Chapitre 8: Confusion

Cette femme m'intrigue, elle ne doit pas avoir plus de quarante ans, mais son visage ne comporte aucune ride. Ses traits sont doux et invitent à la confiance. Sa voix est mélodieuse, mais ses vêtements, étranges.

Cela doit faire une demi-heure que nous avons pris la route ensemble. Puisqu'elle s'est proposée gentiment de me conduire à la ville la plus proche, je l'ai tout bonnement suivi, sans me poser plus de questions. La manière dont je lui ai tout de suite accordé ma confiance m'effraie. Jamais je n'ai agi ainsi auparavant, jamais je n'ai suivi une inconnue sans me méfier d'elle. C'est peut-être à cause de ce que j'ai vécu dernièrement, c'est sûrement trop pour moi... Cette femme me semble être la seule chose stable dans ce décor incompréhensible. Je ne la connais pas, mais elle est sûre d'elle, et puis c'est la seule à connaître le chemin.

Lorsque je lui ai indiqué ma direction, elle a désapprouvé d'un signe de tête. <<Si vous aviez continué dans cette direction, vous n'auriez rien trouvé de plus que des brigands et beaucoup de problèmes, croyez-moi petite>>, m'avait-elle avertie en approuvant d'un hochement de tête. Même si son vouvoiement m'a un peu déstabilisé, je n'ai plus parlé et nous nous sommes contentées de marcher côte à côte en silence.

Je jette un coup d'œil à Mariana, je crois, c'est bien son nom pas vrai ? Elle remue des lèvres et se mord l'intérieur des joues comme si ça lui coûte de retenir sa curiosité.

- Vous pouvez me le demander, vous savez.

La femme me dévisage, les yeux légèrement écarquillés par la surprise. Elle doit sûrement se demander comment je l'ai compris.

- Vous avez l'air perturbé, je sais que vous brûlez d'envie de me questionner. Mais je ne répondrai à vos questions que si vous répondez aux miennes.

Mariana détourne son regard pour le poser sur le chemin que nous empruntons. Nous sommes toujours dans la forêt, mais dans cette partie-là, les branches et les feuilles des arbres sont tellement nombreuses que la lumière filtre moins bien, lui donnant ainsi un air plus sinistre.

- Cela va de soit, me dit-elle, un sourire illuminant son visage.

- Alors, où sommes-nous ?

Mariana me regarde avec étonnement.

- Vous ne savez pas ?

Pourquoi je t'aurai posé la question sinon ?, pensais-je agacée.

- Ah, vous êtes perdu.... Je m'en excuse, répond-elle, un peu gênée. Nous allons à Paris.

Paris ? Donc je ne suis plus à Bruxelles, ça explique déjà beaucoup de choses. La cascade par exemple... Ces fous furieux de moines ont dû me transporter jusqu'ici après l'accident, quand j'étais encore inconsciente.

- Mais c'est bizarre qu'il n'y ait pas de route. Bon, je ne suis jamais allé à Paris, je ne sais pas ce qu'il y a, mais on aurait déjà dû croiser des gens non ? Mais j'y pense, vous n'aurez pas un téléphone ? Le mien ne capte pas et je ne sais pas si c'est à cause de moi ou s'il n'y a pas de réseau...

Mariana s'arrête subitement de marcher et je dois me déplacer vivement sur la droite pour éviter de la percuter de plein fouet. Elle se retourne vers moi, les sourcils froncés.

- Qu'avez-vous dit ?

Je m'immobilise à mon tour.

Quoi ? J'ai dit quelque chose de mal ?

Mariana a l'air perdu, elle me scrutent, cherchant à voir si je ne me fout pas d'elle. D'ailleurs, elle agit bizarrement, pas que je la connaisse suffisamment pour le dire, mais bon. Subitement, Mariana se met comme en retraite, ses yeux évitent les miens. Pourquoi me fuit-elle ?

- Je m'en excuse, je ne comprends pas ce que vous voulez me dire.

C'est à mon tour de froncer les sourcils.

- Mais qu'est-ce qu'il y a à comprendre, c'est pourtant simple !, m'exclamé-je un peu sur les nerfs.

- Soit, cependant, je ne comprends pas, fait-elle en regardant droit devant elle, le panier serré contre son corps.

Mariana fronce son nez et recommence à marcher.

- Vous ne devez pas être d'ici, votre apparence est étrange.

Je baisse mon regard en m'examinant, je ne vois pas ce qu'il y a d'étrange à porter un pantalon, un t-shirt et des baskets. Bon, ils sont déchirés, mais il n'y a pas de quoi en faire tout un plat, non ?

Quand je relève mon regard, je constate que Mariana est déjà loin.
Elle a de bonnes enjambées ! Je me mets à courir pour la rattraper et continuer à la questionner.

- Vous pouvez parler, pourquoi vous portez une robe de servante et cette grosse écharpe enroulée autour de vos épaules. Ça fait trop médiéval. C'est plutôt bizarre, vous vous exercez pour un rôle ?

Mariana se retourne violemment vers moi, ses traits sont tirés, je me mets instinctivement sur la défensive. Quoi encore !?

- Je ne comprends pas ce que vous me dites, dit-elle d'une voix presque plaintive. Votre façon de parler m'est inhabituelle, vos vêtements sont étranges et vos dires me sont inconnus.

Mais de quoi est-ce qu'elle parle ?

Je la regarde, perturbée. Elle est déguisée comme au moyen-âge et après, c'est moi la bizarre ?

Je veux répliquer, mais elle ne me laisse pas ma chance, car elle reprend la route. Je pense que notre échange l'a refroidi, car elle ne m'a toujours pas posé ses questions.

Tant pis pour elle !

Je la suis en silence alors que je fulmine de l'intérieur. Le paysage ne change qu'après quelques minutes. Supplémentaires de marche. La forêt est devenu beaucoup moins épaisse et l'on doit encore marcher un moment avant que Mariana s'arrête au pied d'un arbre.

- Nous allons faire une halte pour nous reposer puis nous reprendrons notre voyage.

Je suis assez d'accord avec elle, j'ai beau avoir une très bonne condition physique, je suis épuisée mentalement. Nous nous asseyons à même le sol.

Mariana me tend un bout de pain noir, sort de sa sacoche un couteau et se met à couper le fromage pour ensuite m'en tendre un morceau. Je l'accepte et commence à sentir discrètement le fromage quand elle ne me regarde pas. Je ne veux surtout pas paraître malpoli, mais je ne suis pas une grande fan de fromage. Je mange quand même un coin. Je n'aime pas le goût trop prononcé, mais je me force tout de même, c'est sûrement tout ce que j'aurai pour le moment.

L'ensemble est trop sec, plutôt difficile à avaler alors quand Mariana me tend la gourde d'eau, je la remercie chaleureusement.

La quarantenaire semble apprécier de manger en compagnie de quelqu'un, elle me sourit chaleureusement, on aurait dit qu'elle a complètement oublié notre discussion, elle semble en même temps heureuse et un peu mélancolique. Allez savoir pourquoi.

- Où habitez-vous ?, demandé-je pour briser le silence.

- Non loin de Notre-Dame, à quelques rues seulement en traversant le pont.

- Alors pourquoi vous étiez si loin de chez vous ?

Sans blague, nous avons marché de bonne heure, elle m'a dit que nous ne serons pas à destination avant demain. Et puis, je suis exaspérée, comment est-ce qu'on a pu marcher autant sans même avoir croisé âmes qui vivent ?! C'est quoi cet endroit paumé !

Elle me regarde dans les yeux et commence à rigoler de bon cœur.

- Quoi !?, m'exclamé-je sur la défensive.

- Vous m'avez l'air si perdu.

Je souffle d'exaspération. J'en ai marre de me poser autant de questions, mon cerveau va surchauffer si ça continue. Tout ce que je veux, c'est fermer les yeux et me laisser aller dans mon lit douillet, j'en ai marre de tout !

Voyant que je ne vais pas répondre, elle nettoie les miettes qui tombées sur sa robe médiévale. Je la regarde faire en silence.

- Bien ma petite, nous devons nous dépêcher de reprendre la route, nous devons atteindre ma cabane avant que le soleil ne se couche, m'informe Mariana en levant les yeux au ciel.

Elle se lève et je l'imite. Puisque nous avons terminé notre maigre repas, Mariana remet tout dans son panier, pose son châle sur ses épaules et nous voilà reparties.

Pendant la marche, je repense à ce qu'elle m'a raconté pendant notre mini-pause. Mariana, si j'ai bien compris, est partie aussi loin dans le but de cueillir des plantes qui ne poussent que dans cette région-là. Je me souviens lui avoir demandé pourquoi, elle aurait pu aller au magasin ou au moins appeler un taxi, elle m'a regardé comme si je parlais chinois et m'a ignoré, préférant faire semblant de ne rien avoir entendu. Sur le moment, ça m'a vexé, mais je n'arrive pas vraiment à le lui en vouloir, elle dégage quelque chose de bienveillant, voir même d'innocent, comme une barrière contre la rancune qui empêche les gens de la détester. Mariana m'a dit qu'elle avait des affaires importantes à régler et nous avions passé à autre chose, si elle ne veut pas me parler, c'est pas moi qui la forcerai à le faire.

Lorsque le soleil commence à se coucher, Mariana m'annonce que nous y sommes presque.

- À Paris ? Mais vous aviez dit que...

- Non ma petite, nous passerons la nuit dans une petite cabane abandonnée que j'ai découverte il y a de cela quelques années. Nous reprendrons la route au petit matin.

Nous marchons une bonne vingtaine de minutes avant que la dite cabane apparaisse dans notre champ de vision. Je pense que Mariana à oublier de me préciser l'état de la cabane.

Je suis stupéfaite devant le spectacle qui s'offre à moi. C'est ça sa fameuse cabane ?! Elle est tellement ancienne qu'on dirait qu'elle date du début du moyen-âge, elle est faite de terre, d'un peu de bois pour que ça tienne un minimum et le toit est comme en paille. Je vais devoir dormir par terre aussi ?

Oh putain, j'espère qu'elle ne va pas s'écrouler sur nous cette nuit...

À suivre...

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