Dans des tours d'ivoires
Il a paniqué.
J'ai eu beau essayé de lui expliquer clairement qu'on avait probablement changé de monde, il n'a rien voulu entendre et s'est pincé un million de fois pour se réveiller. Mais comme ça n'a pas marché, Zack a finit par se résigner, et nous nous sommes préparés à rencontrer cette fameuse reine, malgré l'absurdité de la situation.
Des vêtements ont été mit à disposition dans une grande armoire, afin de ne pas nous présenter devant la reine en pyjama. Une longue tunique sur le dos et des bottes d'hiver aux pieds, je sors de la chambre avec mon ami, qui grommelle dans son costume de cérémonie. Les boutons de manchettes s'amusent à se découdre pour qu'il les ramasse toutes les cinq minutes...
Conduit par Le Disciple, on arpente un immense palais marbré à travers de longs couloirs, qui mènent nulle part et partout à la fois. C'est fou comme ils ressemblent à ceux de ma maison...en bien plus grands. Les arabesques continuent de courir sur les murs, comme si elles nous suivaient, et une foule de rongeurs croise notre route dans ce méli-mélo de blancheur et de couleurs. Des lapins, des souris, des ratons-laveurs, des écureuils, des cochons-d'inde...tous portent des capes arborant une fleur dorée. Ce doit être le symbole de cet endroit.
Mais les rongeurs ne sont pas les seuls occupants du palais, ce qui fait s'effondrer la théorie du pays des cochons-d'inde ! Au début, je croyais que les petites boules de lumière qui flottent un peu partout étaient des lucioles, mais ce sont des fées (l'une d'entre elle m'a percuté, et elle était tellement gênée que la lueur qu'elle émettait est devenue rouge). Elles grondent les arabesques désobéissantes, s'occupent des nombreuses fleurs qui poussent dans les paniers suspendus, et nous saluent chaque fois qu'elles nous croisent, ce qui fait un sacré paquet de « bonjour » à répéter.
L'un des chemins que nous empruntons finit par nous mener sur les créneaux, ce qui écarte toute incertitude quant à l'idée que nous sommes dans un château. Et quel château !
- Ça, c'est un palais...siffle Zack en tournant le regard vers les immenses tours d'ivoire.
Émerveillés par le paysage, nous mettons du temps à arriver au lieu du rendez-vous. Malgré les grognements timides du Disciple, Zack et moi sommes obnubilés par les jardins fantastiques, peuplés d'un nombre incalculable d'animaux différents, et par la vallée qui s'étend au-delà. Les arbres sont couverts de neige et d'oiseaux blancs qui chantent dans le matin clair...Je crois qu'au bout de leurs branches, la glace forme des grelots qui tintent à chaque mouvement du vent, ce qui crée une très jolie mélodie. Le palais, lui, renvoie la lumière de la neige, accentuant la magie qu'il émet. Certains de ses occupants doivent être chargés de déblayer la neige de ses tours, parce qu'on peut voir les pointes roses percées de fenêtres qui les surplombent, malgré leur hauteur vertigineuse.
Plusieurs chemins plus tard, nous arrivons dans une grande salle située dans le donjon, dont on aperçoit à peine le sommet tant il est haut.
- Nous y sommes, murmure soudain Le Disciple, les pattes posées sur une immense porte en bois. Tenez-vous bien droit.
- J'ai une question, s'enquiert Zack tandis que le cochon-d'inde pousse les lourds battants. Pourquoi tout est immense alors que vous êtes...
Il ne finit pas sa phrase, et de toute façon, je n'aurai pas entendu la suite : la salle qui se trouve derrière la porte est immense, pour ne pas dire gigantesque ! Les arabesques, ici, ne sont pas des milliers, mais des millions, de toutes les formes, et sagement rangées sur leur coin de murs. Mais nous n'avons pas le temps de nous attarder sur les détails, car deux nouvelles personnes attirent particulièrement notre attention.
Deux êtres étincelants, dotés de magnifiques ailes colorées et fragiles. Autour d'elle volettent des dizaines de petits oiseaux mauves et argentés. Des fées.
- Bienvenue, élus, s'enquiert la première d'une voix douce. Nous vous attendions avec impatience. Vos compagnons devraient bientôt arrivés.
- Nos compagnons ? répète Zack, de plus en plus perplexe.
Les arabesques tressautent, choquées par le peu de respect dont fait preuve mon ami. À en juger par la couronne posée sur la chevelure rosée de celle qui vient de s'exprimer, ce doit être la reine. Je cherche son nom, persuadée de le connaître...elle fait partie des nombreux personnages qui peuplent les histoires de Grand-mère. Grand-mère...je me demande si elle sait où nous sommes, à présent.
Fée. Son prénom commence par un F, ça me revient...
La porte par laquelle nous sommes entrés grince soudain. Lentement, très lentement, deux nouvelles silhouettes se détachent sur l'encadrement.
Deux et demi, pardon. Je n'avais pas vu le cochon-d'inde qui les précède. Alors que les battants en bois se referment lourdement, la lumière nous permet de distinguer leurs visages.
Maye-Lie et sa sauveuse !
Les deux fées attendent en silence qu'elles s'avancent, impassibles.
Quant au visage caramel de Maye, il est éclairé par un émerveillement qui n'a d'égal que le renfermement de son amie.
La petite brune se jette sans retenu dans les bras de son frère, tandis que la blondinette lui lance un regard noir.
- Toi ici, quelle mauvaise surprise, gronde Zack en lui rendant la politesse.
- Tout le dégoût est pour moi, siffle la jeune fille, en passant devant lui.
Je la salue d'un signe de tête et elle esquisse un bref sourire.
- Bien, déclare la reine calmement. À présent que vous êtes tous réunis, je vous souhaite la bienvenue. Votre voyage s'est-il déroulé sans encombres ? demande-t-elle en coulant un regard en coin vers Le Disciple.
- Ils ne se sont même pas réveillés, majesté, s'exclame le rongeur, le museau baissé vers le sol humblement.
Maye-Lie et Athénaïs, qui n'ont pas encore rencontrées Le Disciple, regardent les cochons-d'inde avec la bouche grande ouverte.
- Vous parlez ?! S'exclame la petite sœur de Zack en s'accroupissant près des rongeurs, dos à nous. C'est géniale !
- Oh, oui, on parle, grommelle l'autre cochon-d'inde en lorgnant Le Disciple avec agacement. Surtout lui, là, vous pouvez être sûr qu'il parle. Beaucoup trop, même. Hum...Veuillez regagner votre place, je vous prie.
Je ris en voyant l'autre petit rongeur faire la moue et regarder son maître d'un air fâché, pendant que Maye-Lie revient vers nous d'un air penaud.
- Le Disciple dit vrai, nous ne nous sommes pas réveillés, j'approuve en souriant au cochon-d'inde, qui a confirmé ce que je pensais. Nous sommes à Oniris, n'est-ce pas ?
- Oniris ? Répète Maye-Lie sans comprendre.
- C'est un peu comme le pays des rêves, mais je pense qu'on est éveillé.
- C'est bien ça, confirme la reine. C'était le premier transit du Disciple. Tu peux être fier de toi, ajoute-t-elle à l'intention de la boule de poils.
- Ne vous en faites pas, Majesté, il ne se gêne pas pour le faire, grommelle le deuxième cochon-d'inde.
Et il se met à sermonner Le Disciple. La jeune femme fait un grand sourire éclatant et son nom me revint tout d'un coup.
Fleur.
- Ne le grondez pas, maître, dit-elle gentiment.
Elle se tourne à nouveau vers nous et reprend la parole :
- Vous avez l'air dérouté, remarque-t-elle. Et je le conçois bien, la plupart d'entre vous n'est jamais venus ici. Vous devez avoir beaucoup de questions. Mais avant d'y répondre, permettez-moi de vous inviter à prendre le thé.
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