Chapitre 6



Quand Klaus passa les portes de son bureau perché au soixante-septième étage, la première chose qui le frappa ce fut les baies vitrées et la pluie qui s'abattait dessus. Rien ne semblait avoir bouger. Il ressentit une curieuse pointe d'émotion lui pincer la poitrine. Voila cinq ans qu'il n'avait pas travaillé. L'obscurité l'avait accompagné durant ces longues années et en observant son vaste bureau, il comprit que l'obscurité continuerait de le poursuivre à jamais. Il alluma la lumière et enfonça ses mains dans ses poches tout en vrillant son regard sur son fauteuil. Dire que celui-ci ne lui avait pas manqué serait un piètre mensonge. Un sourire sans joie se dessina furtivement sur ses lèvres. Il s'approcha de son fauteuil pour y reprendre sa place. Une sensation étrange monta en lui sans pouvoir la déterminer. Ce matin encore il était dans une cage, comme un animal. Ce soir, il faisait glisser lentement ses doigts sur son bureau en bois massif. Il allait devoir rattraper le temps qui avait pris une longueur d'avance sur lui. Il suffisait qu'il regarde son téléphone pour s'en rendre compte. Il avait l'impression d'avoir fait un bond dans le futur. La technologie ne l'avait pas attendue pour faire ses preuves. Il pouvait déjà sentir ses clients qui lui avaient tourné le dos, revenir en rampant devant lui pour implorer son pardon. Il serra les mâchoires, dans cette pénombre silencieuse. Et dire qu'il devait sa liberté à cette adolescente...

- Klaus !

Il quitta ses pensées pour se concentrer sur Tyler Gyson, son ami et associé qui ne l'avait jamais laissé tomber depuis cinq ans. Il se tenait devant la porte de son bureau, le dévisageant comme s'il était victime d'une hallucination. Impassible, refusant de laisser transparaître la moindre émotion, Klaus se leva, laissant son ami d'enfance s'avancer jusqu'à lui.

- Quand j'ai regardé les informations je ne parvenait pas à y croire, dit-il dans un souffle en venant lui offrir une accolade.

- Moi non plus je n'y croyais plus.

Tyler l'examina de la tête aux pieds. Toujours impassible, Klaus reprit place dans son fauteuil.

- Tu m'as l'air en forme, commenta Tyler avec prudence.

Et pourtant, Klaus avait fait tellement de nuits blanche qu'il avait fini par ne plus les compter. De son pouce et son index il se frotta les yeux avec un soupir.

- Suffisamment en forme pour revenir dans la course, déclara-t-il gravement ; Parle, dis-moi tout ce que j'ai raté je veux tout les détails.

Tyler s'empressa de lui raconter la légère chute qu'avait subit son entreprise après qu'il soit jugé comme un meurtrier. Heureusement le gèle temporaire de l'entreprise avait suffit à garder une stabilité, notamment sur les investissements. Pensivement, Klaus écoutait Tyler d'une oreille distante, ne parvenant pas à oublier la raison de sa libération.

- Tu m'as l'air pensif, lui fit remarquer Tyler en se raclant la gorge ; Mon dieu quel idiot tu viens de sortir de cinq ans de prison, tu dois vouloir rester un peu en paix.

- En réalité, commença-t-il les yeux toujours fixés sur son bureau ; Je songeais à la fille qui a témoigné.

Tyler fronça des sourcils.

- Quelle fille ?

Klaus se leva pour fouler son bureau devant les baies vitrées.

- Le soir du meurtre, quand je suis entré dans la salle pour intervenir ; Il y avait une jeune fille cachée dans la pièce et je l'ai caché par crainte que ce fou la tue. J'ai renversé une table près de la console. Et c'est elle qui vient de témoigner.

Abasourdi Tyler secoua de la tête.

- Tu ne m'en avais jamais parlé.

- J'ai perdu sa trace dans le club après les coups de feu et la bagarre qui a éclaté, je pense qu'elle a réussi à s'enfuir à ce moment-là.

Klaus marqua une pause sourcils froncés.

- Jamais je n'aurais pensé qu'elle se manifesterait un jour...

- Tu souhaites la remercier ?

- Hélas elle a souhaité rester anonyme, mais je désire savoir certaines choses, murmura-t-il en se frottant sa longue barbe ; Tu sais que j'ai horreur de rester sans réponses.

Tyler ne broncha pas. Il se contenta de dégainer son téléphone dernier cri pour appeler ceux qui sauront l'aider dans ses recherches. Bien-sûr Klaus n'avait pas l'intention de rencontrer la jeune fille. Il acceptait sa décision de vouloir rester anonyme. C'était d'ailleurs honorable de sa part de ne pas profiter des caméras pour se faire connaître.

- Trouve-moi ce que tu peux sur cette fille, ordonna-t-il en se frottant la barbe.

- As-tu vu Daniela ? Osa demander Tyler.

À cette évocation, Klaus crispa ses mâchoires. Depuis sa dernière visite au parloir, Klaus avait vu en elle une femme qui aspirait à plus dans leur étrange relation...signe qu'elle ne le connaissait pas réellement. Mais lui la connaissait. Il avait sondé son cœur et ses pensées. Et si elle croyait qu'il allait faire d'elle sa fiancée tirée alors c'était mal le connaître. Son cœur...si tenté qu'il est un...ne fonctionnait et ne fonctionnerait jamais.

- Je n'ai pas la moindre envie de parler d'elle, dit-il au bout de ses réflexions.

Pour mettre un terme à cette conversion, Klaus consulta sa montre.

- Il se fait tard tu devrais rentrer, marmonna-t-il en se retournant pour regarder l'horizon s'estomper.

- Tu ne rentres pas ?

- Où ça ? Lança Klaus avec une pointe de sarcasme.

Il ne laissa guère le temps à Tyler de lui suggérer d'aller dans son appartement.

- Je n'ai pas l'intention de retourner dans mon appartement, dit-il en fixant l'horizon le regard sombre ; Je veux repartir de zéro, tout recommencer à commencer par changer d'appartement.

- As-tu besoin d'aide ?

- Aucune aide, merci, refusa-t-il d'une voix plus amène ; Contente-toi de me retrouver l'identité de la jeune fille.

Tyler acquiesça sans un mot et quitta son bureau le regard tendu. Il n'avait pas besoin de se servir d'une quelconque technique d'intimidation avec Tyler. C'était le seul à le connaître réellement. Ses forces, ses faiblesses et son passé qui lui avait appris à se méfier. Inspirant profondément il resta immobile, les pieds plantés dans le sol, mains dans les poches et passa un regard circulaire dans cette vaste pièce sombre qui lui avait tant manqué. Ce n'est qu'après de longues minutes à réfléchir qu'il décida de retirer sa veste puis déballer ses affaires qu'on lui avait remit en prison. Pas grand chose hélas... seulement ses dessins, des vêtements usés et le cahier bleu. En le sortant, Klaus esquissa un mince sourire et le reposa dans le carton qu'il poussa avec son pied sous son bureau comme si cette dernière chose n'avait plus aucune importance pour lui...

Il devait à présent se tourner vers l'avenir...

~

Meredyce pianotait sur son ordinateur après une nuit courte et difficile quand Betty débarqua en trombe dans son appartement en secouant dans sa main un magazine. Inutile de savoir ce qu'elle s'apprêtait à dire, il suffisait de regarder l'expression presque hystérique sur son visage pour connaître les raisons de sa venue.

- Un témoin capital sort monsieur Kreighton de prison après cinq ans de détention ! Lit-elle sans même regarder le magazine, comme si elle l'avait appris par cœur.

Le joues roses, Meredyce fit mine de ne pas s'y intéresser. Mais c'est sans compter sur la légendaire insistance de son amie qu'elle dut faire face à la tornade Betty et ses infos croustillantes.

- Le célèbre investisseur et patron de l'entreprise K&W s'est vu obtenir sa libération dans la journée d'hier après cinq ans passé sous silence avec pour seule défense, l'évocation d'une erreur judiciaire qui un jour ...avait-il promis " Ce paiera "

- Ça suffit Betty, murmura Meredyce lassée d'entendre partout le nom de cet homme.

- Quoi ? Tu ne veux pas entendre la suite.

- Très franchement non, avoua-t-elle en se grattant les cheveux furtivement ; Je te l'ai dit hier, je veux oublier cet homme et le passé pourquoi tu ne comprends pas que c'est si difficile pour moi ?

La mine contrite, Betty se pinça la lèvre alors qu'elle rassemblait ses affaires dans son sac pour rejoindre la bibliothèque.

- J'ai tendance à oublier Meredyce je suis désolé, dit-elle en lui souriant tristement ; Je suis une jeune étudiante en lettre qui n'aspire qu'à devenir riche et j'adore les potins.

Meredyce ne put lui en vouloir bien longtemps et lui sourit, incapable de résister plus longtemps.

- Oui mais n'oublie pas qu'il y a des personnes qui n'aspirent pas à la même chose, lui dit-elle gentiment en lui embrassant la joue.

Boudeuse, Betty quitta son appartement pour rejoindre le sien. Ce fut qu'après son départ que Meredyce reprit l'expression d'une jeune femme triste en quête d'une nouvelle vie.

~

- Je veux changer tout le décor de ce bureau, le moderniser, déclara Klaus en se passant une main furtive sur le visage en reniflant.

Klaus avait passé une nuit blanche allongé sur le canapé de son bureau les yeux rivés sur le plafond. Il avait réfléchi toute la nuit à une façon de moderniser son bureau et l'entreprise. Il avait consulté tout les comptes de la boîte, de ses clubs encore en activités, contacter un cadre publicitaire au aurore, chercher un nouvel endroit où vivre dans des tons aussi sombre que l'aura qui flottait tout autour de lui.

- Klaus, s'inquiète Tyler ; Tu viens de sortir de cinq ans de prison, tu es sûr que tu n'as pas besoin de repos.

- Le repos ne me mènera à rien, seulement à une perte totale de contrôle or je ne peux pas me le permettre j'en ai besoin.

Devant le calme olympique dont il avait fait preuve pour justifier son insatiable besoin de tout réformer, son ami ne broncha pas.

- J'ai ton anonyme.

Stupéfait, Klaus tourna sa tête vers lui.

- Si vite ?

Tyler hocha de la tête et baissa les rideaux en fer pour plonger la pièce dans l'obscurité.

- Tu es prêt ? S'informa Tyler en branchant un rétroprojecteur.

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