D'explications et d'amertume.


Finalement, le sol en mosaïque était devenu bien plus confortable que les éviers. Le dos contre la porte des toilettes, je ne disais rien, si ce n'était son prénom, de temps en temps...

" - Axel, calme-toi..."

Mais ça ne faisait qu'empirer. Je n'avais jamais vraiment eu un don pour réchauffer le moral des personnes qui m'entouraient. J'étais plutôt le garçon froid, crue et intransigeant, celui qui disait la vérité même quand il fallait la cacher. Alors, forcément, avec quelqu'un d'hyper sensible renfermé à double tour dans un mètre carré cinquante, je risquais d'y passer du temps...

" - T'es toujours là... Mais pars Stuart, pars... me murmura-t-il entre deux sanglots.

- Non, je ne partirai que lorsque j'aurais la certitude que tu iras bien.

- Tu peux attendre longtemps..."

J'ai essayé de prendre ma voix la plus douce pour tenter de calmer le jeu :

"- Qu'est-ce qu'il se passe Axel ?"

Silence. Le calme avant la tempête ? Sûrement, puisqu'une vingtaine de secondes plus tard, Axel jura, et se mit en colère tout en pleurant. Heureusement qu'il s'était enfermé, je ne sais pas comment j'aurais réagi si j'avais vu sa tête d'ange oscillant entre ces deux humeurs.

" - Mais qu'est-ce qui ne va pas chez toi Stuart ? Tu sais que je suis hypersensible ! Mais me faire culpabiliser comme ça, devant tant de personnes... Tu viens de rater ta vie, d'y mettre un terme. Si tu savais...

- Si je savais quoi ? Vas jusqu'au bout au moins ! "

Je retenais la rage qui montait en moi. C'était la deuxième fois en moins d'une heure qu'on me disait le fameux "si tu savais", celui qui empêche les nuits de s'accomplir, les rêves de nous envahir. Celui qui nous fait nous retourner, encore et encore, jusqu'à 3:47 du matin. Celui qui nous trotte dans la tête, sachant pertinemment que nous n'aurons jamais la réponse. Alors je voulais savoir. Jusqu'au bout, je voulais savoir.

" - T'es un con Stuart. T'es vraiment un con."

Il venait d'ouvrir la porte. Ses yeux étaient rouge vermillon, injectés de sang, comme s'il venait de pleurer toutes les dernières larmes qui lui restaient. Son corps tremblait par intermittence ; il avait sûrement froid, à moins que ce ne soit le contre-coup du choc, je ne suis pas très doué pour les relations humaines. Il avait l'air si frêle, j'avais l'impression qu'Axel allait plier sous le poids de ses os. J'eus envie de le protéger, de le serrer dans mes bras, de lui dire que rien ne lui arrivera.

" - Tu sais, je ne suis qu'un stagiaire qui fait des études d'ingénieur son. Ce stage, c'est la fin de ma première année. Dans 1 mois, je rentre en Amérique, et toi, tu viens de gâcher ta vie parce que je n'avais jamais couché avec un garçon, en plus je....

- Attends attends, minute. Depuis quand on a couché ? questionnais-je.

- Bah à Shanghai, avant qu'on prenne l'avion... Je... Oh merde... "

Son regard était perdu. Je ne sais pas ce qu'il avait pu s'imaginer, mais il faut croire qu'il se l'était bien imaginé. Je lui expliquai de long en large que je n'étais pas le genre de type à coucher le premier soir, ni même à coucher du tout, pour la bonne et simple raison que nous n'étions pas ensemble et que je ne savais même pas s'il était... Enfin voilà. Quand il comprit, ses joues s'empourprèrent, de honte et de gêne sûrement.

" - Je t'aimais bien Axel. Je t'appréciais, pour une fois que c'était le cas sur cette foutue Terre ! Mais il a fallu qu'à l'aéroport, tu brises tout espoir de n'être que de simples amis pour le moment...

- Tu sais, je suis normal... J'aime les filles, mais... mais toi, c'est différent."

Je n'ai guère écouté la deuxième partie de sa phrase, la première m'avait tout bonnement achevé. "Je suis normal". Parce qu'aimer les garçons, c'est anormal ? C'est proscrit ? Interdit ? Parce que ses foutues valeurs morales ont toujours dit le contraire ? J'explosais, littéralement. Le savon de l'hôtel est parti valdinguer contre un mur, ma jambe contre le caisson du radiateur. J'étais impulsif, depuis toujours. J'avais grandi comme ça, les quartiers difficiles ne sont pas toujours les plus commodes. Mais le fait qu'il dise ça... Le fait que lui, lui à qui j'aimais me confier depuis quelques jours seulement...

"- Tout va trop vite" ai-je dis, simplement. Je ne me souviens plus si j'avais crié, si j'avais parlé à voix basse, si je l'ai même regardé... Tout devenait flou. Je suis sorti des toilettes, ai emprunté l'escalier, laissant Axel derrière moi.

Plus rien. Une impression de chute, intense et vertigineuse. Une chute où je n'ai rien senti. Quelques pas, des paroles, la voix d'Axel, au loin.

Je perdis connaissance.


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