Chapitre 21 : Agréable compagnie

- Oh... Alors, c'est vous ?

Le sourire qui s'affiche sur ses lèvres ne laisse pas indifférent les femmes présentes dans la Salle des gens d'Armes. Elles observent toutes avec admiration le beau jeune homme se déplacer avec l'aisance d'un félin jusqu'à moi. Ses cheveux mi-longs flottent avec grâce au-dessus de ses épaules et son assurance, ne dégageant pourtant pas d'arrogance, me surprend une fois encore. Toute cette attention soudaine me met mal à l'aise et je lui propose donc de sortir, proposition qu'il accepte après avoir lancé un sourire à ses admiratrices.

- Vous êtes surprise ?

- On commence à se croiser si souvent que j'aurai été surprise de ne pas vous voir de la journée.

Un rire enjoué rempli l'espace et apaise ma gêne de tout à l'heure, je me sens plus décontractée en sa présence, je ne lui avouerai jamais, mais je suis contente que ce soit lui. Une nouvelle tête m'aurait agacé cela dit. Je ne vois que ça désormais, que du nouveau, rien qui puisse me rattacher à mon ancienne vie, rien de rassurant en sommes. Enfin, je commence à m'adapter à cette époque, je ne comprends certes pas tout, mais ça fait un moment que j'y vis, autant faire un effort de ce côté-là au moins. En tout cas, ce jeune homme m'a déjà aidé il y a quelques jours. Il m'est d'ailleurs bien sympathique avec son air jovial.

- Alors, vous allez devoir me coltiner pour combien de temps ?

- "Coltiner" ? Qu'est-ce donc ? J'ai voyagé dans presque la moitié du royaume de France et je n'ai jamais encore entendu votre jargon. D'où vient-il ?

Relevant un sourcil, il penche un peu sa tête sur le côté comme pour mieux m'observer.

Oh la gaffe. Je ne peux même pas lui répondre sincèrement, la Belgique n'existera que dans quelques siècles.

- Vraiment ? Ah... Euh... Je viens d'assez loin au nord, près de la côte, c'est sûrement pour ça, dis-je en essayant de paraître aussi décontractée que possible, priant qu'il ne vienne pas aussi du nord, je n'ai pas besoin de paraître suspecte également à ses yeux, ça me causera que des ennuis supplémentaires.

Il hausse les épaules, l'air de rien.

- Je voulais seulement savoir pour combien de temps vous allez devoir me surveiller. Vous n'avez rien d'autre à faire ? 'Fin, je ne veux pas être impoli ou quoi, mais vous n'êtes sûrement pas venue au palais pour moi.

- Ne vous en faites pas pour cela, je n'ai pas de mission pour l'instant, et quand le général Léon à parler de vous surveiller, je me suis aussitôt proposé. Je me disais que ce serait un bon moyen de faire connaissance.

Le jeune homme aux cheveux ondulé m'accorde un nouveau sourire avant de reprendre.

- De plus, je connais assez bien les personnes du palais et les environs, je pourrai vous aider à trouver celui qui a essayé de s'en prendre à la vie du prince Philippe.

J'ai un instant d'arrêt. D'abord pour le nom du petit prince, étrange pour un petit garçon au joues toutes rondes comme lui, je lui voyais un tout autre nom. Mais c'est autre chose qui me fait tiquer.

- Mais je croyais que vous ne connaissiez pas les environs et que vous risquiez même de vous y perdre. C'est ce que vous m'avez dit le jour de votre arrivée au palais avec Léon.

- J'ai dit cela ?

Son attitude enjouée ne se trouble pas une seconde, ce qui me fait douter de mes propres souvenirs. J'aurai pourtant parié qu'il l'a bien dit, mais ça n'a sûrement aucune importance. Aussi, je décide de ne pas chercher plus loin.

- Conrad, je me prénomme Conrad du Guesclin. Je ne crois pas m'être présenté la première fois où nous nous sommes vu, ni lors de votre affrontement dans les couloirs des appartements princiers, il n'y a pas si longtemps. Veuillez excuser mon impolitesse.

Je le regarde me faire une légère révérence de la tête, en signe de respect. Ne sachant pas comment lui répondre, je l'imite à mon tour et m'empresse d'ajouter que c'est aussi de ma faute de ne pas avoir demandé son nom. Son sourire s'élargit d'avantage. Un sourire éclatant.

Le restant de la journée se déroule assez rapidement, je pensais au début que j'allais être agacée qu'on surveille tous mes moindres faits et gestes, mais Conrad est si silencieux qu'il m'arrive même d'oublier sa présence ou de la trouver agréable à chaque fois qu'il m'explique telle ou telle chose sur la vie au palais et ses habitants.

Mon nouveau travail consiste à aider Catherine avec les derniers réglages pour la fête de ce soir. Étant donné qu'elle s'occupe de coordonner les serviteurs dans leurs différentes tâches, elle me demande à chaque fois d'aller faire parvenir tel message à tel endroit et telles consignes à un tel autre. En somme, je ne fais que courir de droite à gauche avec mon fidèle baby-sitter qui m'indique à chaque fois le chemin. Je ne suis pas sûre que c'est exactement le travail auquel Léon à penser en demandant à Catherine de me faire discrète, mais ça me convient. En plus, la fête de ce soir semble être d'une importance vitale, tout est préparé avec minutie et aucun détail n'est laissé au hasard. Je suis reconnaissante envers Catherine de m'avoir placé en tant que messager, je me sens beaucoup mieux, puisque courir comme ça dans les couloirs me permet en quelque sorte d'évacuer une partie de la tentions qui habite mes muscles depuis que j'ai découvert mon voyage dans le temps. Faire du sport me fait un bien fou, je me sens de plus en plus de bonne humeur.

Sans aucun doute, cette journée devient vraiment agréable étant donné que Conrad se prête également au jeu et qu'il nous arrive de faire parfois la course. Certes, cela ne fait pas plaisir à tout le monde, mais je m'en fiche sincèrement. Cet exercice permet de me défouler et Dieu seul sait à quel point j'en ai besoin.

- Éloïse !

Tout à coup, je vois Ode apparaître dans mon champ de vision. Nous sommes au premier étage et c'est juste devant la bibliothèque royale que ma camarade de chambre décide de m'interpeller. Conrad me suit de près et quand la jeune servante s'aperçoit de sa présence, elle se fige en écarquillant les yeux de surprise. Visiblement, la nouvelle de mon nouveau partenaire de tâches n'est pas encore arrivée à ses oreilles, ce qui m'étonne vraiment vu la vitesse avec laquelle ses pipelettes de servantes font passer les rumeurs et les ragots.

Elle a les yeux fixés vers lui, comme si elle avait oublié ce qu'elle est venue me dire. Intriguée, je tourne la tête vers mon nouvel ami - je crois bien que je peux le considérer comme tel- et le voit baisser la main droite avant de me sourire comme à son habitude. Faisant des allers-retours entre Ode et le jeune homme, je me demande s'ils se connaissent ou si comme les femmes de ce matin, elle est tombée sous son charme. En tout cas, vu le rouge qui lui monte à ses joues et son expression faciale tout à coup plus timide, c'est clair qu'il ne la laisse pas indifférente.

Se sentant en train de fixer Conrad trop longtemps, elle se reprend pour venir me tirer par le bras, s'excusant auprès de mon surveillant de devoir me prendre à lui pour quelques instants.

- Ode ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- J'ai eu vent de ce qu'il s'est passé.

- Quoi ? La nouvelle a déjà circulé ?!

- Non, rassure-toi. Il n'y a que moi qui suis au courant. Comme je m'inquiétais de ne plus te voir et que j'ai aperçu Catherine et le général Léon parler de ce qu'il pourrait t'arriver, j'ai pris peur. Je t'avais dit que mettre du piment fort dans la soupe d'Agathe allait t'apporter des ennuis. Je suis donc allée voir Catherine et j'ai réussi à la faire parler. C'est horrible la manière dont les événements ont pris une telle ampleur.

- Tu ... Tu lui as dit pour la soupe ?

- Oui, je ne voulais pas que tu sois punie, alors je lui ai garanti que tes intentions n'étaient pas meurtrières. Mais elle m'a dit qu'elle le savait déjà et m'a chargée de te surveiller lorsque nous serions que toutes les deux. Je ne savais pas qu'on avait déjà attribué ce rôle à quelqu'un d'autre...

- Ah, je vois. Tu es là pour me surveiller alors ? répliqué-je en cachant ma déception.

Les yeux d'Ode me fusillent et ses sourcils se froncent. Elle me frappe le bras.

- Mais pour qui me prends-tu à la fin ! Je te fais confiance, c'est pour ça que je te dis tout ça, je veux t'aider !

Surprise par son entrain, je découvre une Ode sous un tout autre jour. Ses yeux brillent de détermination, ce qui m'attendrit quelque peu. Elle s'inquiète pour moi et elle veut m'aider. Je me souviens de la fois où je lui ai demandé dans le jardin -de façon assez violente, je l'accorde- pourquoi elle voulait m'aider et elle m'a répondu qu'elle voulait devenir mon ami. Ode ne semble pas avoir d'arrière-pensées malsaines, sa gentillesse me paraît naturelle et sa présence, bienveillante.

Je souffle un bon coup.

- D'accord, je te crois.

Ode acquiesce dans un mouvement de tête, satisfaite de ma réponse.

- C'est pour ça que tu es venue ? Seulement pour me prévenir ?

- Pas seulement. Je voudrais que tu me racontes ce qu'il s'est passé, je veux t'aider à trouver le coupable. À deux, ce serait bien plus rapide, de plus, je connais presque tout le personnel, mon aide ne sera certainement pas de trop.

- Vraiment ? Mais j'ai déjà tout racontée à Catherine et Léon est déjà sur le coup. Je ne sais pas moi-même par où commencer pour prouver mon innocence.

Me souriant malicieusement, Ode se tut lorsque Conrad s'approche de nous pour me prévenir qu'il devait s'éclipser pour le reste de l'après-midi, mais que nous nous retrouverons à l'heure de manger. Il me laisse donc aux bons soins d'Ode, comme il le dit. Celle-ci regarde le jeune homme s'éloigner en silence avant de se tourner vers moi. Oui, il lui fait de l'effet.

Comme sortie de ses pensées, ma colocataire secoue la tête avant de reprendre la conversation là où elle était restée.

- Et bien, Catherine est certainement très bien informée et elle connaît toutes les personnes sous ses ordres, mais elle reste toutefois notre supérieure hiérarchique, et je connais ses hommes et femmes plus personnellement, je saurais trouver bien plus d'information.

Revigorée par sa détermination, je lui agrippe les épaules en la regardant droit dans les yeux.

- Tu es géniale ! Ton aide me sera extrêmement utile !

Les yeux verts de mon amie brillent de fierté. Je ne peux m'empêcher de sourire, car j'ai l'impression que je peux me reposer sur elle, du moins, pour une partie de la mission. Un poids s'enlève de mes épaules.

Je la prends un peu à part en m'assurant que personne n'écoute notre conversation et lui explique tout ce qu'il s'est passé à partir du moment où je l'ai laissée dans les jardins pour surveiller le chaudron d'Agathe. Je lui décris le moment où j'ai vu le chaudron avec une partie de son contenue manquant, ma discussion avec les deux femmes, mon hésitation avant d'entrer dans les appartements du jeune prince, l'étouffement de Dame Mandine et enfin, l'arrivée du médecin et de Léon qui a fini en interrogatoire. Le général m'a donné pour mission de prouver mon innocence en retrouvant le coupable, puisque faute de quoi, étant le suspecte numéro un, je risque ma peau. Voir même plus.

- Alors ? m'exclamé-je, avec enthousiasme. Tu sais par où commencer ?

Ode prend un temps pour emmagasiner tout ce que je viens de lui dire.

- Hmm... C'est une drôle d'histoire.

- Tu l'as dit.

- Je vais enquêter de mon côté. Je vais aller trouver ses deux femmes et je leur parlerai, d'après ta description, je pense savoir de qui il s'agit. Elles ont peut-être vu quelque chose d'étrange.

- Super, merci beaucoup Ode !

Surprise par ma soudaine déclaration, Ode m'attrape les mains pour les serrer un peu, comme pour me dire "De rien, on est amie après tout, n'est-ce pas ?". Nos chemins se séparent par la suite et nous repartons chacune à nos tâches respectives.

De toute évidence, je ne vais pas chômer le restant de la journée non plus puisque les différentes grandes personnalités du royaume sont déjà arrivées depuis ce matin ou d'hier soir et elles ont besoin de beaucoup de soins à ce que je vois. Tout le monde court un peu partout afin que tout soit prêt pour ce soir. Des tas de nobles sont installés dans les pièces du palais qui ont étés nettoyés spécialement dans ce but ou dans des hôtels en dehors de l'île. En tout cas, tous seront présents pour le grand banquet donné par la princesse Jeanne qui aurait lieu dans quatre heures. Des quantités extraordinaires de nourritures sont arrivées au palais depuis des jours, je n'ai jamais vu ça avant. Évidemment, je n'aurai pas le droit d'en manger, les serviteurs mangeront avant que la fête prévue pour une bonne partie de la nuit ne commence.

En tout cas, ça promet.

À suivre ...

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Ça fait longtemps que cette partie aurait dû être publiée, j'avoue.

Malheureusement, je ne peux pas faire des horaires fixes pour écrire donc je ne peux pas vous fournir un contenu régulier, mais pour ceux qui ça les inquiète, je vous rassure, je finirai cette histoire sans fautes !!!

En tout cas, j'espère que le chapitre vous a plus, n'hésitez pas à me faire des suggestions ou de me faire part de vos réflexions sur l'histoire :

Vous plaît-elle toujours autant ? Plus autant qu'avant ? Est-elle trop longue ? Pas assez détaillée ? Ou même si au contraire, elle vous plaît plus ?

En tout cas, merci encore à tous de suivre Éloïse depuis le début. Je vous souhaite une bonne journée à tous et à bientôt 😉
Bisous !!

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