2. SAKURA
Kiri. Décembre 2017.
1.
C'est fini. Nous ne sommes plus. Je quitte le tribunal, les larmes aux yeux, et me presse de regagner ma voiture. Une fois en route vers la maison qui nous a servi de toit, de foyer, de nid durant les quatre dernières années, mes joues s'assèchent sous l'effet de l'air glacial. Je ne veux pas paraitre faible devant Ayako, j'esquisse donc un sourire.
Comment lui expliquer le pourquoi du comment de notre séparation quand moi-même je l'ignore ? Une voix au fond de moi me félicite d'avoir pris la bonne décision. Oui, je ne peux pas nous condamner à vivre ensemble quand je sais pertinemment que c'est avec elle qu'il désire être... Ma fierté ne me le permet pas. J'ai beau étouffer le cri de mon intuition, je ne peux plus mentir à moi-même. C'est logique, mais est-ce raisonnable ?
Cet appartement me parait encore plus sombre, plus froid que l'extérieur. Une boule se forme au creux de ma gorge. Ayako me pardonnera-t-elle un jour ? Je ne sais pas, je n'ai pas envie d'y penser, je veux juste m'endormir. Je laisse les draps blancs m'envouter. Peut-être qu'en rouvrant les yeux, la confusion qui me ronge ne serait plus là...
Konoha. Août 2009.
2.
Sous les feux d'artifice qui ornent le ciel étoilé, célébrant son vingt-et-unième anniversaire, Temari rit aux éclats. Elle semble heureuse, entourée par les gens qui bondent cette terrasse ; ses frères, ses amis, son amoureux, ses collègues. Elle embrasse la joue de Shikamaru, y laissant l'empreinte de son rouge à lèvres flamboyant. Je souris face à l'attitude ennuyée de mon camarade qui tente tant bien que mal de dissimuler sa gêne derrière une cigarette qu'il n'ose pas allumer.
— Sakura ! Viens danser avec nous !
Ino m'invite par un geste de la main, mais clouée sur ma chaise au bar, je lui montre mes talons en haussant les épaules.
— Je ne me sens pas à l'aise, dis-je d'un air navré.
Un mensonge qui comporte une part de vérité. Je suis mal dans ma peau. J'aimerais mieux me retrouver dans ma chambre, immergée dans une romance ou une fantasy. La chanson qui anime la fête me rend malade, je suis lasse de l'écouter partout. Mes pensées contredisent les paroles et j'ai un mauvais pressentiment.
I got a feeling
That tonight's gonna be a good night
That tonight's gonna be a good night
That tonight's gonna be a good, good night
— Salut !
Je tourne vers la gauche, un jeune homme me sourit, un beau blond, au teint hâlé et aux yeux aussi bleus qu'un ciel d'été. Ma main se crispe sur ma tasse et ma voix intérieure me crie de m'enfouir, mais ma bouche est plus rapide à répondre à son appel sympathique.
— Hé !
— Je ne t'ai jamais vue auparavant, t'habites pas loin d'ici ?
Je lâche un faible rire nerveux.
— Je suppose que tu connais tout le monde ici.
— Hum, non... mais Konoha est une petite ville, une beauté aussi unique que la tienne ne peut pas passer inaperçue.
Ce compliment me tord l'estomac. Encore quelqu'un qui ne considère que mon physique...
— Je vois.
— Tu viens donc d'arriver à Konoha ? Ça ne te dérange pas que je te tienne compagnie ou que je te fasse visiter les lieux ? Tu m'as l'air de t'ennuyer toute seule.
Ou pas. C'est dingue comment un parfait étranger peut remarquer ce que mes proches ne daignent pas apercevoir.
— Non... en fait, je suis là pour passer les vacances... avec des amis, je ne suis pas seule.
Parviendra-t-il à voir au-delà de mon faux sourire ?
— Je vois, bonne soirée dans ce cas... et bienvenue à Konoha !
Non... Il se lève, me gratifie d'un sourire charmeur – à la limite de la débilité – et s'apprête à partir. Mon cœur rate un battement. Le temps s'arrête une fraction de seconde.
— Attends !
Je me relève à mon tour et ajuste nerveusement ma robe moulante.
— J'voudrais bien visiter la ville !
3.
En parcourant les ruelles de Konoha, Naruto et moi parlons de nous-mêmes, de nos centres d'intérêt et de nos occupations dans la vie, et bien que je déteste me confier aux autres, je ne ressens aucune gêne en ce moment. Est-ce parce qu'il s'agit d'un parfait étranger ou est-ce la bienveillance qui émane de lui qui me met à l'aise ? Je n'en sais rien. Tout ce que je sais est que mes mauvais pressentiments se sont estompés.
Nous nous arrêtons dans un bistro qui dégage un air nostalgique. Quelques amoureux s'échangent des regards tendres sous les lanternes flamboyantes, enchantés par le jeu d'un violoniste passionné.
— Le baiser de réconciliation des deux protagonistes d'Un Amour Paradisiaque a lieu ici.
— Incroyable ! m'exclamé-je. J'adore ce roman, j'ai l'impression de vivre entre ses pages. Monsieur Jiraiya était vraiment un excellent auteur, j'aurais tellement aimé le rencontrer. Dommage qu'il soit mort, j'attendais la sortie de ses livres avec impatience. J'ai du mal à y croire...
Le sourire de Naruto s'efface et un voile de tristesse couvre ses yeux pétillants.
— Dis, lequel est ton roman préféré ?
Il lâche un petit rire nerveux et prend une gorgée de son verre.
— Je n'ai jamais réussi à passer outre le tiers de ses romans, ça n'a jamais été mon truc de toute façon, je préfère les BD.
— Oh, vraiment ? Ça m'étonnerait que tu saches autant de détails sur lui et ses livres.
— C'est... c'était mon parent adoptif. Il m'parlait souvent de ses personnages, je connais ses sources d'inspiration.
Ses mots restent suspendus dans un laps de temps où sa tristesse prend tout un sens dans mon esprit.
— J'en suis navrée, mais je pense que tu avais de la chance de l'avoir. Tu sais, mon père rêvait d'être écrivain, mais il a toujours eu affaire au rejet des maisons d'édition. Au final, il s'est contenté d'être journaliste. Il ne m'a jamais parlé de ses récits, j'aurais aimé les lire. Il m'a interdit de poursuivre le même rêve que lui, il a dit que je devais opter pour un travail plus rentable et plus sûr.
— Moi, je pense que t'as de la chance d'avoir un père qui se soucie de ton avenir. Certains s'en fichent de l'existence même de leur progéniture.
Encore une fois, ses mots me percutent et le silence s'installe entre nous deux. Combien de fois ai-je souhaité vivre aussi loin que possible de mes parents ? Ou qu'ils cessent de se mêler de ma vie, de mes choix personnels ? Il m'est arrivé de vouloir être orpheline, seule et libre dans ce monde. Je n'ose pas le dire à haute voix, il ne me comprendra jamais. Je ne veux pas paraitre insensible...
— En fait, j'ai une copie signée par Jiraiya si ça t'intéresse ! dit-il d'un ton chaleureux.
— Tu plaisantes ? Bien que sûr que oui !
4.
Naruto me révèle des secrets sur Jiraiya ; son côté séducteur et ses mésaventures avec la gent féminine. Un fou rire s'empare de lui alors que nous montons les escaliers vers son appartement.
— Tu m'étonnes ! Je ne l'imaginais pas ainsi, mais il est vrai que je ne le connais qu'à travers ses quelques interviews et ses livres.
— Je t'assure que je n'invente rien !
— Et toi donc ?
Il ouvre la porte et m'invite à l'intérieur. Dès que les lumières s'allument, mon attention s'attire par l'état bordélique des lieux : on dirait qu'un camion de nouilles avait vomi dans le salon, du linge propre sur le canapé n'attend plus qu'à être rangé, des chaussettes éparpillées par terre le supplient d'être ramassées. Mon analyse se coupe lorsque son regard azur croise le mien, une envie irrésistible de l'embrasser me parcourt tel un frisson. Je m'agenouille et ôte mes escarpins.
— Je crois que tu devrais sérieusement penser à faire le ménage ! dis-je d'un air enjoué qui ne suffit pas à cacher la nervosité que dévoile mon bégaiement.
— Ne t'en fais pas, la femme de ménage passera demain ou après-demain.
Je hausse les épaules.
— Mais quand bien même..., dis-je en feuilletant les ouvrages dans sa bibliothèque. Y'a aucun mal à le faire soi-même !
Je sursaute en sentant son souffle près de mon oreille. Il tire un livre broché à la couverture verte que je reconnais sur le coup, le dernier roman de Jiraiya, les Tactiques de la Drague.
— Merci !
— Es-tu vraiment célibataire ?
— Pourquoi mentirais-je à ce sujet ?
Il remue ses lèvres.
— J'sais pas... T'es trop belle pour que ce soit vrai.
— Oh, s'il te plait, dis-moi quelque chose que je ne sais pas déjà !
Il éclate de rire.
— Tu n'aimes pas qu'on te complimente sur ta beauté.
— Non.
— Pourquoi ?
Le tableau que Sai a peint de moi et a publié sans mon consentement me revient à l'esprit. Connard. Que représentait ma beauté physique pour lui ? Un autre moyen pour gagner quelques sous. Cette conclusion me blesse au plus profond de mon âme.
— Mon ex m'a dit un jour que c'était mon seul atout, la seule raison qu'il soit resté avec moi. Ça me dégoute... il m'écœure... la façon dont il me regardait, dont il me manipulait... en vrai, c'est moi qui ne voudrais plus le revoir ou entendre son nom. Il a même osé draguer mon amie !
Je me tais d'un coup, réalisant la colère qui aveugle mon bon sens. J'ai dit plus que j'en avais l'intention et c'est mauvais signe. Je lâche un faible soupir et remplis mes poumons d'air.
— Sakura...
Il effleure ma joue d'une mine songeuse. Mes poils se hérissent en réponse à sa voix grave. Mon cœur bat la chamade. Je ne peux plus éloigner mes yeux des siens. Il m'hypnotise.
— Ne laisse pas l'avis des autres influencer ta propre opinion sur toi-même.
— Oui..., balbutié-je.
Comme attiré par un aimant, mon front se colle au sien. Nos lèvres se cherchent, se scellent et se séparent.
— Je pense..., murmure-t-il contre mon nez. Que tu devrais rentrer chez toi.
— Je...
Je n'en ai pas envie ! Hors de question que l'on me prive de cette euphorie qui m'enveloppe.
— Je ne veux pas que l'on fasse quelque chose que tu regretteras demain matin.
— Tu ne me manipules pas, si c'est ce que tu crois !
Pourquoi ? Pourquoi suis-je aussi faible ? Je pose une main tremblante sur sa joue et l'embrasse, un baiser auquel il répond avec ardeur.
— J'en ai envie... moi aussi.
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