Chapitre 7 - Partie 2 - Havre

Je sortis alors mon téléphone portable de mon sac – à la réflexion, j'aurais sûrement mieux fait de m'en abstenir de profiter du calme du jardin –, et je vis alors que j'avais reçu un mail de M. Blairs. Que me voulait-il encore ? Je poussai un soupir, avant de finalement ouvrir ma boîte mail – de toute façon, ça m'aurait trotté dans l'esprit toute journée alors autant le faire dès maintenant –, et je poussai un cri de stupeur en lisant l'objet du message : "J'ignorais que mes employés avaient des talents cachés.". Qu'allait-il donc encore me tomber sur la figure ?

***

« Bonjour Evyna,

Quelle agréable surprise ai-je eu ce matin lorsque l'un de mes employés m'a annoncé que vous étiez devenue une star internationale en seulement cinq jours de vacances. Effectivement, votre performance sur Éclair en compagnie de M. Adelson a fait de nombreux envieux chez Éraclès. Vous n'auriez pas dû nous cacher vos talents artistiques ; je vous en voudrais presque si vous n'étiez pas aussi fabuleuse. Cependant, pour compenser toutes ces années d'inaction de votre part, nous avons décidé d'organiser une fête à votre retour où vous serez bien sûr la star ! Nous comptons sur vous pour nous éblouir comme vous l'avez fait quelques jours plus tôt.

Nous avons hâte de vous revoir,

Mike. »

J'étais sur le point d'exploser de rage : de quoi, franchement, se mêlait-il ?! J'avais terriblement envie de lui répondre en lui annonçant ma démission, mais je parvins à me contrôler : j'aimais mon travail, je n'aimais juste pas mon imbécile de chef. Cela n'était pas un motif suffisant pour démissionner... Pourtant... mince, alors, je travaillais dans une boîte d'informatique ! Pourquoi même les informaticiens étaient-ils obsédés par les idoles et la musique ?! N'existait-il plus aucun espoir pour l'avenir de l'humanité ? Je commençais en tout cas à en douter sérieusement, puisque la préoccupation principale de l'être humain semblait être faire la fête...

J'ignorais parfaitement quoi lui répondre – et qui ne fût pas passible de renvoi –, si bien que je jetai le mail à la poubelle : j'étais en vacances, je n'avais pas lire ses stupides mails et encore moins à lui répondre. Je perdis bien un quart d'heure à ressasser ce mail qui ne sortirait malheureusement jamais de mon esprit, j'hésitai presqu'à rediriger tous les mails de mon chef directement vers la corbeille, mais je m'en abstins, pour une raison qui m'était cependant inconnue – peut-être le bon sens –.

Je finis par reprendre mon téléphone et appeler Allan. De toute façon, je n'avais rien de mieux à faire. Mon frère ne tarda pas à décrocher et il me salua avec son ton enjoué, qui me rappela instantanément que j'étais ici par sa faute, si bien que je perdis le peu de bonne humeur que j'avais – à supposer qu'il m'en restât –.

« Salut...

— Ouh, je sens la joie d'ici ! répliqua avec amusement mon frère.

— Arrête de faire l'idiot.

— Moi aussi, je t'aime, Evy. Bon, si tu faisais semblant d'être un minimum joyeuse ? Qu'as-tu fait aujourd'hui pour l'instant ?

— J'ai participé à un cours de chant horrible ce matin, et là je suis toute seule dans un parc. Les cerisiers sont en fleurs, c'est joli et l'air y est agréable. Je pourrais t'envoyer une photo. »

J'avais choisi de ne pas lui parler du mail de M. Blairs. De toute façon, je me doutais que mon frère ne partagerait pas mon avis sur cette "fête"...

« Une photo avec ma petite sœur qui sourit en prime ?

— Je ne pense pas qu'il y aura un sourire de ma part ici. Surtout pas depuis que je sais que c'est toi qui as conseillé à Sophy de m'y emmener.

— Tu m'en veux, n'est-ce-pas ?

— Oui ! m'insurgeai-je. Tu as pourri deux semaines de ma vie, juste parce que tu voulais que je m'ouvre un peu plus au monde ! Je suis heureuse comme je suis, je n'ai pas besoin de participer à un stage ultra cher pour m'en rendre compte !

— Evy, calme-toi... soupira Allan.

— Non, j'en ai marre de cet endroit ! J'ai passé ma matinée à entendre des insultes de la part d'un professeur de chant sénile et de la part de cet odieux Elioth !

— Doucement, Evy, un peu de respect tout de même pour Elioth, n'oublie pas qu'il est une star à renommée internationale...

— Non ! Il est hautain, méprisable, il ne manque pas une occasion pour me critiquer, non pas que je mérite des louanges : mais je ne vois pas pourquoi je manifesterais du respect à son égard s'il n'en fait pas de même ! »

Mon frère s'abstint de répliquer et je compris que j'avais un peu dépassé les bornes. Mais d'un autre côté, cela faisait du bien de tout laisser sortir... Je me sentais presque soulagée... à moins que ce ne fût le silence entre Allan et moi qui m'apaisait...

Mon frère finit cependant par reprendre, en demandant après une légère hésitation :

« Evy... Tu sais ce qui serait bien pour toi ? »

Je ne répliquai rien, pressentant que sa réponse n'allait pas me plaire, et j'hésitai presque à feindre la coupure de ligne... Non, je me sentais déjà trop honteuse, rien qu'à y penser...

« Alors, Evy ? Tu donnes ta langue au chat ?

— Miaou. »

Mon frère laissa échapper un rire à l'autre bout du fil et je me surpris à me demander pourquoi j'avais répondu une telle absurdité.

« Bien tenté, Evy, finit par répondre mon frère avec amusement. Non, plus sérieusement : tu devrais t'acheter un bracelet.

— Comment ? »

Qu'était-il donc encore passé dans la tête d'Allan pour qu'il me sorte une telle chose ?

« Et à chaque fois que tu émets une critique gratuite sans jugement constructif, tu le changes de poignet. Et bien sûr, le but est de le garder le plus longtemps au même bras.

— C'est absurde.

— Change ton bracelet de poignet, répliqua mon frère. Evy, tu devrais essayer, sincèrement ; cela t'aidera à voir la vie plus en rose.

— La vie n'est pas rose, Allan, et je n'ai pas envie d'être bercée d'illusions.

— Certes, la vie n'est pas rose, mais tu profiteras davantage de l'instant présent si tu refoules tes mauvaises pensées qui ne font que meurtrir inutilement ton esprit. Efforce-toi de voir le côté positif des choses, et tu verras que j'ai raison.

— Tu le fais, toi ? m'enquis-je alors, d'un ton plutôt accusateur.

— Oui, j'ai commencé quelques mois après... »

La voix de mon frère se brisa et je compris immédiatement de quoi il parlait.

« Bref, tu sais quoi. J'étais sceptique au début, mais j'ai fini par y prendre goût. J'ai compris que cela ne servait à rien de ressasser le passé et maudire Bella pour tout ce qu'elle avait fait. Au contraire, le présent et le futur étaient devant moi et il ne tenait qu'à moi d'en profiter au maximum. »

Allan resta un moment silencieux et je marmonnai, ne sachant pas vraiment que dire :

« Je l'ignorais totalement...

— Alors tu pensais juste que je m'étais acheté un bracelet pailleté parce que j'étais devenu du jour au lendemain fan des idoles ? »

Oui, cette hypothèse était stupide exposée ainsi, pourtant elle avait été mienne pendant presque trois ans. Je n'avais pas la moindre idée que mon frère s'était lancé ce défi...

« Alors, petite sœur, tu vas essayer ?

— Je... commençai-je, plutôt sceptique.

— Essaye, du moins pendant le reste de ce voyage.

— Pourquoi un bracelet ? Pourquoi ne pas juste se fixer la résolution de ne plus avoir de pensées négatives ?

— Car cela ne marchera pas si tu ne portes pas quelque chose en permanence qui te rappelle cet engagement. Tu ne portes jamais de bracelet, ce sera donc anormal pour toi et à chaque fois que tu verras le bracelet, tu y penseras. »

Oui, cela faisait du sens...

« Alors, Evy ?

— D'accord, finis-je par concéder, pour le faire taire.

— Au moins, tu vas avoir le choix du bracelet à Idolaland ! » s'amusa mon frère.

Il n'avait pas tort, mais faire les boutiques ne m'avait jamais enchantée. Et c'était une raison de plus pour laquelle je n'achèterais pas ce bracelet. Certes, je m'en voulais déjà d'avoir menti à mon frère, mais j'étais trop énervée pour vraiment revenir sur cette décision.

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