Le SouffleVent
Je tremble à présent de tout mon corps, comme le reste du petit groupe. Les cochons-d'inde se sont réfugiés dans la nuque de Zack et Maye-Lie, et poussent des couinements pitoyables. La hauteur deshaies m'oppresse et l'air me paraît lourd de menace...même le tintement des clochettes est devenu sinistre.
Soudain agacée de me laisser encore aller à la frayeur, je me secoue et fais quelques pas en avant.
- Bon, eh bien allons-y. On ne va pas rester planté là jusqu'à ce qu'il nous trouve tout seul.
Athénaïs acquiesce, se reprend lentement, puis entraîne Maye-Lie dans ma direction. Zack se remet en marche aussi et me rattrape rapidement.
Soulagée qu'on se remette en marche aussi vite, je prends la main que le garçon me tend pour qu'on reste groupé. Il marche en silence, les yeux plissés et le nez froncé, un peu comme sa sœur lorsqu'elle est énervée. On dirait un loup, me dis-je intérieurement.
Plusieurs intersections plus tard, une nouvelle bourrasque, beaucoup plus violente cette fois, mais plus courte, nous frappe de plein fouet. Ma capuche s'envole de nouveau, dévoilant mes oreilles.
Aussitôt, mon ouïe, qui jusque-là était brouillée par le voile de ma capuche, m'apprend qu'une énorme créature se déplace lentement vers nous. C'est l'une des particularités des elfes : nous avons l'ouïe très fine.
Je frémis en tentant de déterminer à quelle distance se trouve la chose. Plusieurs centaines de mètres. Si c'est elle qui produit un vent si violent à cette distance, qu'est-ce que ce sera lorsqu'on se trouvera face à elle...
- Le monstre n'est pas loin, j'apprends alors à mes amis.
- Comment le sais-tu ? Demande Athénaïs.
- Je l'ai entendu quand ma capuche s'est enlevée.
- Tu peux nous dire exactement où il est ? Demande-t-elle encore, intriguée.
Je me concentre sur le son qui se répercute entre les haies pour répondre à sa question. Le bruissement des feuilles et des cloches créent une piste sonore qui me permet de remonter facilement jusqu'à la source du bruit.
Là-bas.
- Il se trouve à notre droite, vers l'avant, je déclare en jetant un coup d'œil à Maye-Lie.
- Je pense que tu as raison, approuve-t-elle après avoir humé l'air. Dépêchons-nous avant qu'il ne nous coupe la route !
- Bonne idée, couine Le Disciple, resté silencieux jusque-là.
Nous nous remettons donc à courir et empruntons des sentiers étroits, de manière à contourner le monstre.
À quelques centaines de mètres de nous, au-dessus des haies, j'aperçois soudain une sorte de colline. D'étranges arbres y poussent, droits comme des i, et son sol paraît vaseux. Étonnement, elle n'est pas recouverte de neige, ni de lilas... Ça n'était pas là quand on est entré dans le labyrinthe, je réalise alors. D'ailleurs, on ne s'était pas enfoncé aussi profondément...mon petit doigt me dit que lui aussi, il est « magique ». Tout comme le reste de ce monde, j'imagine.
Soudain la colline bouge et un long mugissement se fait entendre, tellement puissant et tellement tonitruant, que le monde se met à tourner autour de moi. Je vacille, puis remets ma capuche pour atténuer le bruit.
- Il n'a pas l'air bien, constate Maye-Lie en se tournant vers le son.
- Ce n'est pas notre problème, lance Athénaïs. Regardez, voilà la sortie !
Elle pointe du doigt un sentier au bout duquel une partie du château est visible. Je pousse un soupire de soulagement.
- On ne peut pas le laisser, gémit Maye-Lie en se tournant vers son frère. Zack !
Ce dernier semble réfléchir un instant. Il n'a pas lâché ma main depuis que nous sommes repartis, et ça commence à me rendre mal à l'aise. Je me libère gentiment.
- Ok, dit-il finalement. Maye-Lie, ramène Le Messager et le Disciple au palais. Nous, on va voir ce qu'on peut faire.
- Ça me va, affirme Athénaïs.
Avant que Maye ne puisse protester, elle la pousse à la sortie du labyrinthe et Zack dépose le messager de la reine à côté de son disciple, sur l'épaule de sa sœur.
- À tout à l'heure ! Lancent les boules de poils.
Zack et Athénaïs reviennent finalement vers moi, puis nous nous élançons à nouveau à travers le labyrinthe. Je jette un coup d'œil derrière moi: Maye-Lie a l'air d'hésiter à nous suivre, mais repart finalement vers le château en rassurant les boules de poils. Je souris. C'est une perle, cette...
- Attention ! Râle Athénaïs en me tirant en arrière.
Je cligne des yeux, surprise. La colline est toute proche de nous, et le monstre aussi. J'entends vaguement son souffle malgré ma capuche. On a couru si vite que ça ?
- La créature doit être dans la colline, déclare Zack en fixant la bosse visqueuse qui se dresse à quelques haies de nous.
- À entendre cette chose, je pense qu'elle fait au moins la taille de la colline, je le contredis en me tapissant avec eux derrière un buisson.
On se crispe d'un même mouvement, en comprenant soudain.
- Hum, les gars, commence Athénaïs sans lâcher le monticule du regard. Je pense que le monstre est la colline.
Pas le temps de lui répondre, le monstre se rapproche de nous très vite. Vive comme l'éclair, Athénaïs se déplace sur le côté et me fais signe de me mettre de l'autre côté de la créature. Je m'exécute péniblement, car les mugissements du monstre me donne la migraine. Zack reste à sa place, sur le qui-vive, et scrute la chose. Athénaïs et moi faisons de même, afin de trouver un quelconque indice à propos du mal-être de la créature. Ici, pas d'arbres à clochettes, ce qui facilite nos déplacements : les buissons ont l'air repliés sur eux-mêmes. Je mets un moment à comprendre qu'en fait, c'est le nid du monstre...
- Coucou, chuchote une voix dans mon dos.
Je pousse un cri étouffé, me retourne brusquement et tombe nez-à-nez avec Maye-Lie.
- Qu'est-ce que tu fiche ici ? Je l'interroge en jetant un coup d'œil à Zack. Ton frère va me tuer !
- Je me rends utile, rétorque la jeune fille en s'installant à mes côtés. J'ai trouvé la tête du monstre. Elle est de l'autre côté, sous sa carapace. Et tu vois la chaîne, là-bas?
Je balaye l'endroit du regard et découvre des liens de métal à côté du monstre. Ils ne semblent accrochés nulle part, mais disparaissent sous la colline. Quelques gouttes écarlates tachent çà et là la neige autour d'elle.
-Il est attaché, poursuit Maye-Lie en chuchotant. Mais le collier qu'il a autour du cou le blesse. Je vais aller le libérer!
Sans attendre de réponse, elle se faufile sous la carapace de la créature et se glisse jusqu'à d'énormes rochers mousseux, qui semblent être ses pattes avant.
- Maye-Lie, reviens ! Tu vas te faire tuer ! Je lui lance depuis ma cachette.
Mais elle ne bouge pas d'un pouce et je me force à la rejoindre sur la pointe des pieds. Sauf que je me cogne contre la chaîne et fait un boucan du diable.
Intrigué, le monstre baisse la tête vers nous. Ses yeux ! Ils sont immenses ! Je recule dans la haie précipitamment alors que Maye-Lie s'approche de son museau.
- Salut toi, murmure-t-elle en cherchant comment enlever le collier. Tu as l'air bien amoché...
Son courage m'impressionne. On est minuscules, à côté de cet être ! Il lui suffirait d'un petit souffle pour nous envoyer valser. Mais la présence de la jeune sixième paraît étrangement l'apaiser. L'atmosphère devient plus légère.
Il se laisse faire.
Rassurée, je m'avance de nouveau vers eux et rejoins prudemment Maye-Lie sous le cou de la créature.
Mais alors qu'elle lui enlève son collier, un mouvement brusque le fait reculer.
- Maye-Lie!! crie Zack en débarquant devant le SouffleVent, paniqué.
- Lâche-la, sale bête ! Hurle Athénaïs, déjà prête à s'attaquer au monstre.
- Non, attendez !
A ce moment, tout s'accélère.
Le monstre recule encore, nous sommes à découvert. Puis il souffle, pousse un long cri. Stupéfait, Zack et Athénaïs se figent tandis que Maye-Lie essaye de rassurer l'animal.
Soudain, ses yeux s'écarquillent, et l'air se déplace violemment dans ma direction. Je n'ai pas le temps de m'écarter: une douleur brutale me frappe de plein fouet dans le dos, puis me projette en avant si fort que je ne sens même pas arriver l'impact avec le sol.
Le bruit s'éteint.
Tout devient noir.
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