2. Affront

Une semaine était passée depuis la scène dans la douche, je n'étais toujours pas allée voir mon coéquipier blond. Je n'en ressentais pas le besoin. Lui était souvent venu, mais à chaque fois, je faisais semblant de dormir. Seulement, aujourd'hui, la vie en avait décidé autrement. Je sentis son chakra se rapprocher de plus en plus de ma demeure et je ne pus pas utiliser mon habituelle excuse, étant présentement en train de faire la vaisselle. Je ne fis aucun mouvement vers la porte, même quand la sonnette se mit à retentir. Ce fut finalement ma mère qui alla ouvrir et vint me prévenir de son arrivée.

-Enlève-moi cet air dépressif de ton visage et va donc parler à Naruto.

Je haussai les épaules pour seule réponse et allai voir cet humain qui me servait «d'ami».

-Salut, Sakura-chan ! dit-il en criant pratiquement.

Je levai un oeil morne sur lui et ne lui répondis que par un hochement de tête.

-Comment va ton visage ?

J'avais oublié cet incident.

-Bien.

Ce mot s'ensuivit d'un long silence gênant que ma mère brisa en me hurlant que j'avais mal fait la vaisselle. J'essayai de faire comprendre, par un regard, à Naruto qu'il fallait que j'y aille. Simplement, ça ne marcha pas et lorsque, je tentai de fermer la porte, son pied s'interposa. Je poussai un long soupir, mais l'enveloppe corporelle de Kyuubi n'en tint pas compte. Je m'avançai et le regardai dans les yeux en lui disant: «Il faut que tu partes. Tu n'es plus le bienvenue et tu m'empêches de vaquer à mes occupations. Donc, tu prends ton petit cul et tu le déplaces jusque dans la rue.» Ce dernier me regarda interloqué et était sur le point de répliquer, lorsque je lui claquai la porte au nez. Je me dirigeai dans la cuisine, me faisant passer un savon par ma mère. Contrairement à d'habitude, je ne lui hurlai pas que si cela ne lui plaisait pas, qu'elle le fasse soi-même. Je restai juste là à ne pas bouger et l'observer me déblatérer tous mes défauts.

Après avoir fini de relaver toute la vaisselle, je montai dans ma chambre. Je voulais réfléchir au pourquoi du souvenir que j'avais eu. J'avais beau y penser, je ne trouvai rien. N'ayant rien à faire, je me laissai tomber dans les bras de Morphée. Inconsciemment, j'espérais ne jamais me réveiller pour affronter le monde.

J'ouvris lentement les yeux. Une lumière orange filtrait dans mes stores. Je regardai l'heure. Il était seulement 18h07. Je laissai échapper un soupir pour une énième fois. Je balançai mes jambes sur le côté de mon lit. Cela faisait plusieurs jours que je ne m'étais pas entraînée, il fallait que je m'y remette sinon, je perdrais mes capacités de ninja. Bien qu'un trou froid se soit installé en moi, je n'oubliais pas mon objectif: prouver à Sasuke que je pouvais devenir meilleure que lui, même si je devais commettre toutes sortes de choses pour arriver au bout de cette mission. Contrairement à la dernière fois au terrain d'entraînement, je pouvais, maintenant, affirmer avoir un but. Je ne pouvais pas me laisser dépérir et oublier. Ça signifierait que mon ancien coéquipier aurait gagné et il en était hors de question. J'étais plutôt contradictoire quand on y pensait. Depuis quelque temps, j'affirmais ne pas ressentir. Alors qu'aujourd'hui, je pouvais observer une once de compétitivité au fond de moi. Était-ce la crise d'adolescence dont tout le monde parlait ? Je ne savais pas. De toute façon, ça n'avait pas d'importance de mettre des mots sur ce phénomène. Les mots ne servent à rien si ce n'est de détruire: «De toutes les armes de destruction inventées par l'homme, la plus terrible (et la plus puissante) était la parole.»1 Mon esprit voguait encore lorsque je sortis de chez moi. Mes pieds me menèrent inconsciemment vers le terrain 3. Quand j'y arrivais, l'hokage s'y entraînait. Cela me sembla curieux et mes réflexes de ninja me dirent d'observer avant d'intervenir. J'allai me poster dans un arbre afin d'avoir une meilleure vue sur ce qui se passait. Je ne doutais pas qu'elle avait probablement déjà senti mon chakra, je ne voyais aucune raison de le cacher. Autant éviter de me recevoir une patate parce qu'elle était surprise. Un cri sortit de la bouche de la femme, m'aidant à focaliser mon attention sur le terrain. La kunoichi donnait des coups de poing dans le sol. La terre se fendilla légèrement. Je me détournai et laissai un bâillement sortir de ma bouche. La ninja devait avoir une super ouïe, car la minute d'après, elle balança son talon dans la terre et l'impact fut tel que l'arbre, sur lequel j'étais assise, commença à trembler et à pencher dangereusement. J'atterissai souplement au sol et regardai quelque temps l'environnement ravagé. Je comprenais maintenant pourquoi elle avait été nommée Hokage. Une goutte de sueur coula le long de la tempe de la Sannin. Elle me lançait un regard fière, pendant que le mien était habituel: maussade. Ses yeux se rétrécirent et la femme m'empoigna le bras, m'attirant à sa suite. Une réplique franchit mes lèvres avant que je ne puisse la retenir:

-Oula, mais bonjour d'abord.

Elle s'arrêta net. Même si je me fichais de la politesse, je devais admettre que c'était franchement irrespectueux, surtout envers l'Hokage. D'ailleurs, celle-ci me regardait avec un regard brûlant. Je pouvais y lire une hésitation entre une grande envie de me foutre une gifle monumentale ou celle de me confiner au village pendant les deux prochaines années de ma vie. Heureusement ou malheureusement pour moi, je me pris la baffe. Ma tête virevolta vers la gauche, pendant qu'elle enchaîna avec un coup de poing dans mon ventre. Mon corps fut propulsé contre un arbre. La douleur emplit mon être. Je devais bien avoir une fracture au bassin, enfin selon mon ressenti. Je n'étais pas sûre de pouvoir me relever, quand la petite-fille de Hashirama vint me voir. Elle vérifia qu'elle n'avait rien endommagé de très grave, apparemment elle jugea ma hanche en assez bon état, et dès cela fini, elle dit: «Je te veux dans mon bureau à six heures demain matin. Si tu ne viens pas, je te retiendrai au village. Au cas où ça ne serait pas assez clair, cela implique que tu ne quitteras plus Konoha. Est-ce bien clair ?»

Je fis le sage choix de me taire. De toute façon, ce n'est pas comme si la colère, qui était apparue tantôt, résonnait toujours en moi. Je hochai simplement la tête, mais cela ne parut pas lui plaire.

-Tu as une bouche, alors utilise-la, ordonna-t-elle sèchement.

-Oui, c'est compris, murmurais-je.

-Je me contenterais de ça pour aujourd'hui, même si j'aurais aimé des excuses pour ton affront. Cependant, je doute que tu les ferais.

La femme n'attendait pas de réponse, car elle entreprit de rentrer à la tour. Alors que la kunoichi avait fait quelques pas, elle se retourna et m'observa. Au bout d'une trentaine de secondes, la sannin reprit sa marche comme si de rien n'était. J'abandonnai le terrain, ma capacité physique actuelle ne me permettant pas de faire des exercices. Une douleur résidait toujours dans mon corps, mais c'était mieux que tantôt.

Avant d'aller me coucher, je pris plusieurs ibuprofènes et quelques compresses de glace afin de soulager ma douleur. Je programmai mon réveil sur cinq heures et attendis que le temps passe. Simplement, je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Mon corps me faisait trop souffrir. Pour soulager le tout, je pris un bain. Bain dans lequel je m'endormis tout doucement.

Un liquide affluait dans mon nez. Je me réveillai et m'assis immédiatement. Une toux prit possession de mon corps. Après avoir réussi à la refouler, je sortis de mon bain. Je restai un cinq minutes à m'observer. Une question résonnait en boucle dans ma tête: «Qui étais-je ?» Je laissai cette pensée de côté et enfilai des vêtements. Il était quatre heures du matin, j'avais encore deux heures avant ma rencontre avec l'Hokage. J'aurais pu me recoucher, mais je n'avais plus sommeil. Habillée, je sortis dans les rues encore sombres. J'avais l'impression qu'on aurait pu entendre le bruit de mes pas jusqu'à l'autre bout du village, tellement c'était silencieux. Mon corps semblait en meilleur état que quelques heures auparavant, je pris donc la direction d'un terrain d'entraînement. Quinze minutes plus tard, je me retrouvai au troisième emplacement. Je sortis mes shurikens et commençai à les lancer sur les cibles. Je me fis une promesse débile. Je ne bougerais pas d'ici tant que je n'aurais pas envoyé toutes les armes aux centres des mires.

Je ne savais pas combien de temps était passé, mais le soleil avait commencé à déverser sa lumière. Je fermai les yeux et recommençai à me concentrer. Je ne les ouvris qu'une fois après avoir fini de balancer tous mes shurikens et kunais. Ils avaient tous atterri aux centres des différentes cibles. Je récupérai tous mes outils et empruntai le chemin vers la tour de l'Hokage, ma montre indiquant 5h55. Je ne me pressais pas. La vieille femme pouvait bien patienter deux-trois minutes. Enfin, c'était ce que je croyais, car un hurlement accueillit mon retard.

-JE PENSAIS AVOIR DIT SIX HEURES PILE !

-En fait, vous n'avez pas dit pile, précisai-je.

Elle me lança un regard mauvais. N'importe qui aurait été effrayé, mais je ne l'étais pas. L'Hokage ne pouvait pas tuer une personne sans bonne raison, je n'avais donc aucune raison de m'inquiéter de ma survie physique. La cinquantenaire sembla apercevoir ma nonchalance, car elle renifla dédaigneusement.

-Bien, venons-en au fait. La raison pour laquelle je t'ai fait venir aujourd'hui est que j'aimerais engager un combat avec toi.

Cette annonce ne me fit ni froid, ni chaud. Mon silence dût en dire long sur ma réaction à sa requête parce qu'une de ses veines sur son front se mit à palpiter. Ses mains agrippèrent son bureau et le bois gémit sous sa poigne. Réalisant que des fissures commençaient à être perceptibles, l'Hokage défit lentement sa poigne. Ses yeux exprimaient clairement une irritation mal contenue. Je la vis prendre une profonde inspiration et elle fit le tour de son bureau pour passer devant moi. Visiblement, la figure d'autorité s'attendait à ce que je la suive. Ce que je m'empressai de faire.

Nous marchions depuis vingt-cinq minutes lorsqu'elle s'arrêta à un endroit qui semblait tout droit sorti des jardins d'Éden. Le soleil était bien monté dans le ciel éclairant d'une lueur chaude le futur lieu de notre combat. Les rayons de l'astre se reflétaient avec surbrillance sur la rivière qui bordait le terrain. Mon ouïe put détecter le doux murmure de cette dernière. Le paysage féerique qui s'offrait sous mes yeux ne semblait pas propice à un affrontement. J'occultai rapidement les nuisances qu'étaient mes pensées et me mis en position de défense. J'étais réaliste. Je savais ce combat perdu d'avance, mais je devais suivre les ordres du chef suprême et cela me permettrais d'en apprendre plus. Toutes les informations sont importantes.

J'analysai mon adversaire. Un sourire méprisant étirait ses lèvres, une étincelle de plaisir vengeur se lisait dans ses yeux ambrés et elle adoptait une posture confiante. Sa haute estime pouvait être un atout dans un futur combat, mais maintenant cela ne servait à rien de se battre pour de vrai. Autant observer ses attaques et analyser, tout en cachant ses propres atouts pour la prochaine fois. Il y aurait une prochaine fois, j'en étais sûre. Simplement, à ce moment-là, j'aurais acquis plus de puissance. Quand elle fonça sur moi, je sus que notre bataille avait commencé. Au dernier moment, je sautai souplement loin sur un arbre. J'avais créé un clone d'ombre pour me remplacer afin de pouvoir observer. J'étais déjà en connaissance de sa force monstrueuse et de ses pouvoirs médicaux. Il ne va sans dire que sa puissance physique permettait de créer des difformités sur le sol. Tsunade pouvait donc former des cratères et de puissants impacts. Malheureusement pour elle, le sol était légèrement humide ce qui le rendait plus absorbant aux vibrations .Je devrai le rendre plus mouillé afin que ses coups aient beaucoup moins d'impact. Je me dirigeais vers la source d'eau et fis quelques signes. Une vague d'eau apparut et je la fis s'abattre sur une grande partie du terrain. Mentalement, je notai la fin du périmètre afin de prévoir mes prochains mouvements en conséquence. Je fis disparaître mon clone, celui-ci n'étant plus d'aucune utilité. La Gondaime ne pouvait pas pas m'avoir remarqué avec la technique que je venais d'employer. Ennuyée, je soupirai et inspectai les informations provenant de la mémoire de mon subsistant. Grâce à lui, j'avais maintenant une idée plus claire de ses capacités. Je n'eus plus le temps de réfléchir, car la femme arriva et attaqua. J'évitai avec facilité. Ses attaques semblaient trop inoffensives. J'étendis mon chakra afin de savoir si elle n'avait pas mis en place un plan. Je repérai une once de chakra sous mes pieds. Je n'aurai pas le temps d'esquiver ou de contrer avec une attaque requérant des signes. Mes yeux tombèrent sur la Gondaime. Plus vite que je ne le pensais, j'amassai mon chakra dans ma jambe et claquai mon talon. La terre se déforma légèrement et déstabilisa mon ennemi sous la terre. Néanmoins, elle se reprit rapidement et essaya de m'attaquer. Cependant, cela faisait longtemps que j'étais partie de l'endroit de l'impact. J'allai me remettre en position défensive lorsque la Senju me demanda d'approcher. Je n'étais pas curieuse ou effrayée. Mon cœur se sentait juste terne et le combat, qui habituellement m'emplissait d'excitation, n'avait rien apporté à mon état. La vieille sembla apercevoir mon apathie, car ses sourcils se froncèrent.

Alors que je croyais qu'elle n'allait jamais ouvrir la bouche, elle débuta en allant droit au but:

-Comment as-tu fait pour maîtriser la technique ?

J'allais hausser les épaules, mais me rappelait que la dame préférait les paroles.

-Je ne sais pas.

Elle sembla méditer ma réponse pour savoir si c'était la vérité. Je ne savais pas moi-même si c'était un mensonge ou pas. Peut-être était-ce à cause de ma bonne manipulation de chakra ? Même à cela, c'était pratiquement impossible d'apprendre une technique seulement en l'observant. Son raisonnement semblait être le même, car sa bouche se tordit dans un signe d'agacement. Je n'en tins pas compte et quand, elle me fit un signe pour me désister, je ne demandai pas mon reste. Je partis en courant en direction de ma maison. Une fatigue de l'utilisation de chakra et de mon manque de sommeil se faisait sentir.

J'avais des courbatures et ma tête m'élançait un peu. Le réveil sur ma gauche indiquait 23h18. Je fis passer mes jambes sur le côté de mon lit pour me lever. J'avançai à tâtons en direction de la salle de bain. Je ne fis pas particulièrement attention au bruit que produisait mes pas. Ce n'est pas comme si je me souciais de mes parents. Lorsque j'arrivais dans la pièce convoitée, je me mis en quête d'ibuprofènes. Je pris deux cachets avec de l'eau et retournai m'asseoir sur mon lit. J'enfournai les pilules ainsi que l'eau dans ma bouche et me forçai à déglutir. Je fermai les yeux et me replongeai dans les souvenirs de ce matin, un souvenir en particulier. Comment avais-je réussi à utiliser une technique dont je ne connaissais pratiquement rien ? Les seules personnes capables de cet exploit étaient les détenteurs du Sharingan. Je n'étais aucunement liée à cette lignée maudite. Alors comment ? J'avais beau me creuser la tête, je ne trouvais aucune réponse. D'ailleurs, pourquoi est-ce que je voulais autant le savoir ? Ça changerait quoi dans ma vie ? Si on pouvait appeler ça une vie... Quand j'eus cette pensée, j'eus l'impression de tomber dans un trou sans fond. Il faisait noir, je ne voyais rien et pendant un certain temps, le silence m'entourait. Alors que je chutais depuis ce qui me semblait une éternité, j'entendis les sanglots d'un enfant. Plus je tombais, plus les pleurs devenaient forts. Je pouvais, désormais, entendre autre chose. Ce n'était qu'un chuchotement incompréhensible, mais lorsque j'atterris lourdement sur un sol dur, il devint très clair:

«Tu es un monstre...»

Je me tournai pour chercher la provenance de ces cris. Mes yeux tombèrent sur une représentation de moi plus jeune. La fillette de six ans était sanglée à une table. Je pouvais discerner de nombreuses blessures sur son corps. Des bleus, des coupures, des bouts de peau manquants, des ongles arrachés et un cuir chevelu saignant, trop brusquement tiré. Je la fixai d'un regard froid avant de lui demander qui lui avait fait ça. Elle ne prit même pas la peine d'ouvrir les yeux, enfin c'est ce que je crus. Lorsqu'elle braqua finalement son regard sur moi, il était sanguinolent. À la place de deux billes émeraudes, il n'y avait que deux orbites en piteux état. Un sourire mélancolique étira ses lèvres et elle dit:

-Tu es revenue alors ?

Je gardai le silence, attendant qu'elle élabore sa pensée.

-Tu as perdu ta langue ? ajouta-t-elle

-Non.

-Pourquoi ne me réponds-tu pas ? Tu n'assumes pas ?

-Je ne suis pas sûre de comprendre, à vrai dire.

-Comprendre quoi ? Il n'y a plus rien à comprendre.

Je me mis à réfléchir. Que faisait une enfant ici ? Pourquoi était-elle torturée ? Pourquoi était-ce une ancienne version de moi ? Que faisais-je ici ? Où étions-nous ? Je posai la question qui me sembla la plus probable de recevoir une réponse cohérente.

-Où est-ce qu'on est ?

-Je ne sais pas.

-Tu mens.

La fillette soupira.

-Nous sommes à quelque part que tu as oublié. Cet endroit n'a pas de nom, il est juste existant en chacun. Chaque personne a sa propre façon de le voir, de le concevoir.

-Pourquoi es-tu couverte de marques ?

-Parce que je me suis fait torturée

-Je le vois, mais pourquoi t'es-tu fait violentée ?

Elle renifla pendant qu'un triste sourire apparut sur son visage. Mon double ne pouvait pas me voir, mais je savais qu'elle sentait mon aura froide et distante. La gamine tendit l'oreille et hocha la tête. Je ne compris pas, mais ne m'inquiétais pas. Elle n'était pas en état d'être une potentielle menace.

-Je dois y aller, mais sache que je ne t'en veux pas. Je comprends même et je sais que le moment venu, tu reviendras me libérer.

Elle disparut pendant qu'autour de moi apparaissait une vision du passé.

Mes petites mains jouaient avec les pièces de Shōgi mangées par l'adversaire. Ma mère se tenait en face de moi, préparant son prochain coup. J'avais déjà préparé une contre-attaque. Je savais exactement comment elle jouait. Lorsque quelques coups plus tard je la mis échec et mat, elle me sourit affectueusement et ébouriffa mes cheveux. Ma génitrice me regarda sérieusement avant de soulever mon menton et de souffler: «Une vie sans sentiments n'est rien d'autre que de la survie.» Je n'étais pas sûre de comprendre pourquoi elle me disait cela maintenant. C'était tellement abrupt, mais ça arrivait souvent que ma mère passe du coq à l'âne. Lorsqu'elle regarda dans mes yeux, elle sembla surprise, mais se reprit rapidement. Mon regard devait laisser transparaître ma totale compréhension de sa phrase.

«Pourtant, les gens cachent leurs émotions, car ils disent que ça les rend faibles.»

Ma mère sembla réfléchir à une façon de contrecarrer cette phrase, mais je l'en empêchai en ajoutant:

«C'est pour cela que c'est la première chose qu'un ninja apprend et que tous les grands clans sont froids. Cependant, ce n'est pas pour autant qu'ils n'en ont pas de sentiments. Tu sais, maman, je ne crois pas qu'il soit possible de devenir totalement insensible. Je pense que peu importe nos efforts acharnés, il reste une faille irréversible dans notre âme. C'est pour cela que je ne croirai jamais quelqu'un qui me dit qu'au fond de lui, il n'y a plus rien parce que même quand ton coeur est noir comme l'onyx, il reste une fissure qui n'est pas teintée de cette couleur. Même si ton coeur est blanc, la brèche n'absorbe pas la teinture, elle est grise en permanence. Cette craquelure n'a ni sens de bien ou mal, ni limite, car elle permet à ton âme de vivre. Elle te permet d'exister et non de simplement survivre.»

Ma mère me regarda, surprise. Je haussai les épaules nonchalamment.

«J'ai eu le temps de méditer sur ça pendant les cours. J'avais déjà lu les chapitres dont ils déblatéraient.»

Elle resta médusée. Ma mère ne semblait pas encore assimiler tout ce que je venais de dire. Après quelques minutes, elle reprit, néanmoins, la conversation comme si de rien n'était.

-Tu t'ennuies à l'académie ?

-Pas tout le temps, mais je suis souvent en avance sur la matière.

-Je vois...

Le souvenir commença à s'effriter doucement et pendant que le visage de la petite Sakura disparaissait, je tombai encore dans une longue chute. Lorsque je revins à moi, j'étais à moitié affalée sur mon lit. Mes jambes pendaient dans le vide sur le bord de mon sommier, montrant clairement que j'étais assise avant de frapper de mon dos le matelas. Je remarquai mon souffle saccadé et mon coeur tambourinant dans ma cage thoracique. Je décidai de ne pas y porter plus d'attention et de me changer. Lorsque je passai devant mon miroir, l'image de la fillette mutilée et scarifiée apparut. Je clignai des yeux et tout disparut. Ce que reflétait le miroir était une jeune fille avec de courts cheveux roses pâles, une fine bouche, des yeux verts affadis et un menton pointu. Tout était normal. Ma vision devait me jouer des tours. Je pris des vêtements au hasard et me changeai. Une légère pointe d'urgence me poussait à me rendre chez l'Hokage pour reparler du combat de ce matin. Je ne savais pas pourquoi, mais quelque chose me disait que c'était essentiel de découvrir la vérité sur mon étrange démonstration. Je soupirai, je n'avais plus l'habitude de me laisser ainsi à un sentiment et je ne comptais pas me remettre à ressentir toutes ces choses. Néanmoins, la vie semblait en avoir décidé autrement.

*** Ce chapitre a pris un peu plus de temps à sortir, mais je n'avais pas trop d'idées. J'ai, ici aussi, rassemblé d'anciens chapitres. Je n'ai pratiquement rien modifié. Bref, je vous souhaite une bonne soirée.***




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¹Paulo COELHO, La cinquième société, 1996.

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