I
Les premières semaines furent difficiles. Son fils pleurait souvent, annonçant déjà un enfant capricieux alors que son neveu réclamait ses parents avec le désespoir et l'énergie d'un gamin abandonné -ce qu'il était- et Pétunia ne savait où donner de la tête.
Puis, rapidement le petit brun se tut et ne se fit plus remarquer. Elle fut surprise au premier abord avant de comprendre en surprenant son mari lever la main sur le garçon. Horrifiée, elle n'intervint pourtant pas. Elle le savait, ils étaient sa dernière famille et elle ne pouvait se résoudre à l'abandonner dans un établissement quelconque car, même si elle parvenait à convaincre Vernon de lui laisser un toit, il choisirait spécialement un établissement réputé pour ses mauvais traitements tant la haine qu'il éprouvait envers ceux comme Lily, envers les sorciers, était forte.
Alors, elle s'effaça, veillant sur le petit garçon, suffisamment pour qu'il vive, suffisamment peu pour que Vernon ne remarque rien qui déborde des conditions qu'ils avaient placées le jour où il avait été déposé sur leur paillasson.
Lorsqu'il fut en âge de communiquer, son fils essaya de se rapprocher de son cousin, lui proposant de temps à autres un de ses jouets, et elle crut y voir une note positive, la possibilité que son neveu soit moins isolé dans leur famille éclatée. Ce fut sans compter les remontrances de son mari et Dudley finit par s'éloigner du petit brun alors que les paroles de son père le guidait vers une voie de haine, l'encourageant à se moquer, à critiquer, à humilier.
oO0Oo
Durant dix ans, Harry avait écouté son oncle, intégré son appellation de monstre, le fait que personne ne pourrait l'aimer à sa juste valeur. Isolé malgré lui, il se contentait de subir, ne pouvant que penser qu'il le méritait : il le lui répétait depuis sa plus tendre enfance.
Il arrivait parfois, souvent, qu'Oncle Vernon le frappe, le batte. Là encore il subissait, sans riposter. Sa tante lui faisait quelques soins après, désinfectant ses blessures pansant les plus horribles, mais elle n'intervenait jamais pour stopper son mari. Malgré tout, Harry ne lui en voulait pas, pas plus qu'à son cousin: sa tante lui donnait les vieux vêtements de Dudley, lui donnait les restes de leurs repas et Dudley avait bien essayé de lui donner ses anciens jeux, il en avait de vagues souvenirs. Il n'en voulait d'ailleurs pas non plus à son oncle: il était un monstre, ce traitement était mérité.
Quand Hagrid était arrivé et s'était présenté à lui, il ne l'avait pas cru. Pas sûr le fait qu'il était un sorcier, ça il l'avait étrangement facilement compris, mais plutôt sur son importance. Il était impossible, improbable, qu'il est fait une chose si importante, qu'il est sauvé tant de monde, que tant de personnes veuillent le remercier. Il n'était rien, il était insignifiant, inutile et monstrueux. C'était ce qu'on lui disait.
Puis il était allé au chemin de Traverse avec le géant homme et il avait découvert le monde magique avec émerveillement, jusqu'à ce que tout le monde se retourne sur son passage. Dès lors, il avait voulu se faire tout petit, disparaître de la surface de la terre. Il avait tenté de se faire discret toute la journée, retenant sa respiration, peureux de faire un bruit qui le mettrait encore plus en évidence.
Il ne respira qu'un moment, debout sur un piédestal, dans une petite boutique de vêtements tenue par une gentille femme aux cheveux retenus en arrière par une aiguille à tricot. À côté de lui était installé un garçon blond de son âge qui lui avait parlé indifféremment, sans le ton moqueur de ses camarades de classe, ni celui violent de son oncle ou celui émerveillé des passants sorciers. Il lui avait parlé... Normalement. Comme si Harry était normal, comme les autres.
Il avait dit s'appeler Draco Malfoy et n'avait pas sourcillé quand le brun s'était présenté. Il lui avait expliqué avec une joie enfantine, celle d'en savoir plus qu'un autre enfant et de lui apprendre quelque chose, ce qu'était Poudlard et ne s'était pas moqué lorsque Harry avait annoncé ne pas connaître d'autres manières que de nom.
Mais la dame s'était dépêchée, avait rapidement trouvé un uniforme adapté au brun et il avait dû partir. Draco l'avait alors salué, lui avait dit qu'ils se verraient à la rentrée, et Harry s'était surpris à penser qu'il serait heureux de le voir à nouveau, qu'il aimerait être son ami.
Et le soir, dans son placard, Harry s'était allongé, grattouillant du bout des doigts la tête d'une chouette blanche et duveteuse offerte par Hagrid qui le regardait de ses grands yeux rassurants. En repassant en boucle sa journée, il stoppa d'un seul coup tout mouvement, des larmes silencieuses coulèrent sur ses joues. On l'admirait pour avoir tué quelqu'un. On l'admirait pour avoir ôter une vie. On l'admirait car il était vivant et ses parents morts. On l'admirait car il avait fait la seule chose qui le rendait plus inhumain qu'il ne l'était déjà.
Quelque chose en lui se brisa, et il se détesta. Il pleura, encore et encore toute la nuit, se grattant frénétiquement, inconsciemment, le poignet droit jusqu'au sang, remplaçant les cris qu'il ne pouvait laisser échapper par la douleur alors que l'oiseau le couvrait d'un regard douloureusement bienveillant.
Quand la rentrée était arrivée, il avait revu Draco et avait refusé son amitié. Il ne pouvait pas accepter, pas avec ce qu'il avait fait. Il avait été reparti à Gryffondor, ayant refusé d'aller à Serpentard par peur d'être trop tenté d'accepter.
Ça n'avait pas réellement fonctionné. Ils s'étaient alors mis à se chercher. Ils ne pouvaient s'empêcher de se remarquer au détour d'un couloir, ne pouvaient s'empêcher de croiser le regard de l'autre. Si Harry avait appris à connaître les habitudes du blond, il savait que Draco avait fait de même, sans vraiment savoir pourquoi. Leur entourage avait pris ça pour une haine Malfoy-Potter, une haine Serpentard-Gryffondor, une haine perpétuelle depuis des années qui s'était matérialisée en eux.
Dans sa Maison, Harry avait fait connaissance avec Ron Weasley, un garçon roux qui avait alors décidé de passer son temps avec Harry. Il avait rencontré Hermione Granger, une fille intelligente pour ne pas dire brillante, née moldue, qui avait été mise à l'écart au début de l'année. Puis ils s'étaient rapprochés et, si Harry ne s'autorisait pas à la considérer comme amie, il était tout de même heureux qu'elle l'apprécie.
Au fil des années, des liens spéciaux s'étaient créés entre eux, et Hermione était devenue un véritable soutien, toujours présente pour l'aider en cas de problème, même si cela impliquait de risquer sa vie. Pourtant Harry ne lui disait pas tout. Il ne lui parlait pas de ses crises d'angoisse nocturnes, de sa torture mentale, de ses marques brûlantes sur ses poignets.
Sa relation avec Ron était, elle, restée identique. Il y avait eu des hauts et des bas, le roux semblait s'être accroché à lui, alors qu'Harry doutait. Tout Poudlard le disait, ils étaient comme des frères et, quand il l'entendait, le brun ne pouvait que penser que tout le monde s'arrêtait aux apparences, sans chercher à voir plus loin. S'il y avait eu des hauts, il y avait surtout maintenant des bas, des bas dont il ne pouvait qu'être l'unique responsable.
Des crises rouquines dans le dortoir, à l'abri des regards. Des regards jaloux. Tout s'était accentué en ce début de sixième année et leur relation s'était dégradée. L'un décrétant que l'autre ne se comportait pas comme devait le faire un ami, l'autre perdu face à cette attribution du terme "ami" - Harry ne considérait personne comme son ami : pour lui un ami était une personne en qui on devait avoir entièrement confiance, une personne juste, pas une personne perdue dans un bazar dangereux, mettant sa vie et celle de son entourage en danger, pas un meurtrier: il ne méritait pas d'être considéré comme un ami- qu'il rejetait obstinément .
Dans ces moments là, Harry ne répondait pas, laissait filer, comme il en avait pris l'habitude avec son oncle : mieux valait essuyer la tempête que répliquer. Puis, quand l'orage laissait apparaître une accalmie, un interstice d'échappatoire, le brun en profitait et se faufilait hors du dortoir pour rejoindre Hermione à la bibliothèque devenue son repère ou, quand il avait par chance emporté la carte du maraudeur avec lui, il allait s'asseoir près d'une fenêtre isolée du château pour observer les déplacements des élèves, suivant particulièrement des yeux le nom appartenant à une silhouette blonde dont il apprit facilement les habitudes de déplacements.
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