When it rains it pours (1) - William Lewis


« Est-ce que tu m'entends, est-ce que tu me vois ?
Qu'est-ce que tu dirais, toi, si t'étais là ?
Est-ce que ce sont des signes que tu m'envoies ?
Qu'est-ce que tu ferais, toi, si t'étais là ? »

Si t'étais là — Louane

           Après le départ d'Andy, je restai un instant à l'abri du vent sur le sable, dans la crique de Sarah, profitant du calme des vagues et de tous les doux souvenirs que cet endroit faisait remonter en moi. Je me souvins du jour où Sarah m'avait traîné ici pour la première fois. Elle était tellement fière de sa trouvaille, tellement pressée de la partager avec moi. À peine avais-je eu le temps de poser ma valise dans la chambre d'Alex qu'elle m'avait attrapé par le bras et traîné dehors. On devait avoir dix ans, à tout casser. « Je te jure, c'est un endroit génial, tu vas voir ! Je l'ai trouvé pendant ma quête de crabes la dernière fois !

— Ta quête de crabes ? Qu'est-ce que tu as encore inventé ? l'avais-je taquinée.

— Ben oui, ma quête de crabes idiot ! J'ai rempli mon seau de crabes pour qu'ils soient en famille et qu'ils s'aiment ! Et du coup, je les ai suivis le long des rochers et j'ai trouvé le paradis ! Je te jure, c'est magnifique tu vas voir !

          Cette fille était la mignonnerie incarnée, depuis toujours. Elle me faisait tellement rire, à chaque fois, avec ses plans et ses histoires sorties de nulle part.

— Et ton plan matrimonial pour crabe a fonctionné au final ?

— Arrête de te moquer de moi et suis-moi ! Sinon j'embarque Andy à ta place et tu n'auras pas intérêt à bouder cette fois, monsieur le rabat-joie !

           Je me renfrognai, mais ne dit rien. Je n'allais surement pas lui montrer que sa pique avait parfaitement fonctionné. De toute façon, elle l'avait tout de suite deviné, puisqu'elle s'était mise à ricaner, le dos tourné, après m'avoir regardé. Puis, elle avait à nouveau saisi ma main et m'avait entrainé à sa suite vers son petit coin de paradis.

           J'avais crapahuté avec Sarah, m'enfonçant jusqu'à la taille dans la flotte, pour rejoindre son bout de plage caché. Le voyage valait vraiment le détour. Le coin était splendide.

— T'as vu comme c'est beau, m'avait-elle dit tout sourire. Maintenant, ça sera notre endroit à tous les deux, d'accord ? J'aime trop être ici avec toi ! Dis, t'es content mon Will chéri ? »

           J'avais acquiescé, tellement heureux et tellement fier qu'elle ait décidé de partager son jardin secret avec moi. Parce que oui, ça m'aurait rendu malade qu'elle choisisse Andy plutôt que moi. Je m'étais vraiment senti spécial à ces yeux ce jour-là. Cet endroit est un des plus beaux cadeaux qu'elle m'ait offert, il l'était encore, n'avait pas changé, même si de nombreuses personnes de notre entourage en connaissaient désormais l'existence. Pour moi, c'était et ce serait toujours la crique de Sarah, son endroit rien qu'à elle, qu'elle avait décidé de partager avec moi. En ce moment, alors qu'elle semblait dans une autre galaxie que la mienne, cet endroit était le seul qui me permettait de rester proche d'elle. Je revoyais son sourire de petite fille et mon cœur se serra. Je me remis à pleurer, silencieusement, me giflant intérieurement. J'avais horriblement peur de ne jamais revoir son sourire, de l'oublier avec le temps, d'oublier cet endroit. Et puis cette vidéo avait fini de me détruire un peu plus, mes nerfs semblaient vouloir définitivement me lâcher. Les images atroces de l'enregistrement défilaient en boucle dans mon esprit, s'entremêlant avec celles de l'accident de Sarah et de notre dernière conversation. Je n'en pouvais plus, j'étais en train de m'effondrer. J'étais simplement heureux de le faire ici, au calme, sans que personne ne puisse m'observer, avec son seul souvenir pour m'apaiser. Je hurlai, à plusieurs reprises, pour évacuer toutes ces sensations douloureuses qui ne cessaient de s'accumuler dans mon cœur sans jamais se vider. Je repensai à Antoine, à sa face de raclure qui me donnait des envies de meurtres, et je priai de toute mon âme pour qu'il soit enfermé le plus rapidement possible. Je m'en voulais tellement, de ne rien avoir fait pour empêcher ce déferlement de haine, tellement. J'espérais qu'Andy soit déjà au poste, j'espérais que tout s'apaise enfin. Je ne savais pas que ma chute était loin d'être terminée.

*

*           *

           Quand la nuit commença à tomber, je me décidai à quitter mon refuge. Je n'avais vraiment pas envie de retourner à la vie réelle, mais je n'avais pas le choix, il le fallait. Andrew avait dû rentrer et il aurait besoin de mon soutien. Il était temps pour moi de retrouver de l'assurance, de prendre sur moi, et de rejoindre ma famille pour l'épauler. Car, si Andy avait expliqué la situation à mes parents, ils auraient eux aussi besoin de moi pour accuser le coup.

            J'époussetai mes habits et rejoignis la rive principale, me gelant les pieds au passage. Contre toute attente, l'eau presque glaciale me revigora, me réveillant de tous les petits coups de poignard qu'elle infligeait à mes jambes. J'avais terriblement besoin de ça.

          Je me laissai un temps sur la plage pour sécher, profitant une dernière fois du calme avant la tempête qui risquait de s'être déclenchée chez moi en mon absence. Une fois sec, je chaussai mes bottines, attrapai ma veste, et me remis en marche.

            Sur la route, je passai devant chez les Cartier. La maison, abandonnée depuis la mort de Laurana et Éric, était désormais d'une tristesse à couper le souffle. Je me surpris à détourner le regard de la bâtisse dans laquelle j'avais vécu certains des plus beaux moments de ma vie. Cet endroit ne m'inspirait plus rien de bon, et je me rendis compte, en marchant jusqu'à chez mes parents, qu'il en était de même pour notre appartement. La France toute entière me semblait triste, comme si ce pays n'avait plus rien de bien à m'offrir, alors que je l'adorais, je l'avais tellement aimé. Cette impression étrange ne fit qu'accroitre au fil de mes pas. J'en avais tellement marre de ces mauvais feelings, tellement marre de voir le mal partout, ce n'était pas moi, je n'étais pas comme ça, je n'avais pas envie de devenir comme ça. Mais je compris, en arrivant devant chez mes parents, que rien n'allait aller en s'arrangeant et qu'une fois encore mon intuition m'avait bien guidé.

           En approchant du lotissement, j'entraperçus des lumières bleues se refléter sur les arbres dans le coin de l'immeuble. Des lumières semblables à celles que pourraient produire des gyrophares. J'essayai de ne pas faire une interprétation trop hâtive de ce que j'étais en train de voir. Les événements en cours avaient tendance à nous rendre tous plus négatifs, méfiants, voire paranos. « C'est peut-être juste la lumière d'un jouet, ou d'une guirlande, ou j'en sais rien, mais pas de quoi de s'affoler, ne recommence pas à paniquer ». Il devenait sérieusement difficile de rester rationnel ces derniers temps. Alors j'accélérai le pas, pour éviter de me faire des films pour rien. Parce que ce n'était sans doute rien.

          Quand j'arrivai devant ma montée d'escalier, j'aperçus enfin la source des lumières. Et mon anxiété redoubla instantanément, de plus en plus difficile à calmer. J'avais raison depuis le début, il s'agissait bien de gyrophares. J'aurais sincèrement aimé avoir tort. Deux voitures de la gendarmerie étaient garées devant chez nous. L'une était vide, un gendarme était resté dans l'autre. Je tentai de rester zen. Après tout, c'était normal de les trouver là. Andy avait simplement dû tenir sa promesse, et ils étaient là pour l'interroger. C'était le cours normal des choses. « Tout va bien se passer, c'est terminé ». En effet, c'était terminé, mais le dernier chapitre de notre histoire n'avait rien à voir avec celui que j'avais imaginé.

          Quand je pénétrai dans l'appartement, je compris tout de suite que quelque chose n'allait pas. Je compris immédiatement que les gendarmes n'étaient pas là pour Antoine quand j'entendis des bruits étouffés dans le salon. Un homme, dont je ne connaissais pas la voix, parlait doucement à mes parents. Ils étaient en pleurs. Mes deux parents étaient en pleurs. Depuis quand pleuraient-ils, comme ça, tous les deux, en sachant pertinemment qu'Andy ou moi pourrions les voir ? Je n'avais jamais vu mes parents pleurer, jamais. Même pas à l'annonce du décès de Laurana et d'Éric, même pas après l'accident de Sarah. Ils avaient tout gardé, pour ne pas nous inquiéter outre mesure Andy et moi. Ils avaient probablement attendu le soir, attendu d'être seuls dans leur chambre, pour se laisser aller. Là, ils étaient dans le salon, à la vue de tous.

          J'eus à ce moment précis un mouvement de recul. Je ne pouvais pas approcher. Je ne voulais pas entendre, je ne voulais pas en entendre plus. Vraiment. Je ne pouvais plus. C'était trop. J'allais prendre la fuite. Pour aller où ? Aucune idée, je voulais juste me casser le plus loin possible pour ne pas avoir à entendre ce qui avait réussi à mettre mes parents dans cet état. Parce que s'ils étaient aussi mal que ça, cela voulait dire qu'il s'était passé quelque chose d'encore plus grave, plus grave à leurs yeux que la mort des Cartier, plus grave à leurs yeux que l'accident de Sarah. Je ne pouvais pas, je ne voulais pas porter ça. Trop, c'est trop. Mais au moment où je tournai les talons, le plus silencieusement possible, je tombai nez à nez avec le chef de la gendarmerie. Il s'agissait de l'homme que j'avais aperçu dans sa voiture avant d'entrer. Je déglutis difficilement, sans oser soulever son regard. « Tu devrais rejoindre le salon mon petit. Tu devrais t'asseoir.

          L'homme me parla avec douceur, comme s'il s'était à adressé à un gamin de cinq ans, et ça amplifia un peu plus mon envie de partir en courant. La pitié qui se lisait dans ses yeux me liquéfia. Je voulais qu'il arrête de me regarder. Je voulais juste qu'on me fiche la paix. Mais tandis que j'essayai de passer, il me bloqua le passage, et m'indiqua le salon, où n'avaient pas cessé de pleurer mes parents, d'un mouvement de tête.

            Je n'eus donc pas d'autre choix que d'y aller. Je parcourus les derniers mètres me séparant de mes parents d'une infinie lenteur, espérant faire suffisamment traîner les choses pour qu'un miracle se présente à moi. Et où était Andy à la fin ? Pourquoi il n'était pas là ? Je ne pouvais pas porter ça tout seul, quoi que ce soit, je ne pourrais pas. J'avais besoin de lui...

           Quand mes parents m'aperçurent enfin ils tentèrent faussement de se calmer. Mais ça ne marcha pas. Parce que les larmes semblaient couler d'elles-mêmes, déformant en grimaces les sourires rassurants qu'ils tentaient de m'offrir.

— Will, mon cœur, assieds-toi s'il te plait. Il faut qu'on te parle...

— Je peux rester debout.

           Je ne voulais pas m'asseoir, si je m'asseyais je ne pourrais plus m'enfuir. Et pourquoi j'aurais dû m'asseoir, hein ?

— It's better that you sit down (2), prononça fermement mon père.

           Je clignai des yeux, les regardant tour à tour, et cessai de discuter. Ce n'était apparemment pas le moment d'en rajouter. Je reculai donc, tâtonnant pour mettre la main sur le fauteuil le plus proche. Je m'assis alors et attendis d'avoir plus d'explications. Mais mes parents ne parlaient pas, pourquoi ne parlaient-ils pas ? Et pourquoi ce flic me regardait comme ça ?

— Où est Andy ? finis-je par articuler. Qu'est-ce qui se passe ?

           Mon père tenta de me dire quelque chose, mais ses paroles restèrent coincées dans sa gorge, refusant obstinément de sortir. Je le vis serrer les dents, comme s'il voulait s'empêcher de crier. Mon père aussi calme qu'Andrew, même plus calme qu'Andrew, avait envie de crier... Je sentis la boule, déjà bien installée dans mon estomac, grossir un peu plus.

— Maman... dis-moi ce qui se passe.

            Je sentis les larmes me monter aux yeux. Comment mon corps pouvait-il encore trouver des réserves pour pleurer ? Ça faisait tellement mal de les voir souffrir comme ça.

           Mes parents faisant un blocage, le gendarme, qui attendait jusque là patiemment, prit la parole. Il allait enfin répondre à ma question quand ma mère le coupa. Elle se leva et vint s'agenouiller devant moi. Elle glissa délicatement ses mains autour des miennes et les pressa. Puis elle tenta de me sourire.

— Will... Ils ont retrouvé Andy.

          Je cessai tout bonnement de respirer, suspendu à ses lèvres. Retrouvé ? Comment ça retrouvé ?

— Ton frère est mort. Il s'est tiré une balle dans la tête. »

           Je clignai des yeux, laissant mes larmes s'en dérober sans même plus y penser, et réagis de la manière la plus inattendue possible. Je hochai la tête, tout simplement, complètement à l'ouest. Je retirai mes mains de celles de ma mère et rejoignis sans un bruit, sans un mot, notre chambre. J'en verrouillai la porte, toujours aussi silencieux, et j'annexai le lit d'Andrew. Je calai mon dos contre le mur et décrochai la bague de Sarah de mon cou. J'observai l'anneau, pendant une minute, deux, puis trois... sans penser à rien. Je ne pensais plus à rien. J'étais incapable de penser à quoi que ce soit. Au bout d'un moment, ma main se resserra d'elle-même autour de la chaine, blanchissant épouvantablement la jointure de mes doigts. Je tournai la tête en direction de ma table de chevet, de l'autre côté de la pièce. La chaine de Sarah, qui s'était décrochée de son cou au moment de sa chute, y reposait encore. Sa vue me brûla un peu plus les yeux. Je plaçai donc ma tête entre mes genoux, les enserrant de mes bras, et laissai à nouveau la douleur m'envahir.

*

*           *

           Le lendemain je ne sortis pas de ma chambre. Je m'étais endormi, tout habillé, dans le lit d'Andy. Je passai ma journée, les yeux plantés dans le plafond, à attendre que ça passe. Rien, je ne fis rien, j'étais bien incapable de faire quoi que ce soit. Mes parents toquèrent plusieurs fois à la porte, me demandèrent de les laisser entrer, mais il m'était impossible d'ouvrir la bouche. La seule chose que j'étais encore capable de faire était de compter les défauts de ce plafond à la con. Si je sortais de ma transe, j'allais devoir réaliser. Je ne voulais pas réaliser, je ne pouvais pas réaliser. J'avais perdu trop de personnes en trop peu de temps. Alors je restai sur ce lit, attendant que le temps ne s'échappe, toujours incapable de penser. Et finalement, je me sentais bien, à compter et recompter les trous dans le mur, je me sentais vraiment bien. Je commençai à me dire que je pourrais rester là jusqu'à la fin. Ça ne servait plus à rien de sortir de toute façon, à chaque fois que je m'étais le pied dehors j'apprenais qu'une nouvelle catastrophe était arrivée. Ici, j'étais bien, au calme, juste moi, le blanc du plafond et ses trente-deux égratignures.

           Le troisième jour, mon père commença à s'impatienter. Il passa au moins trente minutes à crier derrière ma porte. À bout de nerfs, il finit par forcer la serrure et pénétrer dans la pièce. Mais je ne réagis pas pour autant. Ce n'était pas contre lui ni contre ma mère, j'étais juste incapable de réagir. Mes parents s'approchèrent de moi et s'installèrent sur le lit. Ils tentèrent de me réveiller, de me faire bouger. Rien n'y fit jusqu'à ce qu'ils mentionnent ce que je redoutais depuis des jours déjà, jusqu'à ce qu'ils m'apprennent une mauvaise nouvelle de plus : « Will, on a pris une décision, me dit mon père, on rentre en Angleterre demain, définitivement.

           Je lâchai enfin le plafond des yeux et me remis à penser. Je regrettai instantanément mes journées de comptes. Je le savais, je savais que si je me remettais à penser ça allait me faire un mal de chien.

— Comment ça définitivement ?

           Ma gorge, plus qu'asséchée, me fit affreusement mal. Mais ce n'était rien comparé au reste. La douleur physique n'était rien comparé au reste. Je cherchai des réponses dans les yeux de mes parents, affolé.

— Définitivement, définitivement. Tu vas reprendre les cours, et l'on ne reviendra pas pour les vacances.

            Je tentai de déglutir, ravalant difficilement le peu qu'il me restait de salive. Ils ne pouvaient pas me faire ça ? Ils ne pouvaient pas en rajouter une couche... C'était déjà suffisamment lourd à supporter comme ça... Je pétai un câble en anglais pour que mon père me comprenne bien.

— Je ne peux pas partir, c'est impossible, d'accord ? Je ne peux pas partir pour ne jamais revenir ! Vous ne pouvez pas me faire ça ! Vous n'avez pas le droit de me faire ça ! Si je pars, Sarah ne se souviendra jamais de moi ! Je ne peux pas l'abandonner !

— William !

            Le ton de mon père ne prêtait pas à discussion, mais j'avais accumulé suffisamment de haine en trois jours pour retourner toute la maison. Mon comportement était totalement égoïste, mais je ne pouvais pas me résoudre à la laisser toute seule, sans souvenirs, avec un taré scotché à ses baskets.

— Quoi William ? Je ne partirai pas ! Vous ne pouvez pas me traîner de force ! Je ne la laisserai pas avec ce type, c'est compris ? Antoine a tué les parents de Sarah, lâchai-je sans même réfléchir à l'impact que pourrait avoir cette information.

             Le regard de mon père se durcit un peu plus. En d'autres circonstances, j'aurai probablement tout lâché sans même tenter de lutter. Mais à cet instant, je n'étais absolument plus rationnel. Voyant que je ne flanchais pas, ma mère se remit à pleurer.

— Tu vas beaucoup trop loin ! me dit mon père. On te comprend, on sait que c'est difficile, on se doute que tu as mal, mais ça n'excuse pas tout William.

             Bien, je savais que personne ne me croirait de toute façon. Et je n'avais plus aucune preuve. Mais ça ne changeait rien, bien au contraire.

— Je ne partirai pas ! réitérai-je.

— William, ton frère est mort ! explosa mon père. Ta place, là tout de suite, est avec ta famille ! Ta place est auprès de ta mère, auprès de moi. Et nous rentrons en Angleterre. Il s'est passé trop de choses, nous n'avons plus rien à faire ici, et tu rentres avec nous, fin de la discussion. »

              Andy est mort ? Il est vraiment mort ? Je tournai la tête en direction de la porte, comme si ça allait faire apparaître mon frère, comme s'il allait se jeter sur son lit que j'avais investi et me dire de dégager avec toute la haine qu'il pouvait m'envoyer dans la gueule. J'avais tellement envie qu'il débarque, même si c'était pour m'insulter, je voulais juste qu'il débarque. Mais il n'entra pas dans la pièce, il n'entrerait plus jamais, et je n'entendrais plus jamais sa voix. Nous ne pourrions jamais nous expliquer. Je ne pourrais jamais lui dire que j'étais désolé et que je l'aimais.

              Ma mère me prit dans ses bras, pleurant contre moi. Mon père se joint à l'accolade, ému à son tour. Moi je ne bougeai pas, toujours perdu dans mon espèce de mutisme protecteur. Mais je pris ma décision à ce moment-là. J'allais rentrer en Angleterre. Mon père avait raison : je me devais d'être là pour eux. On avait déjà perdu Andrew, ils ne supporteraient pas de me perdre moi aussi. Ils avaient besoin de moi. Sarah avait Alex, et elle avait peur de moi. Il valait mieux qu'elle m'oublie encore une fois.

*

*           *

            Avant mon départ, je donnai rendez-vous à mon ami d'enfance. Je voulais lui dire au revoir, adieu, aucune idée, je voulais juste le prévenir que je partais. Alex était un fantôme, aussi éteint que moi. On n'avait plus rien à voir avec ce qu'on avait été, mais l'émotion entre nous était forte. Parce qu'on se comprenait, parfaitement. « Je serais toujours là pour toi mon pote, me dit-il. Je te promets de te donner des nouvelles, toutes les semaines, d'elle et de moi. Toi aussi tiens-moi au courant, OK ?

— Ouais, je te ferais des récits de ma vie palpitante ! Quoi de mieux que ma tête sur ton ordi pour égayer tes journées, pas vrai ? tentai-je de rigoler.

            Nos plaisanteries n'avaient plus la même saveur, elles sonnaient faux, mais ni lui ni moi ne l'aurions souligné. C'était plus simple de faire comme si tout allait bien, plus simple de faire comme si rien n'avait changé alors que d'un groupe de quatre nous étions passés à deux.

— Ça c'est clair, il n'y a pas plus beau-gosse que toi ! ricana-t-il.

            Je lui souris, puis on se regarda gênés, ne sachant plus comment agir. C'était tellement bizarre, de se retrouver l'un en face de l'autre, après tout ce qui s'était passé. Cassant la glace, Alex finit par me prendre amicalement dans ses bras et me serra à m'en broyer les côtes.

— Ça va aller mon pote, t'en fais pas, me dit-il. On se revoit bientôt, OK ?

— OK.

             Nous savions tous les deux que c'était faux, mais encore une fois c'était trop difficile à accepter.

— Je te promets de lui parler de toi, finit par me dire Alex.

            Il ne savait pas ce qui s'était passé entre Sarah et moi, il n'avait pas été mis au courant. Et, j'avais bien trop mal pour en parler. Alors je me contentai de secouer la tête et de lui dire :

— Non, ne lui parle pas de moi. Elle parlera d'elle-même quand elle se souviendra. Je crois en elle, j'attendrai le temps qu'il faudra. Pour l'instant, elle ne doit pas se souvenir de moi... si elle doit m'oublier définitivement pour ne pas se rappeler des horreurs qu'il lui a implantées dans la tête je suis obligé de l'accepter. Quand ça se sera calmé chez moi, et que Sarah semblera prête, je reviendrai. Je ne l'abandonnerai jamais, je te le promets.

— Je le sais mon pote, t'es un vrai pot de colle ! La super glue n'est pas aussi efficace que toi !

             Il adoucit mon discours, acquiesçant de la plus belle des façons. Nous rigolâmes légèrement, toujours aussi gênés, avant qu'il ne songe réellement à ce que je venais de lui raconter.

— De quelles horreurs tu parles ?

— Rien, oublie, c'était métaphorique. »

          Alex hocha la tête, ne demandant rien de plus. Il avait entendu ma voix trembler, il savait que je n'arriverais pas à en parler. Alors il hocha la tête, sans ajouter un mot, puis me laissa rejoindre la gare où m'attendait le train qui me conduirait en Angleterre.


(1) Angle. Trad. Un malheur n'arrive jamais seul.

(2) Angl. Trad. Il vaut mieux que tu t'asseyes.

*******************

Le déni,

La colère,

La peur,

La tristesse,

L'acceptation,

Le pardon,

La reconstruction.

Il lui reste tant à traverser, 

Mais au bout du tunnel il trouvera la félicité. Il y a toujours la félicité.

Lily <3


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