6.
Billie Fernandez
Nous sommes toutes les cinq à la maison.
Et nous sommes déjà prêtes à faire la fête.
Il ne manquait plus qu'Edna qui est enfermée dans sa chambre depuis une heure après qu'Amiri et moi, lui avons montré sa tenue du soir.
Au début, elle nous avait bien hurlé dessus en disant que nous étions tarées et qu'elle n'avait pas besoin de se mettre sur son 31 pour le dîner de ce soir.
J'en ai donc déduis par sa mauvaise humeur qu'elle avait passé une journée difficile au boulot.
Et à son regard, j'ai aussi compris qu'elle voulait me parler, mais comme les filles étaient là, elle avait pris sur elle et elle avait étalé un sourire crispé sur son visage pour masquer les apparences.
Malheureusement, j'avais peur de ce qu'elle pouvait me dire.
C'était forcément en rapport avec ce pop-up et ces histoires de visions.
Elle avait donc fait l'effort de prendre ce qu'on lui a proposé de mettre et elle nous avait laissé toutes les quatre.
Amiri, Mirah et Niya étaient hilares face à la tête qu'elle avait fait pour la « surprise » et moi, je faisais semblant de l'être.
Il fallait que je me détende, alors quand Amiri nous a servi les cocktails fait maison, ça m'a fait le plus grand bien et mon inquiétude s'est évaporée.
— Billie, va voir ce qu'elle fiche ! Ça fait plus d'une heure là et on est bientôt 19 heures, me prévient Mirah.
Je la regarde et elle me fait le geste de m'en aller avec ses doigts parfaitement manucurés.
— J'y vais, c'est bon !
Je traverse notre couloir et frappe à la porte.
— Quoi ?
— Il est bientôt 19 heures. Tu as finis ?
— Oui mais je ne peux pas sortir comme ça.
Je lève les yeux.
— Ne commence pas. Allez Ed ! Sors de cette chambre ! m'écrié-je en tapant sur la porte de sa chambre.
Les filles hurlent aussi comme des dingues du salon, tout en riant et en trinquant des verres de cocktail vierges d'alcool.
Aucune de nous ne boit car nous prônons une vie sans alcool, depuis pas mal de temps maintenant.
Eh bien oui, pas besoin d'alcool pour être cool et s'amuser !
Je ne comprendrais jamais pourquoi dans les films, les séries et les livres lorsque le personnage est triste ou doit s'amuser, il a l'alcool à la main.
Ça incite tellement à le faire et à dire « Regardez ! Tout le monde le fait alors faites-en de même pour faire partie de la société. Si vous êtes au bout du rouleau, noyez-vous dans l'alcool ! Vous voulez vous dévergonder, prenez un verre d'alcool ! ».
Entre nous, mangez si vous êtes triste, dansez si vous avez besoin que la folie vous habite, entourez-vous de vos proches pour rire et être heureux !
Pas besoin de boire !
Bref ...
— Allez Edna ! Tu crois qu'on est au lycée là ?! m'impatienté-je.
— Sincèrement, je suis trop une bombe pour sortir comme ça, commente-t-elle derrière la porte.
Je ris et les filles viennent me rejoindre devant la porte. Je leur répète ce qu'Edna a dit. Cette fille est vraiment culottée !
— Bah montre ! s'exclame Amiri. On te dira si c'est réellement le cas.
— J'ai peur de vous aveugler, rétorque-t-elle. Je m'aveugle moi-même tellement ça fait longtemps que je n'ai pas été autant au top !
— Edna chérie, j'ai mes lunettes de soleil, commente Mirah morte de rire. Tu peux sortir !
Elle finit par déverrouiller la porte et passe sa tête avec le sourire.
On remarque de suite, qu'elle s'est légèrement maquillée. Juste un trait d'eye-liner et du mascara. Elle a aussi mis du rouge à lèvres sur ses lèvres pulpeuses, de couleur aubergine et avec ses dents blanches, cela ressort davantage.
Ses cheveux courts sont soigneusement lissés et cette coupe à la garçonne lui va définitivement bien.
Oui, elle a l'air d'être bien. Bon, certainement pas autant que moi lorsque je m'apprête. Comme là actuellement avec mon magnifique haut et ma jupe patineuse grise, perchée sur des talons Jimmy Choo qui m'ont valut une petite fortune.
Elle fait durer le suspens en chantonnant « You can leave your hat on » de Joe Cocker et finalement je pousse la porte et elle tape les poses toute fière d'elle, lorsqu'on la découvre.
Personne ne parle sauf elle, qui se sent pousser des ailes.
C'est ça avec Edna. Elle s'habille presque pareille chaque jour de sa vie, mais lorsqu'elle se met sur son 31, on la perd totalement et elle nous chante à tue-tête qu'elle va adopter ce style toute sa vie, mais on sait tous très bien qu'elle ne tient pas plus d'une semaine.
Elle adopte aussitôt son style simple mais propre de policière. Rien de très sexy mais pas non plus démodé hein.
— Je vous ai dit que c'était trop magnifique !
Elle se met à nous faire une petite danse de la joie pendant que Mirah lui dit qu'elle a raison.
Elle qui était réticente au départ sur la façon de s'habiller, à présent, elle était toute heureuse.
Le haut lui va parfaitement et cela met en valeur ses jolies épaules et ses clavicules très saillantes. Et le pantalon qu'Amiri lui avait choisi était juste parfait.
C'était classe avec les escarpins jaunes.
Je devais l'admettre, Edna envoyait du lourd.
— Euh ... en fait, tu veux qu'Elliott le faux raciste beau gosse te demande ta main ? commente Niya avec un sourire espiègle. Fallait nous le dire !
Amiri lui tape dans la main ce qui agace aussitôt Edna.
— Ha ha ! Très drôle ! Ce soir, on a dit qu'on cherchait nos futurs maris dans ce bar dansant alors c'est pour ça que je suis apprêtée pour l'occasion et par pour l'autre là, explique-t-elle en prenant sa pochette et son manteau long de couleur noir. Je vous rejoins là-bas ?
Elle enfile son manteau et je confirme.
— On ne va pas tarder à y aller, dit Amiri. Il me tarde de chauffer la piste !
— D'accord les filles ! Envoie-moi l'adresse Billie. Vous me souhaitez bonne chance ?
— Tu vas cartonner Edna Fall, première du nom ! lui souris-je.
On la suit sur le chemin jusqu'à la porte et on lui donne les derniers conseils pour qu'elle assure.
— Sois souriante ! lui rappelle Mirah.
— Fais un peu l'amoureuse idiote ! ajoute Amiri. On te connait, tu aimes montrer ton intelligence mais ne le montre pas trop.
— Edna, surtout essaye de ne pas t'énerver s'il t'énerve, rétorqué-je. Pense à nous. Pense à moi !
— Et, tu peux le faire ! conclut Niya avec le sourire. Qu'est-ce que nous les femmes nous ne pouvons pas faire hein ?!
On est toutes d'accord sur ce qu'elle dit et on se tape dans les mains totalement en accord avec ses propos.
— Bon, j'y vais. Encore une fois Billie, t'as intérêt à m'offrir un cadeau d'anniversaire qui déchire ! dit-elle en me pointant du doigt.
— T'inquiète ! Dès que je suis riche, je t'achète la voiture de tes rêves.
Elle nous sourit après nous avoir envoyé des baisers et quitte l'appartement.
— Elle va réussir, déclare Niya. Bon, on se fait un épisode de Breaking Bad avant de partir ?
*
On a regardé cette épisode de Breaking Bad en commentant chaque passage et en buvant cocktail sur cocktail.
Notre taux de sucre était très élevé mais on s'amusait comme des folles.
Amiri nous avait montré les pas de danse qu'elle avait appris et qu'elle allait appliquer ce soir et nous étions hilares car elle était tellement fière d'elle.
Mirah n'avait fait que de la taquiner en lui disant que ses pas n'étaient absolument pas coordonnés.
— Pourquoi tu parles avec moi ? se vexe Amiri. Toi, tu ne sais faire que la danse du ventre et encore, Niya le fait mieux que toi ! Et c'est une indienne.
— Hé ! lance Mirah, menaçante. Je te dis juste que tes pas ne sont pas coordonnés alors ne viens pas me parler de mon talent inné. Tu es jalouse et puis c'est tout. La danse du ventre, c'est en nous ou ça ne l'est pas.
Amiri pouffe ce qui irrite Mirah qui tente de trouver du soutien auprès de Niya qui passe ses mains dans ses cheveux qui ne sont pas longs jusqu'aux fesses.
Eh oui ! Ne croyez pas que toutes les indiennes ont les cheveux longs jusqu'au bas du dos. Il y en pleins qui les coupent car en été, les cheveux longs, c'est juste horrible.
Et pour Niya, c'était plus un problème de soin. Les cheveux longs, faut savoir s'en occuper à la perfection.
Et elle, ce n'est pas son truc.
— Niyati ! s'exclame Mirah. Défends-moi !
Niya sort de sa rêverie en sursautant.
— Vous disiez ?
— Laisse tomber, soupire Mirah excédée face à Amiri qui lui fait une danse de la joie. Pousse-toi ! Bon, on y va ? Je meurs de faim.
Elle attache ses cheveux en chignon et réarrange son blaser.
— Oui, allons-y, dis-je. La réservation s'était bien pour 20h30 ?
On enfile nos manteaux puis on prend nos effets personnels avant de quitter l'appartement.
*
L'ambiance au Blue Valentine's (oui comme le film) est excellente.
La nourriture est à tomber et la musique nous met clairement dans l'ambiance.
On pense toutes à Edna qui n'est toujours pas là. Et on discute de nos prochaines vacances toutes les quatre.
Mirah veut nous emmener avec nous en Iran pour qu'on voit son pays d'origine.
— Ça va être cool les filles ! Ma mère trouve que c'est une super idée. On se côtoie depuis le lycée et vous devez absolument voir ma famille !
Je plonge mon morceau de poulet dans sa sauce légèrement pimentée.
— Moi, je suis pour. Après tout, on est déjà allée au Sénégal et en Afrique du Sud pour Edna, dit Amiri.
— C'était génial ! sourit Niya. Juste après notre obtention du diplôme lycéen en plus. On est partis à Cancun pour Billie !
Puis, elle éclate de rire en me regardant. Je la dévisage méchamment en devinant pourquoi elle rit.
— Qui se souvient quand Billie a eu la diarrhée ?!
Les filles éclatent de rire à ce souvenir mis à part moi. Parce que notre début de vacances a été très difficile pour moi.
— Hé ! On mange et c'est à cause de l'eau que mon corps n'a pas supporté. Bon, allons en Iran puis après on fera l'Inde et le Japon, répliqué-je.
— Pourquoi l'Inde avant le Japon ? demande Amiri.
— Parce qu'il y a un « i » comme dans Iran, répond Niya. Puis avant d'aller au Japon, faut qu'on se prépare au changement de style. C'est pas vous qui vous habillez comme des mangas là ?!
Je ris avec Mirah tout comme Niya.
— Qu'elle est marrante celle-là, commente Amiri avec sarcasme. Pour plus d'équité, je propose qu'on fasse « pierre-feuille-ciseau ».
Niya accepte immédiatement et elles commencent leur connerie.
Malheureusement pour Amiri, Niya gagne.
— À nous Bollywood ! gesticule-t-elle, heureuse.
— Bon, bah nous avons nos prochaines vacances, déclare Mirah. Je me charge de l'organisation. On fera ça l'année prochaine, ça vous va ? Posez vos vacances dès maintenant.
— Oui, répondîmes-nous.
— Bon Billie, trouve-toi un boulot, mais un CDD pour qu'on puisse partir tranquille.
— Vu mon goût pour le travail, ça peut le faire, dis-je avec le sourire.
— Génial. Il nous faut l'accord d'Edna et tout est bon, sourit-elle toute contente. Ça va être trop bien les filles !
On continue tranquillement à manger tandis que la piste se remplit doucement des clients.
Je finis mon plat et je suis déjà prête pour le dessert.
Je regarde à l'entrée pour voir si Edna va entrer, mais à ma grande surprise, je vois Edward et Jude.
Je souris aussitôt, contente de les revoir depuis mon licenciement.
Je leur fais un grand signe de main ce qui attire le regard curieux de mes amies.
— Tiens ! La vipère est là, soupire Niya.
Elle prend une gorgée de sa boisson tandis qu'Edward et Jude s'approchent de nous.
Edward et Niya s'apprécient pas vraiment.
Du moins, c'est Niya qui n'aime pas Edward. Elle trouve qu'il parle trop et est trop confiant.
— Bonsoir jolies créatures ! lance Edward avec ses manières. Vous êtes toutes en beauté !
Les filles sourient et le remercient pendant qu'il nous fait la bise tout comme Jude.
— Tu m'as manqué Billie Jean, dit-il en arrivant à moi. Même pas un petit message.
— Semaine chargée, dis-je.
— Un mec ? s'égosille-t-il en prenant une chaise d'une table comme si de rien était.
Jude en fait de même en discutant avec Amiri.
— Tout n'est pas question de mecs, Edward, rétorque Niya.
Edward la regarde avec un sourire mesquin.
— Chérie ! Quand même un peu ! Ah ! Et j'adore ton maquillage Niya. Le rouge à lèvres vient de chez Mac non ?
— Ouais, grommelle-t-elle.
— Ah j'ai le même ! sourit-il. Il te va bien en tout cas. Oh ! Mais où est Edna, ma grande copine ?
— C'est ce que je demandais, dit Jude.
— Elle arrive, répondé-je.
Et je ne croyais pas si bien dire car elle fait son entrée, le visage en colère et les poings serrés.
Elle s'avance vivement vers notre table après nous avoir repéré.
— Je crois qu'on va se faire tuer, lâche Amiri. Ça s'est mal passé visiblement.
— Houlà ! commente Edward. La lionne qui sommeille en elle a été réveillée en tout cas, glousse-t-il. Elle est sexy dis donc ! Ahh Billie Jean, je sens que notre soirée entre filles va être rigolote.
Ah ça, elle va l'être ...
« Rien n'est prévu, tout n'est qu'imprévu et surprise. On croit qu'on est maître de notre vie mais que nenni. Notre vie et ses surprises est la chef en titre de cette attraction et de ses montagnes russes ». JFL
***
Edna Fall
Je me gare un peu loin que l'adresse indiquée par Elliott.
Il n'y avait pas de place dans cette rue alors je vais devoir marcher.
Fantastique.
Je soupire et sors de ma voiture après avoir pris le bouquet de fleurs que j'ai acheté pour sa mère et une boite de chocolat pour son père.
Apparemment, c'est ce que tout le monde offre lorsqu'on va chez la belle-famille.
C'est Niya qui m'a envoyé un message pour me le rappeler sinon je n'avais pas l'intention de le faire.
Sincèrement, ça me saoule déjà.
Je ne suis pas faite pour mentir et jouer un rôle de petite-amie.
Mes parents m'ont toujours appris que mentir, c'était dangereux et lorsque la vérité éclate, ça finit toujours mal parce mentir, ça prend toujours une grosse ampleur.
En marchant, je me dis que j'aurais dû en parler à mama, elle aurait su me conseiller.
Merde ! Pense à Billie, me répété-je.
Celle-là, elle avait intérêt à me préparer un gros chèque.
Je tourne enfin et je vois le bâtiment tout lumineux et immensément grand.
Je le vois aussi au loin, en train de regarder sa montre.
Je regarde la mienne. Oh ! Déjà 19 heures 05.
Je souris en me disant qu'il doit stresser à mort et d'ailleurs, il sort son téléphone et envoie un message que je reçois aussitôt.
Je sors mon téléphone et ouvre son message.
De Collègue inutile :
Où es-tu Edna ?
Je réponds rapidement.
À Collègue inutile :
Je suis malade. Laisse-tomber. 😪
J'envoie le message et ris face à ma gaminerie mais ça me détend aussitôt.
Mais ce n'est pas son cas car il m'appelle aussitôt et je décroche.
— Tu plaisantes là Edna ?!
— Non.
Il rit nerveusement en faisant les cent pas devant le bâtiment.
C'est tellement marrant de le voir paniquer pour un stupide dîner.
— Pourquoi tu me fais ça ? s'écrit-il.
— Hé ! Calme-toi, dis-je en reprenant ma marche. Tu es ridicule à faire les cent pas en passant ta main dans tes cheveux. Personne n'est mort !
Il s'arrête aussitôt, puis il regarde à sa droite avant de tourner sa tête dans ma direction avec un sourire soulagé.
— Je comprends de jour en jour à quel point tu me détestes, dit-il.
Je lève les yeux et raccroche en arrivant à sa hauteur.
Avec mes talons, j'ai presque sa taille, mais il me dépasse toujours légèrement.
Je le scrute du regard et je vois qu'il s'est bien habillé aussi. Enfin, il porte un jean brut retroussé vers le bas qui lui va bien, avec des baskets et une chemise noire qu'il a boutonné jusqu'au col et son manteau.
En fait, il est habillé normalement, il connait ses parents depuis toujours donc pas besoin d'artifices.
— Je suis trop habillée, rétorqué-je en me regardant. Je vais les tuer ! bougonné-je.
Je savais que j'aurais dû m'habiller normalement. Je ne les écouterai plus ces folles qui me servent d'amies.
— Non ! Tu es bien, dit-il. Ça change du travail. J'aime énormément. Tu es belle. Ça te rend douce.
Je relève aussitôt ma tête, il réalise ce qu'il vient de dire et rougit face à mon regard meurtrier.
— Ne redis jamais ça, le menacé-je. Tu ne me complimentes pas, Elliott.
Il lève les mains en signe de reddition avec un stupide sourire en coin. Je le toise et ouvre la porte en verre. Nous traversons l'immense couloir tout en marbre qui étincelle.
Ça ressemble presque à un hôtel de luxe tellement que c'est beau. Je n'ai pas vraiment le temps de m'attarder sur la décoration des lieux, car il presse le pas et que je trottine presque derrière lui.
On croise quelques personnes qu'il semble connaitre et on prend l'ascenseur silencieusement jusqu'au 37 ème étage.
Ah oui ! C'est quand même haut.
On quitte enfin l'ascenseur, puis je le suis tandis qu'il bifurque à gauche. Il finit par s'arrêter devant la porte « 3756 » où il frappe.
Nos regards se croisent et je commence à paniquer intérieurement. Je sens que ça va mal se passer.
— Mes parents sont cool, m'intime-t-il, comme s'il pouvait l'inquiétude qui m'envahissait. Tu verras.
Je ne lui réponds rien et un « j'arrive » aigu et joyeux se fait entendre.
La porte s'ouvre quelques secondes plus tard sur Madame ...
Mon Dieu ! C'est quoi son prénom déjà ?!
— Ohhhhhh les enfants ! Ma chère Edna !
Elle m'enlace fortement et je sors mes dents au lieu de sourire.
— Je suis ravie de te revoir, me lâche-t-elle. Tu es magnifique.
— Merci. Vous aussi. C'est ... C'est pour vous.
Je lui tends le bouquet et je crois rêver, mais ses yeux brillent d'émotion. Elle est folle cette femme !
— Tu es définitivement la meilleure petite-amie qu'Ellie n'ait jamais eu.
— Maman, râle-t-il, s'il te plaît.
Il l'enlace rapidement et elle nous invite à rentrer tout en se défendant.
— Eh bah quoi ? Ton père et toi, vous oubliez tout le temps que mes fleurs préférées sont les hortensias et les camélias blancs ! Et ça fait des années que je vous le dis et que vous m'offrez des roses, râle-t-elle. Et Edna m'offre ce bouquet avec MES fleurs préférées. D'ailleurs, où tu as eu ce magnifique bouquet ma chérie ? Il a du te coûter une fortune ! Ce n'est pas la saison de ces fleurs.
Elliott me propose de prendre mon manteau et j'accepte. Je m'apprête à l'enlever lorsqu'il m'aide.
Fais chier ! Qu'il arrête de faire ses manières devant sa mère.
Il le met sur le porte manteau et en fait de même avec le sien.
— Chez le fleuriste, répondé-je.
Elliott sourit et sa mère me lance un regard tendre.
— Adorable ! Adorable ! s'exclame-t-elle.
Et oui, il m'a coûté une fortune ! 40 dollars un bouquet, mais c'était le dernier aussi.
Bref, c'est une pure coïncidence pour les fleurs.
— J'aime ton style, Edna. Il te va à merveille. Si seulement j'étais plus jeune, dit-elle avec un petit rire. En tout cas, Ellie doit être content hein !
Euh ... ce sont des sous-entendus que j'entends là ?
Je décide alors de lui donner la boite de chocolats pour passer à autre chose.
— C'est pour votre mari.
— Oh ! Il ne fallait pas Edna ! Tu aurais dû lui dire que ce n'était pas nécessaire Elliott ! Merci. Daniel va être ravi ! D'ailleurs, Elliott, va le chercher s'il te plait. Il est chez le voisin depuis une dizaine de minutes. N'importe quoi cet homme !
Je lance un regard à Elliott pas très rassurée qu'il me laisse seul avec sa mère cinglée, mais ce connard en profite pour s'approcher de moi et il dépose ses lèvres sur ma tempe.
— Je reviens et ... maman a raison, me chuchote-t-il, je suis content.
Sa mère (dont je ne me souviens vraiment plus du prénom) est au bord du malaise par ce geste et ce petit chuchotement.
Il se tire avec le sourire alors que je ne pense qu'à une chose : lui régler son compte le moment venu.
— Qu'est-ce que je suis impatiente de préparer votre mariage ! J'y pense tous les jours.
— Q..Quoi ? bafouillé-je au bord de l'arrêt cardiaque.
Elle pose ses deux mains sur sa bouche et rit comme une gamine qui a révélé un secret.
— J'espère vous voir mariés un jour, dit-elle. Viens que je te serve à boire.
Bien qu'il lui manque une casse, leur appartement est magnifique en tout cas. La vue qu'ils ont de leur salon, donne sur la ville et c'est très beau à voir.
Tout est blanc et gris. C'est très épuré et ça me fait penser à la maison des parents d'Amiri qui a vraiment un style japonais.
La cuisine est ouverte sur le salon comme de beaucoup appartements et maisons. Et ça se voit clairement qu'elle est toute neuve.
Je m'installe sur le tabouret situé autour du plan de travail.
— Tu veux boire quelque chose ? Bois-tu de l'alcool ?
— Non, je ne bois pas d'alcool et je veux bien un verre d'eau, s'il vous plait.
— Tu es la perfection incarnée, dis donc ! commente-t-elle. Moi aussi je ne bois pas ! Tiens, prends un cocktail fait maison. Tu auras tout le temps de boire de l'eau durant le dîner.
Je prends la flûte qu'elle me tend et elle décide de me faire une petite visite en me prenant le bras comme si nous étions de grandes amies.
— Alors, ça fait 15 ans que nous habitons cet appartement que nous chérissons. On a emménagé ici, lorsque Elliott avait 12 ans. Juste après son anniversaire en fait. Il a dû porter chance à son père, car il s'est fait muter à New York.
Je dois poser des questions non ?
— Euh ... vous ne viviez pas à New York ?
— Non, répond-t-elle. Elliott ne t'a pas dit que nous vivions à Chicago les douze premières années de sa vie ?
Euh ... Non...
— Ahhhh si ! J'ai oublié ! Pardonnez-moi.
— Ce n'est rien. Et tutoies-moi voyons. Je n'ai que 54 ans mais chut, c'est un secret.
— Vous ne les faites absolument pas, souligné-je.
Et c'est totalement vrai. Elliott ressemble beaucoup à sa mère.
Il est brun comme elle et il a pris ses yeux gris aussi.
Elle n'est pas très grande mais ça se voit que c'est une femme raffinée et qui aime prendre soin d'elle.
— Merci ma belle. Pour en revenir à notre petite visite, voici ma chambre, du moins, notre chambre à mon époux et moi avec notre salle de bain qu'on a refaite il y a quelques mois.
Je me sens totalement gênée d'être dans sa chambre, mais elle a l'air de s'en moquer.
— C'est très joli, commenté-je.
C'est tellement jolie que j'ai l'impression que leur appartement sort tout droit d'un magazine de décoration.
Après, ce que j'aimais bien, c'est qu'ils n'étaient pas dans l'opulence ou dans l'excès de biens.
Ce sont juste des bons vivants.
Elle me montre la chambre d'amis, la pièce de détente où il y avait un piano, une grande télé accrochée au mur et une bibliothèque qui prenait tout le mur. Cette pièce était parfaite.
— Bien sûr, lorsque Elliott et toi, auraient des enfants, on réaménagera la pièce pour accueillir les petits trésors, dit-elle avec beaucoup trop de sérieux pour moi.
Je souris faussement pour ne pas perdre la face. Elle délirait trop cette femme.
On termine la visite par la chambre d'Elliott.
— Elle n'a pas changé depuis qu'il est parti, sourit-elle, mélancolique. Je l'ai laissé comme telle. Que de bons souvenirs. C'était un adolescent très calme et très à l'écoute des autres. On a jamais eu de problèmes avec lui. Vraiment, un petit ange.
Je découvre le style de vie d'un Elliott adolescent qui avait l'air d'être heureux et vraiment gentil. Sur ses photos accrochées au mur, il avait des amis de tous les genres, alors j'avais vraiment du mal à comprendre pourquoi il m'avait fait chier pendant deux ans avec Gideon.
Il avait des posters de joueurs de basket ainsi que de Baseball très célèbres.
Puis, près de son bureau, il avait beaucoup de livres et il avait aussi une pile de CD.
Curieuse, je regarde un peu quel genre de musique, il écoutait à l'époque et je suis agréablement surprise de découvrir des CD de « 2pac » dont je suis amoureuse depuis que mon frère me l'a fait découvrir plus jeune. Je tombe aussi sur des albums de Stevie Wonder et de Bob Marley. Il écoutait même du classique.
Wow... Nous avions les mêmes goûts musicaux.
— Il aime beaucoup la musique. De tous les genres, tu dois le savoir car il m'a dit que c'était l'un de vos points communs.
Non, je ne le savais pas.
Les apparences ne disent définitivement pas qui nous sommes. Peut-être qu'il écoute de la musique africaine, latinos, orientale, indienne et japonaise tiens !
— Oui, c'est vrai. Il m'apprend des choses et j'en fais de même.
Nous entendons la porte d'entrée claquer et deux voix masculines s'approcher de la chambre.
Je repose aussitôt le CD que je tenais dans mes mains et Monsieur Levy ainsi que son fils font leur apparition.
Je souris de suite comme Mirah me la recommandait pour jouer ce rôle de petite-amie.
— Ah voilà la mystérieuse Edna ! lance M. Levy avec le sourire.
Il n'est pas très grand non plus, mais il a une bouille mignonne pour un type de son âge. Il est habillé d'une chemise bleue claire et d'un bas de costume. Et je comprends qu'il n'a pas l'accoutrement d'un informaticien, mais qu'il est plutôt classe.
Il s'approche de moi et me prend dans ses bras visiblement tout aussi heureux de me voir que son épouse quelques jours plus tard.
— Tu es ravissante ! me détaille-t-il du regard. Bienvenue dans la famille, Edna !
Ah ça non !
— Merci monsieur Levy, dis-je faussement. Ça me fait plaisir.
Je croise le regard d'Elliott qui hausse les épaules.
Crétin !
— Pas de ça ! Tu m'appelles Daniel et tu l'appelles Patricia ou Patty.
Ahhh merci pour le rappel. Elle s'appelle donc Patricia.
— Je suis vraiment mais vraiment content de te voir enfin après plus d'un an d'attente où Elliott ne voulait pas te présenter. On a presque cru qu'il nous mentait, raille-t-il. N'est-ce pas Patty ?
C'est totalement ça ! Votre fils est un menteur, eus-je envie de dire.
— Ah ça oui ! confirme-t-elle. C'est mon fils unique alors personnellement, je rêve de le voir marié avec des enfants. Comme toutes mères.
Euh ...
Elliott décide de briser le silence gênant que sa mère vient d'installer.
Évidemment, je suis curieuse de savoir pourquoi elle a dit que c'est son fils unique et que Daniel ne l'a pas repris.
— Papa, Maman on vous rejoint dans deux minutes pour manger ?!
— D'accord, accepte-t-elle avec le sourire. Viens Daniel.
Ils nous laissent seuls et Elliott referme la porte derrière eux.
Je croise les bras et il se poste face à moi.
— Ma mère t'a dit quelque chose d'embarrassant ?
— Oui, que tu pissais au lit jusqu'à l'âge de 8 ans.
— C'est hilarant Edna. Je suis sérieux.
Il avait l'air stressé.
— Rassure-toi. Elle ne m'a rien dit à part que vous viviez à Chicago avant de venir ici. Tu aurais pu me le dire.
— C'est toi qui a voulu rien savoir, me rappelle-t-il.
Je me renfrogne sur moi-même parce que c'est vrai.
— Et c'est tout ? appuie-t-il.
— Oui. Tu as peur de quoi là ?
— Rien. On y va.
— Pourquoi ton père n'a rien dit à ta mère lorsqu'elle a dit que tu étais son fils unique ?
Il s'apprête à ouvrir la porte mais il se retourne.
— Parce que mon père a eu une fille d'un premier mariage. J'ai une demi-sœur qui a 30 ans.
Je reste choquée tandis qu'il m'emmène dans la salle à manger.
J'ai envie d'en savoir plus face à cette révélation inattendue. Il avait donc une sœur !
Je ne savais pas ça non plus.
— Ah vous arrivez au bon moment ! lance Patty.
— Vous avez besoin d'aide ? demandé-je.
— Oui, si tu veux. Aide-moi à apporter les plats ma chérie.
Je le fais et une fois les plats sur la table, je me prépare à m'installer lorsque Elliott me tire ma chaise.
Je le remercie, hébétée. Je ne le savais pas galant. En deux ans, il ne m'a jamais tenu une porte alors ... ça me laisse en état de choc.
— Elliott, tu la sers ? Oh Edna chérie, tu as une prière à faire avant de manger ou ? Ça ne nous pose aucun problème. Pour ma part, je suis athée et monsieur est ...
— Je suis de confession juive, mais je ne pratique pas vraiment, continue-t-il avec le sourire. Je te raconterai peut-être cette histoire un jour.
— Euh ... d'accord.
Donc lui, il était marié avant de se mettre avec la mère d'Elliott et il a eu une fille et ne pratique plus sa religion. Étonnant tout ça !
Elliott est définitivement le type le plus bizarre que je connaisse. Au boulot, personne ne sait tout ça. En fait, il n'a jamais parlé de sa famille. Il y avait surtout des ragots qui alimentaient son personnage, comme quoi son père était très riche etcétéra etcétéra.
— Euh ... ma mère est chrétienne et mon père est musulman donc ma mère fait sa prière avant de manger et mon père dit juste ... « Bismillah » puis il mange, expliqué-je, maladroitement.
— D'accord. Donc toi aussi, tu es un peu comme Ellie. Tu ne connais pas encore ton côté religieux ? me questionne-t-elle.
— Euh ...
Je pensais qu'en repas famille, la politique et les discussions religieuses étaient à bannir ?
Les filles sont définitivement des menteuses.
— Maman arrête, dit Elliott en prenant mon assiette. Tu m'arrêtes quand ça te va.
J'acquiesce et au bout de la troisième portion, je lui demande d'arrêter. Je n'étais jamais intimidée pour manger.
— Arrête d'être susceptible Elliott, rétorque son père. Nous sommes une famille. Edna est notre futur belle-fille. On ne devrait pas avoir de sujet tabou et tu sais très bien que nous sommes ouverts d'esprit. Peu importe la couleur ou la religion, nous sommes avant tout, des êtres humains. N'est-ce pas, Edna ?
— Oui. Oui, répété-je.
Elliott pose mon assiette devant moi et je commence à manger après avoir dit « Bismillah » dans ma barbe et remercié Dieu pour ce repas.
Oui, je sais un mélange des deux mais après tout, bien que les religions soient différentes, on prie bien le même Dieu mais d'une façon différente non ?
Puis ces trois religions, ont bien plus en commun qu'on ne peut le croire, mais les cons semblent l'oublier.
*
À ma grande surprise, le dîner s'est très bien passé.
Daniel et Patricia étaient un couple vraiment adorable et j'étais d'accord avec eux sur beaucoup de choses et sur leur façon de penser. Ils adoraient apprendre sur les autres et ne se gênaient pas de poser des questions sur ma vie auxquelles je répondais pour étancher leur soif, me concernant car Elliott leur avait dit que c'était à moi de le faire.
Il n'était pas si bête que ça finalement.
Du coup, Elliott savait aussi que j'avais un grand frère et une petite sœur. Que je n'avais pas eu le droit à la bourse pour l'université et qu'il fallait arrêter avec ses préjugés où la bourse était donné aux étudiants issus des minorités sociaux.
Ils ont su que j'avais commencé à bosser dès l'âge de 14 ans en tant que baby-sitter comme beaucoup d'adolescentes, puis à mes 16 ans, j'ai pu bosser quelques temps dans le garage d'un des amis à Zac sans que mes parents ne le sachent. Ensuite, à mes 18 ans, j'ai travaillé à l'aéroport grâce à mon père et tout ça en poursuivant mes études pour être policière.
Je leur avais expliqué que je m'étais toujours débrouillée et que mon frère et moi, aidions nos parents financièrement même s'ils en avaient pas besoin.
Cependant, dans notre éducation, c'est comme ça. Nous devions toujours aider nos aînés pour qu'à notre tour, on s'occupe de nous.
Patty avait trouvé ça très beau pour moi, c'était une chose normale.
J'ai appris au cours de repas que Patty était infirmière pendant près de 20 ans avant de devenir sage-femme après avoir repris ses études.
Son courage et sa volonté de réussir malgré les bâtons qu'on lui avait mis dans les roues, l'ont aidés à atteindre son objectif.
Elle avait décroché son diplôme comme pleins de jeunes diplômés à 40 ans.
Comme elle l'a dit « Il n'est jamais trop tard pour apprendre. On peut apprendre de nouvelles choses jusqu'à notre dernier souffle ».
Et j'étais entièrement d'accord.
La connaissance n'avait pas de limite.
Apprendre des autres, apprendre de nous, apprendre de notre histoire, nous permet d'être meilleur chaque jour et éviter d'être manipulable, comme beaucoup de gens de cette société.
Daniel a toujours été informaticien et il avait failli travailler pour la Maison Blanche, mais malheureusement, Patty a eu quelques problèmes de santé alors il a refusé cette proposition et il n'était pas déçu.
— Tu sais, parfois, tu te dis qu'atteindre tous tes rêves te rendront heureux Edna, mais si tu regardes autour de toi, ta famille, c'est un rêve et c'est le rêve le plus important et le plus difficile à garder, avait-il dit.
Patty l'avait regardé tendrement face à ses mots.
Ils s'aiment et ça se voyait. Je ne connaissais pas leur passé, mais j'avais l'impression qu'ils s'étaient battus pour leur amour, alors ça serait probablement inspirant pour Billie.
On passe donc au dessert, un crumble de pommes avec de la glace à la vanille qu'elle a faite maison.
Mon ventre était plein, mais il y a toujours de la place pour le dessert. Toujours. Et celui de Patty avait l'air de déchirer.
Elle nous sert et revient s'installer.
— J'ai oublié votre Tupperware madame Levy euh ...Patty.
— Oh, ce n'est rien. J'en ai pleins. Elliott m'a dit que tu as aimé.
— J'ai plus qu'aimé ! C'était vraiment bon !
— Merci. Ce sont des pâtisseries orientales que j'ai apprise. Précisément, juive parce que Daniel aime ça. Mais mes deux hommes aiment toutes les pâtisseries.
— Ça, c'est clair. Tu es une merveilleuse cuisinière ma chérie, la complimente son époux.
— Et ce n'était pas gagné, rit-elle. Je détestais ça avant de le connaitre. Et, tout brûlait lorsque je cuisinais. La preuve que détester quelque chose peut se transformer en quelque chose qu'on aime, formule-t-elle.
Nous rions tous et je déguste son dessert qui tue la mort.
Oh là là ! Les filles mourraient sur place. C'était juste l'extase dans ma bouche.
Ce mélange de chaud et de froid.
— Tu aimes cuisiner Edna ? m'interroge-t-elle.
— Oui. Pas avec passion non plus, précisé-je, mais ma mère m'a appris parce que chez nous, c'est vraiment important qu'une femme sache cuisiner. Mon frère, ma sœur et moi, savons cuisiner.
— Super ! Égalité des sexes. Elliott cuisine aussi. Bon, tu dois le savoir. Oh là là, je suis impatiente de rencontrer ta mère. Elle a l'air merveilleuse. Toute ta famille d'ailleurs.
J'ai failli m'étouffer avec un morceau de mon crumble.
Elliott me tape doucement dans le dos.
— Voyons les enfants ! Pourquoi vous êtes si gênés lorsqu'on vous parle de mariage ? Au bout de plus d'un an, il faut sérieusement qu'on en parle, dit-elle. À l'époque, on se mariait au bout de ... d'un mois parfois. On apprenait à se connaitre chaque jour de la vie.
— C'est vrai, ajoute Daniel. Nous, lorsque mon fils nous en a dit un peu plus sur toi, on a vraiment été impatients de te connaitre, Edna. Ses autres petites amies étaient juste des cruches alors on s'était dit qu'on allait l'aider à trouver la femme de sa vie. Pour nous, il est inconcevable que nous n'ayons pas de petits enfants. Mais il nous a parlé de toi comme de la femme idéale et on voit que c'est le cas.
— Papa, lâche Elliott soudainement mal à l'aise.
— Ah oui ? questionné-je, curieuse. Que vous a-t-il dit ?
— Tu n'as pas besoin de savoir, dit-il.
— Oh que si mon chaton ! répliqué-je.
Je tends ma main vers sa joue avec un sourire hypocrite et tourne ma tête en direction de ses parents.
— Je suis curieuse de savoir pourquoi je suis la femme idéale pour lui.
— Eh bien, vous avez déjà le même métier, commence Patty. Même si je le trouve dangereux, ça me réchauffe le cœur de voir des femmes qui osent faire des métiers qui sont catégorisés « homme » Edna. Lorsqu'il m'a dit que vous travaillez ensemble, j'ai été très contente. Ça veut dire que tu es une femme forte et que tu te bats pour ce que tu veux.
— En effet, confirmé-je.
— Puis, il nous a dit que tu étais très douée, intelligente et ambitieuse, ajoute Daniel. Bon, évidemment, on voulait un peu de descriptif et ... il nous a dit que tu étais noire.
— Oui, je le suis, dis-je avec un rire nerveux. Ça vous a posé un problème ?
— Alors là, aucunement, répond Daniel. Pour être honnête, Elliott pensait que ça allait nous poser problème comme certains parents, il ne faut pas se mentir hein. Et ça nous a déçu qu'ils pensent que ça soit le cas avec nous, car nous l'avons toujours éduqués pour aller vers les autres et de ne pas juger aux premiers abords et encore moins stigmatiser des personnes différentes de lui. Comme tes parents qui pensent comme nous.
— Daniel a dit tout. Puis, Elliott a grandi avec ces valeurs qu'on lui a inculqué, alors qu'il craigne qu'on ne t'accepte pas pour ta couleur, nous a un peu déçu. N'est-ce pas Elliott ?
On le regarde tous et il est juste silencieux.
Moi, j'ai juste envie de le frapper cet imbécile.
Ses parents, des êtres adorables, ne l'avaient donc jamais incités à sortir des propos de la sorte.
Mais il avait un sérieux problème mental ce type ...
— Oui, c'est vrai, admet-il. Mes parents m'ont inculqué des valeurs citoyennes et le fait d'aimer tout le monde.
Je ris nerveusement en prenant mon verre d'eau que je bois d'un trait avant de le reposer la main tremblante.
— Edna ... dit sa mère, inquiète par mon soudaine changement d'attitude.
— Fils, je pense que c'est le moment de faire ta proposition.
Je regarde son père et Elliott se racle la gorge.
Je suis à deux doigts d'exploser de rire lorsqu'il ose se lever pour sortir une petite boite de sa poche.
Ce connard avait donc tout prévu.
Et moi, je me suis faite avoir comme une idiote !
Bordel de merde !
Il se met à genoux en évitant tout bonnement mon regard meurtrier car il doit sentir que j'ai juste envie de prendre la fourchette et de lui crever les yeux.
Il s'est bien foutu de moi ce pauvre type !
Il lève sa tête vers moi et ouvre la boite. Une magnifique solitaire apparaît devant mes yeux.
— Edna, j'ai ... j'aimerais que tu m'épouses parce que ... parce que tu sais tout ce que je pense de toi. Je ne suis pas un poète alors je pense qu'un roman ne servirait à rien pour décrire ce que ... je ressens pour toi. Alors, voudrais-tu m'épouser ?
Patty couine de joie et moi, j'éclate de rire.
Mais à gorge déployé.
Où est la caméra cachée sincèrement ?!
Je le regarde morte de rire et ses parents rient aussi imaginant que c'est une réaction de joie mais c'est tout le contraire.
Mon rire évaporé, je me lève.
— Lève-toi, ordonné-je.
Il se lève et me prie du regard de ne rien dire pour continuer à jouer le jeu.
— Tu m'as vraiment prise pour une conne, Elliott. Bien sûr que je sais tout ce que tu penses de moi. Juste lundi, tu m'insultais. Il y a quelques jours encore, tu étais un putain de raciste et d'homophobe. Peut-être que tu l'es encore, ricané-je, et que tu mens à tes parents pour masquer les apparences. Tu sais quoi ? Tu es juste un malade et un menteur. Jamais, je n'épouserais un menteur. Tu devrais te faire soigner. Tu dépasses les bornes, Elliott.
Je me tourne vers ses parents qui ont les yeux écarquillés de choc face à la révélation.
— Votre très cher fils est un menteur, déclaré-je. Je ne suis jamais sortie avec lui et je ne le ferai pas. Je suis désolée de vous avoir menti ce soir et mardi madame Levy. Vous êtes vraiment des gens adorables mais là, c'est trop. Je ne veux pas vous donner de faux espoirs. Mes parents ne m'ont pas éduqués comme ça. De plus, je ne vous connais pas et ça serait injuste. Il vous a menti pendant tous ces mois mais nous n'avons jamais été ensembles. Pas même une seule fois. Je le détestes d'ailleurs car pendant deux ans, il m'a insulté au boulot de ... je ne veux pas même vous le dire, mais c'était des propos racistes et machistes à la con. Pour qu'il redescende sur terre, j'ai dû lui foutre un bon coup de genoux, lundi. Je n'en pouvais plus. Bref, je ne l'aime pas et lui non plus. Merci pour ce diner et pour cet accueil chaleureux mais je m'en vais. Désolée encore pour ça et désolée pour votre fils que vous croyez parfait.
Je lance un dernier coup d'œil à Elliott qui bouillonne de colère et je quitte la table.
Je vais récupérer mon manteau et ma sacoche en vitesse tandis que Daniel commence à hurler sur son fils qui rétorque sur le même ton et Patty tente de m'arrêter.
— Mais attends un peu Edna ! Voyons ! Il doit y avoir un malentendu...
— Le seul malentendu c'est le mensonge de votre fils et rien d'autre, lui dis-je calmement. Je ... J'aurais pu jouer le jeu ce soir en acceptant cette bague mais ... vous êtes si gentille Madame Levy. Puis, je suis une personne trop honnête et je n'aime pas le mensonge et encore moins le sentiment de trahison. Au revoir et merci encore pour le diner.
Je l'enlace rapidement alors qu'elle est bouche bée et je quitte l'appartement.
J'appelle l'ascenseur et il arrive rapidement. Je n'y engouffre et les portes se ferment au moment où Elliott fait son apparition.
Qu'est-ce qu'il veut encore cet imbécile ?
Nan mais sérieusement ? Encore jouer le rôle de la petite-amie, ça peut passer mais une demande en mariage, il a complètement craqué.
J'arrive enfin dans le hall du bâtiment et presse le pas jusqu'à ma voiture vraiment sur les nerfs par son hypocrisie. C'était donc pour ça qu'il était stressé.
Quelle conne !
— Edna !
Il me hèle mais je ne me retourne même pas et accélère malgré mes talons.
Ce salaud réussit à m'attraper devant ma voiture au moment où ma voiture se déverrouille.
Il m'attrape violemment par le bras et je fais volte-face en le frappant avec ma pochette.
— Ne me touche pas connard ! hurlé-je.
Quelques passants nous regardent, mais il s'approche de moi davantage et plonge son regard gris dans le mien.
— Pourquoi tu fais en sorte que tout soit compliqué hein ?
— Mais t'es con ou quoi ?! m'écrié-je en tentant de le repousser. Tu penses vraiment que j'allai accepter ? Tu me prends pour qui sérieusement Elliott ? Tes parents sont trop gentils pour que je leur mente. Je ne suis pas comme toi ! Si pour toi, mentir ce n'est rien, ce n'est pas mon cas !
— Tu es juste égoïste ! s'exclame-t-il. Tu te crois parfaite alors tu rabaisses les gens qui ont des lacunes ! Des tas de filles auraient joués le jeu ! Tu veux te la jouer inaccessible alors que ce n'est pas le cas.
Ni une, ni deux, je lui décolle une gifle qu'il ne sera pas prêt d'oublier.
— Si tu me touches ou si tu me parles encore une fois Elliott, je te jure que Dieu sait ce que je ferais, dis-je entre mes dents et très menaçante. Va donc te trouver ce genre de filles petit con ! Tu ne mérites aucune aide et tu n'as aucune honte Elliott.
Je finis par quitter son emprise et déverrouille lorsqu'un vertige me prend.
Je m'appuie sur ma voiture sur le point de tomber, mais il me rattrape et ce que je vois ne me plait pas.
Une autre femme qui hurle et qui se débat et encore ses trois hommes puis l'image disparaît aussitôt.
— Ça va ? me demande-t-il, inquiet.
Je m'écarte de lui, toute pantelante par cette vision.
Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?
— Ne m'approche plus Elliott. Je crois que ... que tu me crées des problèmes. Tu es le malheur Elliott.
Je m'engouffre dans ma voiture et démarre au quart de tour, le coeur battant à tout rompre.
Ce qui m'arrive ne me plait pas du tout.
Qu'est-ce qu'il m'arrivait en réalité ?
***
« On aimerait tous recevoir une demande d'autorisation avant un changement décisif sur notre vie. Malheureusement, il s'opère comme l'aiguille d'une montre qui passe à la minute suivante. Vous savez, la Terre continue de tourner dans le même sens depuis des milliards d'années mais notre vie, prend toujours un nouveau sens pour nous rendre la tâche encore plus difficile. Surtout lorsque vous avez été choisi pour faire face à votre destin ». JFL
***
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