Chapitre 20 - Partie 4 - Embrasement

« Je reviens, Sophy. Continue sans moi. Je te rejoindrai.

— Hein ?! »

Je ne pris même pas la peine de lui fournir davantage d'explications – d'ailleurs, je n'étais même pas sûre de comprendre moi-même mes propres actions – et je fis demi-tour. Ignorant les cris de Sophy, je sortis en courant de l'aéroport, traînant péniblement ma valise derrière moi, et une fois sortie du complexe, j'empruntai la route que nous avions prise le jour de notre arrivée à Idolaland. J'arrivai enfin devant l'agence et j'hésitai un instant, avant de saisir la poignée de la porte d'une main tremblante...

***

« Tiens, Alysea. »

Elioth lui tendit son téléphone et la diva soupira :

« Tu es vraiment rabat-joie parfois, tu sais, Elioth.

— Tu devrais le savoir à force, » répliqua le jeune homme.

Alysea ralluma son téléphone et constata avec déception que sa si chère vidéo avait bel et bien été supprimée. Sans grand espoir, elle ouvrit l'application corbeille et constata qu'Elioth avait également pris la précaution de l'effacer ici. Elle poussa un soupir et Elioth nota :

« Tu me connais vraiment mal, Alysea.

— Tais-toi... »

Elioth haussa les épaules, un semblant de fierté l'envahissant malgré une certaine affliction qu'il cherchait en vain à refouler. Ce fut Veronica qui reprit avec enthousiasme, comme si elle cherchait à réinstaurer la bonne humeur :

« En tout cas, c'était vraiment une bonne idée, ce programme. Tu as toujours des bonnes idées, Allie !

— Merci, Vero, soupira l'intéressée, avant de poursuivre, un peu plus enjouée : C'est sûr que c'était une réussite : tous nos stagiaires vont en conserver un souvenir impérissable et nous nous sommes fait plein d'argent ! Et en plus, j'ai réglé mon problème !

— Tu veux dire qu'Elioth, Evyna, Sophy, Cherise et Bryce ont réglé ton problème, s'amusa Veronica.

— Certes, admit Alysea, avant de rajouter sur le ton du reproche : J'ai même détenu exclusivement sur mon téléphone pendant presque une demi-heure la meilleure chanson que j'aie jamais entendue.

— La flatterie ne te mènera à rien, Alysea, commenta Elioth.

— Malheureusement. Bref, il faudra qu'on réorganise ça l'année prochaine.

— Oui, je suis d'accord ! Même si Sophy me manquera toujours un peu... » concéda Veronica, une légère déception visible sur son visage talqué.

Face à l'absence de réaction d'Elioth, Alysea reprit :

« Et toi, Elioth, tu en penses quoi ? »

L'idole se retourna, soudainement souffrant, et il répliqua sèchement :

« Cette expérience est unique : je ne vois pas l'utilité d'en organiser une autre qui ne pourrait être qu'une pâle imitation de celle-ci. »

Sans laisser le temps à Alysea de répliquer, il quitta précipitamment la pièce, laissant les deux idoles seules face à leur étonnement. Pourtant, elles n'étaient pas au bout de leurs surprises, car à peine quelques instants plus tard, débarqua dans le salon l'une des personnes qu'elles n'escomptaient plus jamais revoir...

« Alysea, Veronica ! m'écriai-je à bout de souffle en voyant les deux idoles assises sur le canapé.

— Evyna ?! s'exclamèrent-elles simultanément, avant qu'Alysea ne s'enquît en se relevant prestement : Que faites-vous ici ? Vous allez manquer votre avion, il est presque dix-huit heures ; avez-vous oublié quelque chose ?

— Où est Elioth ? »

Il était l'unique raison pour laquelle j'étais revenue, bien que j'eusse presque honte de l'admettre.

« Elioth ? répéta Alysea, étonnée. Il vient de quitter la pièce, quelques instants avant que vous n'arriviez. Pourquoi le cherchez-vous... ? »

Mais sa question se perdit dans le vide ; laissant ma valise encombrante dans le salon, je fis immédiatement demi-tour et redescendis à toute allure les escaliers que je venais de monter. Où pouvait donc bien être Elioth ? La réponse la plus logique qui me parvint fut ses appartements et, maudissant ma précipitation, je remontai les trois étages, pour arriver devant la double porte violette, indubitablement l'entrée des appartements d'Elioth. J'entendis alors une douce musique – jouée au piano, il me semblait – retentir et je restai immobile à l'écouter... Elle était plutôt mélancolique, elle m'était familière également, et ce ne fut que lorsqu'Elioth commença à chanter que je la reconnus... Comment n'avais-je pas pu l'identifier plus tôt ? J'avais passé toute une année à travailler sur cette chanson lors des cours de danse de mon enfance... Comme toutes les autres, je l'avais méprisée, mais maintenant que je l'entendais... elle m'apparaissait si différente... si belle, si mélodieuse... chargée d'une grande émotion... Elioth avait même changé quelques paroles, mais la mélodie restait la même... Toute ma perception de la musique et de l'art avait été changée en seulement deux semaines...

La chanson se termina trop vite, je restai immobile devant ses appartements, ne sachant que faire, puis, davantage sur un coup de tête irréfléchi, je frappai à la porte :

« Elioth... ? »

J'attendis quelques instants qui me parurent durer une éternité et la porte finit par s'ouvrir.

« Evyna... ? murmura Elioth, d'une voix qui me semblait chargée d'émotions, ce qui était si inhabituel chez lui. Que faites-vous ici ? Vous allez manquer votre avion...

— Je... » commençai-je, avant de rougir de honte.

Pourquoi étais-je revenue ? Je le savais pertinemment mais il était impossible de le lui avouer... Je n'avais pas la moindre idée de ce que je pouvais bien lui dire... pourtant j'étais persuadée d'avoir fait l'unique et bon choix...

« Evyna ?

— Je... je tenais à vous remercier pour ces deux semaines... déclarai-je, avec un manque d'assurance qui m'horrifiait moi-même.

— Vous l'avez déjà fait, Evyna. Et nous n'avons fait que notre travail ; nous étions payés pour cela. Vous ne pouvez pas avoir manqué votre avion pour cette simple raison, si ?

— Je... Dans... dans quelle mesure ces deux semaines étaient-elles une illusion ? »

Une lueur de surprise passa dans les prunelles vaironnes d'Elioth et il répondit d'une voix presque calme :

« Je crois que vous avez déjà percé ce mystère, Evyna. Avec brio. Tous les spectacles n'étaient que des mises en scène pour ravir nos stagiaires, vous l'avez vous-même dit. Tout était prémédité, y compris la répartition des stagiaires le premier jour. N'oubliez pas que vous avez tous rempli un formulaire détaillé de ce que vous aimez et que l'attribution des idoles a donc été administrée en fonction de ces goûts. Et cela a fonctionné pour presque tous. »

Elioth s'arrêta là, son regard vairon toujours fixé sur moi, et je commençai à bafouiller :

« Je croyais que... »

Je m'arrêtai là, incapable de finir ma pensée. Qu'escomptais-je donc ? Elioth venait de le dire : tout n'était qu'une mise en scène et je l'avais moi-même compris dès le début. Alors pourquoi refusais-je d'y croire maintenant ?

« Que croyiez-vous... ? »

Je pris mon courage à deux mains avant de lâcher d'une traite :

« J'ai simplement eu l'impression que votre dernière chanson ne faisait pas partie du programme. Qu'elle était différente des autres. »

Une brève lueur de surprise passa dans les prunelles d'Elioth qui déclara énigmatiquement :

« Je vous laisse à votre interprétation : vous êtes libre de croire ce que vous souhaitez. Sinon, que diriez-vous d'aller dîner ? »

Cette invitation me surprit particulièrement – je n'étais d'ailleurs pas sûre qu'il s'agît d'une invitation – et Elioth reprit :

« Puisque de toute évidence, vous avez manqué votre avion. »

Je jetai un bref coup d'œil à ma montre, constatant qu'il était dix-huit heures passées, et je sentis la honte m'envahir, mais Elioth enchaîna avec sympathie :

« Ne vous inquiétez pas, votre chambre sera toujours disponible un jour de plus. Et ce n'est pas un restaurant supplémentaire qui va me ruiner. »

Il me tendit sa main gantée que je saisis après un instant d'hésitation, tant j'étais embarrassée par cette proposition. Je crus voir passer un sourire sur son visage, mais que j'attribuai rapidement à mon imagination. Elioth m'entraîna hors du siège d'Horizon & Paradise, et nous rejoignîmes l'habituel restaurant. Celui-ci était désert, lui conférant une harmonie toute nouvelle, et Elioth proposa, malgré une seconde d'hésitation particulièrement surprenante chez lui :

« Voulez-vous visionner le film qu'Alysea vous a confié ? »

J'approuvai et sortis le coffret en satin noir de mon sac à dos avant de le lui tendre. Il l'ouvrit soigneusement, pour révéler un disque emballé avec précaution. Quelques instants s'écoulèrent dans un silence agréable, bien que je fusse toujours embarrassée à l'idée d'avoir manqué mon avion, laissé Sophy rentrer toute seule, simplement parce que je ne voulais pas quitter Elioth. Je n'aurais pas été surprise de rougir à la simple pensée que j'avais refusé de partir juste parce qu'il me manquait déjà... Enfin, il allait bien falloir que je parte un jour... « Demain, me souffla mon esprit. Tu as obtenu un jour de plus... profites-en... »

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top