Chapitre 13 - Naufrage
Sans cesser de triturer ses boucles d'oreilles saphir en forme de cœur, Veronica releva ses yeux bleu céruléen vers Alysea et elle lâcha dans un murmure les paroles que je redoutais tant :
« Sophy... »
***
JOUR 10
Mon cœur manqua un battement face à la déclaration de Veronica, je sortis immédiatement mon téléphone de mon sac à main – dans la précipitation, je me trompai bien évidemment sur le nouveau mot de passe – et j'envoyai un message à ma meilleure amie :
« Sophy, où es-tu ? Réponds ! »
J'attendis quelques secondes, espérant follement que la petite coche qui témoignait que mon message s'était bel et bien envoyé se dupliquât puis changeât de couleur... Vainement... Il n'y avait toujours qu'une seule coche grisée...
« Elle ne le reçoit pas... » soufflai-je presque inaudiblement.
Je sentis à cet instant un regard insistant posé sur moi et je relevai les yeux pour découvrir Elioth qui me fixait. Au moment où nos regards se croisèrent, il détourna immédiatement le sien, je m'éloignai de lui d'un pas et seule la suspicion m'envahit face à ce comportement. Il venait tout juste de revenir dans la salle et voilà qu'il restait étrangement stoïque face à la situation... Il ne semblait même pas surpris par l'annonce que venait de faire Veronica...
« Non, Evy, ne tire pas des conclusions hâtives ! me sermonna instantanément mon esprit. Reste calme, ne cède pas à la panique, cela n'aidera nullement à retrouver Sophy ! »
Mais à qui pouvais-je faire confiance à présent ? Sophy était la seule ici à qui je pouvais parler en toute liberté... Maintenant, il ne me restait plus personne à qui je pouvais me fier aveuglément... Si seulement Allan était là... Pourquoi ce voyage tournait-il autant au cauchemar ?!
Je jetai un nouveau regard à mon téléphone, constatant avec désespoir que Sophy n'avait bel et bien pas reçu mon message... Elle, qui, d'habitude avait toujours son téléphone allumé – même la nuit, ce qui avait longtemps été un sujet de débat entre nous et où j'avais fini par lâcher l'affaire devant la ténacité de ma meilleure amie pour accepter d'avoir un cancer du cerveau prématurément... Elle, qui, répondait toujours en moins de deux secondes au moindre message...
« Le deuxième enlèvement ! clama à cet instant Bella de sa désagréable voix suraiguë empreinte d'affolement. Qui sera le prochain ou la prochaine ? Cela pourrait être l'un d'entre nous ! Il faut nous protéger, appelez la police, faites quelque chose ! »
Le troisième plutôt avec celui de Cherise... Des cris s'étaient répandus face à ces paroles et je sentis l'énervement prendre possession de moi ; ne pouvait-elle pas penser à autre chose qu'à sa propre petite personne pendant plus de cinq minutes ?! Sans compter qu'elle avait admirablement réussi à répandre la panique dans toute la salle.
« Assez avec vos piaillements ! s'exclama alors Elioth sur un ton glacial. Vous ne ferez nullement avancer les choses en paniquant ainsi ! »
Un silence encore plus morbide que le précédent s'installa à la suite de la déclaration de l'idole qui fit volte-face vers la sortie de la salle.
« Où vas-tu, Elioth... ? souffla Alysea d'une voix hachée.
— Oh, mon cher Elioth, quel preux chevalier faites-vous pour oser sortir de l'agence en ces temps si instables ! » s'exclama au même moment Bella en adressant à Elioth un regard empli d'admiration.
L'interpellé les ignora toutes les deux et sortit de la pièce sans même se retourner. Et de nouveau, je ne pus m'empêcher de penser qu'il nous cachait quelque chose... Je n'eus pas véritablement le temps de m'interroger davantage car M. Neveen prenait la parole d'un ton qu'il voulait calme, malgré une pointe d'inquiétude perceptible :
« Elioth a raison : nous devons garder notre sang-froid. Je vous demande à tous, stagiaires et idoles, de rester à l'agence et de ne absolument pas vous aventurer seuls à l'extérieur, le temps que nous réglions la situation. Alysea, puis-je compter sur vous pour organiser quelque chose d'un peu plus détendant, le temps qu'Elioth et moi appelions la police et expliquions la situation ? »
Tandis que M. Neveen quittait la pièce, l'interpellée approuva immédiatement, et je me retournai précipitamment. Je ne voulais pas rester ici pour faire semblant que tout allait bien alors que je savais pertinemment que ce n'était pas le cas. Au contraire, je devais agir et enquêter de mon côté, car je n'avais pas la moindre confiance en Elioth. Alors qu'Alysea commençait à s'organiser, je quittai discrètement le grand hall.
Une fois sortie de l'agence, je me sentis terriblement stupide : je n'avais pas la moindre idée par où je pouvais commencer les recherches. J'étais totalement perdue dans ce monde qui me semblait si étranger... Après avoir jeté un regard derrière moi pour vérifier que personne que ne me suivait, je me rendis à Horizon Park : c'était l'unique lieu que j'affectionnais ici... Peut-être que je parviendrais à me calmer et à réfléchir plus posément...
Et la première idée qui me traversa l'esprit fut d'appeler mon frère : oui, lui, il serait de bon conseil, forcément. Après avoir lancé l'appel, je plaçai mon portable contre mon oreille, et j'entendis la sonnerie bipper à intervalles réguliers. Pendant trop longtemps.
« Par pitié, décroche, Allan ! » pestai-je, en plaçant mon téléphone devant moi pour vérifier, inutilement certes, que j'étais bel et bien en train de l'appeler.
Mais la sonnerie continua jusqu'à s'arrêter pour laisser place à l'habituel message du répondeur :
« Bonjour, vous êtes bien au 06 24 21 09 48, chez Allan Reyhan. Veuillez m'excuser, je suis indisponible, laissez un message et je vous rappellerai si besoin. Bonne journée à vous. »
Le bip signalant le début de l'enregistrement retentit alors et je marmonnai d'une voix faible :
« Salut Allan, c'est Evy. Bah... rien ne va ici... Sophy et un autre stagiaire ont disparu... Sophy aujourd'hui... et l'autre hier... Nous n'avons pas la moindre idée d'où ils sont... c'est la panique parmi les stagiaires et la plupart des idoles... Et puis, tous nos mouvements sont surveillés en permanence et je suis sûre que ce que je te dis maintenant est sur écoute... Je ne peux faire confiance à personne... Je ne sais pas quoi faire... Rappelle-moi vite... »
Ma voix se brisa soudainement et je mis fin au message. Non, je n'avais pas le droit de pleurer. Cela ne m'aiderait pas à retrouver Sophy. Je devais être forte ; ma meilleure amie comptait sur moi. Je me forçai à expirer profondément, tentant en vain de réfléchir posément. Que pouvais-je seulement faire ? Je devais me rendre à l'évidence : j'étais impuissante pour retrouver Sophy par mes propres moyens... J'étais totalement étrangère à ce monde... je n'y connaissais rien, je ne comprenais même pas pourquoi on l'aurait kidnappée : elle n'était pas aussi talentueuse que les idoles professionnelles. Pourquoi ne pas s'en prendre directement à Alysea ou à Veronica ? Elles feraient de meilleurs otages... à supposer que c'était bel et bien une prise d'otages...
Ah... toutes ces suppositions étaient stupides et elles ne me mèneraient nulle part. Rien, de toute façon, ne pouvait m'éclairer ! Rien ne faisait de sens ! Ce monde était corrompu jusqu'à la moelle, frivole et hypocrite ! Je les détestais de tout mon cœur, cet univers et ses idoles associées ! J'avais eu raison depuis le début, pourquoi n'avais-je pas été plus persuasive ?! J'aurais dû insister, empêcher Sophy de commettre cette folie qui virait au cauchemar.
J'avais envie de hurler et pleurer en même temps, je ne parvenais pas à contrôler le flot d'émotions qui m'envahissait... Je maudissais en même temps l'entêtement de ma meilleure amie et ma propre impuissance... La seule chose dont j'étais certaine c'était qu'une fois Sophy retrouvée, nous partirions immédiatement loin de cette île damnée... À supposer qu'elle fût retrouvée... à supposer qu'elle fût vivante...
Non ! Ce n'était pas possible ! Je n'avais pas le droit de me laisser sombrer dans le désespoir... De nouveau, la haine prit possession de moi... Encore des mauvaises pensées, des critiques non constructives, qui ne m'aideraient nullement... Elles déferlaient en ce moment et je ne savais pas comment les réprimer... Si seulement Allan était là... Il serait de bon conseil sûrement... Mais non, il ne répondait pas et le seul conseil qu'il m'avait donné de toute façon était de contrôler ma colère avec ce fichu bracelet. Avec davantage de frustration que de conviction, je retirai l'anneau de ma main gauche, le contemplai avec une férocité ineffable, et j'entendis à cet instant un craquement de branches. Je me retournai vivement et je n'eus que le temps de voir une silhouette violette fondre sur moi. Une main gantée noire se plaqua sur ma bouche, je sentis deux doigts se presser sur ma nuque et ma vue se troubla soudainement, jusqu'à ce que tout ne fût plus que néant...
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