Chapitre 7



Klaus ne s'attendait pas à une telle réactivité de la part de Tyler. Il se contenta de hocher brièvement de la tête et s'approcha de la table de réunion pour y plaquer ses mains, le regard rivé sur la rétroprojection. Sauf que le mur resta blanc.

- Ton anonyme n'a pas eu la vie facile, commença-t-il en s'installant sur l'un des fauteuil ; Son père est mort quand elle avait huit ans, sa mère était une camée accroc à la drogue dure.

Klaus sentit sa paupière gauche trembler à cette révélation mais serra la bouche pour s'éviter de le couper. Il s'imaginait déjà Tyler lui expliquer qu'elle-même avait plongé dedans. Une chose qui n'était pas bien rare pour lui. Mais il se garda de faire une réplique menaçante et se laissa tomber sur son fauteuil.

- Enfance difficile, école manquée à plusieurs reprises, services sociaux. Elle a passé sept mois dans un foyer d'accueil avant que sa mère récupère sa garde.

La bouche de Klaus se tordit en grimace.

- D'après le rapport qu'elle a rendu à la police, le soir du meurtre sa mère est venue la chercher à la bibliothèque et la emmener avec elle. Pendant des heures elle a du rester dans cette fameuse pièce.

Tyler marqua une pause.

- Elle a dit que le tueur ne pouvait pas être toi, que certains détails ne correspondaient pas à la version qu'elle avait lu jadis des années dans la presse. Elle a affirmé que tu l'avais caché.

- Et puis-je savoir où se trouvait sa mère à ce moment-là ? S'enquit Klaus bien plus intéresser par cette femme abandonnant sa fille au milieu d'un club bondés d'hommes assoiffés que de savoir ce que lui même savait déjà.

- Avec Jonathan Rayan, apparemment elle entretenait une liaison avec lui et en échange, c'est lui qui lui payait sa drogue.

- Pour ne pas être vulgaire...c'était son escorte girl, marmonna Klaus.

Tyler esquissa une mince grimace puis continua. Bizarrement, Klaus n'avait la moindre envie d'entendre la suite. Il se frotta le menton pensivement.

- Un an plus tard, celle-ci meurt d'une overdose, poursuivit Tyler en croisant les jambes ; Malheureusement sa fille étant majeure n'a pas été aidé après ça.

- Classique, commenta Klaus en se levant pour se poster loin de lui et de cette histoire qui le mettait en rage.

Pauvre gamine, songea-t-il en regardant d'un air absent Manhattan sous un soleil de plomb.

- Allons ! Le pressa-t-il en pivotant sa tête légèrement vers son épaule ; Continue mon ami.

- Elle travaille dans une bibliothèque depuis deux mois et puis voilà.

Voilà ? Pour Klaus ce n'était pas suffisant.

- Est-ce qu'elle se drogue ?

- Non...enfin je ne pense pas.

- Quel est son nom ? Demanda Klaus sans se retourner.

Tyler ne répondit pas tout de suite. Il pouvait sentir sa réticence.

- C'est confidentiel Klaus.

- Mais tu l'as ? Déduit-il froidement ; Ainsi je pense avoir le droit de savoir.

- C'est comme si la police trahissait son droit d'être transparente, rétorque Tyler en mesurant ses mots.

Muni de son légendaire self-control, Klaus inspira profondément. Tyler avait raison. Pourquoi persistait-il à vouloir en savoir plus ?

- Je te demande juste comment elle s'appelle, je n'ai pas l'intention de lui rendre visite.

Après un long soupir, Tyler capitula.

- Prénom peu commun mais agréable à prononcer ; Meredyce Farella.

Soudain, tout s'obscurcit autour de lui. Les pupilles rétractées, Klaus se retourna violemment en sortant ses mains fermées en poings de ses poches. Ses muscles s'étaient tendus violemment. Il revoyait encore la jeune femme éperdue dans sa cellule. Tyler décroisa les jambes et se redressa l'air inquiet.

- Tu la connais ?

Sous le choc Klaus ne répondit pas, essayant de se rappeler si ce visage angélique était marqué par la drogue. Cet instinct qui se réveillait en lui chaque fois qu'il voyait une femme l'avait poussé à lui saisir le poignet pour examiner son bras. Rien. Seulement une peau douce et lisse, au teint blanchâtre. Cette peau diaphane...et cette paire d'yeux bleus...

- Oh que oui je la connais, dit-il d'une voix rauque.

D'un geste impatient il désigna le rétroprojecteur.

Tyler lui expliqua alors qu'il n'avait qu'une seule image d'elle lorsqu'elle était plus jeune sur une vieille photo de classe. Inutile d'avoir une photo récente pour affirmer que c'était elle la jeune femme qui s'était fait passer pour une étudiante. Il s'esclaffa bruyamment en se passant une main tendue dans les cheveux et posa son regard sur le carton qui dépassait sous son bureau. Il se dirigea vers ce dernier pour y récupérer le petit cahier et attrapa la fiche sur laquelle il y avait toutes les informations nécessaires pour retrouver la rouquine, sous le regard incrédule de son ami.

- Klaus, tu m'expliques ?

- Plus tard, lança-t-il par-dessus son épaule tandis qu'il quittait son bureau les doigts crispés sur le cahier.

~

Meredyce faisait l'inventaire des livres qu'ils manquaient dans la bibliothèque qui était coupé en librairie quand Madame Allen marcha discrètement vers elle en scrutant les alentours. Oh non ! Pas elle !

Pour la fuir, Meredyce rafla la pile de livres sur le comptoir les jeta sur le chariot et fonça dans l'allée central. Elle espérait pouvoir lui échapper mais malheureusement elle la suivit discrètement.

- Madame Allen ! S'exclama Meredyce en affichant son plus beau sourire ; Quelle agréable surprise de vous revoir ici...si tôt.

Du mieux qu'elle le put, Meredyce tint son sourire le plus longtemps possible alors que son patron la regardait du coin de l'œil.

- Votre livre vous a-t-il plu ?

La femme d'une quarantaine d'années lui tendit le livre en question. Réprimant une grimace, Meredyce le prit avec le bout de ses doigts pour le déposer dans le chariot. Avec un regard à demi dégoûté elle observa brièvement la femme sur la couverture du livre, yeux bandés lèvres entrouvertes. Elle toussota puis reporta son attention sur elle.

- Il ne m'a pas plu, répondit-elle visiblement mécontente, il ne correspondait pas à mes attentes.

Meredyce écarquilla les yeux mais dut se reprendre très vite quand son patron l'observa par-dessus ses lunettes. Cette mégère se moquait-elle d'elle ?

- Je suis navré madame Allen.

Elle poussa son chariot en roulant des yeux.

- J'aimerais un livre plus attrayant, plus...enfin vous voyez, insista-t-elle d'une voix basse.

Non, hélas elle ne voyait pas.

- Plus attrayant ? Répéta Meredyce en manquant de s'étrangler ; Madame Allen, à mon humble avis je pense que vous devriez chercher votre bonheur ailleurs. Et bien que je ne porte aucun jugement sur votre...goût en matière de lecture cette bibliothèque ne fait pas cette catégorie.

- Vraiment ? Dit-elle surprise pourtant une amie à moi qui vient régulièrement ici m'a dit qu'il y en avait tout un rayon.

Meredyce, prise au piège, se racla la gorge.

- Vous êtes bibliothécaire non ?

Meredyce se pencha vers elle.

- Il y a des limites à tout madame Allen, même une bibliothécaire a ses limites.

- Écoutez, j'ai vraiment besoin de booster la libido de mon mari alors aidez-moi ! Chuchota celle-ci en se retenant de crier.

Ce n'est pas certainement pas la libido de son mari que cherchait cette femme dans ces livres, mais plutôt la sienne, en avait-elle déduit.

- Très bien, je vais voir ce que je peux faire, suivez-moi.

À contrecœur, Meredyce poussa le chariot dans l'allée en question. Elle parcourut les livres érotiques avec l'index, lèvres pincées, puis prit le plus intense d'entres eux et lui tendit.

- Celui-ci devrait vous satisfaire.

Madame Allen esquissa un large sourire en la prenant.

- Si vous désirez jeter un coup d'œil, Proposa-t-elle en désignant l'étagère d'une main légère ; Cela vous évitera de revenir dans deux jours.

Meredyce quitta l'allée pour se diriger vers une autre en soufflant. Quelle plaie ! Songea-t-elle en grimpant sur l'échelle alors qu'elle pouvait l'entendre couiner derrière les étagères. Meredyce se mordilla la lèvre en replaçant les livres empruntés lorsqu'une sombre silhouette qu'elle entraperçut en baissant légèrement les yeux ne la coupe dans son élan. C'est grâce à la paire de chaussures noire qu'elle comprit qu'il s'agissait d'un homme. Sans se retourner, Meredyce lança la phrase qu'elle répétait aux clients un peu perdus.

- Bonjour, que puis-je faire pour vous ? Avez-vous une catégorie particulière que je puisse vous aider dans vos recherches ? Un titre ?

- Oui, lui répondit l'homme d'une voix rocailleuse ; Comment bien mentir en dix leçons par-exemple...

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