Ce que tu es
Assise en tailleur sur mon lit au dortoir, j'écoute vaguement la conversation de Maye et Nana, plongée dans mes pensées. En fait, je suis en train d'évaluer lequel de mes problèmes est le plus important : Zack, Selena, ou le Gardien. Finalement, je décide d'aller régler celui qui me tient de plus à cœur.
- Tu vas où, Aube ? S'étonne Maye-Lie alors que je me lève pour aller toquer à la porte voisine.
- Oh...simplement discuter avec ton frère.
- En chemise de nuit ? Gronde Athénaïs, les cheveux déjà hérissées.
- Ça ne sera pas long...je la rassure en levant les yeux au ciel.
J'ignore le reste de leurs remarques et frappe doucement le panneau de bois. Mon ami m'invite à entrer, et, peu sûre de moi, je me faufile dans son dortoir vide.
- Comment as-tu su que c'était moi ? Je lui demande en m'asseyant à côté de lui sur le lit.
- En trois ans, j'ai appris à reconnaître ta façon de toquer, répond-t-il avec un vague sourire. De quoi as-tu besoin ?
Il refuse obstinément de se tourner vers moi mais je fais mine de ne pas le remarquer.
- Pourquoi est-ce que tu crois être un vampire ?
Mon ami ricane, l'air désabusé.
- S'il te plaît, regardes-moi bien...dit-il en regardant ses mains. Je brûle au soleil, j'ai les yeux rouges, je suis un oiseau de nuit...
- Oui, tu es Albinos. C'est normal.
- ...je suis froid comme la glace, mes sens sont plus développés que ceux d'un humain, mais moins que ceux d'un animal...
Il s'arrête et braque brusquement son regard incandescent vers moi, à l'intérieur duquel dansent les flammes du tourment.
- Que veux-tu que je sois d'autre qu'un vampire, toi ? Demande-t-il tristement.
- ...Donnes-moi ta main.
- Pardon?
- Ne discute pas, je m'agace en tendant la mienne. Tu comprendras.
Un peu réticent, il finit par poser sa paume contre la mienne.
Mon esprit fait le reste: le regard planté dans celui de Zack, j'efface le dortoir autour de nous et le plonge dans le monde psychique. Il pousse un cri, mais je le retiens de parler. À la place, je laisse gonfler les bulles de nos souvenirs tout autour de nous.
- Comment tu fais ça..? Murmure le garçon, les yeux posés sur notre premier souvenir commun.
- L'eau a de la mémoire, j'explique en prenant garde à ne pas lâcher sa main. C'est un dérivé de mon pouvoir.
Les rires et les pleurs de nos doubles, enfermés dans leurs bulles-souvenirs, ne me permettent pas de continuer.
Là, la bagarre pendant laquelle Zack et moi nous sommes rencontrés. Ici, le coup de vent et mon inadvertance qui ont conduit mon ami à découvrir mon identité. À gauche, la rencontre avec Maye-Lie, à droite, celle avec ma Grand-mère. Tout autour de nous, la fusion de nos trois mondes: le sien, le mien, et celui de Maye-Lie.
- Tu es tout ça, dis-je dans un souffle. Un ami, un frangin, un adolescent comme les autres, et aussi complètement différent.
Il ne répond pas, parti dans les souvenirs qu'il essaye de toucher.
- Tu peux être un vampire, un loup-garou, ou un humain, ça n'a pas d'importance. Avant d'être cela, tu es Zack Flayerteen.
Les souvenirs se dissipent, nous sommes aspirés en arrière et nous retournons finalement dans la chambre. Sa main, toujours dans la mienne, tremble légèrement.
- Merci, dit-il finalement en la lâchant.
Contente de moi, je lui sourie avant de retourner dans le dortoir des filles. Le feu de son regard c'est un peu calmé, et c'est avec apaisement que Zack me regarde fermer la porte.
- Alors? Demande aussitôt Maye-Lie, le visage à deux centimètres du mien.
Visiblement, elles écoutaient derrière la porte. Les deux cochons-d'inde, venus s'enquérir de notre bien-être, sont perchés sur mon lit, les oreilles tendues et le museau frémissant. Athénaïs, elle, est juste à côté de Maye, et me fixe sévèrement. Bref, ils guettent tous ma réaction.
Je soupire.
- Athénaïs, pourquoi tu lui as mis dans la tête que c'était un vampire...
- Moi? S'étonne-t-elle, fouillant dans sa mémoire. C'était une boutade parce qu'il m'énervait, c'est tout.
- Il l'a prise au sérieux, apparemment, dis-je en m'éloignant de la porte. On devrait faire attention, avec toute la pression de nous donne Sire D'Armenture, on est tous sous tension. La moindre contrariété...
- Attends, tu insinue que c'est de ma faute si ton mec a un sale caractère? S'énerve la blondinette, les cheveux déjà grésillant d'énergie électrique.
- Les filles, s'il vous plaît, intervient Maye-Lie. Il nous entend, là. Et en plus, c'est un débat creux: si mon frère était un vampire, je pense que je le saurais.
Elle s'assure que la porte est bien fermée, puis se dirige lentement vers sa mezzanine.
- On ferait mieux de se coucher, bâille la jeune fille. On a entraînement, demain.
- Elle a raison, tous au lit! S'exclame soudain Le Disciple en glissant de mon matelas. Je crois qu'Athénaïs sera soumise à de nouveaux tests contre sa phobie, demain.
- Sire D'Armenture a trouvé ce que c'était? S'étonne l'intéressée.
- Non, mais vous venez de confirmez que vous en avez une, rétorque le Messager.
Furieuse de s'être laissée piégée, Athénaïs se couche côté mur et ne nous adresse plus la parole. Je l'imite, soudain consciente de ma propre fatigue. Je n'ai même pas le temps d'entendre les cochons-d'inde partir avant de glisser dans le sommeil.
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