Chapitre 1
Le regard posé sur le hublot, tu commences à deviner les contours de la ville au loin. Elle te paraît si lumineuse, et pourtant, lorsque tu regardes ta montre, tu constates qu'il est déjà deux heure passé. Le décalage horaire brouille ton esprit et la fatigue s'est accumulée. Si bien que tes yeux lourds comme des poids, finissent par se fermer. Et tu plonges dans un profond sommeil en seulement quelques secondes...
-Madame ? Madame !
Tu sens une main sur ton épaule de secouer délicatement. Lorsque tu parviens enfin à ouvrir les yeux, ces derniers tombent face à face avec ceux d'une hôtesse de l'air, qui semble au moins autant épuisée que toi.
-Madame nous allons atterrir. Veuillez vous préparer s'il vous plaît.
-Da... Oui, bien sûr...
Tu peines à lui répondre, mais t'executes lentement. Ton petit bagage à la main, et ta chapka ajustée sur la tête, tu te prépares à quitter l'avion. Les gens se bousculent et tu essayes de te frayer une place afin d'aller chercher le reste de tes bagages sur le tapis prévu à cet effet. Tu cherches ton nom dans la masse d'étiquettes, en vain. Tu patientes une bonne dizaine de minutes, avant de finalement apercevoir un bagage familier. L'étiquette indique Nikita Noskov. Tu t'empresses de prendre le bagage et te diriges vers la sortie de l'aéroport. Tes longues jambes soutenues par de jolis escarpins en cuir noir, s'élancent jusqu'à un parc à taxis. Arrivée sur place, tu t'approches de l'un d'entre eux et t'installe sur le siège arrière. Tu déposes ta chapka minutieusement sur tes genoux et tes bagages à côté de toi. Tu remets ta tignasse blonde en place avec tes mains gantées et sans un regard, tu lances avec un accent Russe fort prononcé au conducteur :
- À l'hôtel, s'il vous plaît.
- Ma petite dame, je veux pas vous vexer mais il y a une dizaine d'hôtel rien que dans le quartier... Pourriez-vous être un peu plus précise ?
- Peu importe, emmenez-moi dans un quartier tranquille.
Vous roulez pendant si longtemps que cela te semble être une éternité. Jusqu'à ce que le conducteur se mette sur le bas côté.
-Bienvenue à Boyle Heights. Vous devriez vous sentir comme chez vous ici, dit-il en riant.
Sans même un mot, tu lui tends une liasse de billets, bien trop conséquente, et sors de la voiture. Tu peux admirer au loin les gigantesques gratte-ciels, éclairés de mille feux. Il fait nuit noire, mais les lumières de la ville se font ressentir comme un feu d'artifice au fond de toi. À l'angle de la rue, tu aperçois un hôtel. Après avoir contemplé le paysage qui s'offre à toi, tu ramasses tes affaires et t'y dirige. À l'accueil de l'hôtel, une Mexicaine bien en chair te tends les clefs, après avoir été payée plutôt grassement.
Tu finis par rejoindre ta chambre, épuisée par ce long voyage. Tu ne prends même pas le temps de déballer tes affaires, ni même de te changer. Tu t'effondres sur le lit et écrase ta tête contre l'oreiller, la bouche ouverte. Un soupire de soulagement émane de ta bouche. Et tu plonges dans un profond sommeil...
***
Le lendemain tu es réveillée par les rayons du soleil qui carressent ton maigre visage de porcelaine. Tu peines à ouvrir les yeux, jusqu'à ce que tu y parviennes enfin. Déterminée à changer de vie, tout comme tu as changé de nom, tu t'assois au bord du lit et plonge ta tête dans tes mains. Tu te frottes les yeux et ne peux réprimer un baillement. Tu files droit vers la douche et y passe la prochaine demi-heure. Une fois lavée de la tête au pieds, tu saisis une serviette et enrobe tes cheveux dedans en un turban fouilli. Une autre serviette te sers à sécher l'entièreté de ton corps. Une fois achevée ta tache, tu jettes le tout par terre et cherche des vêtements dans tes bagages. Tu t'empare d'une robe épaisse noire à col roulé, que tu ceintres avec une ceinture beige. Avant de trouver du travail, je veux connaître ce quartier. Tu enfiles ton long trench epais, et attrapes ton sac à main.
Mais à peine as-tu passé le pas de la porte que tu es stoppée net, le visage écrasé contre le torse d'un inconnu.
-Merde ! Regarde où tu vas Cyka, et dégage de mon chemin, idiote.
L'inconnu te regarde de haut en bas, le regard sombre et un poil énervé d'avoir été bousculé. Son accent t'est familier.
-Izvinitie, je ne vous ai pas vu... Tu t'excuse froidement, les yeux distants.
-Ah, mais tu es une petite Ruskaïa. Fais attention ma petite, ce n'est pas un quartier pour toi ici, haha ! S'exclame-t-il, un sourire malicieux au bord des lèvres.
-Ne vous inquiétez pas. Je sais ce que j'ai à faire ou non. Et je n'ai certainement pas besoin de vos conseils avisés. Maintenant écartez-vous et laissez-moi passer.
Sa carrure imposante s'écarte pour te laisser passer, son sourire toujours au coin des lèvres. Et tu t'éloignes.
-Fais attention petite Russe, tu ne sais pas sur qui tu peux tomber dans ce quartier ! Et les Américains ne sont pas commodes ! Hahaha !
-Grand bien leur fasse, ce n'est pas à moi qui devrais m'inquiéter dans ce cas. Lui réponds-tu d'un ton glaciale.
Tu finis par t'éloigner jusqu'à ce que tu disparaisses complètement des yeux de cet inconnu. Pauvre type.
***
Tu parcours les grandes rues à proximité de l'hôtel afin de ne pas te perdre. La nuit est noire et on y voit que peu dans les petites ruelles, mais malgré ça, tu décides d'emprunter ce qui te semble être un raccourci.
Seulement, en arrivant au bout de la ruelle, un véhicule qui t'es familier s'arrête à ta hauteur.
-Alors, jolie Russe, vous êtes perdue ?!
-Oh, c'est vous... Non, tout va bien merci.
Le taxi qui t'as déposé à l'hôtel la veille te regarde de haut en bas, un sourire mesquin au bord des lèvres. Il pince sa langue entre ses deux lèvres aussi imposantes que son ventre.
Il descend de sa voiture et s'approche de toi lentement, faisant le tour de sa voiture sans jamais la lâcher de sa main gauche.
-Tu es certaine ? Je serais ravi de te tenir compagnie si tu veux ma belle...
-Non vraiment, je vous remercie mais je n'ai pas besoin de compagnie. Dis-tu d'un ton ferme.
L'homme enfonce sa casquette sur le crâne, et remonte son pantalon en s'avançant un peu plus vers toi. Il n'est maintenant plus qu'à quelques millimètres de toi. Tu peux sentir son parfum nauséabond, ne couvrant presque plus la puanteur de sa sueur. Il colle sa main contre le mur, à proximité de ta tête. Mais malgré l'emprise qu'il essaye d'avoir sur toi, tes yeux sombres ne quittent pas les siens. Et tu te souviens... Le petit canif, sur ta cuisse. Tu glisses discrètement ta main jusqu'à l'endroit voulu et d'un geste vif, tu t'empares du canif et lui colle sous la gorge.
-Écoute-moi attentivement, gros porc, je te conseille vivement de remettre ton gros cul dans ta voiture, et de me laisser tranquille. Tu ne sais pas qui je suis, ni ce dont je suis capable. Tu es loin d'être le plus gros poisson que j'ai eu à défier, Mudak.
La lame de ton canif s'enfonce un peu plus sur sa pomme d'adam proeminente. Et son regard change. Tu peux presque y percevoir une forme de crainte. Soudain, il se recule d'un pas, surpris par ton aplomb.
-Okay, okay, écoute on est pas obligés d'en arriver là beauté ! Dit-il, en levant les mains timidement et rentrant la tête dans ses épaules. Restons-en là et puis...
Il te tend une liasse de billets. Au moins aussi conséquente que celle que tu lui avais tendue à votre première rencontre. Tu saisis la liasse, toujours sur tes gardes, et le type s'éloigne jusqu'à rentrer dans son véhicule honteusement et s'éloigner. Tu ne le verra plus jamais...
Soudain, une voix reconnaissable entre dix-mille te lance :
-Et bien ma petite Ruskaïa, je savais pas que tu avais des griffes.
Tu constates qu'il s'agit du mec russe de l'hôtel, le pauvre type qui t'as presque insultée lorsque tu lui es rentrée dedans. Il est adossé au mur, une cigarette à la main, comme s'il était spectateur de la pièce de théâtre qui vient de se dérouler.
-Slioucha, mais vous me suivez ou quoi ?! Vous n'avez rien d'autre à foutre ?! T'exclames-tu.
-Te suivre ? Haha, ne te méprends pas. Il y a un bar Russe à deux pas d'ici. Je passais juste dans le coin. Dit-il avec un léger rictus méprisant.
Tu soupires, excédée par son air sarcastique et hautain.
-mhh. Très bien. Et bien Allez-y,et laissez-moi tranquille. Je n'ai pas besoin d'un guide ou d'un bon samaritain pour me sauver des svin'i de cette ville.
-Dommage. Mes amis et moi-même aurions adoré faire plus ample connaissance avec toi,mais puisque tu n'es pas réceptive à la main que te tend un ami russe, je te souhaite bonne route, ciestra.
Sans un mot de plus, l'inconnu jette son mégot par terre, ajuste son col, et part dans la direction opposée, son ombre disparaissant petit à petit dans la noirceur de la nuit. Toi tu es là, debout. Toute seule. Quel connard.
Tu te decides à rentrer, trop énervée par cette soirée pour te détendre. Une fois rentrée dans ta chambre, tu t'allonges sur le lit, la photo de ton père serrée contre ton cœur, te remémorant ces derniers mois douloureux. Et tu finis par plonger dans un sommeil de plombs...
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