C H A P I T R E 1 1
Ce matin-là, me réveiller aux côtés de Camille fut beaucoup moins plaisant que la veille, près d'un joli garçon brun aux yeux bleus. J'en avais totalement conscience, en en tournant la tête vers elle, encore endormie, je soupirai. Elle méritait tellement mieux.
Camille n'était pas méchante. Parfois très enfantine, parfois très naïve, parfois trop sérieuse, avec un caractère bien trempé. Mais honnêtement, elle n'avait rien de méchant. Les fans qui ne l'aimaient pas par jalousie ou je ne sais quelle raison trouvaient et inventaient plein de choses pour la rendre "problématique", mais si j'étais avec elle en premier lieu, c'est parce qu'elle avait quelque chose. Même si elle n'était qu'un moyen d'oublier Louis, ce qui échoua lamentablement, je m'étais tourné vers elle pour cette tâche parce qu'elle me plaisait. Elle était juste bien. Et c'est ce que j'aimais. Mais elle n'était pas Louis.
Mon amour pour Louis ne m'était pas inconnu, déjà ce matin où je me suis réveillé à côté de la mannequin. J'avais couché avec Louis plusieurs fois 24 heures plus tôt, et je l'aimais, dieu que je l'aimais. Mais notre situation était compliquée, bien plus qu'un "Viens, on se remet ensemble, c'est bon". C'était tellement, tellement plus compliqué... Et à ce moment-là, les yeux rivés sur le plafond vierge, je pensai que ce qui est compliqué ne vaut pas toujours la peine de se battre et d'y laisser des forces. Je n'en avais déjà plus beaucoup.
Je me levai, toujours sans bruit, m'habillai et rangeai mes affaires avant de quitter la chambre d'hôtel. Comme d'habitude avec Camille : pas de bisou, pas de mot, pas quelques mots échangés avant mon départ. C'était juste moi qui partait.
J'arrivai devant l'hôtel, Jeff m'attendant contre la voiture, puisque cela aussi, c'était une habitude. Mais habituellement, j'avais le droit à quelques mots de sa part, une petite taquinerie sur Camille et moi, quelque chose s'en rappprochant. Mais cette fois, rien.
Je m'installai dans le véhicule en premier, puis Jeff fit de même avant de fermer la porte. Pas un mot, rien, juste un regard désolé mais réconfortant de sa part. De toute manière, il n'y avait pas besoin de mot. Il savait tout sans que je n'ai besoin de lui expliquer.
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Je mâchai mon chewing-gum en regardant à travers l'hublot. Nous n'avions pas énormément d'heures de vol pour aller jusqu'à Stockholm, et je n'avais pas peur de l'avion - cela aurait été compliqué vu la fréquence à laquelle je fréquentais ce moyen de transport - mais le décollage était le moment que j'aimais le moins. Le haut le cœur, le fait qu'il y ait plus de chance que cela pète à ce moment-là. Je n'étais pas fan.
Je me tournai vers Helene, installée à côté de moi. Elle bougeait un peu dans tous les sens sur son siège, ce que je remarquai. Il y avait un homme inconnu assis encore à côté d'elle, côté couloir. Malgré nos comptes à banque assez fleuris, nous ne voyagions jamais en première classe. Je ne voyais pas trop l'intérêt, de toute manière. Je regardai ma photographe un instant.
« Ça va ? Demandai-je.
- Ça va, répondit-elle en soupirant. J'arrive juste pas trop à trouver une position.
- Tu veux ma place ?
- Non non c'est bon Harry, ne t'inquiète pas. »
J'acquiescai lentement en m'assurant qu'Helene avait bien compris que l'on pouvait échanger. Elle ne semblait pas dérangée par la place du milieu, et finalement, elle trouva une position confortable car elle ne gesticulait plus.
J'attendis que l'avion décolle, se stabilise, et que les hôtesses passent pour donner des petites coupes faim ainsi qu'un verre d'eau avant de commencer à démêler mes écouteurs. Se faisant, ma photographe s'adressa à moi.
« Harry... » Commença t-elle doucement.
Je levai les yeux vers elle, et c'est là que je remarquai qu'elle avait un regard assez triste, mais pas triste parce que quelque chose lui était arrivé ; triste pour son interlocuteur. Pour le coup, moi. Je connaissais parfaitement ce regard.
« Oui ? Rétorquai-je, doux également.
- Je vais peut-être être indiscrète alors... Coupe-moi si je vais trop loin. »
J'hochai simplement la tête, lentement, en arrêtant de triturer mes écouteurs. Helene reprit alors :
« Ok, bon... J'ai bien vu que tu ne vas pas bien. Personne ne m'en a parlé, je ne sais même pas si tu en as parlé à quelqu'un, c'est juste que je l'ai vu. Et je sais que je ne me trompe pas. Il y a quelque chose qui ne va pas chez toi ces derniers temps. Mais je veux juste que tu saches que tu veux m'en parler. Je sais que je ne suis pas la personne la plus évidente à qui tu t'adresserais, je ne suis que la photographe de la tournée mais -
- Non, je la coupai. Non Helene. Tu n'es pas juste une photographe. Tu es mon amie, au même titre que les autres. »
Il n'y a pas de sous-métier, et mon équipe était mon équipe, il n'y avait pas de favori ou de laissé de côté. Un petit sourire se traça sur les lèvres d'Helene.
« Ok, c'est cool, dit-elle. Tu es mon ami aussi.
- J'espère bien, souriai-je légèrement.
- Je voulais juste te dire que tu peux t'adresser à moi, me parler, m'en parler. Sans forcément dire de nom ni quoi que ce soit, juste en parler de manière à ce que je ne comprenne rien mais qu'au moins tu te libères un peu l'esprit. Tu vas devenir fou sinon, Harry. »
Je baissai les yeux. Devenir fou, j'avais déjà l'impression de le devenir. C'était un tel désastre dans ma tête, tout s'entrechoquait, s'emmêlait, je perdais des notions et d'autres devenaient tellement floues que c'était ingérable. C'était comme si j'avais perdu tout contrôle de mes émotions, de mon esprit, de mon âme ; et non, je n'étais pas prêt à interner, mais j'étais rongé par certains sentiments aussi beaux que dévastateurs.
Je relevai le regard, non pas vers la femme à mes côtés mais un peu plus loin, de manière à voir la rangée voisine à la nôtre, où Jeff était installé. Je le regardai, lui faisant comprendre en un simple regard ce que je voulais. Il se contenta d'hocher la tête, me donnant sa bénédiction.
Un réel, authentique ami. Avec cet hochement de tête, il m'encouragea à m'ouvrir à Helene, juste un minimum, pour me soulager le cœur et l'esprit et me libérer un tant soit peu. Il s'en ficha que ce ne soit pas à lui que je parlai, il ne se vexa pas, pas même un tout petit peu. J'avais une chance inouïe d'avoir quelqu'un de si bienveillant dans ma vie. Très taquin et caractériel quand il le voulait, mais personne n'est parfait ; et Jeff n'était pas quelqu'un de parfait. Il était juste un ami, et dans ce rôle, il atteignait sans aucun doute la perfection.
Je me tournai alors finalement vers Helene, qui attendait patiemment et qui ne me forçait à rien. Une merveilleuse jeune femme aussi. Je soupirai avant de commencer :
« C'est juste... Que ça va mal avec Camille.
- D'accord, d'accord, elle rétorqua sans me juger une seule seconde. De ton côté ou du sien ?
- Du mien », avouai-je difficilement.
Sa réponse m'impressionnai. Elle ne me posa pas des questions pour savoir si quelque chose s'était passé, si quoi que ce soit avait mit en péril notre relation ; elle alla directement droit au but, comme si c'était évident et que cela se voyait.
« Tu ne l'aimes plus ? »
J'ouvris la bouche, me rendant compte que j'avais du mal à en parler, que je n'avais pas envie de le faire. Je paniquai légèrement. Le fait de le dire à haute voix, même si dans ma tête c'était clair, donnait à toute cette situation un aspect beaucoup trop réel pour moi.
Je fermai les yeux une seconde, soupirai, et regardai à nouveau Helene, toujours aussi réconfortante malgré ma panique certaine. Je lui souriai, pas un grand sourire, malheureusement ; juste un petit sourire triste.
« Je ne veux pas en parler finalement, dis-je.
- D'accord, ne te force pas. Si tu as envie de parler à un moment, n'hésite pas, que ce soit auprès de moi ou auprès de n'importe qui dans l'équipe. Tu n'es pas seul. »
J'hochai la tête avec un petit sourire approbateur, puis je calai finalement mes écouteurs dans mes oreilles. Mon doigt défila dans ma playlist quelques temps, même si je savais pertinemment quelle chanson j'allais écouter. Une fois trouvée, j'appuyai dessus, et la douce mélodie commença à retentir dans mes oreilles.
Je m'installai confortablement, la tête contre la paroi de l'avion, de manière à pouvoir bien regarder à travers le hublot. Le paysage n'était pas magnifique ou époustouflant, mais je me relaxai en l'observant.
I don't ever ask you where you've been
And I don't feel the need to
Know who you're with
Cette chanson, non pas chantée par moi en version studio mais par Ariana Grande. Cependant, j'avais écrit ces paroles, il y a des années de cela. Et même si la situation reflétée dans cette chanson n'était pas exactement la même au moment où je me tenais dans cet avion, j'associais tout de même les paroles à ma tristesse - et probablement à celle que Louis ressentait. Je l'espérais, du moins.
I don't ever tell you how I really feel
'Cause I can't find the words to say what I mean
And nothing's ever easy
That's what they say
I know I'm not your only
But I'll still be a fool
'Cause I'm a fool for you
I know I'm not your only
But at least I'm one
I heard a little love
Is better than none
Just a little bit of your heart
Just a little bit of your heart
Just a little bit of your heart
Is all I want
Et aussi égoïste que cela était, c'était plus qu'un petit peu du cœur de Louis que je voulais à l'époque, même si j'en avais déjà eu par le passé, parce que le mien était réservé qu'à sa personne.
Heureusement, nos deux cœurs ont fini par se lier définitivement, mais plus tard. Bien plus tard.
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« La salle est magnifique, dis-je de la scène en regardant l'étendue - encore vide - devant moi. Je n'arrive pas à croire qu'on va se produire devant ça ce soir.
- Et si, répondit Adam. C'est de la folie.
- De toute manière, toute cette tournée est de la folie », ajouta Sarah en passant son bras autour de mon bassiste, qui était également son petit-ami.
J'acquiescai avec un petit sourire. Qu'est-ce que j'étais fier de faire le tour du monde pour une si belle passion que la musique, et de voir des gens qui m'aimaient plus que tout au monde.
Je laissai Mitch et Sarah discuter et se faire des petits bisous et quitter la scène. Je n'avais strictement rien contre eux et leur couple, au contraire, j'avais aidé à ce qu'il se forme. Mais je n'avais sur le moment clairement pas la tête à voir des gens amoureux et surtout ensemble. Parce que j'étais amoureux de Louis, mais je n'étais pas avec lui. Et, ah, cela brûlait dans ma poitrine.
Je marchai jusqu'à la salle m'étant réservée puis m'installai dans le canapé en soupirant. Je me passai les mains sur le visage. Sur mon téléphone m'attendaient des messages non-lus de Camille, alors je fis au moins l'effort de lui répondre, pas forcément avec quelque chose en rapport avec ses précédents mots, mais juste quelques uns pour lui dire que j'étais bien arrivé, que les répètitions s'étaient bien déroulées ; ce genre de choses qui, je le savais, allaient la rendre heureuse alors que cela ne me faisait ni chaud ni froid.
Quelques minutes après, cela toqua à la porte de ma loge.
« Entrez », dis-je alors.
Je pensai que c'était l'équipe de maquillage qui allait commencer à me préparer et à me dire de m'habiller, mais non. C'était Jeff. Et je remarquai que dans sa main, il tenait deux petites barquettes. Il ferma la porte derrière lui et vint s'installer sur la chaise en face de moi, la table basse comme seul obstacle entre nous. Il y déposa d'ailleurs les barquettes, que je vis pleine de nourriture chaude.
« J'ai été cherché ça à un traiteur français pas très loin, m'expliqua mon agent. J'ai cherché celui qui était le mieux noté et j'ai été te prendre du boeuf bourguignon, je sais que tu adores ça.
- Oh, c'est gentil, merci », rétorquai-je, surpris mais ravi.
Je ne savais pas trop quelle heure il se faisait et j'en avais même oublié notre habitude de manger tous ensemble. Tout était chamboulé dans mon esprit depuis pas mal d'heures maintenant. C'était comme si je manquais de sommeil alors que la nuit précédente j'avais dormi des heures sans interruption. Et qu'est-ce que c'est perturbant, que de se sentir fatigué mentalement alors que le corps est bien.
« On ne mange pas avec les autres ? Demandai-je finalement.
- On ne mange que tous les deux. Comme je t'ai dit, tu n'as pas besoin de me dire ce qu'il ne va pas, mais on va juste passer un moment tranquille comme on n'en a pas eu depuis longtemps, à manger de la bonne bouffe française. Tu vas juste te changer les idées, et tu vas sourire Harry. »
Il me suffit simplement de ses paroles pour que mes muscles faciaux se mettent au travail. Ce n'était pas un grand sourire, le genre qui creusait mes fossettes, mais c'en était déjà un, pas triste ni forcé ; et ce n'était pas trop mal.
« Merci beaucoup Jeff, dis-je en prenant la barquette et en m'adossant au dossier du canapé. Sincèrement, merci. Je ne pense pas te le dire assez.
- Tu n'en as pas besoin. Tu ferais la même chose pour moi. »
J'acquiesçai. J'espérai juste profondément qu'il ne soit jamais dans une situation similaire, ou tout aussi triste et difficile. Personne ne méritait - personne ne mérite - cela.
« Alors, ajouta t-il en prenant la fourchette en plastique et en se mettant en tailleur sur la chaise, je te propose qu'on parle juste de choses qui te correspondent totalement, du genre que tu pourrais tweeter, par exemple, la météo, ou je ne sais pas, un truc totalement bizarre et sans intérêt mais que tu pourrais tweeter sans aucun problème. »
Et cette fois, je rigolai, juste une seconde mais c'était déjà un bon pas. Cela ne signifiait pas que tout allait mieux, était passé et réglé, mais cela faisait tout de même un grand bien que de rire rapidement plutôt que d'aborder une expression faciale tragique.
J'appréciai l'effort de Jeff. Déjà, ce qu'il avait fait avec la nourriture, le fait de manger rien qu'à deux, de vouloir me changer les idées... Mais aussi de n'aborder aucun sujet pouvant me mettre mal. Rien en rapport avec Louis, rien en rapport avec l'amour ; je veux dire, il aurait pu me parler de son quotidien et de sa femme, par exemple. Mais non, il n'en fit rien, me faisant momentanément passer avant le reste. Et c'était si généreux.
« D'accord, rétorquai-je. Parlons de la météo. »
Et on le fit jusqu'à ce que l'équipe de maquillage nous rejoigne, une quarantaine de minutes plus tard. Et durant ces quatre dizaines de minutes, je n'avais pas été bien, mais j'avais au moins été quelque chose s'en rapprochant.
▬
« Bonsoir Stockholm, je m'appelle Harry Styles, j'ai 24 ans, et ce soir, je vais chanter devant vous. »
Aussi stupide cela était-il, je me présentai devant mon public. Toujours. Comme si les milliers de personnes présentes ne savaient pas qui elles étaient venues voir. Ou peut-être que ce besoin de me présenter et les remercier montrait simplement mon niveau de modestie. Ne jamais oublier d'où on vient, et de grâce à qui on est arrivés là. Trop de personnes oublient trop de choses, et j'ai toujours détesté ça.
Le spectacle qui se déroula ensuite fut magique. De toute manière, je vivais vraiment chaque moment sur une scène. Une fois sur cet espace si adapté à mon âme, c'était comme si je devenais quelqu'un d'autre, tout en restant très moi. Les mêmes souvenirs, les mêmes expériences, la même voix, le même physique ; moi, Harry Styles, tout simplement. Mais je changeais tout de même, pour le positif. Car sur une scène, j'étais moi-même, sans honte ni enfermement.
C'était comme une bulle qui ne pouvait pas être percée, par rien ni personne. Durant environ une heure et demi, c'était encore mieux que le sexe, la drogue et l'alcool. Une euphorie, un courage, un dynamisme et une joie exemplaires.
Mais certaines émotions sont aussi, voire plus, fortes que d'autres. Et malgré le pouvoir incroyable que je possédais une fois le concert commencé, mon désarroi et mon malheur du moment s'invitèrent tout de même à la partie. Pas jusqu'à me faire pleurer, pas jusqu'à me faire trembler la gorge, pas jusqu'à me donner envie de quitter la scène en courant. Juste en m'y faisant penser, en me faisant penser à tout ça, et surtout à Louis, alors que j'étais sensé être dans un moment où je m'évadais de ma vie privée absolument désastreuse.
Et ce jour-là, à Stockholm, devant un public merveilleux, c'est pendant la magnifique chanson de Fletwood Mac que je reprenais à chaque représentation que j'y pensai.
Listen to the wind blow
Watch the sun rise
Run in the shadows
Damn your love
Damn your lies
Des métaphores auxquelles je m'identifiais de manière très puissante. Et c'est ce qui est beau, avec les figures de style et particulièrement les métaphores. Il y a une certaine interprétation personnelle qui est possible, et cela peut être beau comme cela peut faire mal. Sur le coup, cela me fit mal.
Le vent soufflait dans ma vie, je ne voyais pas trop le soleil (Louis était le mien, à vrai dire), mais oui, je courais dans les ténèbres et damnait mon amour et mes mensonges. Je vivais avec ces derniers, à vrai dire. Auprès de ma petite-amie, de mes propres ami(e)s, de ma mère, de mes fans ; de n'importe qui d'autre que moi-même, en fait.
And if you don't love me now
You will never love me again
I can still hear you saying
You would never break the chain
Sur le coup, ce n'était pas la chaîne qui était brisé, mais moi. Et, ce que je ne savais pas encore à ce moment-là... C'était que Louis l'était aussi.
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