable, et tellement de choses encore.

Louis et moi continuions cet échange de plaisir charnel consenti et adoré, tandis qu'il passait de plus en plus de temps avec l'équipe et moi. Les musiciens l'adoraient, l'équipe stylisme ainsi que celle de maquillage et de coiffure aussi, puis Jeff également même s'il me lançait régulièrement des regards assez suggestifs. Au final, c'était juste comme si mon ex-mari et pourtant présentement amant avait toujours fait partie de la tournée ; c'était juste tellement naturel, comme si sa présence auprès de nous, de moi, était normale.

(Évidemment, inutile de préciser que mon équipe, au complet, ne savait pas la nature de la relation que Louis et moi entretenions. Il s'est avéré qu'ils savaient, tous, mais jamais rien n'avait été mis au clair et Louis et moi ne nous comportions absolument pas comme plus que des amis et collègues devant eux. La folie physique arrivait dès que nous étions seuls).

Je m'enfermai de plus en plus dans cette relation mauvaise, j'avais conscience de son effet mais j'évitai d'y penser et je profitai juste au maximum de ce que j'avais la chance de recevoir. Dès que la peau chaude de Louis se retrouvait contre la mienne, j'oubliai tout ; mais à cela, il y avait les mauvais côtés. Car je recommençai à m'habituer à lui contre moi, lui en moi, moi grâce à lui ; et je n'avais aucune envie de toucher à cette grande blonde fine qui était totalement sensée être celle qui me donnait envie.

Et cela était pire qu'à l'accoutumée. Je ne l'avais plus touché depuis cette nuit où je l'avais fait mettre sur ses mains et ses genoux, et que nous avions assouvis nos pulsions sexuelles, elle en pensant avec moi, normal ; et moi en m'imaginant Louis. Horriblement malsain, malsainement horrible, je sais.

La vérité, c'est que je repoussai le moment de la quitter, car cela faisait trop réel, cela faisait trop "sacrifice pour du simple sexe avec mon ex", et cela signifiait aussi faire souffrir la blonde, ce que j'avais toujours voulu éviter. Finalement, je fus la simple raison de sa souffrance, car tout était parti à cause de moi, qui avait répondu à ce message de Louis à Amsterdam, qui l'avait recueilli dans le zénith ; et une chose en entraînant une autre, on en était à ce stade. Mais cette souffrance atteignit des sommets un soir de fin juin, dans une chambre d'hôtel.

Ce fut simple, vraiment totalement basique. Ma supposée petite-amie tenta de m'embrasser, tendrement, désirant probablement qu'après des semaines d'abstinence inexpliquée, nous repassions à l'acte - ce qui était totalement compréhensible - mais j'eus une réaction qui parla à ma place. Brusquement, je la repoussai, tout en disant :

« Non. »

Et ce, fermement. Cela fut la goutte qui fit déborder le vase. Camille fronça les sourcils, désormais énervée, au summum de sa frustration et de son incompréhension. Je l'avais repoussée comme si elle était une inconnue qui avait essayé de m'embrasser alors que j'étais déjà en couple. Mais là était le problème ; c'était avec elle que j'étais en couple. C'était elle. Alors quelque chose n'allait pas, vraiment pas, elle le remarqua en même temps que mon cerveau enregistra que cela allait trop loin.

« Putain qu'est-ce qu'il ne va pas chez toi ? S'énerva t-elle aussitôt. Qu'est-ce qu'il se passe ? Je vois bien que depuis des mois t'es plus le même ! »

Je ne niai pas, je commençai simplement à faire les cents pas dans la pièce en ne sachant pas quoi faire ni où regarder. La blonde s'énerva, continua à insister, alors que je n'avais pas de réaction et que cela la faisait monter en puissance. Finalement, je m'arrêtai et la regardai.

« Camille, c'est...

- C'est quoi ?! Dis-moi, enfin ! Dis-moi ! Ose me dire qu'il y en a une autre ! »

J'hésitai franchement à lui dire la vérité. Pas à la quitter, non, pas cela ; car je savais que c'était le moment, même si cela me faisait mal de la faire souffrir, ce fut à ce moment-là que nos chemins amoureux se séparèrent, cela ne pouvait plus durer de toute manière ; mais j'hésitai à dire la vérité sur cette "fille" qui n'en était pas une, et qui était tout simplement Louis.

« Il y a quelqu'un d'autre », avouai-je, calme, en la regardant droit dans les yeux.

Elle avait les yeux brillants de larmes, et son visage était tiraillé entre profonde tristesse et totale haine.

« Qui ? Demanda t-elle.

- Camille...

- Harry, c'est qui ? »

Pour le fait de lui dire la vérité, je n'eus pas à hésiter longuement. Mon esprit trancha rapidement. La blonde en face de moi méritait de savoir la vérité ; je savais qu'elle n'irait pas le répéter de toute manière, si ce n'était pas par gentillesse, au moins par fierté.

« C'est Louis, annonçai-je sans émotion apparente. J'aime Louis. »

J'étais toujours amoureux de mon ex, avec qui je couchai encore mais sans plus. Et pour une simple histoire de sexe, je laissai derrière moi une petite-amie géniale qui aurait bravi des montagnes pour mes yeux seulement. Ma vie était un fiasco total, il n'y avait aucune organisation et aucune prédiction.

« Louis ? Répéta Camille, incrédule. Mais qu'est-ce que tu racontes Harry ?

- La vérité. Je raconte la vérité. C'est Louis. Je suis amoureux de Louis. »

Un rire nerveux quitta ses lèvres, faisant couler quelques larmes sur ses joues en même temps.

« Tu es... »

Elle laissa sa phrase en suspend et je ne lui en voulus absolument pas d'avoir un rire nerveux après que j'eusse fait une telle révélation ; pour elle c'était le choc et ses nerfs devaient être mis à rude épreuve, alors c'était compréhensible. J'étais compréhensif.

Pour lui répondre, j'hochai la tête. Je ne sais pas trop ce que j'étais, bisexuel avec une attirance plus prononcée pour les garçons ? Gay avec quelques exceptions féminines ? Hétérosexuel très curieux ? La sexualité est tellement fluide à mes yeux que c'est difficile de savoir. Mais s'il y a bien une chose étant sûre ; c'est que j'aimais Louis, oui, clairement.

« Pendant tout ce temps tu étais moi pour... ne pas penser à tes sentiments pour lui ? Reprit Camille. Ou tu es tombé amoureux de lui entre temps ? Ou peut-être... que tu ne m'as jamais aimé ? »

Elle essayait de comprendre et je lui étais au moins reconnaissant de le faire, de ne pas juste me baffer et partir en furie. Elle était bien plus intelligente et posée que les gens avaient tendance à penser.

« Non Camille, je te promets que non. Je t'ai aimé. Vraiment. Mais ce n'était pas... Ce n'était pas comme lui. Ce n'était pas... Suffisant. »

Elle était détruite, cela se voyait aux traits de son visage qui étaient perdus. La voir comme ça me déchirai l'intérieur. Elle ne méritait pas cette souffrance.

« Mais pourquoi ? Pourquoi lui c'est suffisant ? Pourquoi lui, pourquoi lui et pas moi ? » Demanda t-elle en pleurant.

Son visage blessé par la tristesse me hante encore, parfois. Je m'en veux de l'avoir faite souffrir, mais c'était juste inévitable. Elle n'était pas l'âme qui m'était destinée.

« Parce qu'à une époque, il m'a promit l'éternité, je répondis. Et si j'en suis là aujourd'hui, c'est parce que mon esprit n'a jamais su oublier cette promesse.

- Si tu me l'avais demandé, je te l'aurais promis aussi ! Pleura-t-elle, la voix haussée. Elle avait la rage, c'était compréhensible. Je te l'aurais promis... »

Tremblante, pleurant toutes les larmes de son corps, elle commença à s'effondrer. Je la saisis au niveau des bras pour soutenir son poids. Sur le moment, elle commença à se débattre, et je lui tins fort les bras, non pas pour lui faire mal ni n'importe quelle idée tordue du genre, mais simplement car sans cette prise, Camille serait tombée au sol, assommée par le choc.

« Mais je ne voulais pas que tu me fasses cette promesse, rétorquai-je finalement, calme, alors qu'elle pleurait contre mon torse. Je n'ai jamais voulu que tu me la fasses Camille, je n'ai jamais voulu que qui que ce soit d'autre que Louis me la fasse. »

Camille pleura encore quelques minutes contre moi, à me pousser, crier, jusqu'à s'effondrer encore. C'était assez déchirant à voir, surtout que c'était ma simple personne qui l'avait mise dans un tel état. Encaisser cela était très difficile pour mon esprit, mais j'assumai un tant soit peu les conséquences de mes actes.

Elle se calma. Pas intégralement, bien-sûr - comment se calmer dans un tel moment ? - mais juste suffisamment pour accepter de s'asseoir sur le bord du lit, à côté de moi. Elle fixait droit devant elle, les larmes coulant encore sur ses joues. Je trouvai encore le moyen de la penser belle. En même temps, je n'avais jamais trouvé Camille laide ; loin de là. J'avais de l'amour pour elle, juste pas le genre d'amour qu'elle me portait.

« Ne me déteste pas, chuchotai-je.

- Ne me dis pas ce que je dois faire ou non. »

Je me pinçai les lèvres. Il était hors de question que je m'énerve à mon tour, hausse la voix ou je ne sais quoi ; je n'avais aucune raison de le faire. La colère de la blonde à mes côtés était purement justifiée et comprise.

« C'est moi qui peut te dire quoi faire pour le coup, parce que tu me dois bien ça, ajouta t-elle et j'acquiesçai. Tu étais avec lui avant, pas vrai ? Tous ces fans, leurs théories... Ce ne sont pas des salades, pas vrai ? »

C'est là que je lui expliquai les choses - partiellement. Je ne lui parlai pas du fait que Louis était mon ex-mari, mais j'utilisai simplement le terme "ex", puis je n'évoquai pas non plus le fait que nous couchions ensemble au moment où je la quittai. Même si elle l'avait sûrement deviné, je lui avouai pas. Je l'avais trompé avec l'esprit, en ressentant quelque chose pour quelqu'un d'autre qu'elle, et c'était déjà bien suffisant pour elle ; qui avait parfaitement raison.

Je lui expliquai que Louis et moi avions vraiment été amoureux, qu'il avait été mon premier vrai amour, qu'il m'avait apprit tant et que j'avais essayé de lui donner plus encore. Doucement, pour ne pas trop la brusquer, je lui racontai que nous avions partagé une relation pendant quelques années, avant que celle-ci prenne fin dû à plein de complications

Lorsque j'eus fini mon récit partiel, j'attendis une réponse orale de ma, désormais, ex petite-amie ; mais elle ne vint jamais. Celle-ci se contenta de continuer à fixer le vide quelques secondes, comme épuisée mentalement, et se leva. D'un geste, elle prit son sac et avança jusqu'à la porte de la chambre d'hôtel.

Elle s'arrêta une fois sur le palier de la porte, la main toujours sur la poignée. Je me pris à penser que peut-être, elle allait se retourner, m'adresser un regard, peu importe s'il était haineux, plein d'amour, de regrets, de déception ; juste ses yeux dans les miens, ce qui aurait pu vouloir dire qu'elle ne me considérait pas comme une erreur dans sa vie, qu'elle me souhaitait de ne pas être trop malheureux et de ne pas souffrir par amour pour Louis. Mais évidemment, elle n'en fit rien, et ferma la porte en me laissant seulement voir son dos. Je soupirai et laissai tomber ma tête entre mes mains. Qu'avais-je fait ?

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