Time flies, dreams die (1) - William Lewis
(1) Angl. Trad : le temps passe, les rêves meurent.
« L'âme en peine
Il vit mais parle à peine
Il attend devant cette photo d'antan
Il n'est pas fou
Il y croit c'est tout
Il la voit partout
Il l'attend debout
Une rose à la main
À part elle il n'attend rien
Rien autour n'a de sens
Et l'air est lourd
Le regard absent
Il est seul et lui parle souvent
Il n'est pas fou
Il l'aime c'est tout
Il la voit partout
Il l'attend debout
Debout une rose à la main
Non, non plus rien ne le retient »
Love Story - Indila
Nous étions le 28 septembre. Il y a un deux ans, je la perdais, sans savoir s'il me serait possible de la retrouver un jour. J'avais bien sûr gardé contact avec Alex, qui m'envoyait souvent de ses nouvelles, des photos de leurs sorties, me permettant de partager sa vie sans y prendre part. Je me sentais sombrer, un peu plus chaque jour, quand il me parlait d'elle. Je voyais bien qu'il n'osait pas tout me dire, je voyais bien qu'il ne pouvait pas tout me dire. Alors je finis par comprendre, par ses tentatives de fuite, par ses détournements de conversations. Je finis par comprendre qu'il l'avait eue, qu'elle était sous son emprise comme beaucoup d'autres. À un millier de kilomètres d'elle je sentis mon cœur se désintégrer. J'étais abominable, abominable de la laisser plonger sans intervenir, abominable de ne rien réussir à dire à son frère, abominable et lâche. « Mais ne t'en fais pas, elle va bien, je veille au grain, tenta de me rassurer Alex.
- Arrête ça tout de suite, s'il te plait, je sais que c'est faux.
Je canalisais mon énergie négative, incapable de lui venir en aide, de la mettre en garde, de là où je me trouvais. Et pour le coup, personne ne comprenait ce que je ressentais, personne ne pouvait comprendre.
- Est-ce qu'ils sont ensemble ? réussis-je à articuler.
Alex ne répondit pas, détournant les yeux une fois de plus.
- Il va lui faire du mal, ne le laisse pas y arriver, s'il te plait. Tu ne sais pas tout, d'accord, crois-moi s'il te plait. Il est plus dangereux qu'il n'y parait.
Ma voix se brisa de l'autre côté de mon écran d'ordinateur. Il fallait que je rentre, à tout prix, par tous les moyens. Il fallait que j'arrête d'avoir peur et que je rentre avant qu'il ne soit trop tard. Je devais convaincre mes parents de me laisser partir.
- Je comprends que ce soit difficile pour toi mon pote, vraiment. Mais je ne peux rien y faire. Et puis c'est juste un connard, OK ? Il ne fait rien, ce type ne ferait jamais rien, il est trop lâche. Je n'ai rien vu d'alarmant. Je te le promets. C'est juste un macho sans cervelle !
- Ce n'est pas parce que tu ne vois rien qu'il ne se passe rien, ne te laisse pas avoir. Ça me tue de dire ça, mais ce mec est loin d'être con...
- Franchement Will, je voudrais te croire, vraiment. Mais la plus chiante pour Sarah dans l'histoire ce n'est pas Antoine, mais Noémie ! Quoiqu'elle s'est un peu calmée depuis qu'ils sont...
Alex sembla se mordre la langue, ravalant péniblement l'information qu'il se refusait de me livrer, mais que j'avais déjà interceptée par moi-même. J'avais envie de le secouer, de traverser l'écran pour le secouer. Antoine avait réussi à nous diviser, il avait réussi à m'isoler, à me faire perdre toute crédibilité. Elle et lui... je savais que ça finirait par arriver si je m'éloignais, et ça me glaçait le sang, ça me terrifiait encore plus que ça me dégoûtait.
- Elle ne te parle jamais de moi ?
J'espérais tellement qu'elle ait des réminiscences, quelque chose, qu'un élément déclencheur remette les choses en ordre, j'espérais tellement pouvoir retrouver ma place. Alex me répondit par la négative, une fois de plus, m'enfonçant un peu plus dans le désespoir qui refusait de me lâcher.
- Je vais revenir, je vais entamer la procédure pour revenir. Je suis sûr que mes parents seront d'accord.
Je me laissais un an, pas plus, pour la retrouver. Je sentais qu'il était l'heure. Je sentais que je devais intervenir avant qu'il ne soit trop tard. Peu importe les conséquences.
- Will, je ne peux pas te promettre qu'elle prendra bien la chose. Elle est en train de se reconstruire, et il a l'air de l'aider même si ça me tue de l'avouer. Je ne peux pas te promettre que tu arriveras à recréer des liens avec elle. »
C'est la seule fois de ma vie où je remerciai le ciel de ne pas être en présence de mon ami. La seule fois. Car je ressentis une haine incontrôlable à son égard quand il prononça ces mots. Je lui en voulus d'être naïf envers ce putain de psychopathe, de ne pas croire en la force du lien que j'avais avec Sarah, de ne plus penser que les choses allaient rentrer dans l'ordre. Je sais qu'il avait dit ça pour mon bien, pour me mettre en garde, pour m'éviter de sombrer un peu plus dans le cas où tout ne se passerait pas comme prévu. J'avais décidé de partir, de la laisser souffler, de la laisser se reconstruire et oui je risquais de payer ce départ par sa perte définitive : mais je n'étais pas prêt à l'entendre. Alors qu'il essayait de me faire comprendre qu'il était dans tous les cas de mon côté, qu'il entendait mes mises en garde et qu'il allait les prendre en compte, qu'il m'alerterait au moindre problème, je ne l'écoutais presque plus et coupai court à la conversation. J'éteignis mon ordinateur et me laissai chuter dans le vide qui grossissait chaque jour dans mon cœur. Putain que ça pouvait faire mal, son absence me détruisait et c'était de plus en plus difficile de le cacher.
Quelqu'un frappa alors à la porte de ma chambre. J'entendis la voix de crécelle de Kate de l'autre côté du bois. Je ne répondis pas, mais elle entra quand même. Je sentis ses bras autour de moi et me laissai aller mécaniquement. J'essayai d'oublier son odeur qui n'était pas celle de Sarah, j'essayai d'oublier sa voix, trop aiguë, qui tentait comme chaque jour de m'apaiser, je me persuadai que c'était elle. Sentant que je ne résistais pas Katty me contourna et vint s'asseoir à cheval sur mes genoux. Je fermai les yeux et murmurai son prénom. « Elle n'est plus là Will, je suis désolée, mais elle n'est plus là. Il faut que tu passes à autre chose, tenta-t-elle de me calmer. Ça fait deux ans... tu ne peux pas rester comme ça éternellement.
J'allais répliquer que c'était faux, que je la sentais, que j'arriverais à tout réparer. J'allais répéter ce dont je passais mon temps à me persuader quand elle m'embrassa pour me faire taire. Je n'avais jamais goûté les lèvres de Sarah, nous étions jeunes, je n'en avais pas eu le temps. Elle m'avait été arrachée avant même que nous ayons eu le temps de nous construire. Il ne fut donc pas difficile pour moi de me convaincre qu'il s'agissait d'elle, que la chaleur et la douceur des lèvres de Kate n'appartenaient pas à mon amie anglaise. J'étais simplement disloqué de l'intérieur, alors je la laissai égoïstement tenter de me réparer. Elle approfondit son baiser, pressant son corps contre le mien, passant ses mains sous mes vêtements, gommant le souvenir de ses mains à elle. Putain que ça faisait mal de savoir que ça ne serait pas elle, putain que ça faisait du bien de me laisser croire que c'était elle. L'esprit à plus de mille trois cents kilomètres de cette chambre, je répondis enfin aux appels charnels de Katty. Je l'entrainai avec moi dans le lit sans jamais la regarder vraiment. Je la goûtai sans jamais la ressentir vraiment. Puis je m'arrêtai, complètement à côté de la plaque.
- Continue, murmura-t-elle, reste avec moi William. Je sais que c'est difficile, mais oublie-la. Tu iras mieux, je t'ai promis de t'aider à aller mieux. Je tiendrai ma promesse. »
Elle me ramena à elle, entreprenante, m'encourageant à plonger mes yeux dans les siens. Ce n'était pas elle. Je n'étais pas en train de le faire avec elle. Et ça me fit un mal de chien, ça me déchira les tripes. Mais je continuai, parce que souffrir me ramenait à elle, souffrir m'éloignait de Katty, de sa douceur, de sa sensualité, et du désir qu'elle voulait que je ressente. Je continuai parce que je l'imaginais avec lui, murmurer son prénom à lui, soupirer de désir contre lui, à m'en glacer le sang. Je continuai parce que ça noyait mes angoisses, je continuai parce que l'endorphine que me procuraient, malgré elles, les courbes de Katty me détruisaient étrangement un peu plus et putain je le méritais pour l'avoir lâchée. Je méritais d'être détruit. Alors je passai six mois à continuer, continuer et continuer à m'en faire vomir, six mois à croire Kate quand elle me disait qu'elle était la solution, six mois à jouer involontairement avec elle, six mois à nous empoisonner tous les deux. Jusqu'au jour où Alex m'annonça que j'avais raison, et qu'il s'était passé quelque chose de terrible. Sarah avait complètement changé de comportement, du jour au lendemain, après une soirée où il avait été absent. Elle ne disait rien, niait tout en bloc, mais il sentait que quelque chose n'allait pas. Il ne savait pas ce qui était arrivé, mais il connaissait suffisamment sa sœur pour savoir que c'était grave. Elle était fantomatique, obéissait à tout, ne disait plus rien. Elle n'essayait même plus de lutter. Elle semblait en alerte chaque fois que quelqu'un osait prononcer le prénom de cet enculé. Elle semblait sur le point de s'effondrer à nouveau. Soucieux, il me demanda où j'en étais, si je comptais rentrer bientôt, si j'avais avancé dans ma procédure d'admission au lycée Simone Weil : il avait besoin d'un allié sur place. Une semaine plus tard, j'avais la réponse. Quelle ironie, j'allais enfin pouvoir la retrouver, le 28 septembre prochain, trois ans après qu'elle m'ait été enlevée. J'allais enfin pouvoir revivre.
********************
Et il tombe,
il tombe,
pour rejoindre le sol.
La gravité,
finira forcément par le ramener.
Lily <3
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top