Chapitre 31

On y était. C'était l'heure de l'exécution. Père...! Où étiez-vous? Vous allez vraiment laisser Ace mourir!?

Une colère noire m'envahit. Je devrai acter seule. J'inspirai profondément, me préparai à l'attaque surprise. Il fallait que j'attende qu'Ace soit installé sur l'échafaud avant d'attaquer.

- Ann.

Je reconnus cette voix, Garp. Je me retournai, le coeur serré. Il me regardait avec... une lueur de profonde tristesse.

- L'vieux... lâchai-je.
- Comment vas-tu...?
- Bien.

Le silence tomba. Ça commençait à s'agiter autour de nous, préparant l'exécution. Ace n'allait pas tarder à venir sur l'échafaud. Je croisai mes bras contre ma poitrine, étudiant Garp. Il semblait beaucoup plus vieux que d'habitude... Et terriblement triste.

- Ça ne te fait rien, à propos de Ace? fit-il.

Je gardai un moment le silence. Je ne voulais pas lui mentir... Mais en même temps, je ne voulais pas qu'il soupçonne une futur trahison. Je soupirai doucement et détournai le regard.

- Que veux-tu que je fasse, hein...? murmurai-je. Je ne peux rien faire, l'vieux. Même si c'est mon frère...

Garp garda à son tour le silence. On aurait dit qu'il souhaitait entendre autre chose, qu'il aurait aimé me convaincre de ne rien tenter contre la Marine. Il semblait presque déçu de ma réponse, comme s'il voulait que je trouve un moyen de sauver Ace. Je pinçai les lèvres et le regardai droit dans les yeux. Il passa une main sur son visage tiré de fatigue.

- Tour ça me fait tellement-...!

Il retint un juron, secoua tristement la tête.

- S'il t'avait suivi... S'il avait lui aussi décidé de devenir un Marine...
- Garp. Tu ne peux pas nous obliger à choisir une voie que nous détestons.

Il reporta son attention sur moi, encore plus triste. Je posai une main sur mon coeur.

- Si je l'ai fait, c'était pour toi, et peut-être pour sauver ce monde. Mais Ace... Même si on est jumeau, il n'est pas comme moi. Il est assez égoïste, et têtu. Tu le sais ça.
- Tu es têtue toi aussi...

Je levai les yeux au ciel.

- D'une bonne façon, répliquai-je.

J'apperçus un petit sourire sur son visage. Je souris légèrement moi aussi. Garp s'approcha et posa une main sur mon épaule.

- Je suis content que tu aies choisie de devenir un soldat de la Marine, Ann... Je suis soulagé... Car je n'ai plus peur de te perdre. Si seulement Ace...

Sa voix mourut dans sa gorge nouée et des larmes lui montèrent aux yeux. Je sentis ma gorge se nouer et une once de culpabilité m'envahir. Il sera très déçu de moi... Vraiment très déçu. J'allais me réfugier dans ses bras sans rien dire. Il les referma autour de moi et soupira profondément, retenant ses sanglots. J'étais terriblement désolée l'vieux... Désolée pour ce qui allait arriver tout à l'heure.

On finit par se séparer et Garp inspira profondément, reprenant un semblant de courage.

- J'ai réussi à convaincre Sangoku d'aller parler une dernière fois à Ace, déclara-t-il alors. Tu vas pouvoir venir le voir si tu veux.

Mon coeur bondit dans ma poitrine. C'était une chance en or de le prévenir de mon attaque surprise! Je souris doucement.

- D'accord. Merci l'vieux.

Il hocha la tête et décida de rester près de moi pour que je puisse l'accompagner lorsque ce sera le temps.

- Tu sembles t'être beaucoup améliorée, et pas seulement en combat, fit-il pour changer de sujet. Tu parles mieux, tu sembles plus sérieuse et mature...

Je ne l'écoutais plus. Ses propos me blessaient d'une certaine façon. Comme s'il ne m'aimait pas avant que je devienne soldat.

Je vis alors Ace arriver près de l'échafaud, sur le point de le gravir. Il était accompagné des même gardes que tout à l'heure. Il avait toujours cet air sombre.

- Garp, c'est le moment ou jamais, fit alors une voix derrière nous.

Nous nous retournâmes pour tomber sur Sangoku, accompagnée d'une vieille. Tsuru, si je me souvenais bien. Garp hocha la tête et me fit signe d'avancer. Je jetai un dernier regard à Sangoku qui me laissa passer, ses yeux sévères semblant me prévenir de ne rien tenter contre lui. Je détournai les yeux et m'avançai vers l'échafaud, suivie de près par le vieux.

Ace était déjà installé lorsque j'arrivai. Il était agenouillé, ses poignets menottés derrière lui à la plateforme, tête baissé. Sangoku et Tsuru nous laissèrent seuls, Garp et moi. Les gardes s'éloignèrent un peu, mais restèrent sur la grande plateforme pour nous surveiller. Je fis signe à Garp d'y aller en premier. Je restai à l'écart, la tête basse moi aussi. Je n'osais pas les regarder. Qu'allais-je lui dire...? Et comment...? Je me souvenais de notre jargon, lorsque nous étions plus petits. Nous l'avions très rarement réutilisé plus tard. Je me demandais s'il s'en souvenait... Je l'espérais fortement. Il n'y avait que nous deux qui le connaissait. Je considérais cela comme du jargon, mais en fait, c'était juste un moyen de communication "subtile".

Lorsque je relevai les yeux, je vis Garp, assis en indien, sangloter silencieusement, alors que mon frère le fixait avec surprise. Je n'avais pas compris ce qu'il lui avait dit. J'étais trop perdue dans mes pensées. Je fermai les paupières, inspirai profondément.

Garp s'excusa et se releva pour partir. Il passa à côté de moi sans me jeter de regard. J'attendis quelques secondes avant de m'avancer à mon tour et de m'agenouiller à ses côtés, posant mes paumes sur mes cuisses. Ace ne daigna même pas me jeter un coup d'oeil. Je soupirai.

- C'est l'histoire d'un bébé canard, commençai-je.

Le vent soufflait fort ici. Les gardes ne nous entendront pas. Je gardai mes yeux fixés sur l'horizon.

- Un soir d'orage, le bébé canard voulait retrouver son ami disparu. Il est alors tombé sur son cadavre; il avait été tué par un serpent. Ce serpent, toujours dans les parages, kidnappa le bébé canard. Pour se sauver, il a dû accepter à contre-coeur d'aider les pigeons. Il travailla dur pour devenir fort... Le bébé canard s'ennuyait beaucoup de maman canard.

Le silence tomba un bref moment. Je baissai les yeux sur mes mains, le regard triste.

- Quand il a enfin décidé de revenir, maman canard n'était pas contente... Le bébé canard essaye de tout lui expliquer, au péril de sa vie, car les pigeons ne veulent pas qu'il retourne voir sa maman...
- Maman canard est fâchée à cause qu'elle n'a eu aucune nouvelle de bébé canard.

Je sursautai et tournai la tête vers Ace qui avait la sienne baissée vers ses genoux.

- Elle était inquiète... et le cherchait partout, fit-il.

Il me regarda ensuite, le regard à la fois soulagé et triste.

- Pourquoi le bébé canard n'a donné aucun signe de vie?
- Il en a donné! Il n'a reçu aucune réponse...
- Maman canard n'a rien reçu.

Je le fixai, me retenant de paraître choquée. Comment ça, ils n'avaient eu aucune nouvelle de moi!? Je leur avais écrit des lettres!

- Il lui a écrit pleins de lettres... murmurai-je.

Ace secoua doucement la tête.

- Elle n'a rien reçu.

Le silence retomba. On avait empêché mes lettres de leur parvenir! Je détournai la tête, sentant une colère noire monter en moi.

- J'ai une histoire moi aussi.

Je gardai le silence. Je l'entendis inspirer profondément.

- C'est l'histoire d'une mouche.

Je souris faiblement, ma colère se dissipant légèrement.

- Un matin, la mouche a découvert le corps de son ami, mort. Et sa soeur était disparue. La mouche savait que c'était de la faute de l'araignée. Toute la famille était triste, en colère, et inquiète. Alors la mouche décida de partir à la chasse aux araignées. Elle voulait venger son ami et sa soeur disparue. Malheureusement... Elle n'était pas assez forte. Elle s'est fait kidnappée par l'araignée. Et c'est là... qu'elle a vu sa soeur, déguisée en abeille.
- En abeille?
- Oui. Les mouches détestent les abeilles... Alors elle ne comprenait pas pourquoi elle était comme ça. Elle était en colère.

Il garda la bouche fermée. Je sentis mon coeur se serrer.

- Si la mouche avait eu des nouvelles... murmura-t-il. Elle aurait été moins... fâchée.

Je faillis m'excuser, mais ça allait paraître louche, déjà que ça l'était un peu. Qui raconterait des histoires aussi bizarres et tristes?

- Le temps est écoulé, fit alors un garde en s'approchant.
- Attendez! m'exclamai-je. J'ai une dernière histoire à raconter à mon frère... Ensuite je partirai. S'il-vous-plaît...

Le garde me fixa sans rien dire, puis reprit sa place. J'avalai péniblement et regardai Ace.

- C'est l'histoire d'une fourmi. Elle a rejoint l'armée des fourmis, à la plus grande déception de sa soeur criminelle. Mais lorsqu'elle a appris sa capture... la fourmi guerrière créa un plan d'évasion.

Ace écarquilla légèrement les yeux. Je le regardai avec un grand sérieux. Avec mon pouvoir, je détachai la clef des menottes de la ceinture du garde et la fis lentement glisser au sol, silencieusement, le vent m'aidant à cacher le faible bruit de raclement.

- La fourmi demanda à sa soeur de la laisser faire. Que tout ira bien. Tout se déroula comme prévu; les pièges qu'elle a mis ont fonctionné. Ensemble, elles combatirent vaillamment l'armée guerrière.

Je déposai la clef dans ses mains. Ace referma ses doigts sur la clef. Je vis de la sueur perler sur son front. Je lui souris.

- Et elles gagnèrent.

Je me relevai et partis, laissant Ace avaler cette information. Voilà, il était au courant, tout ira bien à présent. Enfin... Je l'espérais.

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