Un stratagème psychotique - Antoine Lacombe

« In your dream, you're drowning, I just waltzed in and saved you
I'm your alternate escape route, the altar you pray to
Your ultimate savior, your behavior is altered
Ain't your fault cause I made you
Brainwashed and persuade you »

Kill For You — Skylar Grey et Eminem

          Je laissai Andrew sous le choc, face à mon œuvre d'art mortuaire, en sachant pertinemment qu'il ne dirait rien. Il allait embarquer son frère, ses parents, rentrer en Angleterre et ne plus jamais revenir. C'était mes derniers moments avec lui, j'en avais conscience, mais je savais aussi qu'il ne trahirait pas l'amitié que nous avions construite ces dernières années : parce que ça ne lui serait d'aucune utilité et qu'il tenait trop à moi pour ça. Pour calmer la minuscule part de doute qui faisait rage dans mon crâne, je fis semblant de regretter. « Je... je ne voulais pas faire ça, en arriver là... bredouillai-je. Il faut que je parle à Sarah, pour la préparer, psychologiquement, il faut que je la voie ».

            Figé dans le temps, Andy ne prit pas la peine de me répondre et s'éloigna à pas lents du lieu du désastre alors que les sirènes des pompiers retentissaient au loin. De mon côté, je rejoignis l'hôpital.

           Je retrouvai Sarah, dans sa chambre. Elle regardait par la fenêtre, dans un autre monde. Je toquai alors à la porte. Quand elle se tourna vers moi mon cœur fit un raté. Sa mélancolie était si belle. Elle me demanda d'approcher et nous commençâmes à discuter. Au bout d'une heure, elle cessa toute conversation et baissa les yeux. « Qu'est-ce qu'il se passe joli cœur ?

— Je... je me dis que je n'aurais pas dû parler comme ça à mes parents... tout à l'heure. Et puis ce garçon, il m'intrigue. Pourquoi était-il avec mes parents ? Si c'est quelqu'un de mauvais, que faisait-il avec mes parents ?

           Je ne pensais pas que ce moment arriverait si vite, que je devrais si rapidement mettre en place mon stratagème et abuser une fois de plus de sa confiance, mais je n'avais pas le choix.

— Comment ça ? Qu'est-ce que tu entends par « parler à tes parents » ?

            Je fronçai les sourcils, indiquant que je ne comprenais pas du tout ce qu'elle voulait dire.

— Tout à l'heure, quand ils sont venus me présenter ce garçon... j'aurais peut-être dû accepter de te laisser sortir un moment et discuter avec lui ? Tu ne crois pas ?

             Je tournai la tête, faisant semblant de ne pas arriver à la regarder dans les yeux.

— Sarah, de quoi parles-tu ? réitérai-je.

— Mais tu sais bien, de mes parents, la discussion qu'on a eue tout à l'heure ! Tu étais là Antoine, tu te souviens bien ?

           Je ne répondis rien, la laissant douter un moment, laissant le temps à son absence totale de confiance en elle remonter à la surface.

— Est-ce que tu peux dire à mes parents de venir, s'il te plait ? Je n'y comprends plus rien... Il faut que je leur parle...

— Sarah... tes parents ils... enfin quoi ! Tu ne te souviens pas ? Dis-moi que tu te moques de moi... s'il te plait...

           Elle secoua la tête d'incompréhension et chercha des réponses dans le gris glacé de mes yeux. Je pus lire dans ses iris noisette toute sa confiance, toute la confiance qu'elle avait en moi. Avant l'accident, je n'aurais jamais eu le droit à un éclat comme celui-là. Cet éclat-là, elle le réservait à l'autre bâtard. Il m'était si précieux, je devais le conserver, c'est moi qui méritais cette chaleur. Alors je continuai, sans une once de regret.

— Sarah, tes parents sont morts il y a un mois. Ils sont morts, avant que tu te blesses, dans un accident de voiture.

          Elle ne dit rien, ne semblant pas comprendre où je voulais en venir, mais ses yeux s'écarquillèrent d'eux-mêmes face à la nouvelle.

— Je n'ai pas voulu te le dire tout de suite, je ne suis pas certain que je devrais te le dire, tu es si fragile bébé. Mais je me dois d'être honnête avec toi. Si tu es tant attirée par le mec de cette photo c'est parce que tu le reconnais... Il est en partie responsable de l'accident de tes parents... ils sont morts par sa faute.

           Les yeux de Sarah semblèrent sortir de leur orbite. Puis, elle retomba dans son mutisme, comme pour se protéger, et ne prononça plus un mot. Elle me laissa ainsi tout le temps de continuer mon histoire. Si elle ne protestait pas, c'est qu'elle me croyait.

— Je suis terriblement désolé. Quand il est venu la dernière fois, il était seul, mais je pense que tu as dû associer sa présence à celle de tes parents. De ce que je sais, ce garçon avait bu ce jour-là. Il est monté en voiture avec son grand frère qui n'a même pas le permis et qui était bourré lui aussi... Ils ont joué aux cons, pour faire les grands. Le plus vieux des deux a voulu donner un cours de conduite au plus jeune. Ce connard a accepté. Je n'en sais pas plus. L'accident était tellement choquant qu'un flash info a été diffusé à la télévision, c'est comme ça que cette société de merde t'a appris leur décès, ils n'ont même pas pris la peine de vous ménager. Je suis désolé de t'apprendre ça, je pensais que tu t'en souvenais, tes parents sont morts à cause de la connerie d'un ado.

            Sarah se mit à pleurer silencieusement. Elle semblait boire mes paroles sans se poser de questions, sans faire le tri, elle ne savait plus faire, c'était une véritable éponge. Ma seule chance avait été de prendre toute la place autour d'elle, comme elle ne se souvenait plus de personne j'avais réussi à devenir son seul repère. Qu'elle était naïve ! C'était tellement simple de lui fourrer des idées dans le crâne. Elle me mangeait dans la main.

— Quand ce garçon a entendu dire que tu avais, à ton tour, été hospitalisée, il a voulu se racheter. C'est pour ça qu'il est venu te rendre visite... mais je ne pouvais pas le laisser seul avec toi, tu comprends ? Pas après ce qu'il a fait. Ils ne se sont même pas arrêtés Sarah... et Éric et Laurana... Ils ne méritaient pas ça... Je suis tellement désolé. »

           Sarah se blottit alors contre moi, sans un mot, s'agrippant à mon T-shirt comme à une bouée de sauvetage. Je resserrai mon étreinte autour de son petit corps, l'attirant un peu plus vers moi, la collant un peu plus contre moi. Je profitai du calme avant la tempête. La nouvelle de la mort de Laurana et Éric n'allait pas tarder à faire du bruit. Je savais que tout n'était pas encore fini, que je n'étais pas encore tiré d'affaire.

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Le piège se referme petit à petit,

Est-ce que ce chapitre vous a plu ?

Belle journée à vous, bonne soirée étoilée,

Lily <3

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