Chapitre 51
En parvenant à la grille de l'établissement, Meredyce repensait à sa première rencontre avec Tara. Celle-ci retranchée dans sa chambre, seule et incapable de relever la tête sans avoir peur. Quand la directrice la vit au loin, elle s'empressa de venir à sa rencontre. Évidemment, les grilles ne s'ouvriraient que quand cette dernière serait rassurée sur les raisons de sa visite.
- Edouardo ? Je pense que tu devrais rejoindre ta famille, conseilla Meredyce en quittant la voiture.
- J'ai reçu des ordres, lui rappela-t-il fermement.
- Et moi j'ai l'intention d'aller voir Tara et je pense rester là-bas une bonne partie de la journée, rétorqua-t-elle sur un ton qu'elle voulait catégorique ; Ici, je ne crains rien Edouardo, cet établissement est sécurisé et Klaus serait ravis de savoir que je suis ici
Loin d'être convaincu, Edouardo tapota ses doigts sur le volant.
- Va retrouve ta femme et ton fils, insista-t-elle en souriant ; Préviens seulement Klaus que je suis ici d'accord ?
- Si jamais tu me mens miss, je reviendrais personnellement te mettre une fessée, prévint-t-il sans la moindre trace d'humour.
Meredyce réprima un hoquet et continua de lui sourire comme si de rien n'était. C'est probablement Klaus qui lui mettrait la fessée. Mais elle n'avait pas l'intention d'obéir aujourd'hui.
- Je te souhaite tout le bonheur du monde Edouardo.
Meredyce récupéra sa valise et ferma la portière. Quand la voiture s'éloigna, Meredyce inspira imperceptiblement et se tourna vers la directrice. Celle-ci avait l'air heureuse de la revoir.
- Mademoiselle Farella c'est bien ça ?
- Oui, je suis venue rendre visite à Tara puis-je entrer ?
La directrice déverrouilla le petit portail sur le côté et s'écarta pour la laisser passer.
- Monsieur Kreighton n'est pas avec vous ? Demanda-t-elle en fronçant légèrement les sourcils.
- Il a été retardé par une affaire importante, il devrait arriver dans la soirée.
Meredyce ne s'attarda pas plus longtemps sur les détails. D'ailleurs elle n'en savait pas plus. Un silence profond suivit son explication. Marchant lentement côte à côte, la femme au tailleur impeccablement lissé se racla la gorge avant de déclarer ;
- A-t-il réfléchi pour Tara ? Demanda-t-elle d'une voix hésitante.
Eberluée, Meredyce cessa de marcher pour la confronter.
- Il ne vous a pas envoyé les papiers ? Demanda-t-elle étonnée.
- No..non, je n'ai rien reçu, dit-elle incrédule.
Meredyce jura entre ses dents. Klaus lui avait pourtant dis les avoir envoyé. La confiance, disait-il ? Meredyce secoua de la tête désespérément et confronta la directrice.
- Avez-vous parler avec Tara ? À propos du voyage ?
Celle-ci esquissa une grimace qui en disait long sur la réponse.
- Elle n'est pas très réceptive à mon discours, confia-t-elle tristement ; Mais je pense que si vous essayez...peut-être que....
Celle-ci n'acheva pas sa phrase. Laissant planer l'espoir. Évidement, Meredyce s'était promit d'essayer et elle le ferait.
- Où est-elle ?
- Dans sa chambre, répondit-elle comme une évidence.
Bien-sûr, songea-t-elle tristement. Sans plus attendre elle s'éloigna vers le corps de ferme et posa sa valise à l'entrée. Quelque chose l'empêchait de respirer. La présence de Klaus lui manquait. Son ventre son noua à mesure qu'elle avançait vers la chambre de Tara. Avant de pénétrer à l'intérieur, Meredyce s'admonesta au calme pour ne pas laisser son inquiétude se lire sur son visage.
- Bonjour Tara ! S'exclama-t-elle en lui souriant.
Les yeux dans le vague, allongée sur son lit médicalisé, Tara releva subitement la tête vers elle et une joie contenue passa sur son visage poupée.
- Meredyce...oh Meredyce !
Déjà, la belle et fragile Tara éclata en sanglots.
Ne perdant pas un instant, Meredyce combla l'espace qui les séparait et vint l'étreindre doucement. Elle tremblait dans ses bras. Sa silhouette était si frêle qu'elle craignait de la briser.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Klaus n'est pas avec toi ?
Refusant de céder aux larmes qui lui piquaient les yeux, Meredyce esquissa un sourire rassurant.
- Il avait des choses à régler à New-York, il devrait arriver dans la journée.
Meredyce s'installa sur le lit et dégagea un mèche noire de gaie sur son front.
- La directrice t'a parlé du voyage qu'elle prépare ?
Immédiatement, Tara baissa la tête pour la reposer sur l'oreiller. Ses yeux se perdirent encore dans le vague. Mais alors qu'elle pensait que Tara allait se plonger dans un profond silence, contre toute attente, celle-ci déclara ;
- Qu'est-ce que tu en penses ? Demanda-t-elle doucement.
Agréablement surprise qu'elle lui demande son avis, Meredyce lui prit la main.
- Je pense que c'est peut-être une bonne idée Tara, avoua-t-elle d'un murmure ; Ce voyage pourrait te permettre de voir autre chose que cette chambre.
Comme elle ne répondait rien, Meredyce garda le silence quelques secondes avant de reprendre.
- Tu sais, rien ne sera changé, poursuivit-elle en caressant ses cheveux ; Personne ne t'obligera à faire quoi que ce soit, tu pourras faire ce que tu veux sauf que le décor sera plus idyllique.
Tara soupira en calant sa tête contre son épaule.
- Et Klaus ? Qu'est-ce qu'il en pense ? Demanda-t-elle alors.
Meredyce prit le temps de réfléchir avant de répondre. Car si jamais Tara savait qu'il n'était pas d'accord et qu'il n'avait toujours pas signé les papiers Tara allait sans aucun doute se braquer et refuserait de partir.
- Il est inquiet je ne te le cache pas, avoua-t-elle sérieusement ; Mais il est confiant sur les résultats que pourraient apporter ce voyage pour ta guérison.
- J'ai peur Meredyce, murmura-t-elle d'une voix presque inaudible.
- C'est tout à fait compréhensible Tara. Mais songe aux belles choses que tu pourrais découvrir là-bas.
Leur discussion fut interrompue par une infirmière qui pénétrait dans la chambre avec un grand sourire radieux.
- C'est l'heure du déjeuner Tara, il faut que tu manges.
Le ton qu'avait employé l'infirmière signifiait qu'elle ne mangeait pas suffisamment. Meredyce attendit qu'elle s'en aille pour ajouter à sa longue liste d'arguments, le meilleur d'entre eux.
- Et la cuisine ne pourra pas être pire que celle-ci non ? Dit-elle sur un ton badin.
La jeune Tara mit son poing contre sa bouche pour cacher son sourire amusé. Pour Meredyce cette petite joie qu'elle perçut sur son visage était une petite victoire. Mais lorsqu'elle la vit prendre sa cuillère dans sa main pour y mettre une faible portion de purée, cette victoire prit un aspect amer. Son entrée volontairement poussée à l'extrémité du plateau, elle se concentrait uniquement sur le nombre de cuillère qu'elle mettait dans sa bouche. Chaque fois ses doigts se posaient sur ses lèvres comme si elle s'efforçait de les garder sceller pour ne pas recracher. Oui, Tara devait absolument sortir d'ici avant de dépérir pour de bon.
- Mon frère ne me laissera jamais partir même si j'acceptais.
- Fais-moi confiance, je vais trouver les arguments nécessaires pour qu'il accepte, assura-t-elle solennellement.
- Tu crois que je suis capable d'y arriver ? S'enquit-elle les yeux remplis d'espoirs.
- J'en suis persuadée Tara, affirma Meredyce avec un sourire affectueux ; Et puis si jamais tu voulais rentrer il te suffit d'en informer la directrice et elle te ramènera immédiatement.
Pour toute réponse, Tara abandonna son plateau et reposa sa tête contre son épaule comme si elle l'avait attendue toute sa vie. Une épaule sur laquelle s'appuyer.
Meredyce ferma les yeux en songeant à l'homme qu'elle aimait par-dessus tout et qui tardait à la rejoindre.
De plus en plus inquiète au fil des heures qui passaient, Meredyce ferma les yeux, priant pour que cette attente insoutenable soit différente de celle, qui lui avait annoncé la mort de son père.
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