VI
Ronald Weasley était loin d'être idiot. Il pouvait certes être naïf, impulsif ou parler sans fondement, mais il n'était pas idiot. Nombreux étaient ceux qui le traitaient comme l'ami un peu lent du célèbre Harry Potter, et il ne le savait que trop bien. Nombreux étaient ceux qui l'affirmait peu réfléchi. Nombreux étaient ceux pour qui il n'était qu'un énième Weasley, l'un parmi tant d'autres.
Mais il était bien plus que ça et surtout, il était capable de réfléchir par lui-même et sur lui-même.
Alors, quand il s'aperçut qu'être près d'Hermione, que parler, que se chamailler avec elle lui rappelait ces moments passés avec Ginny, de leur plus tendre enfance à maintenant, il se posa des questions, un bon nombre de questions qui restèrent longtemps sans réponse évidente.
Il arrivait souvent qu'on l'arrête au détour d'un couloir pour l'interroger, pour chercher à en savoir plus sur sa vie personnelle. "Dis, tu sors avec Granger n'est-ce pas ?" était une question courante, et depuis le début de l'année, l'entendre ne faisait plus rougir les extrémités de ses oreilles : il fronçait plutôt les sourcils et ne répondait pas, laissant en plan celui ou celle qui l'avait interpelé.
Le jour où il se rendit compte que sortir avec Hermione était ce que l'on attendait de lui, ce que sa propre famille attendait de lui, il eut une migraine atroce, presque une envie de vomir. Et il se mit en tête de prouver au monde des sorciers qu'il ne ferait pas ce que l'on voulait de lui, qu'il était capable de décider pour lui-même.
Le cours de potions était tombé à pic. L'amortentia fut pour lui un déclic, et il sut qu'il avait raison. Il ne sentait pas l'odeur du papier, ni celle de l'encre ou celle du feu de bois, ces odeurs qu'il avait fini par associer à son amie. A la place, l'effluve était fleurie, un peu sucrée mais lui rappelait aussi celle du café.
Le seul problème était qu'il ne savait pas à qui l'attribuer.
Lorsqu'il décida d'en parler le soir à Harry, alors qu'ils étaient seuls dans le dortoir, le brun semblait ailleurs, ne semblait pas l'écouter. L'une des ses nombreuses et habituelles absences.
Ron ne l'avait pas supporté, et tous ses questionnements s'ajoutant au silence l'avait fait craqué. Alors, il avait reproché le brun de ne pas être à l'écoute, de ne pas se comporter en ami.
Harry avait simplement encaissé, comme il le faisait d'habitude. Comme il faisait tout le temps. Il avait serré son avant-bras droit si fort que ça laisserait sûrement une marque. Comme il le faisait tout le temps. Il avait tressailli à la mention du mot ami, et ses yeux s'étaient couverts d'une expression indéchiffrable. Comme il le faisait tout le temps.
Harry était sorti et Ron s'était effondré sur son lit la tête entre les mains, se repassant la scène. Une fois, deux fois, trois fois. Il s'était senti honteux, perdu, attristé. Et il avait fini inquiet: il s'était rendu compte qu'il y avait un problème avec son ami, quelque chose qui lui échappait, quelque chose qu'il ne comprenait pas.
En descendant dans la salle commune, il avait été surpris par Lavande Brown, qui l'attendait au pied des escaliers. Elle avait demandé à lui parler, lui avait expliqué d'une voix niaise que l'odeur de son amortentia lui ressemblait à lui, et pas à un autre gryffindor et elle l'avait embrassé.
Il ne sut pas vraiment pourquoi il l'embrassa en retour sur le coup mais quelques minutes plus tard, il se dit que ce fut certainement la meilleure idée qu'il ait eu, reconnaissant l'odeur qui le hantait.
Alors commença sa longue mission d'observation.
De loin, il observa ses deux amis. Hermione semblait fatiguée, épuisée même, et surtout, il y avait dans ses yeux une lueur qui faisait mal à Ron. Il ne fallut pas longtemps pour qu'il comprenne qu'il en était là raison, et il se promit de s'excuser. Mais pas tout de suite.
Il remarqua le rapprochement entre Harry et Draco Malfoy, fronçant les sourcils en les voyant arriver ensemble en cours de défense, se retenant d'aller questionner le brun lorsqu'il travaillait avec le blond sous le regard noir de leur professeur alors qu'il avait peur que son ami soit -consciemment ou inconsciemment- victime d'un coup monté ou d'une quelconque manipulation.
Puis Hermione vint se rajouter à l'étrange binôme, et il souffla un peu : si Hermione supportait Malfoy, alors ça devait se passer correctement.
Dès le début, il sut qu'ils ne travaillaient pas sur leur devoir à chaque passage à la bibliothèque, ne connaissant que trop bien Harry pour savoir qu'il ne l'aurait pas supporté.
Avec son propre groupe, Dean et Seamus, ils prirent l'habitude de s'y rendre également, œuvrant quelques minutes pour leur travail, avançant sur d'autres par la suite, sans tout faire d'un seul coup, permettant à Ron de surveiller de loin le trio.
Il les vit éplucher l'entièreté des rayonnages, avec un air de plus en plus sombre, et se dit qu'il devait bientôt aller les voir.
Lorsque les trois partirent un week-end directement vers le bureau de leur professeur de potions ('Non, se corrigea Ron, de défense' ), il se fixa une limite. D'ici là fin de la semaine prochaine, il serait allé leur parler.
Il eut grand mal à la respecter. A chaque fois qu'il essayait de les approcher quand ils étaient seuls, ils semblaient s'évaporer. Non pas que cela l'étonne, il se doutait que cela risquait d'arriver : Harry possédait la carte du Maraudeur.
Alors, à la fin de la semaine, quand Rogue envoya les deux en retenue avec lui, il saisit l'occasion : ils ne pourraient pas passer ailleurs que devant le bureau du professeur de potions.
Il n'eut pas totalement tort, certes, mais il ne s'attendait pas le moins du monde à la scène qui prit place sous ses yeux.
Il n'avait pas envisagé se retrouver face à un Harry et un Severus discutant de manière plus ou moins civilisée, accompagnés d'une Hermione plongée dans de vieux livres (ce qui ne changeait pas vraiment de l'habitude) en compagnie de celui qui était normalement l'élève qu'ils détestaient le plus dans le château.
Le professeur dut sentir sa présence car il se retourna vers lui.
"Ah ! Monsieur Nott vous voi-"
Ses sourcils se froncèrent et il laissa échapper un grognement agacé.
"Monsieur Weasley. Que faites vous ici ?"
Tous les regards se dirigèrent vers lui, le faisant bafouiller, et, avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, des pas se firent entendre derrière lui.
"Professeur ? Vous nous avez demandés ?"
La voix de Théodore Nott résonna, seule, alors que la fréquence et le nombre des pas indiquaient qu'il n'était pas seul. Et il ne fallut pas attendre pour qu'une voix féminine bien connue se rajoute.
"Sérieusement ! Qu'est-ce que vous faites là?
-Crois moi, j'aimerais bien que l'on m'explique aussi, Parkinson."
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top