1. Harry

Je frappe trois coups à la porte de la maison et entre directement, sans attendre que l'on vienne m'ouvrir. Je suis chez mes parents et c'est un peu chez moi encore, alors ça ne gêne personne. Et puis je n'aime pas rester dehors. Le quartier est plutôt calme, mais on ne sait jamais. Pour rien au monde, je ne souhaiterais tomber sur un voisin voulant me demander des nouvelles.

Maman ! j'appelle pendant que j'enlève mon manteau et mes chaussures, déposant le tout dans le placard de l'entrée.

Harry ? C'est toi ?

Je vois ma mère descendre les escaliers un grand sourire aux lèvres. Elle se stoppe deux secondes au bas des marches, puis s'approche doucement et vient me prendre dans ses bras. Je me tends, comme par instinct, sans le vouloir. Ça se fait tout seul, je n'y peux rien, mais je reste dans ses bras. Elle est la seule qui peut se permettre d'avoir ce genre de gestes envers moi et elle est la seule de qui je les accepte.

Tu es venu seul ? Tu ne voulais pas que je vienne te chercher ?

Ma mère se recule et caresse doucement mes bras de haut en bas dans un geste doux et rassurant. Je relâche ma respiration, je souffle un grand coup et me détache d'elle en reculant d'un pas.

Ma voiture est enfin réparée. Zayn me l'a ramenée ce matin, du coup j'ai pu venir tout seul.

D'accord mon grand. Va t'installer au salon, je t'apporte un thé.

Malgré le mouvement de recul que je viens d'avoir, son regard est bienveillant, je ne vois aucune déception chez elle. Elle me sourit tendrement et s'éloigne vers la cuisine. Je fais ce qu'elle me dit et me dirige vers le salon. Je me pose dans le fauteuil une place qui m'est réservé. Je prends de grandes inspirations et expire tout aussi fortement plusieurs fois d'affilé. Je me détends un peu et commence à me fondre dans l'ambiance apaisante de la maison dans laquelle j'ai grandi. Tout est à sa place, comme il y a quelques jours quand je suis venu. Ça me rassure de savoir qu'il y a un endroit sur Terre, autre que mon petit appartement, qui ne change pas, où je retrouve tous mes repères quand j'y viens.

J'ai tout le temps besoin d'être rassuré. Alors venir ici est une pause, un moment de bien-être parmi tout le merdier que je vis au jour le jour. Quand je suis seul avec ma mère, j'en oublie presque qui je suis ou plutôt ce que je suis devenu.

Maman arrive avec un plateau sur lequel sont posées nos tasses, accompagnées de petites douceurs qu'elle a dû confectionner ce matin.

Et voilà. Comment va Zayn, alors ?

Bien. Il va très bien. Il bosse dur, mais il adore son boulot donc tout va bien pour lui.

Zayn est mon seul ami. Je l'ai rencontré il y a un peu plus d'un an, en amenant ma voiture au garage où il bosse. Je me souviens avoir attendu jusqu'à la dernière minute pour m'occuper de ce problème et il m'a clairement dit qu'il était temps, que je risquais l'accident tellement mes amortisseurs étaient pourris.

J'ai été surpris des mots qu'il a employés ce jour-là. Il n'a pas réagi quand j'ai refusé sa poignée de main et quand j'ai mis une distance plus que raisonnable entre nous. C'est la seule personne qui a su m'accepter tel que je suis et qui a compris que je ne vivais plus comme tout un chacun. Il a su m'apprivoiser et me rassurer.

Comme quoi, on en revient toujours à ça...

Il a vite capté qu'aller boire un verre au bar du coin m'était tout bonnement impossible, que me donner une poignée de main franche me faisait reculer de plusieurs pas et qu'il valait mieux garder une distance conséquente entre lui et moi. Entre quiconques et moi d'ailleurs. Je ne sais pas s'il a été psy dans une vie antérieure, mais en un regard il a su comment il devait se comporter avec moi. Il a été le seul. Il est arrivé au moment où je lâchais tout et où tout me lâchait. Je ne sais pas ce que je serais devenu s'il n'était pas entré dans ma vie.

J'avais pourtant une vie sociable plutôt agréable avant. J'étais un mec tout ce qu'il y a de plus normal. Sociable, menant une existence d'étudiant classique, ballotté entre la fac, les soirées entre potes, les séances de révision en groupe, les visites chez mes parents. Mes amis de l'époque n'ont rien vu ni rien compris à mon mal être. Ils ont juste statué sur le fait que je ne sortais plus, que je ne les laissais pas m'approcher. Ils ont fini par ne plus me donner de nouvelles et je n'en ai pas voulu non plus. C'était plus simple comme ça, même si j'en ai souffert et que j'en souffre toujours beaucoup.

Quand je suis allé récupérer ma voiture, quelques jours plus tard, j'étais dans un état lamentable, mal à l'aise au possible. Je n'arrivais pas à entrer dans le garage, car il y avait du monde et le trajet de mon appartement jusque-là avait été horrible. Zayn m'a rejoint dehors et a fait en sorte que je n'ai pas à entrer dans le bâtiment. Nous sommes donc restés sur le parking le temps qu'il me tienne au courant de son travail et que je lui fasse son chèque.

Plus tard, dans la semaine, il m'a appelé pour savoir si j'allais bien et nous avons un peu discuté. Ma solitude me pesait tellement que je lui ai laissé une petite place dans ma vie et même si je sais qu'il espérait un peu plus que mon amitié, il a vite assimilé qu'il n'aurait jamais plus. Je ne peux et ne veux pas plus.

De toute façon, j'en suis incapable.

Il faudra que tu l'invites un jour à déjeuner, ça me ferait plaisir de le revoir.

D'accord maman, si tu veux. Il sera content lui aussi.

Ma mère me parle ensuite de tout et de rien. Elle me pose des questions sur mes études, le petit boulot que je fais de chez moi, sur mon psy, sur tout ce qui touche de près comme de loin à ma vie. Elle ose même me demander si j'ai rencontré quelqu'un, amoureusement parlant, ce qui me fait rigoler franchement. Elle semble déçue, mais je ne peux absolument pas la contenter sur ce sujet-là, ça m'est impossible. Nous passons un bon moment qui s'éternise un peu.

Quand mon beau-père arrive en fin d'après-midi, je me rends compte que le temps est vite passé. Robin me fait un signe de la main pour me saluer et je vois passer dans ses yeux la tristesse de ne pas pouvoir me serrer dans ses bras. Je lui souris franchement.

Robin est peut-être mon beau-père, mais je le considère comme mon père. S'il n'y avait pas ça, je lui aurais fait un gros câlin, comme je le faisais avant. Je me souviens très bien, lorsque j'étais plus jeune, le soir, nous regardions la télé et j'aimais m'envelopper dans une grosse couverture et me coller à lui. À l'époque, Robin représentait pour moi la sécurité. C'est différent maintenant, même s'il n'y a rien de personnel dans mes réactions envers lui.

Il s'installe avec nous, sur le canapé en face de moi et nous discutons un petit moment avant que je décide de rentrer chez moi.

Ma mère me serre brièvement contre elle, mais je me détache rapidement. Je suis fatigué et je le supporte moins. Robin quant à lui, me tapote doucement l'épaule, ce à quoi je réagis moins bien. Je m'écarte assez vivement avant de m'excuser du regard. Il me sourit et me souffle un à bientôt fiston qui me donne des frissons et qui compresse mon cœur.

Je reprends ma voiture le cœur lourd, l'estomac à l'envers et je rentre chez moi. Je ne me sens pas bien. J'étais bien là-bas, mais les au revoir ont été compliqués. Je sais bien que je les fais souffrir, mais ce n'est pas de ma faute si je souffre de cette merde. Je fais mon maximum pour m'en sortir, mais rien ne change. Bien au contraire. Plus le temps passe, plus ça empire. Le moindre contact physique me donne immédiatement envie de pleurer ou de me doucher et me frotter le corps comme un malheureux.

C'est d'ailleurs ce que je compte faire dès mon arrivée.

Je devrais peut-être prendre contact avec cette association dont m'a parlé ma psy. Rencontrer des personnes souffrant du même mal que moi pourrait certainement m'aider. Je vais en parler à Zayn. Il me dira lui si c'est une bonne idée ou non. Je sais d'ailleurs déjà ce qu'il me dira.

Fonce Harry, tu en as besoin. Moi je suis trop impliqué. Rencontrer de nouvelles personnes ne peut qu'être bénéfique et si ce sont des cons, dis-le-moi. J'irai leur casser la figure. 

Je sais très bien que si je lui demande son avis c'est juste pour me conforter dans le mien, dans le choix que j'ai déjà fait. J'ai juste besoin de l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre.

C'est le cerveau embué par toutes ces réflexions que je me douche et me prépare un dîner sur le pouce. Quand je suis chez moi, je me sens normal. C'est le seul endroit où je me sens normal d'ailleurs. Ici, je n'évite personne, il n'y a personne d'autre que moi alors tout va bien... je suis en sécurité.

Je passe une soirée entre deux eaux. Confus et décidé. Confus, car je vais dès demain, en appelant Zayn, me lancer dans quelque chose qui va certainement tout changer et me bousculer. Décidé, parce que oui, je suis décidé à en finir. Je sais que ce sera long, mais il le faut. Je n'en peux plus.

Je n'en peux plus d'être ce Harry-là.

Le Harry à qui on a volé son insouciance il y a deux ans.

Le Harry qui a été envahi progressivement et insidieusement par une peur qui le handicape de plus en plus, jour après jour.

Le Harry qui se prive de tout contact humain ou presque, qui se prive d'un de ses cinq sens, qui en a peur, une peur irrévocable, venimeuse, ancrée bien profondément en lui et qui le fait souffrir lui et ses proches.

Le touché est si important dans la vie de tout un chacun. Toucher la main, le visage, l'épaule, les cheveux de quelqu'un d'autre m'est désormais interdit. Être touché l'est aussi. Je ne le supporte pas.

Je suis haptophobe.

Or, je ne veux plus l'être, mais je ne sais pas comment faire.

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Coucou 👋

Voilà donc le premier chapitre. Une incursion dans la tête d'Harry et ses pensées plutôt... torturées... 😔😔

Nous entrons directement dans le vif du sujet. L'haptophobie. Il y a une définition dans le média du prologue. Je vous laisse faire des recherches si vous voulez en savoir un peu plus 😊😊

J'espère que vous avez aimé ce début 🙈🙈 N'oubliez pas de me laisser un petit commentaire et d'aller jeter un œil sur le compte de Séverine 😘😘❤️

Je vous embrasse fort 😘😘

💙💚

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