Chapitre 15: Passage secret

Génial...

La journée qui avait si bien commencé fini en désastre.

Ode m'ignore complètement. On nous a placées toute deux au nettoyage de la salle des Gens d'Armes, mais elle ne m'a pas adressé la parole une seule fois, du moins, pas de son propre chef et je ne comprends pas sa réaction. Son mutisme commence à me taper sur le système : OK, j'ai peut-être dit quelque chose qui ne fallait pas, mais elle n'a pas le droit de m'ignorer, nous avons un accord, et j'espère bien qu'elle a l'intention de l'honorer.

Je n'aime pas qu'on m'ignore quand je veux qu'on fasse quelque chose pour moi. Si ça avait été un mec, je l'aurais cogné depuis longtemps, mais c'est une fille, et je ne frappe malheureusement pas les filles.

Ça me saoule !

Je me lève et jette violemment le chiffon que je tiens en main, dans le seau d'eau sale. Ode pose les yeux sur moi pour me regarder sortir en trombe. J'ai besoin de prendre l'air, de m'éloigner de ses murs, je suis frustrée et je n'ai personne qui frapper. Je sais que j'ai voulu arrêter d'être violente, mais je suis une personne impulsive sous le coup de la colère.

Marchant d'un pas soutenu, je traverse les immenses couloirs du secteur réservé aux serviteurs (bien moins beau que toutes les autres parties du palais) et m'engouffre dehors sans tarder. L'air frais me fait un bien fou, je n'ai plus envie de travailler. C'est trop pour moi, les journées me semblent de plus en plus longues et mes mains deviennent de plus en plus douloureuses. Je ne sais pas comment Ode a réussi à tenir jusqu'à maintenant sans se plaindre.

Ode.

Je soupire d'exaspération. Encore elle. En essayant de déchiffrer notre dernière discussion, je tente de comprendre ce qu'il s'est passé. Admettons que j'aurai dû me taire sur ce coup, mais bon sang, ce n'est pas si grave que ça non ? Elle fait la gamine en me boudant dessus, qu'est-ce qu'il lui a pris de se renfrogner ainsi ! Je n'ai dit que la vérité pourtant.

Le soleil de fin de matinée et le vent humide, légèrement frais, m'apaisent quelque peu. J'arrache le bonnet qui me couvre les cheveux avant de le jeter à terre. Je marche sans savoir vers où, je ne connais pas cette partie du château, on ne m'a pas vraiment fait une visite complète des lieus, car après tout, à quoi cela servirait-il à une servante ? À rien, bien sûr, je ne suis pas une invitée, seulement une servante. Une moins-que-rien. Je rêve de faire ravaler leurs manières hautaines à toutes ses personnes qui se permettent de me regarder de haut !

Devant moi s'étend désormais un immense espace de verdure, plein d'arbres et d'arbustes : un jardin, le jardin du roi. Je jette un regard à gauche et à droite, sans voir personne, ce n'est sûrement pas le moment des promenades. Je m'aventure donc dans ce jardin, mais me cache derrière l'un des arbustes lorsque deux gardes armés passent près de là pour faire leur ronde. Je ne tiens pas vraiment à ce qu'on me voit et qu'on me force à retourner travailler. Faire la boniche ? Très peu pour moi !  

Au moment où les hommes armés sortent de mon champ de vision, un léger bruissement, presque imperceptible me fait me retourner à toute vitesse. Croyant qu'on m'a repéré, je me mets en alerte, mais à la place des gardes, le bout d'un long manteau attire mon regard. Celui-ci file à grande vitesse entre le décor vert, me faisant supposé que son propriétaire ne veut pas non plus se faire chopper par les gardes. L'inconnu file à toute vitesse vers l'entrée du petit labyrinthe au fond du jardin.

Par pure curiosité et l'envie d'un peu d'action, je m'élance à sa poursuite. L'excitation prend peu à peu place dans mes muscles et je me sens revivre.

Il ne semble pas s'être rendu compte que quelqu'un le suit car il commence à ralentir l'allure, avançant désormais d'un pas rapide entre les nombres couloirs du labyrinthe. Je n'ai pas beaucoup de peine à le suivre. Sa cape brune un peu sale et trouée au bout se mouve devant moi et m'empêche de distinguer correctement l'identité de son porteur ou sa porteuse. La capuche lui cache le visage.

Dommage, ça aurait été marrant de le croiser dans les couloirs et de penser à ses délirs étrange de courire dans le jardin avec une cape sur le dos, style magicien.

Je retiens ma respiration, je suis toute excitée, on dirait un scénario de film !

Peut-être que je découvrirais un complot, ou quelque chose dans le genre.

L'inconnu s'arrêter complètement et regarde autour de lui pour s'assurer qu'il n'est pas suivie. Je l'observe attentivement pendant quelques instants, le sourire aux lèvres. Il n'est vraiment pas doué pour ce qui est de la discrétion. Si moi, j'ai facilement pu le suivre, c'est qu'il a eu un sacré coup de chance pour ne pas s'être fait attrapé par les gardes.

Sans que je m'y attende, il plonge subitement sa main dans l'un des buissons en tâtonnant, il s'agite un peu et commence à s'énerver jusqu'à ce qu'il trouve ce qu'il cherche depuis tout ce temps. Il pousse le buisson qui bouge en produisant quelques froissements de feuilles et avec un dernier coup d'œil aux alentours, il se faufile à l'intérieur de l'ouverture.

Je reste bouche bée. Je parlais de complot en rigolant, mais ça m'a tout l'air d'en être un beau début.

Sans même hésite, j'accoure et bloque la porte avant qu'elle ne se referme. Ce labyrinthe est décidément bien plus grand que je le pensais. Ça devient vraiment plus intéressant.

Mais une fois la porte passée, je m'étonne de découvrir une sortie, le labyrinthe s'arrête là. Devant moi, il ne reste que quelques arbres, deux clôtures et de l'herbe jusqu'à l'enceinte qui protège le palais. Une sortie secrète ? Pourquoi faire ? Et encore plus important : où est passée ma mystérieuse personne encapuchonnée ?

- Et merde, je l'ai perdue !

Des battements d'aile me font sursauter, un oiseau s'envole sur ma gauche et il me semble qu'il porte quelque chose à sa patte, je ne suis pas sûre.

- Eh ! Vous, là !

Oups, ça va chauffer pour moi.

Sans même prendre la peine de me retourner, je soulève le bas de ma robe et détale comme un lapin, sans demander mon reste.

Une fois que j'ai réussi à berner mon poursuivant, je m'accroupis pour souffler un coup. J'ai contourné tout le labyrinthe, passée à coté d'un bâtiment qui m'est inconnu. J'ai couru d'un bout à l'autre du palais et suis arrivée à la chapelle pour me cacher derrière, à l'ombre des regards.

Il ne faut pas que je reste là, le garde va surement donner l'alarme. Merde, je pense que je n'étais pas dans un espace réserve aux serviteurs. Pourquoi est-ce que je l'ai suivit ? J'aurais encore plus de problèmes que je n'en ai déjà ! Ce qui m'amène à me demander la raison de la présence de mon mystérieux encapuchonné dans ses lieux visiblement interdit au grand public. Qu'est-ce qu'il peut y avoir de si intéressant là-bas ?

Alors que je m'efforce de comprendre le pourquoi du comment de cette porte secrète dans le labyrinthe, je perçois des bruits de sabots qui s'approchent de l'entrée par laquelle je suis arrivée la première fois ici. Je lève la tête au moment où trois chevaux font irruption dans la cour  du palais, je dois plisser les yeux pour essayer de distinguer les traits de ses nouveaux arrivants. Ma surprise peut se lire aisément sur mon visage lorsque j'aperçois un visage familier en tête du petit groupe.

Léon ?

Sans même me rentre compte, je m'avance dans leur direction.

J'observe les trois hommes en combinaison métallique chevaucher comme un seul homme vers les grands escaliers formant l'entrée principale du palais. Je ne sais pas ce que je dois faire, j'y vais ou je n'y vais pas ?

L'image d'un seau d'eau et de la brosse qui va avec me revient à l'esprit et fini par me convaincre d'aller à la rencontre de mon sauveur que j'aurai soi-disant déçu ce matin même.

- Léon ! le hélé-je, mais il ne semble pas m'avoir entendu à moins que lui aussi m'ignore intentionnellement.

- Mais vous faites exprès ou quoi !? m'emporté-je pour attirer son attention.

Les trois hommes descendent avec agilité de leur chevaux.

Léon se retourne vers moi lorsque j'arrive à sa hauteur, et avant même que ses acolytes aient pu me barrer la route pour me tenir à distance de leur supérieur, je remarque le bandage qui dépasse du casque de Léon et qui lui couvre l'œil droit.

- Reculez ! s'exclame un des hommes qui accompagne le général. Retournez travailler fame !

Ignorant superbement l'homme à la frange et à la queue de cheval, je continue de fixer Léon, choquée.

- Alors là ! À chaque fois qu'on se voit vous allez avoir un problème ?

Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit d'autre que Léon fait volte-face pour partir vers l'entrée du palais après avoir confié les rênes de son cheval à celui qui m'a ordonné de m'éloigner. Il n'a pas l'air dans son assiette.

- Nous parlerons plus tard voulez-vous ?

- C'est ce que vous avez dit la fois passée, je vous préviens ! Vous ne tenez pas vos promesses, lui crié-je après avec agacement, contrariée par sa mauvaise humeur.

Mais qu'est-ce qu'ils ont tous, c'est moi qui devrais être énervée ! C'est ma vie qui est partie en steak à ce que je sache !

L'autre homme qui accompagne Léon confie également son cheval au soldat qui les emmène directement aux écuries de l'hôtel du roi. Cet homme est différente de celui avec la frange, il est plus grand, plus soigné aussi. Le nouvel arrivant me regarde d'ailleurs d'un œil compatissant, mais son sourire est amusé.

- Ne lui en voulez pas, c'est dans sa nature.

Je lui jette un regard blasé. Ses yeux bleus brillent de malice et ses cheveux mi-longs d'un brun foncé légèrement ondulés lui donnent une apparence sûre de lui. Sans parler de sa carrure idéale pour le métier d'arme.

Hmm, je me demande à quel point il sait bien se battre.

Je le regarde de bas en haut pour analyser ses capacités, mais je pense qu'il a mal interprété mon regard, car il me fait un clin d'œil.

- Ce fut un plaisir belle servante, nous aurons peut-être le plaisir de nous rencontrer une nouvelle fois. On m'a demander de venir ici, vous pourriez m'aider à me retrouver dans cet immense endroit s'il arrivait par malheur que je m'y perde.

Il finit par un grand sourire charmeur. Je papillonne des yeux, incrédule : qu'est-ce qu'il a à me fixer comme ça ? Ses yeux brillaient de malice.

Je l'observe s'élancer vers les escaliers du palais et me faire un signe de la main avant de rentrer à l'intérieur.

Désolée, mais je suis vraiment mal placée pour être ton guide touristique. Je ne suis pas d'ici et je ne compte pas y rester éternellement.

À suivre ...

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