De projecteurs et de colis.



Sitôt le jour réveillé, la chaleur s'était faite intense sur la ville Chinoise. Les nuages de la nuit s'étaient rapidement dissipés, laissant libre court aux rayons du soleil déferlants dans les avenues.

Mais la pâleur de la peau de Stuart appuyait le fait qu'il n'avait encore jamais connu ce problème. Il restait constamment dans l'hôtel, comme le lui disait la production. Il passait la majeure partie de son temps dans sa suite, de préférence au dernier étage des hôtels, et laissait libre court à son imagination.

Ce matin n'était pas un jour comme les autres. Monsieur Davis, le producteur exécutif du show, avait trouvé une astuce tout à fait ingénieuse pour qu'il puisse porter les lunettes et ainsi cacher son œil au beurre noir lorsqu'il monterait sur scène : faire produire les candidats en pleine rue ! Jusqu'alors, ils n'avaient été que sur des plateaux où tout leur était auparavant expliqué. Ils ne faisaient office que de figurants. Cependant, cette fois-ci, tout était différent. Comment repérer les caméras, le public, les photographes ? S'orienter, ne pas se tromper sur la bande musicale, éviter les câbles des instruments ? Stuart répétait sans discontinuer sa chorégraphie dans sa chambre, dans les aéroports et même dans les coulisses. Il voulait gagner, une seconde fois, et ainsi aider sa famille. Alors il se devait de travailler sans relâche pour faire croire à la plus grande mascarade télévisuelle.

La voiture arriva à quinze heures. Enfin, c'est ce qu'on lui dit. Monsieur Davis lui conseilla de prendre une photographie, dans la voiture par exemple, qu'il posterait sur les réseaux sociaux. Alors Stuart faisait ce qu'on lui disait de faire, tant qu'en contrepartie on lui accordait un peu de liberté. Monsieur Davis lui retira immédiatement le téléphone des mains après qu'il l'ait utilisé : les candidats n'avaient pas le droit d'avoir des contacts hors de la production.

Stuart ne vit Shanghai qu'au travers des vitres teintées et des hurlements de la foule, qu'au travers d'un mensonge qui le pesait de plus en plus. Mais le jeune homme ne regardait pas. Ses yeux étaient emplis de pensées, de rêves et de confusion. Il tenait à rester concentré, éveillé, et foncer dans ce formidable bal masqué.

Sa prestation se passa sans encombres, malgré une ou deux coquille par-ci par là dont seul Stuart avait la connaissance. Secrètement, il se dit que son play-back avait plutôt plu. Mais il restait un intangible insatisfait. Il reçut la note de 9.65/10, lui garantissant l'accès à la prochaine étape de la compétition. Apparemment, un garçon aurait été éliminé du jeu, comme le veut le règlement. Un Jacob, ou Jackson, il ne savait pas trop, et se mélanger aux autres candidats ne l'avait jamais tenté.

Une fois dans les loges, il retira son blazer, enfila son short, et sorti regagner la voiture pour rentrer au plus vite dans sa chambre aseptisée. Mais une fois les portières fermées, Karl, l'agent de sécurité qu'on lui avait attribué depuis la première édition, attira son attention sur un paquet :

- Je sais que vous ne voulez pas de cadeaux de vos fans, Monsieur Lemair, mais c'est d'un certain Axel Godmiller, de la production, qui m'a dit que vous l'aviez oublié hier soir devant la porte de votre chambre. Nous l'avons passé au scanner, c'est un appareil photo...

Stuart s'arrêta soudainement. Non pas qu'il fut surpris de recevoir un colis ou une vulgaire lettre d'excuse de son acolyte nocturne, mais le fait que ce soit un appareil photo attira son attention. Il prit doucement le paquet, comme s'il renfermait le plus précieux des joyaux. Ses yeux s'illuminaient comme s'il avait à nouveau huit ans, et que dans ce paquet reposaient tous ses espoirs inavoués.

- Je vous remercie Karl, c'est bien aimable à vous.

- Si vous ne le souhaitez pas, je le reprends. Vous n'avez pas le droit d'avoir un appareil photo, mais ceci restera entre nous, que dites-vous ?

- Oui, j'ai été assez bête pour ne pas m'apercevoir de sa chute quand je suis parti, bafouilla Stuart, tentant de trouver la première excuse qui lui passait pas la tête.

La route du retour, jusqu'à l'hôtel situé dans le Central Business District, lui sembla une éternité. Il aurait aimé sauter de la voiture, et courir aussi vite que possible, pour enfin ouvrir le paquet qu'il tenait entre ses mains tremblantes... Il avait examiné l'emballage sous tous les angles, sous toutes les coutures. Une petite inscription, dans un coin, avait été griffonnée au stylo Bic :

« Pour que les étoiles brillent toujours. »

Qu'est-ce qu'elle était belle, cette écriture. Oblique, les L étaient grands et le J profond, comme si Axel c'était appliqué pour la façonner, la calligraphier en lui donnant un petit air d'écrit "vite-fait". Stuart était en admiration devant ces six petits mots. C'était bête, après tout : il n'y avait que des lettres. Des lettres qui signifiaient beaucoup.

Stuart détala dans sa chambre comme si le monde entier lui courait après. En insérant sa carte dans la serrure électronique, il lança un rapide regard derrière lui : il n'y avait que le vent, le vide et le néant, la moquette design et les appliques qui le fixaient.

Assis sur son lit, le paquet devant lui, Stuart en faisait toute une cérémonie. Il détacha, morceau de scotch par morceau de scotch, les différents plis qui enfermaient l'objet tant convoité. Il y découvrit, dans une vieille boite en carton, un Sigma argentique. La pellicule était neuve, une autre était enroulée dans un tube opaque. Une note accompagnait l'ensemble : « ce soir, 23h30, sur le toit, une insomnie collective, ça te dit ? »

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