La semaine passa et il était presque devenu normal de voir Harry, Hermione et Draco se rejoindre à la bibliothèque tous les soirs de dix-neuf heures moins le quart au repas, sur la table du fond, collée contre une vitre déjà gelée alors qu'ils étaient uniquement fin septembre.

Quelle bonne excuse leur était offerte par ce travail de défense à rendre quatorze jours plus tard ! Il était le parfait alibi, la parfaite carte à jouer pour expliquer leurs réunions, durant lesquelles ils ne le faisaient pas du tout.

Il était fini. Le devoir était fini. Et ce depuis le premier soir, d'ailleurs. Mais ça, les autres ne le savaient pas. Certes, il était étrange de voir un groupe y passer autant de temps, surtout qu'il était tout de même assez simple. Mais le trio, à défaut de comprendre trois des élèves responsables de plus grosses disputes du château, était composé de deux élèves scolairement excellents aux yeux des professeurs et de Poudlard entier ainsi que du Survivant, alors tous ne trouvaient qu'une explication: ils ne cherchaient qu'à rendre le travail le plus complet et le plus précis de leur scolarité, celui qui fera verdir les classes supérieures, rougir celles de leur année.

La vérité était plus complexe et ils travaillaient en réalité sur l'état de leur professeur. Les débuts de leurs recherches avaient été compliqué, plus du côté relationnel -Harry avait insisté pour mettre Hermione au courant de la situation de Draco qui avait fini par céder avant de regretter aussitôt, mais, puisqu'elle n'avait rien dit, ne l'avait pas regardé avec pitié, ni avec dégoût, et par dessus tout, l'information n'avait pas dépassé les deux lions donc il s'était forcé à revenir sur ses pensées pour paraître un minimum aimable- que du côté travail, malgré les quelques batons qui s'étaient plantés dans leurs roues.

Mais la roue tournait et c'était à présent l'inverse. Draco leur avait avoué avoir déjà observé des signes identiques à ceux de Rogue chez ses parents et Harry s'était souvenu du regard de Tom Jedusor lorsqu'il l'avait rencontré dans la chambre des secrets, un regard étonnamment flou mais également confus, désordonné, honteux, de l'étrange mouvement de recul qu'avait eu Bellatrix en tuant son cousin.

Tout semblait prendre une proportion bien plus grande qu'ils avaient pensé au premier abord et ils avaient fini par éplucher la bibliothèque de fond en comble, en long, en large et en travers. Chaque livre,non, chaque page avait été vue. Il ne restait plus que la réserve, et ça ne s'annonçait pas être la tâche la plus simple.

C'était sans compter l'appartenance de Draco à la maison des vils et rusés et, ironie du sort, il finit par obtenir une autorisation signée de la main même de Rogue leur permettant d'accéder à cette partie de la bibliothèque jusqu'à l'échéance du devoir.

Ils sautèrent sur l'occasion et, dès qu'ils eurent le parchemin en main (ainsi qu'une heure de pause, ils n'allaient tout de même pas sécher une heure de cours alors qu'Hermione Granger faisait partie du groupe) ils partirent explorer la réserve.

Madame Pince les regarda passer, sans pouvoir les arrêter, le front plissé, les lèvres pincées. Ce groupe hétéroclite était bien trop dangereux pour accéder à cette partie dont elle prenait si soin et elle se jura que, si un seul de ses livres était abîmé, non seulement ces élèves irrespectueux découvriraient une bonne partie de la vie de Rusard en passant autant de temps avec lui, mais elle se ferait également un plaisir de sermonner son collègue comme lorsqu'il avait leur âge.

Ils y allèrent un jour, deux jours, trois jours et, au quatrième, ils trouvèrent enfin ce qu'ils cherchaient.

Harry était assis à même le sol, les trois quarts de sa concentration envolés, adossé contre la chaise sur laquelle se tenait élégamment Draco, alors qu'Hermione, manches retroussées et cheveux relevés, se tenait debout, les mains posées sur la table, alors en intense réflexion sur la double page qu'elle lisait.

"Il y a quelque chose que je ne comprends pas, intervint le brun après avoir soufflé une nouvelle fois. Rogue présente les principaux signes d'un Imperium : il a les yeux voilés et il semble agir contre sa volonté. Alors pourquoi est-ce que l'on cherche autre chose ?

-Parce que ça ne peut pas être un Imperium, Potter. Il en a peut-être les principaux signes mais pas tous les autres. La plupart de ses mouvements sont fluides montrant qu'il n'est pas entièrement manipulé, il se comporte normalement la majorité du temps. Il semble seulement être affecté par moments, comme s'il y avait un élément déclencheur. Tu l'as bien vu lors des derniers cours.

-Un élément déclencheur ?" souleva Hermione, sortant de ses pensées.

Son regard vagabonda, passant des pages, aux livres sur l'étagère, essayant décrypter le visage de Malfoy, retournant sur le livre face à elle, effleurant Harry qui agitait sa baguette pour lancer un sort de silence créant une bulle autour d'eux, ravi d'avoir une raison de faire autre chose que lire un vieux bouquin usé.

"Mais oui ! Harry !" s'écria-t-elle.

Les garçons sursautèrent et se regardèrent, se demandant ce que le brun avait encore fait. Elle les regarda, soupira en interprétant le regard du brun qu'elle connaissait maintenant presque par cœur avant de souffler.

"Tu n'as rien fait Harry, pas la peine de faire ta tête de petit garçon désolé. Ce que je voulais dire, c'est que tu pourrais être l'élément déclencheur dont parlait Malfoy."

Un silence suivit ses propos alors que Harry la regardait comme si des ailes lui avaient poussé et Draco semblait plongé dans ses pensées.

"Granger n'a pas tort, Potter. Severus semble étrangement changer de comportement avec toi, comme si quelque chose le poussait à ne pouvoir que te détester et faire en sorte que tu le détestes. Et, ajouta-t-il en voyant Harry s'apprêter à répliquer, ne me sors pas ton argument "mon père l'a harcelé donc il me déteste". Premièrement, certes ton père l'a fait si ce que tu m'as dit avoir vu est correct mais cela implique aussi que mon parrain était proche de ta mère. De plus, je le connais autrement que ce qu'il laisse paraître et je sais parfaitement que s'il a beau avoir mauvais caractère, il est aussi capable de savoir quand s'arrêter."

Harry gonfla les joues en se faisant interrompre par le blond avant même d'avoir commencé à parler et, si une petite voix lui soufflait que Draco avait raison dans ce qu'il avançait, il lui répondit avec toute la mauvaise foi possible.

Hermione les regarda se disputer, mi-fatiguée, mi-amusée, -elle était certaine que peu importe à quel point ils seraient proches dans le futur, ils se chercheraient toujours- tout en tentant de se rappeler si il n'y avait pas quelque chose qu'elle avait déjà lu qui pourrait les aider. Alors, un titre de grimoire lui revient, apparaissant en évidence dans son esprit et elle se dépêcha d'aller le récupérer.

"J'ai peut-être une idée !"s'exclama-t-elle en lâchant lourdement le livre sur la table, faisant à nouveau sursauter les deux garçons, qui se retournèrent vers elle, coupant court à leur chamaillerie.