Partie I
Note de l'auteure : référez-vous aux commentaires devant chaque paragraphe pour l'explication des termes japonais. Bonne lecture !
Depuis la baie vitrée de sa chambre, Haruna jeta un coup d'œil sur le village, où les lumières des magasins et des maisons s'agitaient comme des lucioles dans l'obscurité de la nuit. Le clair de la lune se reflétait à peine sur le monument de l'Hokage — une statue de la tête de Hashirama gravée sur un énorme rocher.
Plusieurs années s'étaient écoulées depuis la fondation de Konoha et depuis que son clan – jadis ennemi juré du clan Senju – s'était allié à celui-ci, mettant fin à une guerre qui avait duré des siècles.
Parfois, de sombres souvenirs lui revenaient à l'esprit. Souvenirs qui continuaient de la hanter. L'image de ses camarades à périr devant ses yeux pour une cause perdue. Absurde. Une jeunesse gaspillée. Les larmes de leurs proches qui pesaient sur ses épaules et les cris de leurs enfants affamés. Admettre que d'autres personnes – d'autres clans – subissaient cela sous ses mains, au nom des Uchiha, la tourmentait, la réveillait en sursaut, le front dégoulinant de sueurs.
Malgré la paix qui occupait ses journées désormais, sa mémoire demeurait vivante. Sa chair ne pouvait oublier la douleur du transpercement des sabres ; ni ses narines pouvaient-elles oublier l'odeur du sang et des viscères sur le champ de bataille. Ennemis et amis partageaient le même sort dans cette guerre où il n'y avait pas de gagnants ; seulement des cœurs brisés, des terres brûlées et des rêves inachevés. La chaîne de la haine compromettait la liberté de tout le monde. Un si long cauchemar duquel elle s'était réveillée et qu'elle refusait de voir se reproduire.
Qui aurait cru que son amour pour les siens s'affirmerait plus fort que la rancœur qui la rongeait ? Elle avait tellement changé depuis, au point où elle ne comprenait même plus pourquoi elle tenait tant à être une commandante dans l'armée. Une compétition acharnée. Son obstination vis-à-vis de Madara lui paraissait ridicule à présent. Néanmoins, elle pensait avoir fait le bon choix, le jour où elle avait décidé de tourner le dos à son cousin et de croire en celui qui était alors son ennemi ; l'imbattable chef des Senju.
Ce jour-là, elle avait franchi le premier pas vers son indépendance. La liberté de choisir. Elle avait su qu'elle ne pouvait plus espérer quoi que ce fût de Madara. L'ancien chef de son clan avait fini par quitter le village. Malgré sa position et sa puissance, il avait perdu l'influence sur les siens. Haruna ne se jugeait pas à l'abri de subir le même sort ; les Uchiha étaient durs à cuire, et leur mécontentement était sans égal, mais elle était une Uchiha — elle aussi, et c'était pourquoi, elle ne baissait jamais les bras. Elle continuerait à se battre pour la gloire de son clan jusqu'à rendre l'âme, tout comme elle l'avait toujours fait — de manière différente désormais.
Cette paix représentait pour elle l'épanouissement de ses confrères et ses consœurs. Elle signifiait que Kagami aurait une meilleure jeunesse que la sienne, qu'il grandirait en harmonie avec le monde. Elle la préserverait à tout prix.
Vêtue d'un yukata noir avec l'emblème de l'éventail uchiwa peint en rouge et en blanc sur le dos, elle parcourut les ruelles de son village, mouvementées le jour comme la nuit. C'était spectaculaire de voir tous ces gens qui – autrefois – vivaient isolés dans les domaines de leurs clans respectifs, enfermés sur eux-mêmes, se réunir dans un même endroit à discuter, à jouer, à rire, voire à s'engueuler sans s'entretuer...
Arrivant devant l'édifice de l'Hokage, elle leva la tête au ciel et remarqua la lumière du bureau de Tobirama. Elle se demanda s'il avait senti son chakra, mais chassa vite cette idée. Elle le trouverait sans doute plongé dans son travail, obsédé comme il l'était. Elle était reconnaissante pour tous ses efforts afin de préserver la stabilité du village. Elle admirait son dévouement ; bien que parfois, cela l'agaçait. Elle aimerait tellement passer plus de temps avec lui, à profiter d'autres choses que de discuter sur les progrès et les obstacles de leur village. Elle voulait voyager avec lui, visiter les plus beaux endroits et les plus prestigieux onsens ; non pas pour une mission, comme était toujours le cas, mais pour se détendre, se décontracter, s'aimer...
Elle frappa avec son index à la porte de son bureau. Une voix rauque l'invita à l'intérieur. Lorsqu'elle pénétra dans la pièce, son regard d'onyx tomba sur Hashirama — vêtu de sa cape rouge. Adossé contre le bureau, les bras croisés, le visage terne du Hokage s'illumina d'un sourire affable à sa vue.
— C'est toi, Haru ? Quel plaisir de te revoir ! Je disais tout à l'heure à Tobirama que Mito se réjouirait de votre visite. Passez dîner chez nous un de ces quatre.
— Le plaisir est partagé, Hokage-sama. Nous passerons certainement, n'est-ce pas, Tobirama ?
— Oui.
Le visage renfrogné, les mains croisées sous le menton, ses yeux aux iris cramoisis cernés ; Tobirama s'asseyait au bureau où des piles de papiers gisaient. Un mauvais pressentiment s'empara de Haruna. Qu'est-ce qui pourrait bien mettre son conjoint dans cet état ? Une chose autre que la fatigue se voyait dans son expression. Un mélange de colère et d'anxiété.
— Bon, moi, je me casse ! À demain, Tobirama ! dit Hashirama en se précipitant vers la porte.
— Il a l'air pressé, remarqua-t-elle.
— Il est angoissé, il ne veut pas le montrer devant toi.
Haruna se positionna derrière Tobirama, enlaça son cou et posa un baiser sur sa joue.
— Quelque chose de grave est arrivé ? demanda-t-elle d'un ton soucieux.
— Nous avons reçu des réponses de la part des autres villages, commença Tobirama d'un air sérieux.
— Et ?
Konoha organisait pour la première fois depuis sa fondation un examen international de promotion au niveau chuunin. L'idée appartenait à l'origine à Tobirama, mais son exécution était discutée à plusieurs occasions au sein du conseil du Pays du Feu, pour que finalement, il fût convenu que cela allait non seulement leur permettre d'apprécier les compétences de la génération naissante de shinobi des autres Nations Ninja, mais aussi contribuer à tisser des liens avec ces pays. De ce fait, des messagers avaient été envoyés à tous les Kage, les invitant à faire part de cet événement.
— Nous avons eu des réponses favorables pour la plupart.
— C'est génial, non ? J'ai hâte. Avec mon programme d'entraînement, les gamins des autres villages n'auront aucune chance face à mon équipe !
Tobirama esquissa un petit sourire face à l'excitation de sa bien-aimée et prit ses mains dans les siennes.
— Oui, mais...
— Mais ? répéta-t-elle, les lèvres affaissées.
— Madara est apparu à Iwa il y a quelques mois. Il a menacé des subordonnés du Tsuchikage au nom de Konoha, conclut-il, dégoûté.
— Qu'est-ce que tu racontes ? s'écria Haruna, furieuse. Ce Madara... pourquoi a-t-il fait ça ?
— Je ne sais pas, il fait l'intéressant ! Ce cinglé est capable de tout... je savais que ce n'était pas une bonne idée d'épargner sa vie.
Haruna soupira bruyamment, avec un goût amer dans la bouche. Elle pouvait imaginer le genre de discussion qui avait eu lieu entre son mari et son beau-frère. Le courant ne passait jamais entre Tobirama et Madara, et Hashirama se trouvait confus entre les deux. Le frère qui le soutenait toujours, qu'il aimait plus que tout au monde ; et l'ami qui avait un jour partagé le même rêve que lui. Elle le comprenait, bien qu'elle eût fait son choix depuis longtemps.
— En plus, il était contre l'idée de l'examen chuunin, marmonna-t-elle. S'il l'apprend, il va tenter de tout gâcher.
— Des shinobi du village d'Iwa se sont attaqués à nos shinobi, on risque une attaque du Pays de la Terre avant même que Madara ne tente quoi que ce soit. C'était peut-être ça son intention, l'enfoiré...
— Sont-ils revenus ? s'enquit-elle.
— Oui, heureusement, il n'y a pas eu de morts. Ils sont hospitalisés. Dès que nous avons reçu leur rapport, anija a envoyé Sasuke avec une lettre au Tsuchikage afin de clarifier la situation. Il tenait à s'entretenir avec lui, mais je ne l'ai pas laissé partir... Il est le Hokage, il ne devrait pas quitter le village comme ça. On ne sait jamais ce qu'ils complotent...
— Tobirama, l'interrompit-elle d'un ton doux. T'aurais dû me prévenir... je suis une Uchiha, c'est à moi de m'excuser du comportement de Madara. J'aurais dû y aller à la place de Sasuke.
— Tu n'y es pour rien, soupira-t-il en croisant les bras, énervé. Ne raconte pas n'importe quoi, tu n'es pas comme lui.
— N'empêche... je ne veux pas susciter de la haine envers mon clan, protesta-t-elle d'une voix chevrotante. Quand c'est Madara qui le fait, nous sommes tous pointés du doigt. Si jamais ce conflit avec Iwa s'aggrave, ce sera le Pays du Feu qui payera le prix et à ce moment-là...
Une larme coula le long de la joue de la jeune femme. Tobirama se leva de sa place et la serra dans ses bras.
— Nous les Uchiha serons accusés. Nous ne sommes pas innocents, j'en suis consciente, mais... c'est juste facile de nous haïr ! Et si jamais on perd notre place au sein du village, on cherchera à s'rebeller et la guerre reprendra cours. Si ça se trouve, Madara veut semer la zizanie entre nous... c'est ce qu'il voulait de toute façon. Quand il n'a pas été élu Hokage, il a voulu qu'on rompe l'alliance !
— Haru, dit-il en caressant sa chevelure de jais. Nous trouverons une solution. Nous ne laisserons pas les choses arriver à ce stade. Tu connais Madara mieux que moi et anija, tu peux prédire ses actions, et repérer n'importe quel mouvement suspect au sein de ton clan. De mon côté, je vais faire mon possible pour améliorer le système de détection du chakra au village. Avec les Yamanaka, on va optimiser les mesures de sécurité pour que l'examen se déroule dans les meilleures conditions. Et puis, anija parlera au Tsuchikage le plus tôt possible. Ce qui est arrivé est grave, mais mon frère a ce don de gagner la confiance des gens. Je suis obligé de rester dans le village actuellement, mais je veillerai à ce que ane-ue l'accompagne pour éviter qu'il balance des bêtises.
Haruna pouffa de rire contre l'épaule de son homme face à sa dernière remarque. Elle se libéra de son étreinte et essuya ses yeux humides.
En effet, elle connaissait mieux que quiconque ce pouvoir que possédait Hashirama. Après tout, il avait réussi à la convaincre d'accepter l'alliance. Elle, qui le maudissait, était étonnée de pouvoir faire confiance à un Senju et de tenir tête à Madara — qui était bien plus que son chef. Madara était son amour d'enfance. Elle l'aimait tellement que même lorsqu'elle voyait ses camarades dans l'armée lui tourner le dos, son cœur se déchirait.
Hashirama ne l'avait pas seulement convaincue, il lui avait permis de réfléchir d'elle-même. Elle avait l'impression de renaître. Elle ne se sentait pas sous l'emprise de quelqu'un ni se sentait-elle obligée de satisfaire autrui – Madara y compris – quand cela allait à l'encontre de sa volonté, de ses principes et de ses valeurs.
Ce désir de préserver la paix – de préserver le village de Konoha – émanait du fond de son âme. C'était sa pure volonté, qu'elle partageait avec l'Hokage, les autres shinobi de Konoha, dont beaucoup de ses confrères et consœurs Uchiha, et Tobirama. Cet homme qu'elle ne s'était jamais imaginée pouvoir aimer. Pourtant, elle l'aimait de plus en plus chaque jour.
— T'as raison, dit-elle d'un petit sourire. Je vais en parler à Fubuki. Il est le chef, il a plus d'influence que moi. Puis... de mon côté, je fais mon enquête. Il se peut que Madara communique avec quelqu'un du clan.
Tobirama s'adossa contre le bureau et tira Haruna vers lui. Elle plongea ses prunelles d'onyx dans les siennes et posa ses mains sur ses épaules.
— Je savais que je pouvais compter sur toi, dit-il en enlaçant sa taille.
— Toujours..., murmura-t-elle en dessinant avec son index les traits rouges sur ses joues et son menton.
Il inclina la tête et saisis sa lippe entre ses lèvres, qu'il mordilla langoureusement. Les doigts de la brune se faufilèrent dans la tignasse d'argent de son homme, approfondissant leur baiser.
Elle se perdait dans la sensation chatouillante de son souffle chaud et ses lèvres humides contre son cou, mais hélas, il s'arrêta d'un coup.
— Je suis épuisé, soupira-t-il, la tête posée sur sa poitrine. Chaque fois que je me dis que je dois cesser d'utiliser kage bunshin no jutsu pour gagner du temps, je continue à le faire quand même. J'ai l'impression que mon crâne va s'exploser à force de déchiffrer tous ces rapports.
Elle serra la tête du Senju contre ses seins et caressa son cuir chevelu. Il ferma les yeux, appréciant ce contact enivrant mêlé à son doux parfum de vanille.
— Tu t'attardes sur chaque détail, tu cherches à tout comprendre... voilà pourquoi. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose, mais si on venait à comparer les efforts que tu fournis, multipliés par tes clones, à tes quelques heures de sommeil... c'est tout à fait normal que tu finisses par t'épuiser, et tu seras moins productif par la suite. Quand il m'entraînait, mon père me disait que le repos faisait partie des entraînements. Pour pouvoir tout assimiler, notre cerveau et nos muscles ont besoin de se reposer.
— T'as raison. J'ai fini pour aujourd'hui, rentrons chez nous.
Elle souleva son menton avec tendresse, rencontrant ses yeux étirés, mi-clos, et embrassa ses fines lèvres.
— Et puis... ça fait un bail que je ne t'avais pas fait un massage, tu rentres toujours quand je suis endormie ! marmonna-t-elle. Ça te dit ?
— Oui, acquiesça-t-il, souriant. Mais d'abord, on mange un truc. Je crève de faim !
Note de l'auteure : l'attaque de Madara sur le village caché d'Iwa est tirée du chapitre 575 du manga. Le Sasuke dont Haruna et Tobirama parlent n'est pas l'ami de Naruto bien évidemment, il s'agit de Sasuke Sarutobi, le père de Hiruzen. D'ailleurs, Fugaku Uchiha a nommé son fils après lui. En plus, Sasuke est le prénom d'un ninja légendaire ayant réellement existé !
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