à bord du Voguant Express
Allons bon ! Un bateau qui vole, un train qui navigue, c'est quoi la suite ?
C'est un vieux modèle : tout en bois, il arbore une locomotive à vapeur qui, pourtant, crache non pas un panache de fumée noire, mais un nuage de poussière dorée, semblable à celle qui a formé l'Oiseau Bleu. Pendant que Fleur et Selena Lhor relèvent leurs jupons, prête à embarquer, le train se gare tranquillement, et nous sommes bien forcés de suivre la famille royale à l'intérieur.
- Bonsoir, Majesté, salue le contrôleur en se penchant presque jusqu'à toucher le sol avec son nez. Bienvenue à bord du Voguant Express ! Installez-vous, nous vous avons tout préparer.
C'est un étrange personnage... Il ressemble à un elfe, mais en plus petit. Les épaulettes et les boutons de son uniforme reflètent la lumière des lampe, et tandis qu'il nous observe derrière ses besicles, je scrute les wagons en retour. Compartiments fermés par des portes-fenêtres, porte-bagages au-dessus des banquettes...c'est drôlement chic. Il nous installe dans un compartiment voisin de celui de la reine, sa fille et les cochons-d'inde, la curiosité à peine dissimulée, mais pourtant silencieux.
- Si ces messieurs-dames souhaitent quelque chose, vous n'avez qu'à tirer sur le cordon, nous indique-t-il après une énième révérence. Nous espérons que vous apprécierez votre voyage.
Sur ce, il ferme la porte de notre compartiment et le train s'ébranle, reprenant son chemin au milieu du lac.
- Eh ben, je déclare pour briser le silence. Il s'en passe, des choses étranges, par ici !
- Moi, ce que je trouve bizarre, c'est qu'on nous sépare de la reine, répond Maye-Lie, assise sur la banquette en face de moi.
- Elles ont dû faire exprès pour pouvoir discuter loin des oreilles indiscrètes, rétorque Athénaïs, à côté de moi.
Elle inspecte la cabine, l'air suspicieux, et s'installe sur la banquette molletonné d'un air mal à l'aise.
- J'aime pas les traitements de faveurs, marmonne-t-elle. Je suis sûre qu'ils nous chouchoutent pour nous obliger à combattre dans leur camp.
- Tu es parano, Nana ! S'exclame Maye en riant. Ils sont supers gentils, c'est tout !
- Peut-être, mais si ça se trouve, ils nous auraient traité pareil à Akumu, grogne la blondinette, crispée par le rire de Maye-Lie.
Je penche la tête sur le côté, les yeux posés sur le paysage qui défile à la fenêtre.
- Qu'est-ce que tu en penses, Zack ? Je demande en me tournant finalement vers lui.
- J'en pense qu'il fait beaucoup trop chaud, dans ce train, marmonne-t-il en s'épongeant le front, le plus loin possible de sa soeur.
- Tu veux qu'on échange de place pour que tu sois à la fenêtre ? Demande-t-elle.
- Non, c'est bon.
Sur ce, il se roule en boule contre le dossier de la banquette et ferme les yeux pour dormir. Les filles l'imitent bientôt, après un dernier regard suspicieux de la part d'Athénaïs. Elle me lance un regard insistant, l'air de dire ''au moindre problème, tu me réveilles, et je lui fais sa fête'', et je lui réponds par un sourire gêné.
Les heures s'écoulent tranquillement, de même que le paysage. Incommodée par mon mal de dos, je ne trouve pas de position confortable, et, incapable de dormir alors que je suis épuisée, je me mets à grogner à voix basse. Athénaïs et Zack se réveillent, agacés.
- Arrêtes de bouger, tu m'empêche de dormir, marmonne la première d'une voix rauque.
- Désolée.
Une nouvelle décharge de douleur m'arrache une grimace lorsque je m'écarte d'elle pour lui laisser plus de place. Elle se rendort doucement, mais Zack, lui, n'y parvient pas. Il se redresse un peu, mal réveillé.
- C'est ton dos qui te fait mal ?
J'acquiesce avec un sourire contrit. À côté de lui, Maye-Lie dort, bercée par le ronronnement du train. Elle est appuyée contre la vitre, de façon à ne pas se faire mal au bras, et ronfle tout bas. À force de la voir côtoyer des gens plus âgés qu'elle, j'en ai presque oublié qu'elle n'a que onze ans...
- Enlève ton corsage...
- Pardon ? Je m'exclame à voix basse, regardant à nouveau son frère.
- Ton corsage, répète-t-il en bâillant, le truc qui tient ton dos. Tu devrais l'enlever pour avoir moins mal.
- Mon corset, Zack, je soupire.
Il hausse les épaules puis se rendort presque aussitôt, me laissant considérer sa proposition. C'est vrai que j'aurai peut-être moinsmal...j'enlève donc le corset discrètement, en essayant de ne réveiller personne, mais soudain un des à-coups du train -je ne savais même pas que c'était possible sur l'eau- fait glisser Athénaïs et sa tête atterrie sur mon épaule.
La voilà qui se cale un peu mieux, histoire d'être plus confortablement installée. Je la laisse faire : c'est la première fois qu'elle se montre détendue avec quelqu'un d'autre que Maye-Lie, et ça ne me dérange pas. En revanche, je comprends que son sommeil n'est qu'une illusion en croisant la lueur bleu électrique qui filtre doucement entre ses paupières. Ses longs cils ne parviennent pas à dissimuler la tension qui l'anime, tandis que je me laisse glisser dans le sommeil, complètement épuisée.
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