The ball was in your court (1) - William Lewis
« The night beckons while you dream
A life never lives in peace
As you stand upon the edge
Woven by a single thread
And fate may fall down upon you
While the devil is knocking
Right at your door »
Awaken - Valerie Broussard
Dès les premiers jours, j'avais senti que quelque chose n'allait pas chez Antoine, dès les premiers instants où je serrai sa main alors que nous n'avions que dix et onze ans. Mais j'étais trop jeune et pas assez méfiant pour m'imaginer le monstre qui était en train de grandir dans son esprit dérangé. Je n'avais compris que bien trop tard ce qu'il préparait depuis des années. Aucun d'entre nous n'aurait pu l'imaginer. Ça dépassait l'entendement.
Plus le temps passait et plus son comportement vis-à-vis de Sarah me dérangeait. Mais comme elle me disait constamment que j'exagérais, je finis par me dire que j'avais tort de m'inquiéter. C'était peut-être simplement mes sentiments pour elle qui étaient en train de changer, peut-être que ça me donnait l'envie irrépressible de la protéger et que ça m'empêchait d'y voir clair. Tout ce que je sais, c'est qu'il avait réussi à ruiner tous les liens que j'avais pu avoir avec mon frère, alors même que je les pensais indestructibles. Andy avait changé son regard sur tout le monde. Il n'était pas seulement en guerre contre moi, mais aussi contre Sarah, Alex, et même nos parents. Il était complètement à côté de ses pompes, et je ne savais pas quoi faire pour l'aider. J'étais le plus jeune des deux, quand j'essayais de lui ouvrir les yeux, de lui montrer qu'il agissait de manière irrationnelle, il m'envoyait royalement chier estimant « avoir à faire à un merdeux ». Il me prenait de haut et on s'éloignait un peu plus. Mais Sarah et Alex devaient avoir raison, ça ne pouvait pas être de la faute d'Antoine, du moins pas uniquement, il n'avait pas ce pouvoir-là. Tout comme moi, c'était peut-être juste Andrew qui avait changé.
La dernière année de sa vie, nous ne nous adressions quasiment plus la parole, si ce n'est pour s'insulter. Alors j'avais cessé de lui parler. Quand nous étions en Angleterre, ça se passait plutôt bien, nous ne nous croisions presque jamais, il n'était jamais à la maison, et de toute façon nous n'avions aucune raison de nous fréquenter. En France, c'était autre chose parce qu'Antoine n'arrêtait pas de foutre la merde. Je pense qu'Andy avait toujours été un peu jaloux du lien que j'avais avec Sarah, pas parce qu'il était amoureux ou une connerie du genre, mais parce qu'il se sentait parfois exclu, parce qu'elle prenait une place tellement importante dans ma vie quand elle était là qu'il pensait ne plus avoir la sienne. Je voudrais tellement pouvoir lui dire qu'il avait tort, que c'était faux, que j'avais beau aimer Sarah de tout mon cœur rien ni personne ne pourrait le remplacer, rien ni personne ne pourrait me faire oublier tout ce qu'il avait fait pour moi, ce qu'il avait été pour moi. Rien ni personne ne pourrait effacer l'amour que j'éprouvais pour lui, même pas le silence et les insultes qui avaient fusé entre nous la dernière année de sa vie. Je m'en voulais tellement de ne pas lui avoir dit, de ne pas m'être battu plus pour réparer les choses entre nous. Parce que Sarah et Alex avaient raison, Antoine n'était pas le seul responsable du comportement autodestructeur d'Andy, j'y avais moi aussi joué un grand rôle. Et je crois que si j'avais eu tant de mal à l'admettre, c'est parce que je ne pourrais jamais me pardonner, et que c'était bien trop lourd à porter. Surtout que si j'avais ouvert les yeux plus tôt, si j'avais tendu la main à mon frère, si je l'avais soutiré à l'emprise d'Antoine : nous aurions pu unir nos forces, comme avant, pour l'éloigner de nous. Personne ne serait en deuil et j'aurais pu éviter à Sarah des années de calvaire...
Mais ce n'est pas ce que j'ai fait, ce n'est pas ce que j'ai choisi de faire. Parce qu'à l'époque le comportement d'Andrew m'énervait, parce que je n'arrivais pas à le comprendre et que je pensais lui en vouloir encore plus qu'il m'en voulait. Du coup, au lieu de demander de l'aide, au lieu de continuer d'essayer de leur faire comprendre qu'il y avait un problème, je me suis chargé d'Antoine tout seul et ça l'a encore plus mis en rogne. Il me cherchait, continuellement, avec ses insinuations à trois francs. Il essayait de me rendre jaloux, il pensait sincèrement pouvoir briser le lien que j'avais avec Sarah et le début de relation qu'on était en train de construire sans même s'en rendre compte. Il essayait de me rendre jaloux, mais c'est lui qui bouillonnait parce que - même s'il avait réussi embarquer mon frère dans ses magouilles - je pensais encore que le fil me reliant à Sarah était immuable. J'en étais persuadé, mais il m'horripilait tellement qu'au lieu de l'ignorer, je me servais de mes certitudes pour les retourner contre lui. Peu avant le quatorzième anniversaire de Sarah, j'avais passé mon temps à répondre à ses attaques pour le déstabiliser, je lui avais clairement fait comprendre que son petit jeu était inutile, que je n'étais pas dupe, que Sarah n'était pas stupide et qu'elle ne tomberait jamais dans ses filets. J'étais tellement sûr de moi qu'il en perdait la face. « Elle fera comme tout le monde Lewis, comme ton frère, comme mes vieux, comme tout le monde : elle me mangera dans la main.
- Essaye de te persuader autant que tu veux, tout ne se déroulera pas comme tu l'as prévu, crois-moi ! Et pour ce qui est d'Andrew, il finira bien par ouvrir les yeux et revenir. Au final, tout le monde se rendra compte que tu n'es qu'un abruti fini, fin de l'histoire.
- Tu dis ça parce que tu flippes au fond de toi, tu flippes de la perdre comme Andy ! Tu flippes parce que bientôt elle ne sera plus à toi !
- Il faudrait déjà, pour ça, que tu comprennes que Sarah ne m'appartient pas. Tu fais erreur si tu penses ça. Pour que tu puisses créer le moindre lien avec elle, il faudrait que tu comprennes enfin que rien ni personne ne peut la contrôler, pas même moi. Elle fait ce qu'elle veut, elle parle à qui elle veut, et je ne l'empêcherai jamais de le faire. J'en serais incapable de toute façon. Je peux t'assurer que tant que tu ne comprendras pas que Sarah n'est pas un jouet, je n'aurais aucune raison de m'en faire. »
Pas un mot de plus, je n'avais pas dit un mot de plus, et je pense que ça l'avait énervé encore plus. Sans le vouloir, j'avais enclenché, cette semaine-là, le jour du drame. J'avais enclenché son pétage de plomb final en lui balançant les vérités qu'il ne voulait pas entendre. Mais je le croyais juste con, pourri gâté, égocentrique et jaloux ; je n'avais pas imaginé une seule seconde qu'il soit à ce point dérangé. J'aurais dû voir qu'il était complètement taré, je n'aurais pas dû entrer dans son jeu, lui répondre, j'aurais dû les persuader qu'il n'était pas normal et qu'il fallait qu'on l'arrête ; avant qu'il ne lui fasse du mal, avant qu'il ne leur fasse du mal.
(1) Angl. trad. La balle était dans ton camp
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Parfois il suffit de peu de mots pour exprimer la douleur,
J'espère que vous apprécierez ce chapitre malgré sa faible longueur.
Lily <3
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