Chapitre 8 - Partie 5 - Confrontation

« Tu ne la renvoies pas, Allie, après la façon avec laquelle elle t'a traitée ce matin ?

— Non, ces petites querelles n'ont aucune raison de m'atteindre, » réfuta Alysea en esquissant un grand sourire.

Mi-surpris, mi-amusé par cette réponse, Luke n'en ajouta pas davantage, et nous commençâmes à commander nos plats. Fidèle à ma tradition, je pris un thé glacé et j'y joignis une spécialité de l'île que je n'avais pas encore goûtée. Le début du repas se déroula normalement, je ne prononçai pas un mot, personne ne m'adressa la parole – bref tout allait bien, même si la compagnie de Sophy me manquait un peu –.

***

Puis vint le dessert et tout devint soudainement plus animé : et ce fut bien entendu Bella qui lança l'altercation. Juste après que le dessert fut servi – des sorbets étaient au programme –, celle-ci déclara hautainement, suffisamment fort pour que je l'entende alors que j'étais à l'autre bout de la pièce :

« Quelqu'un a autre chose que "pêche" ?! »

Je mis presque cinq secondes avant de comprendre qu'elle parlait du parfum de son sorbet, comme la plupart de l'assemblée il me semblait. Car il fallut également cinq secondes avant qu'un stagiaire assis non loin de Bella ne déclare avec une grande admiration – et soumission – :

« J'ai chocolat si vous voulez, Mlle Hantial. »

Bella lui adressa un regard étonné, avant de hausser les épaules et répondre insolemment :

« Pourquoi pas ? »

Tout content, le stagiaire poussa alors sa coupe vers Bella et ce fut à cet instant qu'Elioth commenta froidement, son regard rivé sur son téléphone :

« Pour 100 grammes : pêche, 130 kcal et chocolat, 219 kcal. »

Bella tressaillit en entendant ces paroles, avant d'adresser un regard dégoûté au stagiaire qui lui avait proposé son dessert, tandis que Sophy plaquait subitement sa main sur sa bouche pour s'empêcher d'éclater de rire ouvertement.

« La nourriture est vraiment médiocre ici ; je m'attendais à mieux. »

Je sentis Alysea se raidir à ma droite, et ce fut trop pour Veronica qui bondit de sa chaise, plaqua violemment ses mains sur la table et s'écria :

« VOUS ME SOÛLEZ ! »

Sophy, assise juste à côté d'elle, eut un mouvement de recul mais cela n'empêcha pas Veronica de poursuivre avec véhémence sans faire preuve de la moindre courtoisie :

« Vous n'êtes pas la bienvenue ici ! Vous n'êtes qu'un imposteur qui se croit tout permis ! C'en est assez, dégagez ! Ceci est la place d'Evyna : vous n'êtes pas la stagiaire d'Elioth, alors partez ! »

Bella redressa lentement ses yeux surmaquillés en direction de la jeune femme aux cheveux bleus et riposta sèchement :

« Pour qui te crois-tu sérieusement, petite gamine ? As-tu seulement conscience à qui tu t'adresses ?

— Oui ! hurla Veronica. Vous êtes une peste qui doit dégager d'ici !

— VERO ! »

Alysea venait de se lever, elle jeta un regard furibond à l'idole frénétique qui répliqua avec haine :

« Allie ! Pourquoi tu t'opposes à moi ?! Tu penses la même chose, alors dis-le lui en face au lieu de trouver des compromis ! Mlle Hantial, vous n'avez PAS votre place ici !

— Il semble que cet avis ne soit pas partagé par tous, » fit remarquer finement l'interpellée, en dévisageant avec impertinence ses longs ongles sûrement recouverts d'un vernis violet aubergine.

Le visage de Veronica vira au cramoisi et elle lâcha seulement :

« Tu le regretteras un jour, Allie. »

Elle fit volte-face et quitta le restaurant précipitamment, laissant son sorbet – à la myrtille, au passage – inachevé. Quelques secondes s'écoulèrent dans le plus grand silence, jusqu'à ce que Bella ne reprenne la parole :

« J'imagine que l'on me doit des excuses. »

Je vis les poings d'Alysea se contracter et Elioth choisit cet instant pour se lever. Faisant face à l'actrice, il s'inclina tout en déclarant :

« Veuillez m'excuser, Mlle Hantial. »

Et il quitta le restaurant, devant les yeux hébétés de Bella. Je vis Sophy enfourner un gros morceau de sorbet dans sa bouche pour s'empêcher de nouveau d'éclater de rire et je devais avouer que la répartie d'Elioth, accompagnée de l'air déconfit de Bella, avait été amusante. Alysea choisit alors cet instant pour se rasseoir et je vis qu'elle abordait elle aussi une expression mi-amusée, mi-triomphante, bien qu'elle tentât de la cacher.

Et il ne fallut pas attendre longtemps pour que Bella quitte l'endroit et lorsqu'elle fut partie, Sophy déclara avec amusement en regardant les trois places vides autour d'elle :

« Je crois que j'ai mangé trop d'ail, ils sont tous partis... »

L'assemblée ria de bon cœur et je me surpris même à sourire, malgré la situation... Pourtant, je finis par me lever – après avoir fini mon sorbet tout de même, pas de gâchis – et je quittai le restaurant. J'ignorais pourquoi j'allais faire cela, mais je m'en sentais obligée...

Je retrouvai Veronica au gymnase, dans une salle de boxe ; elle était en train de frapper avec vigueur un petit sac de sable et au moment où elle m'aperçut, elle frappa encore plus fort dans l'objet qui se décrocha de son support pour valser à l'autre bout de la pièce.

« Que voulez-vous... Evyna ? » murmura Veronica d'une voix hachée.

La jeune idole s'efforçait de reprendre son souffle et je réfléchis quelques instants avant de répondre :

« Je voulais savoir comment vous alliez, simplement.

— Je suis en pleine forme, vous le pouvez le constater par vous-même. Je ne me suis jamais sentie aussi vivante que maintenant. »

Je m'apprêtai à répondre, mais elle ne m'en laissa pas le temps, poursuivant :

« Comment vous faites pour la supporter, franchement ?! Après tout ce qu'elle vous a fait ?! Même moi, à qui elle n'a rien fait subir personnellement, je n'arrive pas à rester calme ! »

Merci, Sophy, de raconter à tout va les aléas de ma vie personnelle...

« J'ai fini par comprendre qu'elle ne valait pas la peine que je m'énerve contre elle. Elle ne mérite pas un tel honneur : et puis, nous vivons dans des mondes totalement différents, si bien que je ne la vois pratiquement jamais... Cela aide sûrement...

— Je ne sais pas comment vous faites... répéta Veronica. Elle vous a volé votre place, votre mentor, et vous n'avez pas réagi ! D'ailleurs, même Allie n'a pas réagi... elle me dégoûte !

— Bella ne mérite pas qu'on lui porte de l'attention.

— Vous avez peut-être raison, Evyna. Mais je n'y peux rien : c'est plus fort que moi... Depuis que Sophy m'a raconté ce qu'elle vous avait fait, à votre frère et vous, je ne peux pas m'empêcher de vouloir la maudire pour le restant de ses jours à chaque fois que je la vois. Enfin... j'imagine que je devrais me calmer... si je m'emporte pour quelque chose qui ne me concerne pas... Qu'adviendra-t-il quand quelque chose me concernera ? »

Elle laissa échapper un rire nerveux et j'eus l'impression de me retrouver face à Sophy. Ma meilleure amie aurait tenu ce même genre de discours, elle aurait ri de la même façon, pour évacuer sa colère...

« D'ailleurs, que s'est-il passé après mon départ ? enchaîna Veronica. Quelqu'un a osé lui rabattre son clapet ou ils sont restés lâches ?

— Disons plutôt qu'elle s'est auto-condamnée, souris-je. Elle a voulu recevoir des excuses et Elioth a présenté ses excuses car il partait. »

Veronica éclata de rire et elle s'exclama avec un grand sourire dessiné sur son visage juvénile :

« Bien fait ! Enfin, Elioth, tu as fait quelque chose d'utile ! Je n'y croyais pas ; depuis le début du dîner, il restait silencieux, il la laissait parler, lui adresser des louanges totalement hypocrites... Je ne comprends pas comment il a pu patienter autant... Mais bon, tous n'ont pas le même seuil de tolérance que moi ! Après tout, il faut dire que le mien est particulièrement bas ! »

Elle avait entièrement retrouvé sa bonne humeur – j'aurais vraiment cru que je m'adressais à Sophy – et elle proposa, à ma plus grande surprise :

« Et si nous chantions pour fêter notre petite victoire sur cette peste ? »

Mais pourquoi fallait-il toujours chanter avec eux ?! Pourtant, je n'avais pas vraiment le choix si je ne voulais pas contrarier l'idole frénétique. J'approuvai alors d'un geste de la tête et elle s'exclama en me tendant la main :

« C'est parti sur Faille ! »

J'hésitai un instant avant de saisir sa main et elle commença de sa voix aiguë encore enfantine, si proche de celle de Sophy, sa chanson, m'entraînant au passage sur le terrain de boxe désormais transformé en piste de danse...

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