V

Il n'en pouvait plus. Non seulement il devait corriger les devoirs de ses cornichons d'élèves incapables d'aligner trois termes corrects et qui ne comprenaient rien à l'art du duel mais il avait en plus des copies de potions à corriger car son incompétent de collègue n'était pas capable de toutes les vérifier seul, voire de juste remarquer de rares erreurs pourtant évidentes.

Comme si ça ne suffisait pas, le mal de crâne qui avait maintenant pointé le bout de sa baguette il y a quelques heures ne voulait pas partir, à l'instar des nombreux qui semblaient se jouer de lui depuis le début de l'année -il n'avait cependant jamais eu de migraines à répétition-. Il avait beau avaler à la suite des potions de son cru, habituellement si efficaces, rien n'y changeait et il n'arrivait pas à s'en débarrasser, à croire que la seule solution serait de trouver leur origine.

Il allait prendre sa tête entre ses mains, abandonner la lecture de ces maudits parchemins et peut-être en profiter pour faire un petit somme quand il entendit frapper à la porte de son bureau.

Certainement l'un de ses élèves. Dumbledore ne prenait jamais le temps de le prévenir avant d'entrer, comme si son bureau était une place publique, et ses collègues lui envoyaient une note avant de passer, ne souhaitant pas s'attirer les foudres de leur ancien élève.

Alors, il lança d'une voix grondante un "Entrez !", celui qui faisait habituellement frissonner de peur ses élèves. Pourtant, la porte s'ouvrit calmement -pas de claquement imprévu, pas de tremblement dans la poignée, pas d'abandon- et Severus s'adoucit légèrement: il n'y avait que son filleul pour entrer ainsi dans son bureau et son filleul ne dérangerait pas le calme qu'il souhaite apprécier.

Draco était impassible, comme à son habitude, et il aurait pu tromper toutes les personnes qui l'avaient vu venir jusqu'à son bureau. Toutes, sauf son parrain.

Ce dernier vit immédiatement la tension dans ses épaules, le léger pincement de ses lèvres, l'étincelle étrange dans ses yeux.

"Tout va bien Draco ?" questionna l'homme, ne sachant vraiment pas à quelle réponse s'attendre.

Il n'eut pas le temps d'en dire plus que son œil d'espion remarqua la baguette dépassant de la poche arrière du pantalon de toile noire du blond. Il vit la main de Draco, il le vit la dégainer rapidement, il vit le mouvement de poignet brusque et rigoureux du blond, il vit ses lèvres murmurer en vitesse des paroles inaudibles et eut à peine le temps de voir un sortilège violet foncer sur lui, le frappant sans louper sa cible.

Severus s'effondra, ses yeux se brouillant avant que sa vue ne devienne noire, alors qu'il entendait son filleul s'excuser.

À peine son parrain s'écroula sur son bureau, assommé par le sort, Draco grogna en serrant.

"C'est la dernière fois que tu me forces à viser mon parrain d'un sort, Potter.

-C'est toi qui t'es proposé pour le lancer. "Severus aura plus confiance si c'est moi qui entre dans son bureau que si c'est l'un de vous deux", répondit Harry, levant les yeux au ciel en le citant, alors qu'Hermione s'appliquait à plier la cape du brun.

-Oui, oui, c'est ça. Rends toi utile Potter et aide moi."

Dire que le blond était de mauvaise foi aurait presque pu être un euphémisme. Cependant, Harry aida quand même Draco à déplacer leur professeur, pour l'amener sur l'unique canapé du bureau froid: "Il est plus prudent qu'il se réveille allongé qu'à moitié assis", avait dit Hermione.

S'en suivit alors une longue attente pesante, une longue attente stressante, une longue attente inquiétante.

Trente minutes.

La solution qu'avait trouvée Hermione était un sort. Un sort au niveau largement plus élevé que celui qu'ils avaient.

Une heure.

Ils avaient commencé à s'entraîner à le lancer, principalement Draco. Ils ne connaissaient les potentielles retombées s'il était mal lancé, alors il fallait qu'il soit maîtrisé.

Deux heures.

Ironiquement, Harry avait été le premier à y réussir, alors qu'il était hors de question qu'il soit celui qui se présenterait devant leur professeur.

Deux heures trente.

Finalement, Draco y était parvenu et, après quatre ou cinq autres tentatives toutes soldées par une réussite, alors seulement, le trio avait décidé de passer à l'action.

Trois heures.

Certes, il était dit que sortir une personne de l'emprise à laquelle elle était soumise la plongerait dans une inconscience plus ou moins longue en fonction de facteurs variants mais ils étaient tout de même affectés par une limite de temps et, bien que le week-end vienne de commencer, quelqu'un finirait par découvrir l'absence du professeur de potions si celle-ci s'allongeait trop.

Quand finalement les mains de celui-ci se mirent à bouger, ils soufflèrent de soulagement: il reprenait enfin conscience.

Le professeur ouvrit doucement les yeux, les refermant aussitôt. Il avait l'habitude de pertes de connaissances (comment ne pas l'être à force de fréquenter un mage noir friand de sorts interdits ?) et il aurait dû savoir que c'était une mauvaise idée. Mais ses idées étaient embrouillées, et il avait du mal à réfléchir correctement.

Finalement, il bougea doucement ses pieds, ses mains, sous le regard inquiet des trois élèves dont il ne réalisait pas encore la présence. Il sentit son sang couler à nouveau correctement et décida qu'il pouvait se redresser.

S'asseyant alors sur le canapé, légèrement tremblant, il ouvrit les yeux et remarqua les trois adolescents tendus qui lui faisaient face. Alors il se souvient et les deux gryffondors se tendirent un peu plus, son filleul blanchit encore plus, alors qu'une idée perfide s'insinuait dans leur esprit.

Certes, ils avaient certainement aidé un professeur et on ne pourrait pas leur reprocher ce point. En revanche, ils l'avaient délibérément exposé à un sort qu'ils n'avaient pas appris, dont ils n'auraient jamais dû entendre parler. Et leur cible n'était pas des plus conciliante.

Il y a un assez long silence, porté par le stress des trois élèves, et la première chose que fit Rogue à leur plus grand étonnement, à son plus grand étonnement, fut de sourire tristement.

Une seule phrase ressortait des ses pensées, alors qu'il tentait de les trier en se demandant comment son filleul et les deux lions avaient fini par le sortir de là sans s'étriper mutuellement avant d'avoir réussi.

'Lily est réellement morte.'

Il sentait bien que certains de ses souvenirs étaient faux, qu'il lui en manquait, que certaines de ses appréhensions avaient été biaisées. Mais celui-ci, étrangement, il était sûr qu'il était vrai, et il crut s'en rendre malade.

Alors, cherchant à esquiver ce murmure, il s'adressa à ses élèves, la surprise du brun et de son amie, le rictus du blond lui indiquant que, bien qu'il ait gardé un ton sévère, il devait l'être moins qu'ils en avaient l'habitude.

Il leur demanda de tout lui expliquer, du début à la fin, sans oublier de détails, sans cacher d'informations. La lionne s'empressa de lui dire, prenant à nouveau son masque d'élève parfaite et il pensa ironiquement que, au moins, son aversion pour ses élèves considérés comme premier de leur classe et prêts à étaler leur savoir était, elle, bien réelle.

Il fit tout son possible pour éviter de croiser le regard d'Harry, alors que son comportement passé lui revenait, le frappant de culpabilité. Il n'y avait qu'une seule chose que voyait maintenant Severus, et elle était bien loin de l'arrogance appartenant à James Potter, se rapprochant plus de la générosité inquiète de Lily Evans.


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