Le garde
Durant mes deux jours de convalescence, le Gardien Des Secrets est une compagnie précieuse. J'apprends beaucoup de chose sur le monde d'Oniris, ses créatures et leurs pouvoirs ; par exemple, il n'y a pas de relation dominant-dominé entre les bipèdes et les quadrupèdes (comme nous l'avions deviné), et il existe deux sortes de pouvoirs dans ce monde : le pouvoir Intérieur, et le pouvoir Extérieur. Apparemment, le pouvoir Extérieur est un pouvoir directement visible, comme la magie des éléments. Mais le pouvoir Intérieur ne l'est pas toujours, c'est ce qui peut le rendre dangereux : parmi ces pouvoirs, il y a l'hypnose, la télékinésie, mais le magnétisme fait visiblement parti des pouvoirs Extérieurs. Grand-mère possède ce pouvoir de guérison : quand je me blesse ou que j'ai mal quelque part, il suffit qu'elle passe sa main dessus pour que la douleur s'en aille, même si ça ne guérit pas la blessure. Ce pouvoir-là, que je trouvais génial, je lui ai interdit de l'utiliser quand j'ai compris qu'en fait, il ne faisait pas disparaître la douleur, mais qu'il la déplaçait. Quand Grand-mère m'enlevait ma souffrance, c'est elle qui la subissait ensuite.
J'ai également appris que les arabesques étaient des éléments présents partout dans ce monde, mais le grimoire ne m'a pas dit pourquoi. Je sais simplement que plus il y a de la magie quelque part, plus il y a d'arabesques. C'est vraiment curieux.
Cependant, ayant déjà désobéi en interrogeant le livre sur la prophétie qui nous concerne, je n'ose plus l'interroger sur les événements passés, présents et futurs. Et toujours aucun signe du Messager...
Je dois trouver quelqu'un, me répète en boucle ma conscience depuis mon réveil, il y a deux jours.
- Bonjour, mademoiselle Boréale ! clame soudain une voix, me faisant sursauter.
C'est l'infirmière du palais, qui vient voir comment je me porte. Elle ne m'a rendu visite que deux fois : après l'aspiration dans la boule de cristal, et aujourd'hui (le reste du temps, ce sont les objets qui s'occupent de mes étirements tous seuls, ou bien des fées-lucioles). L'infirmière, petite fée radieuse aux ailes sulfureuses, glisse entre les rangées de lits puis s'arrête devant le mien, tout sourire.
- Bonjour, dis-je en me redressant. C'est l'heure des exercices ?
- Exactement, répond la fée en m'aidant à m'asseoir sur le bord du lit. Comment ça va, ce matin ?
- Très bien, je suis prête à rejoindre mes amis dans la cour d'armes! dis-je avec espoir.
Athénaïs, Maye-Lie et Zack, en attendant que je sois sur pied, s'entraînent à se défendre dans une petite cour du palais avec des soldats de la reine. Quand Maye-lie m'a raconté ça, j'ai senti un pic de jalousie me serrer le cœur et à présent, j'ai plus que hâte de sortir de l'infirmerie. Moi aussi, je voudrais être utile !
Après deux heures d'étirements et de postures plus saugrenues les unes que les autres, la jeune femme me laisse me rasseoir et s'empresse de remplir des papiers pour que je puisse sortir. J'attends sur mon lit, impatiente.
- Voilà, dit-elle en revenant avec des documents dans les mains. Sur cette ordonnance, il y a les activités que vous ne pouvez pas faire, ainsi que le baume dont vous avez besoin pour guérir complètement.
- Merci, dis-je en prenant la feuille. Je peux y aller, alors ?
J'ai hâte de retrouver mes vêtements. La blouse blanche, c'est drôle cinq minutes, mais pendant trois jours, c'est long.
- Oui, vous pouvez rejoindre vos compagnons. Ils doivent être dans la Grande Cour. En revanche, mademoiselle, il vous faudra porter ceci sous vos habits, me dit l'infirmière en me tentant un corset.
Je le regarde, réticente, puis finis par le prendre en me levant.
- Merci, je le mettrais...je marmonne avant de m'éloigner.
Les arabesques se moquent de moi, mais je n'y prête pas attention, trop heureuse de sortir de cet infirmerie beaucoup trop vide. Enfin, je vais pouvoir me rendre utile !
Mais alors que je file dans un grand couloir, je m'arrête, perdue. Je n'ai aucune idée d'où je suis dans le palais, et pour cause : lorsqu'on m'a amené à l'infirmerie, j'étais inconsciente. Et le chemin qu'à emprunté Zack pour aller sur le balcon était différent de celui-ci...Est-ce qu'il est possible que l'architecture du palais se modifie d'elle-même?
Confuse, je reprends ma marche plus lentement. C'est malin, j'ai l'air bête maintenant... Les arabesques des murs prennent un malin plaisir à se déformer pour imiter une image de moi peu flatteuse. Je me retourne, agacée par leur puérilité.
- Bon, ça suffit, maintenant ! Dis-je aux dessins. Vous ne pourriez pas m'indiquer la route, au lieu de vous moquer de moi !?
Elles me répondent par un visage doré tirant langue.
Tant pis. C'est bizarre : quand on est arrivé, l'endroit grouillait de rongeurs et de fées en tout genre, et là, personne.
Je finis quand même par croiser un garde, planté devant une petite porte en bois. C'est un elfe, à en juger par ses oreilles pointues. Il a d'étrange dessins noirs à peine visibles sur les joues...ce sont peut-être des tatouages. Peu importe.
- Excusez-moi...je commence en m'approchant timidement. Je cherche la Grande Cour...
Évidemment, il me regarde sous son casque comme si j'étais une arriérée. Sans rien dire, il se met en mouvement et s'éloigne lentement de la porte pour partir dans le couloir.
Comme je ne sais pas s'il me montre la route ou s'il s'éloigne juste de moi parce que je le dérange, je le suis. Nous longeons des jardins, puis des couloirs interminables, avant d'arriver devant une porte en chêne.
Le garde s'avance, puis l'ouvre en grand. Fleur et Selena Lhor sont en pleine discussions avec des gardes et mes amis sont occupés à s'entraîner avec des épées en bois dans une grande cour sableuse. Je les salue du haut de l'escalier en pierre sur lequel la porte s'est ouverte.
- Heu...bonjour...je lance, gênée.
Ils se tournent brusquement vers nous, surpris puis heureux.
- Aurore, heureuse de te revoir parmi nous ! S'exclame la reine tandis que Maye, Zack et Athénaïs me saluent d'un geste de la main.
D'abord soulagée, je remarque que les yeux de Maye-Lie et Athénaïs font des allers-retours entre le garde et moi sans rien dire. Moi qui m'attendais à des retrouvailles chaleureuses...
- Vous êtes de la même famille ? Finit par lancer Athénaïs.
- Non, pourquoi ?
Je me tourne vers le garde, intriguée, mais il a déjà disparu. Mes sourcils se haussent tous seuls : c'est décidément un étrange personnage.
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