There are clouds on the horizon (1) - Willam Lewis


« Beneath the sky
As black as diamonds
We're running out of time
Don't wait for truth
To come and blind us
Let's just believe their lies

Believe it, I see it
I know that you can feel
No secrets worth keeping
So fool me like I'm dreaming »

Darkside - Alan Walker

Je compris au moment même où je posai mes yeux sur mon frère que quelque chose n'allait pas. Ce cauchemar n'allait donc jamais s'arrêter ? La situation pouvait-elle réellement continuer à s'aggraver ? Qu'est-ce qu'on allait encore devoir supporter ?

Je comblai les derniers mètres qui m'éloignaient de mon frère et l'interrogeai du regard, attendant qu'il ose m'en dire plus. Mais il semblait résolu à garder le silence : « Qu'est-ce qui se passe ?

Honnêtement, je ne pensais pas être capable de supporter une mauvaise nouvelle supplémentaire. Il en allait de ma santé mentale. Les yeux d'Andy étaient baignés de larmes, ses paupières tremblaient comme les miennes un peu plus tôt. Si je ne pouvais pas recoudre le trou béant qu'avait laissé dans mon cœur l'altercation avec Sarah, je pouvais peut-être le réparer lui ? Je ne pouvais pas le laisser dans cet état, malgré tous nos différends il restait mon grand frère. Pourtant, j'avais peur de ce qu'il allait m'annoncer, et il allait falloir que j'encaisse. Il avait besoin de mon soutien, pour la première fois depuis une éternité.

- Je... pas ici... quelqu'un pourrait nous entendre.

Nous entendre ? C'était si grave que ça ? Je pris sur moi pour rester indifférent, il était suffisamment affolé pour nous deux. Je l'aidai à descendre du muret sur lequel il avait élu domicile en m'attendant, et le suivis un peu plus loin. En silence, il emprunta le chemin longeant la plage. Je serrai la mâchoire pour ne pas laisser transparaitre mon inquiétude. Les mains d'Andy tremblaient. Je le voyais ouvrir et refermer ses doigts de nervosité, même s'il essayait de me le cacher. Les traits de son visage étaient tirés, terriblement marqués par la fatigue accumulée. Mais ça n'avait rien d'étonnant : nous étions tous complètement épuisés ces derniers temps.

D'un pas qui se voulait calme pour toute personne qui aurait eu l'idée de nous observer, nous rejoignîmes la crique de Sarah. Une fois à l'abri des regards, il s'assit sur le sol et m'invita à me poser à côté de lui. Pas une seule fois, il ne m'avait pas insulté une seule fois depuis notre départ de l'hôpital et ça, c'était vraiment terrifiant.

- Qu'est-ce qui se passe Andy ? risquai-je à nouveau.

- Je crois que tu avais raison, depuis le début...

- Comment ça j'avais raison ? De quoi tu parles ?

- Je... Antoine est mon meilleur ami, OK ?

Il ne m'avait pas sérieusement traîné jusqu'ici pour me balancer ça à la tronche ? Il n'avait quand même pas osé m'amener ici pour me parler des problèmes de Lacombe ? Certes, il n'avait pas connaissance de la cause de l'accident de Sarah, et il n'était pas au courant pour l'échange que je venais d'avoir avec elle, mais il n'allait quand même pas profiter des derniers événements pour m'enfoncer un peu plus ?

- Je sais Andrew, crachai-je sur la défensive, mais si tu as encore une once d'estime pour moi planquée quelque part, par pitié, ne viens pas me parler de ce connard ! Je ne suis vraiment pas d'humeur.

- Non, c'est pas ce que je voulais dire... c'est juste qu'il s'est passé quelque chose, de grave... de très grave... tiens regarde...

Andrew me tendit son téléphone, farfouilla dans les dossiers de son disque dur et enclencha une vidéo. La qualité, au départ plus que mauvaise, s'améliora quand le caméraman cessa de bouger. L'écran se dépixélisa, laissant apparaître un garçon. Je reconnus rapidement la face de raclure d'Antoine. Assis sur un mur, il balançait joyeusement ses pieds dans le vide, chantonnant.

- Bon, tu vas me dire ce qu'on fait ici ? questionna le caméraman.

Andrew, c'était la voix d'Andrew, c'était lui qui filmait.

- Je ne comprends pas... pourquoi tu me montres ça ?

- Regarde jusqu'au bout ! m'ordonna mon frère.

Obéissant, je continuai d'observer les protagonistes du film. Antoine était surexcité, Andrew attendait savamment de savoir ce qui allait se passer.

- Arrête de filmer bro', dit Antoine, tu vas tout faire foirer !

Mon frère, dans la vidéo, masqua son téléphone, mais continua de filmer en douce. Il semblait savoir qu'il était de son devoir de capturer ce qui allait se passer. Une part de moi me murmurera de tout couper. L'issue de la vidéo allait m'enfoncer un peu plus en enfer, je ne voulais pas savoir. Alors je cliquai sur pause.

- Andy, je ne suis pas sûr...

- Will, j'ai besoin de toi, maintenant !

Il switcha sur l'anglais, rajoutant une sécurité supplémentaire quant à la confidentialité de notre conversation. Et ça, c'était très mauvais signe. Je n'avais vraiment, vraiment pas envie de regarder. Je n'avais pas envie de porter un fardeau supplémentaire : son fardeau. Mais c'était mon frère.

- Regarde cette vidéo s'il te plait, je vais devenir fou si je n'en parle pas à quelqu'un, tu comprends ? Je vais sincèrement, réellement, devenir taré. Je ne sais pas quoi faire, j'ai besoin que tu me dises ce que tu en penses.

Il se pencha sur moi et caressa l'écran tactile de son téléphone pour relancer la lecture. Je respirai un grand coup et continuai le visionnage de ce qui s'annonçait être un film d'horreur. On entendit une voiture arriver au loin. Antoine choisit cet instant pour descendre de son siège improvisé et se précipiter sur la route. La voiture chercha à l'éviter. Elle réussit à le contourner, mais se prit le mur de la maison abandonnée, de l'autre côté de la route. Le choc sembla la réduire de moitié et elle se mit à fumer. J'eus un haut-le-cœur en reconnaissant la voiture d'Éric et Laurana. J'étais monté un million de fois dans cette voiture, c'est dans cette voiture que j'avais vu s'éloigner Sarah après son accident.

- Qu'est-ce que... murmurai-je.

Andrew tremblait à côté de moi, attendant que je lui dise quoi faire. Je me tournai vers lui, mais intransigeant, il me demanda une nouvelle fois de terminer mon visionnage. Comment ça « de terminer » ? Ce n'était pas terminé ? Ça pouvait encore empirer ? Je ne quittai plus le téléphone des yeux jusqu'à la fin. Je me retins de toutes forces pour ne pas le réduire en miettes quand Antoine mit le feu à la voiture des parents de Sarah. J'étais à deux doigts de vomir, si je n'avais pas été aussi énervé j'aurais probablement régurgité le peu de nourriture que j'avais réussi à avaler.

- Ce n'était pas un accident... crachai-je.

Je rendis à Andrew son mobile, pour ne pas détruire la seule preuve que nous avions sous le coup de la colère et du dégoût. Je me pinçai l'arête du nez, prenant sur moi pour ne pas exploser. C'était Andrew le calme, pas moi. Moi j'avais l'habitude de tout envoyer valdinguer. C'était Andrew le plus utile de nous deux dans ce genre de situation. Mais, comme moi le jour de l'accident de Sarah, c'est désormais lui qui avait besoin que je le réveille.

- Il faut que tu ailles montrer cette vidéo à la police, tout de suite tu m'entends ?

- Il m'a dit qu'il s'en voulait... tu as bien vu sa tête à la fin de la vidéo, il avait l'air dévasté quand il a compris ce qu'il venait de faire.

- Holy shit (2) Andrew ! On parle d'un meurtre là ! Tu voulais mon avis ? Tu l'as ! Va voir les flics ! Tout de suite ! Si ce n'est pas toi qui y vas, c'est moi qui irais ! Mais je te préviens : si j'y vais, je vais tout faire péter ! Tu sais mieux que quiconque qu'il vaut mieux que ça soit toi !

Andrew secoua la tête comme s'il réfléchissait.

- J'ai promis de ne rien dire... Il a juste dérapé... C'est un mec adorable...

- Andy, s'il te plait ! Réfléchis deux secondes ! Tu l'as vu, aussi bien que moi, se précipiter au milieu de la route avant de foutre le feu à cette bagnole. C'est un meurtre Andy, un homicide ! Ne dis pas n'importe quoi !

Andrew rangea le portable dans sa poche et épousseta ses vêtements. Il quitta la crique sans un mot. Il n'allait quand même pas prendre la fuite après ça ? Je n'allais certainement pas le laisser faire. Alors, je me précipitai à sa suite.

- Andy, pense à Alex et Sarah merde, ils ont le droit de savoir ! Ne me dis pas que tu les détestes à ce point-là !

Il se retourna vers moi, les yeux vidés de toute émotion. Lui aussi semblait sur le point de toucher le fond. Mais si j'avais envie de tout détruire autour de moi, lui n'exprimait plus rien. Pourtant, il fit le bon choix.

- Tu as raison. Je vais donner la vidéo à la police. Tu avais raison depuis le début petit frère. »

Je clignai des yeux et le regardai s'éloigner. Il m'avait mouché sur place. Mais je ne savais pas que je le voyais pour la dernière fois. Je ne savais pas que, si je ne le retenais pas, si je ne le forçais pas à me laisser l'accompagner, je ne le reverrais jamais. Je pensais avoir raisonné mon frère, je pensais l'avoir secoué pour son bien. Je pensais avoir trouvé les mots qu'il fallait. Je crus bêtement que lui et moi étions encore connectés. Mais non, je ne l'avais pas écouté, je n'avais pas écouté ses craintes, et je l'avais envoyé à l'abattoir. Parce que, finalement, c'était peut-être lui le plus fragile de nous deux, et c'était peut-être lui qui avait définitivement atteint ses limites, le point de non-retour.


(1) Angl. Trad. L'horizon est lourd de menaces

(2) Angl. Trad. Putain de merde.

********************

Le vent a bien tourné, j'en suis désolée,

Ils avaient encore tant à se dire.

N'oubliez jamais de dire je t'aime aux gens que vous aimez.

Vous êtes encore avec moi ?

Lily <3


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top