Chapitre 9
Klaus dévia son regard sur la jeune rouquine qui avait les joues en feu. Ses grands yeux étaient écarquillés de honte. Il l'observa...encore. En trente-trois ans sur cette terre c'était la première fois de sa vie qu'il voyait quelqu'un rougir de cette façon. La drogue n'avait pas atteint ce petit minois. La jeune femme semblait en pleine santé et au tréfonds de son être, il en était ravi. Il n'aurait pas supporté de voir sur ses bras la moindre trace d'une récente seringue plantée dans ses veines. C'était tout simplement un petite poupée éperdue mais avec de grandes valeurs. Ses cheveux, ramassés en tresse étaient bien plus flamboyant dans la véritable lueur du jour et sa peau toujours aussi diaphane. Klaus n'avait pas ressenti le besoin d'user de ses techniques d'intimidations pour parvenir à ses fins. Meredyce Farella était déjà timide de nature. Et il devait se l'avouer, il aimait ça. Voyant qu'il divaguait sur des pensées qui ne l'honorait guère, Klaus tenta de reprendre ses esprits. La cliente qui l'avait interrompue semblait avoir des goûts littéraire qui n'enchantait pas la jeune femme. Embarrassée, elle enregistrait les livres de cette dernière en ignorant délibérément les couvertures très suggestives qui en disaient long sur contenu de ses livres. Un fugace sourire s'ébaucha sur les lèvres de Klaus tandis qu'il patientait pour reprendre là où il s'était arrêté. Mais pour quelle raison ? Se demanda-t-il la mine renfrognée. Elle venait de répondre à ses questions. Elle souhaitait être en paix. Alors pourquoi persister à poursuivre avec cette jeune créature au regard de biche. Impatient, et dérouté par le propre cours de ses songes, Klaus posa lourdement la main sur le comptoir pour que cette cliente visiblement en manque de sexe, cesse ses bavardages incessants.
Celle-ci sursauta alors que la jeune femme lui tendait ses livres en se mordillant les lèvres furieusement.
- Madame sans vouloir vous importuner, vous devriez changé de mari, s'il ne parvient pas à assouvir vos fantasmes...
Le visage rouge écrevisses, elle serra la bouche furieusement partagée entre l'intimidation qu'il venait d'exercer sur elle et la honte. Elle prit ses livres en pestant et s'en alla à grand pas.
- Madame Allen est l'une de nos clientes les plus fidèles ! À cause de vous elle ne reviendra jamais ! S'écria la jeune femme en le foudroyant du regard.
Klaus haussa des épaules.
- De vous à moi, je pense que vous n'êtes pas la bonne personne pour écouter les problèmes sexuels de cette ménagère en quête de choses qui j'en suis sûr, vous dépasse et de loin n'est-ce pas ? Chuchota-t-il en plissant des yeux.
Bouche entrouverte elle lui jeta un regard ahuri. Klaus esquissa un sourire cruel...un sourire qui tomba à l'arrivée d'un homme qui posa sa main sur le bassin de la jeune femme. Klaus se redressa en retirant ses mains du comptoir dévisageant le vieux bibliothécaire qui lançait par l'arrière, un regard de concupiscence à la jeune femme. Meredyce sursauta et se décala de son patron affreusement gênée par ce qui était en train de lui arriver.
- La librairie ne va pas se tenir toute seule Mery...lâcha son patron durement.
Mery ! Comme elle le détestait de lui donner ce petit surnom affreux ! Affreux oui, tout était affreux !
Elle tourna brièvement son regard sur Kreighton. Dure comme de la pierre, son visage était crispé. Il observait son patron avec froideur. Pourquoi ? Se demanda-t-elle en récupérant les livres.
- Monsieur Kreighton, le salua-t-elle rapidement ; Je vous souhaite d'être heureux, au revoir.
Meredyce avait fait preuve de froideur à son égard et elle espérait ne plus jamais le revoir. Elle pressa le pas jusqu'à la librairie. Sa respiration se calma lorsqu'elle tourna la tête et vit la silhouette de l'homme disparaître d'un pas déterminé. Le cœur comprimé, elle se le tint en s'adossant au mur. Elle avait l'impression d'être salie. Elle qui avait tout fait pour qu'il ne la trouve jamais. Quelle idiote d'avoir pensé qu'elle aurait pu lui échapper ! Mais ce n'était pas le plus grave. Le plus grave fut les coups meurtris de son cœur, et cette chaleur diffuse qui s'était répandue en elle.
- Mery ?
La voix de son patron émergea de l'entrée. Meredyce esquissa un fin sourire rassurant tandis qu'il s'approchait de plus en plus vers elle. Robert Willis avait été fut un temps un ami de sa mère et peut-être un amant. Meredyce l'ignorait et ne souhaitait pas le savoir. Elle mesurait seulement la chance qu'il lui avait donné en l'embauchant.
- Oui Robert, murmura-t-elle en faisant mine d'être occupée.
- Cet homme qui vient de sortir là, ce n'est pas le prisonnier qui vient d'être libéré ? Questionna-t-il en retirant ses lunettes pour les accrocher au V de sa chemise.
- Si...
- Qu'est-ce qu'il te voulait ?
- Rien de spécial, mentit-elle d'un murmure à peine audible, j'ai dû accompagner mon amie pour une interview il y a deux jours et il se trouve qu'il voulait me remercier pour ma discrétion concernant ses réponses.
Un mensonge de plus ou de moins ne changerait rien à sa vie, songea-t-elle en encaissant un client.
- Ne t'approche pas de ces hommes Mery, lui dit-il en fronçant légèrement des sourcils ; Sinon tu deviendras comme ta mère.
Ses mots lui broyèrent le cœur. Elle refusait de pleurer devant lui. Et refusait aussi d'être réprimandée comme s'il avait le droit de se comporter comme son père.
- Ne parle plus d'elle Robert.
Il s'approcha lentement pour combler l'espace qui les séparait. Meredyce se sentit alors vulnérable et face à son passé.
- Alors ne te conduis pas comme elle ! Reprit-il durement.
- Je ne suis pas ma mère ! Dit-elle en redressant le menton ; Et je ne le serais jamais.
Robert la dévisagea d'une façon qui lui parut étrange. En lui parlant sur ce ton elle risquait d'être renvoyée. Alors elle ferma les yeux en secouant de la tête l'air désolé.
- Oh non tu ne l'es pas, confirma-t-il avec un sourire en coin ; Tu ne lui ressemble pas.
Meredyce cala une mèche derrière son oreille en songeant à son père qui lui manquait tant.
- Mais tu dois te méfier de ces hommes Mery, pour eux tu n'es qu'une jeune étudiante naïve capable de n'importe quoi pour un peu d'argent.
Meredyce frissonna de peur quand il posa sa main sur son bras.
- Merci du conseil Robert, lui dit-elle gentiment en remerciant le ciel lorsqu'un client entra dans la librairie.
Alors qu'il partait, elle lui jeta un regard du coin de l'œil, les paumes moites, les joues glacées.
- Puis-je quitter le travail plus tôt aujourd'hui je ne me sens pas très bien, lui demanda-t-elle avant qu'il ne retourne dans la bibliothèque.
Elle espérait qu'en présence d'un client il se montre compatissant.
Il l'observa de la tête aux pieds avant de lui répondre ;
- Non, décida-t-il froidement, cela te passera, tu restes ici jusqu'à dix-sept heures.
Elle accusa la violence de son refus et l'humiliation du mieux qu'elle le put. Le client qui n'avait rien loupé toussota en lui donnant son achat qu'elle encaissa en refoulant les larmes qui piquaient les yeux. Cette journée lui aura appris au moins une chose. La vie était cruelle avec elle. Et la confrontation qu'elle avait eu avec Klaus Kreighton l'avait complètement épuisée et son estomac était complètement retourné. Elle désirait quitter son boulot et se glisser dans son lit pour pleurer à chaude larmes. Car la violence des propos que lui avait porté Robert lui avait fait terriblement mal.
En fin de journée c'est avec la peur au ventre qu'elle s'avança vers Robert pour une ultime demande qu'elle espérait cette fois-ci favorable.
- Robert ?
Le coupant dans son numéro de charme à une cliente, il se redressa, laissa partir la femme pour lui accorder toute son attention.
- J'aimerais d'avoir si c'était possible d'avoir une petite avance sur mon salaire.
Robert soupira.
- Tu es bien capricieuse aujourd'hui Mery, commenta-t-il en croisant les bras.
Meredyce inspira profondément.
- Juste une petite avance s'il te plaît, murmura-t-elle en soutenant son regard ; Je suis un peu dans la panade ce mois-ci.
Il soupira une seconde fois en sortant son portefeuille.
- Approche-toi, ordonna-t-il durement.
Meredyce ferma les yeux brièvement et s'exécuta en serrant la lanière de son sac.
- Tiens...
Elle s'empressa de tendre la main pour prendre les billets mais il les ramena vers lui en la dévisageant.
- Ne dépense tout pour des bêtises c'est clair ?
- Limpide, murmura-t-elle en crispant ses doigts sur les billets.
Elle baissa les yeux pour les ranger dans son sac.
- Merci Robert.
- Mais de rien, dit-il d'une voix suave.
Meredyce serra les lèvres et quitta les lieux le cœur battant. Elle avait la sensation d'avoir été molesté aujourd'hui. Ses perspectives d'un avenir radieux se faisaient plus sombre encore que la veille. Meredyce monta sur le vélo qu'elle avait réussi à dénicher à bas prix et s'engagea sur la route qui commençait à s'assombrir. La sensation du vent sur son visage lui fit du bien. Alors elle se mit à pédaler plus vite, pressée de rentrer chez-elle. Elle se mit ralentir dans la descente, les yeux braqués sur la route avec la sensation glaçante, qu'elle était suivie.
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