31. touché

Je me retrouve seul. Enfin, pas totalement, puisqu'Eden est toujours là. Mais est-il vraiment là ? J'aimerais me dire que je n'ai qu'à me retourner et m'approcher de lui, lui faire réellement savoir que je suis là, et tout ira mieux, mais je ne peux pas. Je n'ai pas assez confiance en moi. Ma présence n'arrangera peut-être jamais rien. Peut-être qu'il faut réellement appeler Danny.

Mes poings se serrent contre mes cuisses, deux ovales contractés, prêts à se déchirer s'il le fallait. J'essaye de me demander ce que ferait Danny, mais je n'en ai aucune idée. Je prends une grande inspiration avec la crainte que l'air n'accède jamais à mes poumons, avec cette même peur lorsqu'on nage sous la surface et qu'on est trop loin du bord.

Je me retourne finalement et Eden est bien là. Enfin son corps est là, que reste-t-il de son esprit, à cet instant précis, je n'en sais rien. Je m'approche doucement, sa tête cogne toujours contre le mur derrière lui, ses lèvres bougent, mais je n'entends plus les choses qu'il aurait envie de dire. Ses bras entourent ses jambes, et ses yeux sont fortement fermés. Je m'accroupis face à lui, mes yeux peinés parcourent encore ce corps que je connais mal, cet être qui retourne mon âme dans tous les sens, et je prie intérieurement pour arriver à le sortir de sa souffrance.

Eden est comme un puzzle. Chaque pièce s'est mal embranchée, chaque bord est enfoncé de force dans un autre, et rien ne correspond plus à rien. Alors, après une discrète et longue inspiration, je me décide à défaire chaque pièce une à une, peut-être que je n'aurais pas le courage de chercher à les emboîter comme il faut, mais ça ne pourra pas être pire que maintenant.

Je commence par ses mains, elles se referment avec force autour de ses genoux, et je les délie une à une. Je suis surpris de voir qu'il ne me résiste pas. Il se laisse faire. Il laisse l'opportunité à mes doigts d'effleurer sa peau, et par ce simple effleurement, je le guide. Je dénoue ses doigts férocement ancrés en lui, je les ramène vers le sol, je les pose doucement contre lui.

Puis, j'empêche ses jambes d'écraser son buste, comme un étau silencieux qui s'attaque à ses poumons. Je ramène ses genoux vers moi, les déplie, les rappelle avec douceur vers une détente plus agréable. Ils sont plus durs que ses mains, comme du béton sous mes doigts, il me faut plusieurs essais, plusieurs degrés de force avant de trouver le bon, d'arriver à l'empêcher de s'étouffer à petit feu. Je le vois prendre une grande inspiration dès que ses genoux n'appuient plus sur sa cage thoracique, sur ses organes vitaux et son cœur perdu. Je me dis que rien n'est joué, qu'il est encore temps de l'atteindre, que son cœur peut maintenant s'ouvrir un peu plus, qu'il n'est plus caché derrière l'étau de son propre corps. J'ai peut-être une chance.

Je me rapproche. J'aimerais clore ces lèvres qui semblent répéter une incantation de mauvaise augure. J'aimerais ouvrir ces yeux pour qu'il voit que je suis là. J'aimerais atteindre ces oreilles pour qu'il entende enfin ma voix. Mais d'autres pièces du puzzle m'empêchent encore d'atteindre les plus grosses, les plus importantes, et celles qui souffrent le plus de la pression des autres.

Je passe mes mains derrière sa tête, stoppant la progression incessante de l'arrière de son crâne contre le mur. Je brise le cercle répétitif de cette souffrance physique qu'il s'inflige, sûrement pour palier à celle, plus profonde, intérieure. Mes mains s'enfoncent dans ses cheveux, et je me rends compte que je retiens mon souffle. Mon corps se sent happé par l'exaltation que j'ai ressenti, dans les toilettes, le soir du nouvel an, ce désir nouveau, ou peut-être pas si nouveau que ça, mais ce désir que j'ai accepté. Mon souffle se bloque dans ma gorge et j'ai envie de me blottir tout contre lui, entendre son cœur battre, sentir son souffle dans mes cheveux, comme s'il n'y avait que là que je pouvais être en sécurité.

Mais je résiste à cette envie puérile, presque libératrice, qui ne trouve son chemin en moi qu'au pire moment. Je ramène sa tête vers moi et force son front à se poser contre le mien. Je ferme les yeux alors que mes doigts embrasent ses cheveux, englobant sa tête comme un objet précieux, prêt à se briser, fragilisé par des centaine de coups invisibles, qui ont laissé des cicatrices bien trop visibles.

Mes lèvres se mouvent, se libèrent de la peur qui les maintenait closes. Elles murmurent son prénom, ma propre incantation, et j'observe ses propres lèvres cesser de bouger peu à peu, leurs murmures s'étouffant à chaque nouveau mot qu'il prononçait sans que je ne puisse l'entendre.

Les minutes défilent, et je sens son corps se détendre contre moi. Peut-être que j'ai gagné la bataille contre ses démons aujourd'hui. Je le sens fatigué dans mes bras, ses larmes se sont taries, même si elles ont terriblement marqué ses joues. Je me recule légèrement, mais il ne bouge pas. Mes doigts dégagent doucement les mèches de cheveux sur son front, mais ses yeux restent clos, ses épaules voûtées. Son souffle est rauque dans sa poitrine, et il s'extirpe de ses lèvres comme le sifflement de l'air dans l'entrebâillement d'une porte à peine ouverte.

Je me lève, agrippe sa peau juste derrière le coude, et je le relève. A peine. Je le traîne comme un poids mort jusqu'à son lit. Je retire la couette qui recouvre les draps, je l'étends, simplement, sur le côté, je rabats la couette sur lui, jusqu'au menton. Puis je m'assois sur le matelas. Je prends ma tête entre mes mains, j'essaye de réfléchir, de savoir si j'ai avancé sur le chemin de la rédemption, si j'ai été utile. Je me sens soudainement fatigué. Peut-être que c'est moi le poids mort dans l'histoire.

Je retire mes chaussures et les balance un peu plus loin dans la pièce. J'enlève ma veste, ce gros manteau qui m'empêche sûrement de respirer depuis que je suis arrivé. Je me débarrasse des sur-couches de vêtements, je garde simplement mon t-shirt et mon pantalon. Puis je m'allonge à côté de lui. Il a toujours les yeux fermés, il n'a pas bougé d'un centimètre. Son visage est tourné vers moi, innocentes formes tracées sur de la chair et des os. Je passe une main tremblante sur sa joue, j'espère l'atteindre, mais ça ne fonctionne pas. Alors je ramène ma main vers moi. Je me recroqueville face à lui, j'enfonce mon visage dans l'oreiller et je m'endors là, sur la couette, à des années lumières de son corps et de son âme.

(..)

Lorsque je me réveille, c'est comme après une mauvaise gueule de bois. Mon crâne est tapi dans l'ombre, martelé par les plaintes silencieuses d'un mal être partagé. Eden me tourne le dos, et je me rends compte que malgré tout ce que nous avons traversé, aujourd'hui, à cet instant précis, il ne m'a jamais paru aussi impossible pour moi de l''atteindre.

Je me tourne sur le dos et passe une main sur mon visage. Je suis incapable de savoir s'il fait jour avec les volets fermés, et le tiraillement de mon corps me laisse croire que je ne me suis pas reposé. Le dos tourné d'Eden m'obsède, mais je le sais hors d'atteinte, alors je me lève en silence. Et sans bruit, je sors de la chambre, fermant doucement la porte derrière moi. La luminosité dans le couloir frappe mes yeux meurtris, et je comprends finalement que le soleil s'est déjà levé. J'avance à l'aveugle, surpris moi-même de me rendre compte que j'arrive à m'orienter les yeux fermés dans cet appartement.

J'arrive dans le salon, et je ne suis pas surpris de tomber sur Anton, avachi sur le plan de travail qui sépare la cuisine du salon, les fesses figées sur un tabouret haut. Il me regarde arriver, sa cuillère tournant dans un bol de céréales qui semblent être là depuis trop longtemps.

- Ça va ? me demande-t-il, groggy.

Je hausse une épaule alors que je vais m'asseoir sur un tabouret, en face de lui. Il me tend le paquet de céréales, sans même se préoccuper du fait que je n'ai ni bol ni cuillère, mais je ne refuse pas et plonge simplement ma main dans le sachet, mes doigts se refermant autour de quelques céréales bourrées de sucre. Je les plonge dans ma bouche, sans entrain, tout comme Anton fait jouer sa cuillère dans son bol.

Je regarde, à l'extérieur, le soleil briller au dessus des immeubles, et Anton suit mon regard.

- Il est midi passé.

Je hoche la tête avant de passer ma main dans mes cheveux dans un geste mécanique. Les yeux bleus d'Anton me regardent au travers des mèches blondes de ses cheveux avant qu'il ne baisse définitivement le regard sur son bol.

- Où est Joly ?

Ma question me paraît importante sur le coup. Est-elle enfermée dans sa chambre ? Ou va-t-elle surgir à tout moment, poussant de nouveaux cris de colère ?

- Je lui ai prié d'aller prendre l'air, aujourd'hui.

- Tu l'as fichu dehors ?

Anton relève la tête vers moi et m'offre un sourire sans saveur.

- Elle est allée trop loin hier... Elle n'avait pas à te parler comme ça...

Je suis surpris qu'Anton évoque la façon dont Joly m'a parlé à moi, et cette histoire d'Eden consommant chaque personne autour de lui me trotte toujours en tête sans que je n'ai encore vraiment envie d'y réfléchir, mais pour moi, ce n'est rien comparé à ce qu'elle a dit à son frère.

- Moi ça va, mais par rapport à Eden...

Anton passe sa langue sur ses lèvres et détourne les yeux. Son regard semble se perdre, effleurant les surfaces de sa mémoire, à la recherche peut-être d'un souvenir agréable, afin de ne plus avoir à affronter, pendant quelques secondes seulement, toute cette situation.

- Ils gèrent les choses totalement différemment. Joly se maintient la tête hors de l'eau grâce à sa colère, et Eden... Eden se sent abandonné.

- Les choses, quelles choses ?

Ma voix est un murmure, mon cœur est sur le point de chavirer.

Anton me regarde. Les secondes défilent. Ses yeux s'assombrissent, mais il n'hésite pas. Il attend. Il attend que je sois prêt, il attend de voir si je vais me dégonfler, m'enfuir en courant, me mettre à chialer, refuser d'y croire.

- Le suicide de leur mère.

Je sais. Tout ce que j'arrive à penser, c'est que je sais. Deux ans ont passé depuis ma première rencontre avec Eden, depuis notre premier baiser, depuis ce moment où j'ai choisi de changer. Quatre mois se sont écoulés depuis que nous nous sommes revus. Quatre mois pendant lesquels j'ai constaté à quel point, lui-aussi, a changé. Et je me suis posé la question, j'ai imaginé des tonnes de scénario.

Et maintenant, je sais.

- Quoi ? soufflé-je malgré moi.

Anton se lève, son bol dans une main, et il le vide d'un geste machinal dans la poubelle, il se retourne et s'accoude à l'évier. Il a soudainement l'air plus âgé, l'expression pleine d'entrain qui le caractérise a totalement disparu. Il ne me regarde pas et fixe le sol.

- Et leur père ? tenté-je.

Il fait un petit mouvement affligé de la tête.

- Eden l'a à peine connu, il s'est barré à la naissance de Joly.

Peu à peu, le schéma se trace devant mes yeux. Anton a parlé d'abandon, et je peux clairement comprendre d'où ce sentiment peut provenir, puisque son père l'a clairement évincé de sa vie et sa mère a fait le choix de ne plus être là pour eux.

Je ne m'en suis pas rendu compte, mais je suis me littéralement accroché à la table, et je laisse mes doigts se défaire du bord un à un.

- Mais pourquoi...

- Écoute, me coupe Anton. On ne sait pas, on a jamais vraiment compris. Leur mère était géniale, je l'adorais, parfois même plus que ma propre mère, parce qu'elle avait cette façon de te montrer qu'elle t'aimait pour ce que tu es, et rien d'autre.

Anton cache ses yeux derrière l'une de ses mains, et je vois ses épaules s'affaisser un peu plus.

- Ça ne fait que six mois, il a peut-être besoin de plus de temps encore, murmure Anton.

Je ne sais pas quoi dire. Je ne peux pas imaginer ce que ressens Eden. Je n'ai jamais perdu personne comme lui. J'ai choisi de quitter mes parents parce qu'ils m'ont déçu, mais ils sont toujours vivants. Je me mets à tousser, conscient que l'air se coinçait dans ma gorge. Qu'est-ce que je peux faire contre ça ? Est-ce que j'ai assez de force en moi pour gérer Eden maintenant ? Je ne peux pas comprendre sa peine, je peux à peine l'imaginer, et vu l'état dans lequel il est, je n'ose pas penser à l'ampleur de son mal être. Est-ce que j'ai les épaules assez solides ?

Machinalement, une de mes mains glisse sur mon t-shirt et l'agrippe à l'endroit de mon cœur, là où les battements se font entendre tellement il bat vite. Je repense à notre soirée aux feux d'artifices, où il me racontait qu'il aimait y assister avec sa mère. Je n'ai pas imaginé qu'elle pouvait ne plus être là. Il n'a pas cherché à me le faire comprendre, mais se sentait-il réellement bien ce soir-là ?

- Qu'est-ce qu'on peut faire ? demandé-je finalement.

Anton relève doucement les yeux vers moi et m'observe avec un regard nouveau, comme s'il ne s'attendait pas à cette réaction de ma part. Pense-t-il aussi que je n'ai pas assez confiance en moi pour gérer la situation ? Pense-t-il que je devrais m'effacer, ne pas m'occuper de cette affaire ? Je le pense, mais je n'y arrive pas. Je sais que je n'ai pas la force, mais je ne peux pas me détacher maintenant.

Un moment passe avant qu'Anton ne se déplace et vienne se poster à côté de moi, le dos contre la table haute. Il croise les bras et pousse un long soupir.

- Joly n'avait pas tord sur certaines choses, hier soir... On a déjà essayé de l'aider, des psy, mes parents, moi. Il nous a usé, on est tous crevé et rien ne semble fonctionner. Tout ce qui le maintient à peu près en état, c'est quand il n'en fait qu'à sa tête, quand il fume ou qu'il boit et que Danny ramasse les pots cassés. Mais Danny aussi doit être à bout de son côté sauf que...

Anton coule un regard dans ma direction.

- Sauf que son amour pour Eden le pousse à ne rien lâcher.

Les yeux bleus d'Anton me fixent et mon cœur commence une course folle aux enfers. Qu'est-ce qu'imagine Anton ? Son regard ne trompe pas, il sait des choses. Je détourne le regard en ouvrant la bouche comme un poisson dans l'eau. Ça fait beaucoup pour moi, en ce moment. Déjà Lys il n'y a pas si longtemps, maintenant toutes ces informations sur Eden puis ça... Deux personnes au courant, c'est beaucoup trop, sans compter que si Anton a été capable de voir quelque chose alors qu'il est bien le dernier des observateurs, Joly a dû y voir clair elle-aussi.

Je vais devoir affronter leurs jugements, leurs regards, le fait qu'ils sachent. J'affronte déjà tout ça, là, maintenant, avec Anton, et je déteste ça. Je voudrais disparaître. Finalement, je n'ai clairement pas les épaules pour être ici, pour être avec Eden et pour prendre soin de lui. Je veux partir, ne plus voir ce regard dans les yeux de mon ami. Va-t-il se méfier de moi ? Me trouver ignoble ? Se moquer ?

Mes pensées fusent et ma raison est perdue au milieu d'un labyrinthe de crainte.

- Si j'avais su plus tôt, je t'aurais mis en garde...

Je pose mes mains sur mes oreilles. Je ne veux pas qu'il sache. Personne ne doit savoir. C'est comme la pluie, une goutte, puis deux, et c'est des dizaine de litres d'eau qui vous dégringolent sur la tête. Une personne va savoir, puis deux, puis des dizaine, des centaine, des inconnus dans la rue, des étudiants à la fac, des camarades de classe. Tout le monde sera au courant et je devrais me cacher pour ne pas subir leurs regards.

- Solly ?

Je sens une main sur mon épaule alors que je me rends compte que j'avais fermé les yeux.

Mon souffle se bloque net, et mon cœur cesse soudainement de battre. Juste le temps qu'il me faut pour reprendre mes esprits. Anton ne me jugera jamais. Eden est son meilleur ami, et il l'accepte comme il est, alors pourquoi pas moi ? Je détache mes mains de mes oreilles et retrouve une respiration normale doucement. Je me sens plus léger, presque euphorique. Ici, je peux être comme je suis.

Je me tourne vers Anton.

- Désolé... soufflé-je.

Anton secoue la tête. Il retire précautionneusement sa main de mon épaule, comme s'il avait peur de me lâcher et que je recommence ma crise d'angoisse.

– Tu... Tu penses qu'on ferait mieux d'appeler Danny ?

Mes yeux hésitent, et finalement, se posent sur le visage d'Anton. Il me scrute un petit moment avant de faire non de la tête.

- Non, Eden doit être calmé à l'heure qu'il est, grâce à toi.

Je me sens rougir. Aurais-je réellement réussi à le calmer ? Je tourne mon regard vers le couloir, et j'imagine la porte fermée de sa chambre dans ma tête, son corps à l'intérieur, enroulé dans la couette.

- Je vais aller m'assurer que tout va bien quand même... dis-je en me levant.

Au moment où je passe à côté de lui, Anton me donne un lourde tape dans le dos, qui manque de me propulser la tête la première par terre. Mais au moment où je me tourne vers lui, l''interrogeant du regard, ses yeux sont plus sombres que ce à quoi je m'attendais.

- Prends soin de toi, Solly, tu le mérites, tu sais.

Mes yeux papillonnent sans vraiment comprendre où il veut en venir. Mais avant que je ne puisse ouvrir la bouche pour lui demander des précisions, il me devance :

- Bon, j'ai un bronze à aller couler !

Je ne peux m'empêcher de grimacer alors qu'il court vers les toilettes en faisant mine de serrer les fesses. Mais je me sens soulagé, je le retrouve. Je prends une profonde inspiration et je prends à mon tour la direction du couloir. Devant la porte d'Eden, j'hésite juste le temps d'une seconde. Juste le temps de me rappeler que j'ai parcouru du chemin aujourd'hui.

Peut-être que j'ai enfin avancé. Deux personnes sont au courant. Et personne ne s'est encore moqué de moi. Rien n'est totalement perdu. Pas même Eden. Surtout pas Eden.

Je pousse la porte de sa chambre et je passe la tête à l'intérieur. Il n'a pas bougé depuis que je suis sorti. Je m'avance à petits pas, regarde ma veste posée sur le sol, mes chaussures envoyées plus loin, mon pull encore aux pieds du lit. Et ça me fait sourire, sans savoir réellement pourquoi.

Je pose doucement les paumes de mes mains sur le lit, puis mes genoux, et j'avance à quatre pattes jusqu'à me retrouver à la tête du lit. Aucun mouvement du côté d'Eden. Il me tourne toujours le dos, les bras resserrés autour de lui et la joue enfoncée dans l'oreiller. Ses cheveux cachent ses yeux et la couette le recouvre jusqu'à la nuque.

Je m'allonge à côté de lui et observe pendant quelques temps le plafond. Puis je me tourne vers lui, plaçant ma tête dans le creux de mon coude. Mes yeux parcourent sa nuque, ses cheveux qui viennent chatouiller sa peau, le col de son t-shirt qui cache le reste de son dos. Je tends la main et pose mon pouce sur la base de sa nuque, doucement, tandis que mes autres doigts s'éparpillent dans son cou.

Il remue sous mes doigts. Comme un serpent. Mais plus je lui masse la nuque, appuyant méthodiquement avec mon pouce sur sa peau, moins il me donne l'impression de vouloir me filer entre les doigts. Et je souris, comme un idiot.

Au contraire, il se rapproche de moi, sans se tourner, et son dos vient se coller contre mon torse. Je continue à masser sa peau, sa nuque juste contre mon visage, jusqu'à ce que j'y avance mes lèvres et dépose un baiser juste à l'endroit où mon pouce a posé sa marque. J'entends Eden souffler doucement avant qu'il ne se décide à me faire face, enfin. Il garde les yeux fermés tandis que l'ombre d'un sourire m'est offert. Il cale son nez contre ma joue et passe sa main sur mon torse jusqu'à ce qu'elle rejoigne mon autre joue et il m'attire un peu plus vers lui, comme si c'était possible.

- Merci, c'est un super réveil, souffle-t-il contre ma joue.

Je prends conscience qu'il n'a pas ouvert les yeux. Sait-il que c'est moi, qui me tient contre lui, à ce moment précis ? Qui colle ma joue plus près de son visage, comme si je voulais le garder en moi jusqu'à ce qu'il se sente mieux ? Et s'il pense que c'est Danny ? Hier soir, il n'avait pas conscience que j'étais présent avec lui. Comment peut-il savoir que c'est moi, maintenant ?

- C'est Solly, tu le sais, hein ?

Je sens son sourire contre ma peau avant qu'il n'embrasse le haut de ma pommette et me tenant fermement la joue, comme s'il avait peur que je lui échappe.

- Bien sûr que je sais que c'est toi.

- Comment tu peux en être sûr ? demandé-je, un sourire dans la voix, soulagé.

- Parce que tu ne me touches pas comme Danny.

Mon cœur se pince à deux niveaux différents, heureux comme un idiot de savoir qu'Eden est capable de reconnaître quand c'est moi qui le touche sans même ouvrir les yeux, et blessé qu'il mentionne Danny maintenant. Mes yeux descendent vers son visage juste au moment où il ouvre les siens, et je me perds dans l'océan de larmes coulées qu'évoque leur couleur sombre, signe que la tempête a laissé de lourdes séquelles.

Je passe ma main dans son dos, la cale entre ses deux omoplates et je le serre contre moi. Son nez migre vers mon cou, et ses mains entourent ma nuque. L'une d'elles passe dans mes cheveux et déclenche un frisson dans tout mon être. Je ne sais pas exactement combien de temps nous restons comme ça, dans les bras l'un de l'autre, nos jambes emmêlées, nos respirations accordées, mais je sais que ça pourrait durer pour l'éternité que ça serait tout aussi bien.

J'écoute le son de sa respiration comme une mélodie qu'on aimerait garder entête pendant un long moment, et je finis par bouger doucement le plat de ma main dans son dos. Elle descend chaque fois un peu plus, d'abord s'aventurant entre ses omoplates pour remonter dans sa nuque, puis cherchant le bas de son dos, et enfin jusqu'à la limite. Lorsque mes mains l'atteignent, presque fébriles, je sens le sourire d'Eden contre ma peau. Je laisse mes doigts jouer avec la ceinture de son jean un petit moment, les mains tremblantes et le souffle court, et quand je sens Eden se détacher de moi, un vent de déception m'envahit tout entier.

Mais contrairement à ce que je m'attendais, il me regarde droit dans les yeux en se tordant sur le lit pour enlever son pantalon. Je me sens rougir tout entier et mon cœur s'affole. Il me surprend encore plus alors qu'il ne se contente pas d'enlever son pantalon qu'il a lancé par dessus la couette, mais qu'en plus, je le vois jeter son caleçon aussi. Là, ce n'est plus qu'une vague d'anxiété qui me traverse, mais bien un désir profond.

Il doit cependant lire dans mes yeux cette crainte sourde qui ne me quitte pas, alors il reste à quelques centimètres de moi, toujours sous la couette, les yeux dans les miens. Mais le désir est plus profond, alors je laisse glisser ma main sur le drap jusqu'à rencontrer le tissu de son t-shirt. Là, je l'agrippe et le ramène vers moi. Je le lui enlève avec maladresse et le balance par dessus mon épaule.

Eden colle son corps au mien, et même si je ne peux pas sentir sa nudité au travers du tissu de mes vêtements, rien que de le savoir contre moi ouvre les vannes d'un volcan à l'intérieur de mon être et alors, je me sens bien, presque satisfait.

Il reprend l'exact même position qu'il avait avant de se déshabiller, et il attrape ma main qu'il cale dans son dos, entre ses deux omoplates. Ses cils chatouillent la peau de mon cou alors que je comprends qu'il a fermé les yeux, et tout doucement, je répète les gestes effectués quelques minutes plus tôt. Mes mains s'aventurent d'abord entre ses omoplates avant de remonter dans sa nuque, d'étendre les doigts dans son cou, à la base de ses cheveux, puis elles redescendent, poussent entre ses omoplates pour l'amener plus contre moi, et enfin elles cherchent le bas de son dos jusqu'à la limite. Sauf qu'il n'y en a plus.

Avant de toucher du bout des doigts la courbe de ses fesses, je me recule. Eden m'observe avec ce même regard que j'ai eu pour lui quelques minutes plus tôt, et je souris doucement. Je passe mon t-shirt par dessus ma tête et je le laisse tomber dans mon dos sur le sol. J'écoute les battements de mon cœur en même temps que j'enlève mon jean, puis mon caleçon. Et je les lance au bout du lit.

Et à ce moment, c'est à Eden de rougir. Je vois le sang affluer dans son cou avant de parsemer ses joues, et je me rapproche de lui. Nous restons un petit moment face à face, sans se toucher, la couette recouvrant nos corps comme un cocon paisible.

Je tends finalement la main vers son visage et effleure son front du bout des doigts, dégageant ses cheveux. Eden ferme les yeux alors que ses joues se teintent à nouveau. Je continue de passer ma main sur son visage jusqu'à ce que la couleur de sa peau reprenne une teinte normale, et alors je pose ma main sur sa joue. Il se love contre ma paume avant de tourner légèrement la tête et de l'embrasser. Alors c'est à mon tour de rougir. Je sens ses mains sous la couette, elles trouvent mon torse, elles se posent doucement contre mon ventre, contre mon cœur. Elles écoutent les sons de mon corps, elles perçoivent les vibrations de ma peau dès qu'elles décrivent un cercle autour de mon nombril ou le long de ma clavicule.

Au fil des secondes, les mains d'Eden sont présentes partout sur mon torse, et nos deux corps se sont irrémédiablement rapprochés. Ses pieds jouent sur mes mollets, mes mains parcourent son dos et ses cheveux, et nos bouches se rencontrent.

Dès qu'elles s'effleurent, je laisse échapper un soupir de soulagement. Enfin, je les retrouve. Et elles n'ont plus de barrières.

Nous nous embrassons, nous nous touchons, partout, à l'exception de nos sexes. Et ça semble durer des heures. Et c'est sûrement la meilleure partie de jambes en l'air, sans jambes en l'air, que j'ai vécu de ma vie. Et même si mes craintes ne s'envolent pas, et que je n'ose pas toucher ce sexe qui représente toute la complexité de notre relation à mes yeux, et que lui non plus ne me touche pas, c'est parfait. Et il y a eu même des moments où je pensais que j'allais cesser de respirer, ou m'embraser tout entier, ou jouir, ou succomber à mon désir malgré mes craintes.

Mais je n'avais pas besoin que ça se passe comme ça.

Parce que ce qui se passe là déjà, ses lèvres sur mon torse, mes mains le long de ses cuisses, ses doigts qui s'agrippent à mes cheveux, son souffle rauque quand j'embrasse son ventre ou son rire quand je le griffe sans faire exprès dans le dos.

Tout ça suffit.

Parce qu'il y a maintenant une chose qui est clair. On se l'ait dit. On a avoué les mots avec nos corps. Je t'accepte.

Et ça va tout changer.

• • •

COUCOU LES GENS !

J'espère que ce chapitre vous aura plu, et aussi que vous êtes prêts pour la suite, parce que vous n'êtes pas au bout de vos peines ahah je dis ça rien je dis rien ;)

N'oubliez pas de me suivre sur les réseaux sociaux, Juliette Ajam sur facebook, ou un_classic sur Twitter, pour être tenus au courant des sorties ou de plein d'autres trucs :)

Comme par exemple la publication d'une nouvelle histoire ! Elle s'appelle Éclats d'âmes ! Trois garçons, trois destins, trois amours, au cœur de la seconde guerre mondiale ! Un nouveau projet qui me met beaucoup de pression, mais je me devais d'écrire sur cette période qui me fascine depuis longtemps ! J'espère que cette nouvelle histoire vous plaira !

A bientôt !

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