5.
Billie Fernandez
Des petites tapes sur ma joue me font grimacer.
Je grogne doucement avant d'ouvrir lentement mes yeux en repoussant la main d'Amiri qui abusait un peu trop sur les claques.
— Oh ! Elle revient à elle. Ah bah les secours sont là, dit-elle tandis que j'essaye de me relever.
Je suis juste à deux doigts de faire semblant de faire un nouveau malaise, parce que j'ai vu de loin les beaux spécimens qui arrivaient tels des dieux grecs, mais la caissière était aussi près de moi et la première chose que j'ai fait, c'est de me redresser vivement et de me lever grâce à l'aide d'Amiri qui comprenait enfin que j'avais besoin de son aide.
Les trois ambulanciers se présentent et me demandent comment je vais.
— Ça va, répondé-je.
— On va vous emmener quand même à l'hôpital, dit l'un d'eux.
Il me prend par le bras et j'ai presque envie de sourire comme une imbécile parce qu'il est carrément canon mais ...
— J'espère que vous allez aller mieux, me dit la caissière avec le sourire.
Je clignote des yeux et souris, crispée. Ouais, c'est ça espèce de meurtrière.
Cette fille jolie comme un rayon de soleil tuait des gens et elle était payée pour ça !?
C'était juste affreux ! Et en plus, elle travaillait à Zara comme une personne normale ?!
J'étais juste sidérée et voulais m'éloigner d'elle même si je ne comprenais pas ce qui m'arrivait.
Je m'accroche donc au bras du magnifique ambulancier en en jouant un peu alors que je vais très bien. Ce malaise était dû au choc.
Amiri portait les sacs et on suivait les trois ambulanciers.
*
— Tu m'as fait vraiment peur quand tu es tombée comme une merde, commente Amiri en mordant dans sa frite.
— Quelle gentillesse Amiri ! Tout en diplomatie.
J'ajoute à mon commentaire un sourire d'une quart de seconde qui ressemble à une grimace et mange mon morceau de viande.
Après une brève consultation, pour plus de sécurité, on m'a diagnostiqué une santé de fer.
Le médecin m'avait prescrit juste quelques vitamines car j'en manquais un peu et puis ça allait.
Les ambulanciers nous avaient quitté avec des sourires à en damner un Saint, mais ces petites cons ne nous avaient pas laissés leur numéro.
J'avais poussé Amiri à le faire car elle aimait demander le numéro de jolis garçons, mais elle a eu tellement peur pour moi que ça lui était passée par la tête.
Nous étions donc dans un restaurant où nous mangions comme des affamées. Nous n'étions pas le genre de filles à nous préoccuper de notre ligne.
On essayait de la garder comme telle en mangeant à notre faim et en variant les plats tout en faisant plaisir.
Non mais, les mannequins de 45 kilos, c'est beau en photo mais en vrai, ça vous donne la chair de poule.
Jamais je n'affamerais pour rentrer dans un vêtement. Des malades ! Genre avoir la peau sur les os, c'est la mode !?
Quelle blague !
Tout en mangeant, les propos d'Edna me revenait sans cesse.
Ces vertiges ont commencés depuis lundi. Ils n'étaient pas fréquents et ne duraient que quelques secondes mais là, cette voix qui m'avertit d'un danger et cette vision ... il est vrai que c'est étrange.
— Billie ? Tu penses encore à ces ambulanciers ?
Je soupire et apporte ma paille à ma bouche pour aspirer quelques gorgées de mon jus de fruits.
Je réfléchis à ce que je dois lui dire. Il est certain que je dois d'abord en parler à Edna.
— Oui, menté-je avec le sourire. Franchement, tu n'as pas assuré Amiri. Tu aurais dû leur demander leurs numéros. Ils avaient l'air sympa. Ils ont même fait la discussion !
Elle ricane en plongeant sa frite dans la sauce barbecue.
— Tu crois que je vais en draguer un alors que tu étais rose comme un petit porcin ?! Aucune chance ma chère ! Notre relation aurait comme début ta rencontre et ton visage donc non.
— Alors ça, c'est très méchant Amiri ! J'aurais pu mourir ! m'exclamé-je.
— Eh bien, j'aurais pleuré le jour de ton enterrement, j'aurais été déprimée quelques temps et j'aurais repris ma vie hein ! Qu'est-ce que tu veux que je te dises ?! Jamais, je ne m'arrêterai de vivre pour un mort. Même si je l'aime de tout mon cœur, sourit-elle. Comme toi !
— C'est ça, rattrape-toi ! Yeux bridés va !
— Quelle insulte raciste et enfantine ! rigole-t-elle. Allez ma chère Billie, on va se rattraper vendredi soir, promis.
Elle me fait un clin d'œil avec son sourire malicieux.
— D'accord. Je suis impatiente d'être à vendredi.
— Moi aussi. Ça fait vraiment longtemps qu'on ne s'est pas retrouvé toutes les cinq.
— Entièrement d'accord, alors on doit être au top du top !
Je lui souris et continue de déjeuner sans oublier ce qui m'est arrivé cette après-midi.
*
Quand Edna rentre à la maison, elle a l'air préoccupé, mais elle me salue tout en balançant son blouson sur le canapé avant de s'y affaler.
Je décide de ne pas entrer dans le vif du sujet directement.
Laissons-là décompresser ...
— Tu prépares quoi ? me demande-t-elle après plusieurs minutes en regardant son téléphone.
— Une salade, répondé-je. Elle est prête dans quelques minutes.
Elle ne dit rien et soupire.
Je la vois fermer les yeux et s'assoupir puis je ramène les deux assiettes sur la table basse.
Elle ouvre les yeux et se redresse.
— Merci Billie. Je n'aurais pas eu la force de cuisiner.
Elle prend son assiette et la fourchette.
— Alors ta journée ? Tu as écris ? Tu es partie à l'église ? commence-t-elle à m'interroger.
— Arrête de croire que l'église est mon nouveau refuge et oui, j'ai passé une journée assez agréable. Je suis partie me promener avec Amiri.
— Traduction : on a fait du shopping, pouffe-t-elle. Et tu as écrit ?
— Tu t'intéresses à ça ?
Edna m'a toujours soutenu dans tout ce que j'entreprenais et vice versa, même si ce n'était pas la meilleure voie à prendre.
Elle adorait me dire que de nos erreurs de parcours, on apprenait aussi. Alors, se tromper, ce n'était pas si dramatique. Alors, lorsque j'avais décidé de faire des études littéraires, elle m'avait soutenu à fond, même si nous savions toutes les deux que le secteur était bouché.
Quant à moi, je l'avais soutenu pour devenir policière.
À vrai dire, elle était faite pour ça.
Depuis toute petite, elle adorait défendre les plus faibles, venir en aide à tout le monde et essayer d'éradiquer le plus de méchants possibles.
Bien sûr, elle avait conscience que le bien et le mal étaient l'équilibre de notre planète.
Elle me dévisage donc à ma question et recommence à manger.
— Je suis ton premier supporter, Billie ! Alors oui, je m'y intéresse même si ton ... ton truc de miracle, je n'y crois pas trop. Mais si tu deviens riche, il va de soit que je le devienne puisque je serai encore avec toi ! Je pourrais même être ton garde du corps pour tes déplacements, dit-elle avec le sourire.
— Espèce d'escroc ! m'esclaffé-je.
— Ça s'appelle assurer ses arrières, nuance. Alors ?
— Non, je vais écrire plus tard parce qu'il m'est arrivé, quelque chose d'étrange, répondé-je. Mais d'abord, raconte avec Elliott. Alors ? Tu l'as menacé sans couteau ?
Elle s'arrête quelques secondes de manger et dit :
— Il attend ma réponse pour vendredi, grommelle-t-elle, irritée. Et ce petit con, il a utilisé la carte de l'aide. Genre, je dois aller à sa rescousse. Ce bâtard sait que je suis une personne qui aime aider Billie ! Et je ... je me sentirais mal si je ne le fais pas et ça m'énerve.
— Il te connait bien quand même, pour des anciens ennemis, sous-entendé-je.
— Crois-moi que je le déteste ! clarifie-t-elle. Il ne mérite pas mon aide, mais vraiment pas.
— Mais moi, je la mérite ! déclaré-je. Et si tu veux être riche avec moi, va à ce dîner. C'est bon ! Ce n'est pas la mer à boire non plus. Tu souris faussement, tu rigoles comme une idiote et tu lui fais des petits gestes affectifs.
— Argff. Juste au fait d'y penser, ça me donne le frisson, Billie. Il m'a tellement déçu. Je ne peux pas oublier comme ça tout ce qu'il m'a dit. Quand je le vois, j'ai à chaque fois envie de lui cracher au visage.
— Oui bah ça, on le sait que tu vas lui en vouloir pour les 150 prochaines années, répliqué-je. Bref, vas-y pour moi. Ça va beaucoup m'inspirer. Je te jure que c'est nécessaire pour moi.
Elle leva les yeux peu convaincue de mes propos.
— Je t'assure que c'est la vérité, Edna !
— J'y réfléchis. Ne me mets pas la pression. Et y aller prouverait que je suis la fille la plus gentille de la planète !
— Mais Dieu te voit et c'est ce qu'il y a dans ton cœur et dans ta tête, alors ta fausse gentillesse envers Elliott n'est pas valable auprès du Seigneur, rétorqué-je fière de moi.
Elle me dévisage tandis que je ris.
— Va te faire foutre Billie. Si c'est pour que je me sente mal, ça ne marche pas. Bon, raconte-moi ton truc étrange que je rigole un peu.
Je termine mon assiette et la pose sur la table.
Je tape dans mes mains, prête à me lancer dans mon récit.
— Ok. Alors, j'étais chez Zara avec Amiri ...
— À croire que vous n'avez pas assez de vêtements ..., me coupe-t-elle.
— C'est tout à fait ça, la coupé-je en retour, bref, on passe en caisse et ... mon bras a commencé à me faire mal.
— Il te fait toujours mal ? 'fin moi aussi un peu. D'ailleurs, je dois te dire qu'un connard de serveur qui m'a foncé dessus au contraire de toi.
Je m'apprête à enchaîner mais je m'arrête.
— Quoi ? Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?
— Tout ... est arrivé si vite et quand tu me l'as dit, hier, je pensais que c'était juste une coïncidence puis toi, c'était un potentiel client et moi, un serveur. Et j'étais au café avec Marilyn puis elle est partie avant moi. Je suis restée un peu et quand je m'apprête à partir, un serveur me fonce dessus. Je suis tombée comme une idiote. Et depuis, j'ai un peu mal au bras.
— Quelle coïncidence ! m'exclamé-je.
Edna fronce les sourcils puis elle se lève pour prendre un bloc note et note frénétiquement.
— Ce n'est pas une coïncidence, Billie. Quelque chose cloche, dit-elle très sérieuse. Il était quelle heure ?
— Je ne souviens plus. Peut-être 10 h 30 voire 11 heures.
Elle fronce les sourcils et écrit à nouveau.
— Il était comment ce type ?
— Il portait une capuche et il était habillé d'un veste noir et d'un jean noir. Je n'ai pas vu son visage. Je te l'ai déjà dit ça.
Elle hoche la tête et écrit à nouveau.
— Moi aussi, je n'ai pas vraiment vu le visage du serveur. Il est parti si vite et ... je me remettais de ma chute. Puis, c'est une serveuse qui est venu m'apporter des serviettes.
On se fixe longuement et elle ajoute.
— Et moi aussi, c'était entre 10 h 30 et 11 heures.
Elle réfléchit tout en regardant dans le vide.
— Puis, on rentre et tout se passe normalement jusqu'à l'apparition du « pop-up » qui nous délivre un message. On voit ces images et on s'effondre une main sur le bras, imite-t-elle tout en parlant toute seule. Ensuite, j'apprends que le « pop-up » a été installé sur ton histoire et a été programmée à distance pour pouvoir être enclenché à distance.
Elle se lève d'un bond et commence à faire des aller-retours devant moi.
Je décide de poursuivre mon histoire.
— Edna, j'ai fait un malaise en magasin. Mon bras a commencé à me faire mal lorsque je me suis approchée de la caissière puis dans ma tête, une ... une voix est apparue et ... elle disait « Danger ! Danger ! », puis j'ai regardé cette caissière et j'ai vu qu'elle était tueuse à gage, Edna ! Tueuse à gage comme dans les films ! Et j'ai perdu connaissance sous le choc.
Elle se stoppe, lève son regard vers moi et pose une main sur son front, préoccupée.
— Tu es vraiment sérieuse ?
— Oui ! Je ne mentirais pas dessus. Ça a commencé avec des vertiges depuis hier. Tu as des vertiges ?
— Non, répond-t-elle, mais ... mais ... ce n'est absolument pas normal, Billie. Tout ça a à un lien. J'en suis certaine !
Elle pose ses deux mains sur sa tête et s'exclame :
— Tu as dit une tueuse à gage ? Une petite voix ?
— Oui ! C'était troublant ! Ça m'a fait peur et je n'ai pas cessé de penser à ça depuis. Tu as donc peut-être raison. Ce n'est peut-être pas une réponse de Dieu à mes prières et on va peut-être mourir !
— Arrête de dramatiser, dit-elle en roulant des yeux. Il faut que je trouve le lien entre le « pop-up », notre douleur au bras, ces inconnus étranges et tes visions.
— Je peux t'aider ...
— Tu vas le faire ouais ! Billie, on ne doit en parler à personne.
— Pourquoi ? J'en ai déjà parlé au Prêtre de ce qu'il nous arrive ...
— Il a dû te prendre pour une cinglée donc ce n'est pas un problème. Si tu vas le voir, parle-lui de tout ce que tu veux, mais ça doit rester entre nous. Ce « pop-up », c'est l'une des personnes de notre entourage qui l'a inséré dans ton ordinateur. Ça veut dire que cette personne a une longueur d'avance sur nous.
— Tu me fais légèrement peur, Edna, lui confié-je.
Je la fixe, son visage est vraiment un air grave comme si elle craignait pour nos vies.
Sa façon de parler et de réfléchir me foutait la frousse. Les trucs d'action, j'adore ça, mais à la télé, en livres ou au cinéma mais je ne veux certainement pas le vivre.
Elle était habituée à l'adrénaline et aux affaires louches mais certainement pas ma personne.
— Ne dis rien et je te tiens au courant. D'accord ?
— Ouais, répondé-je simplement.
Elle récupère son bloc note, sa veste et son téléphone avant d'aller dans sa chambre.
Je me retrouve seule avec mes incertitudes depuis cette clarification de la situation.
Quelqu'un nous voudrait-il du mal ? Ça serait vraiment quelqu'un de notre entourage ?
Tout ça me disait rien qui vaille. Absolument pas.
Cependant, je me décide à écrire.
J'avais ce besoin soudain de tâcher cette page Word qui me narguait. Même si mon ordinateur était peut-être piraté et surveillé en ce moment même, je souhaitais que notre personne cachée sache ce que je pense à cet instant.
Edna et moi, aurons des réponses tôt ou tard.
La vérité finit toujours par éclater.
***
« La vérité, une fois révélée aux concernés, n'est jamais bonne à entendre. La vérité explose au visage et peut faire bien plus mal que toute trahison. Surtout lorsque cette vérité est révélée par l'un de vos proches. La vérité est un poison que beaucoup pense juste à révéler et à exposer ... mais pensez-vous aux conséquences désastreuses qu'elle peut créer la vérité ? Croyez-moi, la vérité connait parfaitement son rôle de semeur de zizanie ... ou de chaos au sein de votre vie ». JFL
***
Edna Fall
Durant toute ma matinée du jeudi, j'ai bossé comme une malade à aider les autres pour résoudre leur affaire.
Même lorsque Cassandra et Marilyn ont joué les curieuses durant le déjeuner, j'ai répondu vaguement, qu'Elliott voulait s'excuser.
Les filles y ont cru, mais Gideon était resté perplexe. Néanmoins, il n'avait rien dit et c'était mieux ainsi.
On avait réussi à retrouver la mère qui avait abandonné son enfant et nous avions arrêté le pédophile qui allait attaquer ce soir.
J'avais évité Elliott comme la peste.
J'avais beau sentir ses regards persistants sur moi, je n'avais pas cédé à la pression.
Sa réponse, je ne l'avais pas encore.
Ma rancœur envers lui est tellement immense que lui venir en aide, c'est comme si ... je lui pardonnais tout ce qu'il avait fait et je ne veux pas.
D'une autre part, le fait que Billie ait besoin de ce dîner pour écrire, même si ce n'est pas nécessaire selon moi et que le père d'Elliott était un informaticien assez avancé me tentait.
En échange de mon rôle d'actrice, peut-être que le père d'Elliott pourrait m'éclairer sur ce « pop-up ». Cette histoire de « pop-up » m'a tourmenté toute la nuit.
Et ça se faisait clairement ressentir sur mon état car j'étais fatiguée, je ne parlais pas beaucoup et je me réfugiais dans mon travail.
Il fallait qu'on retrouve ce dealer de drogue, mais Tammy n'avait toujours pas d'information et demain, nous aurions notre nouvelle affaire, alors j'avais beaucoup à faire et cette histoire m'inquiétait sérieusement.
J'avais encore du mal à trouver le lien, mais je savais que je le trouverai.
Oui, tout a un lien. Tout ça ne nous était pas arrivé par hasard.
Cette personne connaissait nos habitudes. C'est pour ça que cette personne à décider d'attaquer ce lundi. Billie et moi prenons souvent notre boisson chaude entre 10 heures et 11 heures qu'on bosse ou pas. Même en week-end, on sortait le prendre dans le café du coin. Étrange, je sais mais on le faisait depuis des années.
Oui, cette personne avait apprise nos habitudes et ça me faisait peur. Parce que notre panel de suspect était large. Vraiment large.
Et je n'ai pas envie d'entrer dans une psychose pour rien.
Lorsque je me décide de rentrer après cette longue journée où toute l'équipe avait travaillé ensemble, je m'en vais pour souhaiter une bonne de soirée au Chef Taylor qui est encore dans son bureau.
Tout le monde est rentré et je suis la dernière.
Du coup, je n'ai donné aucune réponse à Elliott, alors ça veut dire qu'il a peut-être changé d'avis et je m'en réjouis.
— Il était temps que tu partes, me taquine-t-il gentiment.
— Oui mais je voulais finir ce rapport. Bref, à demain Anthony.
— À demain.
Je m'apprête à fermer la porte de son bureau lorsqu'il m'interpelle.
— Oui ?
— Merci de faire l'effort de travailler avec tout le monde. Je sais que tu préfères bosser en binôme avec Gideon et d'ailleurs, vous faites de l'excellent boulot à deux, mais en équipe, vous êtes plus efficace et c'est mieux.
— Ouais, dis-je simplement. Allez, je suis crevée, je m'en vais. Salue ta famille de ma part.
— Je le ferai.
Je lui lance un léger sourire et je ferme la porte puis descends.
Je salue ma très chère Cassandra avec un geste de la main et quitte le poste.
Une fois dehors, je tourne ma tête vers la droite et la gauche, automatisme que beaucoup ont, lorsqu'ils sortent d'un lieu et à ma droite, je vois Elliott appuyé contre sa voiture.
Fais chier ! Moi qui pensais avoir la conscience tranquille ...
Je ferme les yeux et marmonne un « c'est pas vrai ! ».
Il se redresse et je souffle d'exaspération.
Je décide de faire comme si je ne l'avais pas vu mais il se poste face à moi et me bloque le chemin.
— J'aimerais rentrer chez moi, Elliott. Ça a été une journée longue et éprouvante et je ne rêve que de dormir, expliqué-je en évitant tout bonnement son regard qui se voulait suppliant.
— Tu m'as évité toute la journée. Je n'ai pas eu de réponse, Edna.
— Dis à ta mère que je suis malade ! Ou dis-lui la vérité ! m'exclamé-je.
On se fixe du regard quelques secondes et je croise les bras, mécontente.
Il est lourd à la fin.
— Qu'est-ce que tu veux ?
— Quoi ?
Je le toise avec surprise et il soupire.
— Si tu veux de l'argent, je te le passe. Dis-moi combien tu veux, Edna.
— T'es un idiot, Elliott ! répliqué-je avec virulence après lui avoir donné une tape sur le torse. On ne m'achète pas avec de l'argent, je ne suis pas ce genre de personnes ! Tu as une perception de moi totalement erronée. C'est aberrant ! Nan mais j'hallucine ! ricané-je, nerveusement.
Je ne sais pas comment je fais pour rester calme mais je le suis.
La fatigue doit beaucoup jouer dessus parce qu'en temps normal, je lui aurais décollé un pin dans la figure pour cette proposition indécente selon moi.
Si certaines personnes pouvaient être achetées avec de l'argent, ce n'était pas mon cas. Mes parents ne m'avaient pas éduqué comme ça.
— Excuse-moi, soupire-t-il, mais ... tu ne me rends pas la tâche facile ! m'accuse-t-il.
— À qui la faute !? Aies des couilles, Elliott, bon sang ! C'est toi le menteur ici, certainement pas moi.
Il m'observe longuement puis il décide de se décaler pour me laisser passer.
— Les gens bons n'aident pas forcément tout le monde. Ils choisissent, jugent et décident qui pourra bénéficier de leur grande aide, déclare-t-il. Et c'est injuste, Edna.
Je lève les yeux, excédée.
— Mec ! Je n'ai pas la force de crier et de te boxer pour ce que tu viens de dire, parce que je suis fatiguée, mais ce qui est injuste, c'est ton comportement abjecte. Je ne vais pas te taper la bise et t'appeler « Elliott mon ami » tout de même !? Réalise que ton comportement est responsable de ma réticence à t'aider.
— Réticence ? Tu hésites alors ?
— Oui, admeté-je. J'hésite par rapport à ma meilleure amie jeune écrivaine en herbe. Ce dîner l'inspirait apparemment, avoué-je.
— Eh bien, fais-le pour ta meilleure amie ! Pas pour moi dans ce cas. Si ça peut l'aider, aide-là.
— Oui mais du coup, je t'aide, lui fais-je remarquer.
— Ne joue pas sur les mots, Edna. Je te dégoûte, tu me hais, tu as envie de m'étriper etcétéra etcétéra, mais moi, j'ai besoin de ta présence rien que pour deux heures. Après, je dirais à mes parents la vérité...
— Tu ne leurs diras pas la vérité Elliott, le coupé-je. Tu vas leur mentir en disant qu'on a rompu.
— D'accord, je l'avoue mais avant ça, je dois rendre mon histoire crédible au moins une fois. Puis, ma mère ne fait que de me parler de toi depuis l'autre fois ! S'il te plait. Fais-le pour elle aussi. Elle n'est pas comme moi, je t'assure.
— Ah ça, c'est clair ! ris-je nerveusement. Ta mère est folle !
Il me regarde avec ce regard qui signifie que je suis allée un peu trop loin dans mes propos.
— Je ne dis que la vérité alors ne te vexe pas. Par contre, tu lui diras que ses gâteaux étaient très très bons et je te ramène le Tupperware, demain. Ça m'est sortie de la tête.
— Oui, elle est une peu excentrique mais c'est ma mère. Et tu lui diras toi-même demain. Allez Edna ! Enterrons la hache de guerre.
Je soupire, tape du pied, rumine dans ma tête tandis qu'il me répète ses arguments pendant cinq minutes où je pèse le pour et le contre.
— Bon. Tu as gagné, capitulé-je avec un soupir.
— Oh Merci Edna ! Merci !
Il s'approche de moi dans la tentative de me prendre dans ses bras, mais je l'arrête tout de suite.
— Mettons les choses au clair : les gestes comme ça, tu ne le fais pas. Tu restes à une distance respectable. Tes lèvres n'entrent pas en contact de ma peau, c'est toi qui te charge de répondre aux questions sur notre relation et moi, je confirme parce que je ne sais pas quelle connerie tu as raconté et je ne veux pas apprendre ce que tu aimes ou pas. Ce n'est pas mon problème. De plus, je ne reste vraiment que pour deux heures car je sors avec mes amies. Tu m'envoies l'adresse de tes parents et tu m'attendras.
— Ça ne me gêne pas de venir te chercher ...
— Non, c'est bon. J'ai ma voiture.
— Bien. Autre requête ?
— Non. Préviens tes parents en leur disant de ne pas me mettre dans une situation embarrassante, est-ce clair ?
— Oui. Tu es allergique à quelques choses ou tu ne manges pas certaines choses en particulier ?
— Qu'elle fasse du poisson et du saumon de préférence, répondé-je.
Il secoue la tête avec un sourire en coin.
— Ne fais pas ça. Je te rends un grand service là ! lui rappelé-je.
— J'en ai conscience, Edna, sourit-il davantage. Merci. Je savais que tu n'allais pas m'abandonner.
— Ne fais pas ça non plus. Je serai capable de te laisser en plan demain.
— Je vais me tenir à carreaux, compte sur moi.
— OK. Ah, et j'oubliais, je pourrais te passer la semaine prochaine l'ordinateur de mon amie, ce pop-up m'intrigue et si ton père pouvait y jeter un coup d'œil.
— Bien sûr ! Je t'emmènerai où il travaille pour que tu vois toi-même qu'il ne dirige pas la compagnie.
Je lève les yeux encore une fois. Cette réplique l'a vraiment piqué concernant son père.
— Bon, à demain alors, conclus-je.
— À demain, Edna.
Je lui jette un dernier coup d'œil avant de m'en aller vers ma voiture garée quelques mètres plus loin.
*
— Ton Latte Edna Sunshine.
Je prends le gobelet que me tend Gideon qui vient d'arriver avec les autres gars et le remercie.
J'évite son regard, alors que je le sens peser sur moi. Je sens qu'il veut me parler, mais il ne le fera pas pour ne pas me brusquer.
Naaan, en fait, il attendait juste le bon moment pour me demander ce qu'il se passe avec Elliott.
Et cela, ne va pas m'aider car je suis légèrement stressée par le « dîner » de ce soir.
Évidemment, Gideon n'est pas au courant de ce dîner et étrangement, je me sens mal de ne pas lui dire. C'est mon plus fidèle ami ici et ouais ! Je n'aime pas lui mentir. Je tiens tellement à lui.
De plus, hier soir, j'ai annoncé la nouvelle à Billie qui a sauté de joie et qui s'est mise à me chanter « I will always love you » de Whitney Houston avec sa voix merdique pour me montrer à quel point elle était heureuse de mon choix.
Puis, par la suite, elle m'avait révélé qu'elle l'avait dit aux filles et qu'elles viendraient toutes pour un « before » avant notre soirée.
Elle avait ajouté qu'elles me réservaient une surprise et ça, ça me faisait carrément flipper.
Surtout si Billie et Amiri étaient à la tête de la surprise. Ces deux-là étaient cinglées. Mirah était plus posée comme moi et Niyati était notre juste milieu. Elle pouvait être toute aussi folle qu'Amiri et Billie, mais elle savait aussi faire la part des choses pas comme les deux autres.
— Edna ?
Je relève ma tête vers Gideon qui tente de sonder mon regard, mais je l'évite soigneusement encore une fois, en feignant d'être intéressée par ma lecture d'un rapport.
Et il s'apprête à parler quant Elliott fait son apparition avec un paquet à la main.
— Salut Edna. J'ai pensé que tu voudrais un muffin ce matin, balance-t-il sans préambule. C'est cadeau.
Il dépose ça sur mon bureau comme si de rien était avant de s'en aller vers son bureau avec le sourire.
À quoi il joue cet imbécile ?
— J'ai raté des épisodes ? lâche Gideon avec un petit rire.
Je hausse les épaules et prends le paquet. Je regarde dedans et y trouve un muffin au caramel et au chocolat au lait.
Comment il sait que j'aime ça ?
Je relève ma tête vers lui et il discute tranquillement avec Victor, l'un de nos collègues.
— Il m'a juste offert un muffin Deon, relativisé-je.
— Ça commence toujours comme ça, bredouille-t-il.
— Il veut se racheter, lui assuré-je car son regard se faisait perplexe.
— T'es certaine qu'il n'y a que ça ? Genre, ça ne me gêne pas qu'il me parle plus souvent, mais il me pose des questions étranges sur toi.
— Ah bon ? Comme ?
— Comme le type de muffin que tu aimes, dit-il.
Je ris légèrement et me lève pour lui embrasser la joue profondément.
Je m'en moque que nos collègues nous regardent. Mais, il a besoin d'être rassuré. Gideon Mitchell est le genre d'être possessif. Et ça ne me gêne absolument pas. Chacun ses défauts.
À vrai dire, ça me fait plus rire qu'autre chose, cette crainte que ces personnes ont de voir la personne à laquelle elles tiennent de s'en aller.
— Je sais que c'est toi le meilleur Gideon. Ici, tu es celui qui me connait le mieux, appuyé-je.
— J'aime quand tu me dis ça Edna Sunshine. Ça me va droit au cœur, sourit-il posant une main sur son torse. Tu n'as pas intérêt à me remplacer.
— Jamais de la vie ! m'exclamé-je. T'es trop dans mon cœur.
— Mon cœur va lâcher.
Je ris doucement.
— Allez ! Faut qu'on s'en aille pour notre nouvelle affaire.
*
— Iris Snow. 26 ans. Morte par strangulation et torture corporelle, annonce le médecin légiste. Les tétons lui ont été arrachés puis déposés dans ce bol numéro 1 ainsi que les parties génitales dans le bol 2. Comme vous pouvez voir, son corps est placé dans un cercle de son propre sang.
— Probablement un rituel macabre, dit Taylor.
Je suis à deux doigts de renvoyer mon Latte et mon muffin face à la scène. Le médecin recouvre son pauvre corps.
Nous sommes avec le Chef Taylor sur les lieux du crime.
Gideon, Elliott et Taylor enfilent les gants qu'on leurs tends.
Moi, je suis dans un état second. Je tremble franchement alors que ça m'arrive rarement, même face à l'horreur d'une scène de crime.
L'odeur de la mort a envahi l'appartement et la pauvre femme est étalée au sol, le corps mutilé et en décomposition.
Et c'est ignoble.
Je pose une main tremblante sur ma bouche quand un vertige me prend. Les gars s'avancent curieux d'en savoir plus.
Je m'appuie discrètement contre le mur et ferme les yeux. Je me retiens de gémir de douleurs lorsque mon bras me lance.
Oh non !
Et là, j'ai l'impression d'être projetée au moment où le crime se déroule.
La jeune femme nue tente d'hurler à la mort tout en se débattant sauf qu'elle a un bâillon. Trois hommes vêtues de noirs la tiennent tout en chantonnant je ne sais quoi avant de déposer des gouttes de sang sur son front, puis l'un d'eux prend une corde et l'enroule autour de son cou avec force.
Je hurle en tendant la main comme si j'étais dans la capacité d'arrêter cette atrocité, mais je suis comme figée. Je ne peux rien faire.
— Edna ?
La présence de Gideon à mes côtés me fait ouvrir les yeux.
Et je me rends compte que cette scène s'est déjà déroulée et qu'il est déjà trop tard.
Tout le monde me regarde et je déglutis.
— Fais là sortir Gideon, ordonne calmement Taylor.
— Non ! Je ... Je vais bien, dis-je. Je vous assure, je ...
— Allez viens.
Gideon me fait sortir même si je lui assure que tout va bien.
On quitte le bâtiment où l'air automnal me fait du bien.
Les voisins curieux tentent de savoir ce qu'il se passe tandis que Deon m'éloigne un peu de toute cette agitation.
Je m'appuie contre un mur et respire des goulées d'air en me demandant ce qu'il m'était arrivé.
Ce genre de vision ne m'était jamais arrivée. JAMAIS ! Et c'était juste si réelle. Comment ça pouvait être possible ?
Aucun cerveau n'a la capacité de voir ce qu'il s'est passé dans le passé sans avoir été présent à cet instant.
C'était tout juste incroyable et improbable !
Je suis en pleine réflexion, alors je sursaute lorsque mon co-équipier pose une main sur mon épaule.
— Excuse-moi. Tiens? un peu d'eau.
Je prends la bouteille d'eau qu'il m'invite à prendre.
Je bois plusieurs gorgées sous son regard inquisiteur. Une fois désaltérée, je croise son regard.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je comprends bien que la scène de crime est glauque et atroce, mais tu ne nous as jamais fait ce genre de crise. Tu nous as fait peur.
— Je sais, soufflé-je. C'est ... Je suis fatiguée, lui fais-je croire.
— Tu es rarement fatiguée Edna, souligne-t-il. Qu'est-ce qu'il se passe ? Si tu as un problème avec Elliott, dis-le moi ! Ce type n'augure rien de bon. Je peux lui régler son compte ! Je ne veux pas qu'il s'en prenne à toi.
Je souris en coin en secouant la tête.
— Il n'est pas le problème, Deon. C'est un problème personnel.
— Personnel ?
Il hausse les sourcils dubitatif. C'est l'excuse la plus pitoyable que j'ai pu lui sortir. En deux ans, je n'avais jamais eu aucun problème personnel. Ma vie est une quasi-perfection.
— Je ...
Mon téléphone se met à sonner et je décroche aussitôt, sauvée par le gong.
— Allô ?
— Hé petite sœur ! Ça fait longtemps.
— Zac !
Sa voix me détend aussitôt.
— Ça va ? Oui, ça fait longtemps. Euh ... je peux t'appeler plus tard ? Je bosse là.
— Bien sûr Mademoiselle la Flic ! Juste passe demain à la maison avec Billie que je vois vos têtes moches là. Vous manquez à ma douce épouse et Jamal.
— Pas de souci. Et nous sommes trop belles pour tes yeux, c'est tout.
— Pff. Allez, à plus tard et fais attention à toi. Sinon, je vais te corriger comme papa dit.
— Je le serai, ris-je. Tu m'as appelé parce que papa t'a raconté en fait, deviné-je.
— Oui, un peu. Je veux tout savoir sur comment tu as failli priver cet imbécile de sa masculinité. Allez, je te laisse. Et salue Deon pour moi.
— Je le ferai. Bye.
Il raccroche et je range mon téléphone.
— Zac te salue.
— C'est gentil de sa part.
— On y retourne ? Je t'assure que je vais mieux.
Je lui donne un tape à l'épaule et ouvre la marche.
Il fallait absolument que je découvre le lien de ce « pop-up » avec tout ce qu'il nous arrive.
Tout a commencé à changer à partir de CE moment.
J'en suis définitivement convaincue. Oui, je vais découvrir ce que ce « pop-up » habituellement nocif pour une ordinateur, nous a fait à Billie et à moi.
***
« Une découverte est toujours quelque chose d'excitant ... Sauf lorsque cette découverte remet en question toute une vie, toute une histoire, toutes les hypothèses fondées sur une idée ou une supposition. Découvrir de nouvelles choses c'est bien, mais à quel prix ? » JFL.
***
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